Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
(Suite)
Cours de Médecine Dentaire
G -
Épulis congénital du
nouveau-né
:
L’épulis congénital est une tumeur gingivale qui est
aussi connue sous le terme de tumeur à cellules
granuleuses congénitale ou tumeur de Neumann.
Les filles sont neuf fois plus touchées que les garçons.
La localisation maxillaire est la plus fréquente
sous la forme d’une tumeur unique ferme
sur la gencive, assez régulière, parfois polylobulée,
pédiculée ou sessile.
Elle est recouverte d’une muqueuse
d’aspect normal.
La taille peut varier de
quelques millimètres à une dizaine de centimètres.
La taille de la tumeur ne semble pas évoluer après
la naissance.
Quelques cas de régression spontanée
ont été décrits par nécrose spontanée probablement
en rapport avec la finesse du pédicule.
L’origine
de cette tumeur est mal définie.
Bien qu’histologiquement
proche des tumeurs à cellules
granuleuses de l’adulte, cette tumeur s’en différencie par une expression antigénique différente :
les tumeurs congénitales n’expriment pas la protéine
S100 et la neuron-specific enolase (NSE)
contrairement à celles de l’adulte.
Elles peuvent être volumineuses et sont alors
souvent diagnostiquées en anténatal.
Le risque hémorragique
(arrachement du pédicule) peut justifier
alors un accouchement par césarienne.
Une
détresse respiratoire aiguë ou des troubles de la
déglutition sont possibles.
Le traitement consiste en une exérèse chirurgicale
a minima qui peut être une simple section du
pédicule.
Le traitement chirurgical est précoce si
cette lésion est volumineuse et occasionne une
gêne à l’alimentation ou à la respiration.
Aucun cas
de récidive n’a été décrit même en cas d’exérèse
incomplète.
H - Dysplasies pigmentaires :
Les nævi, dans leurs différentes formes, peuvent
affecter la cavité buccale.
Ils peuvent être intramuqueux,
bleus, composés, jonctionnels ou combinés.
Un risque de dégénérescence en mélanome est
théoriquement possible
Une distribution nævique muqueuse diffuse à la
muqueuse buccale sur un territoire du trijumeau
est retrouvée dans le nævus fusco-caeruleus
opthalmo-maxillaris d’Ota.
Une atteinte méningée
est le plus souvent associée dans ce cas.
Une atteinte diffuse des lèvres sous la forme de
lentigines est évocatrice du syndrome de Peutz-Jeghers ou du syndrome LEOPARD.
I - Tumeurs nerveuses :
Elles peuvent être isolées (schwannome) ou multiples
rentrant alors dans le cadre des phacomatoses.
Les névromes de la cavité buccale sont fréquemment
rencontrés dans la neurofibromatose (type I)
mais peuvent également être rencontrés dans
l’apudomatose IIb ayant alors une haute valeur
prédictive (carcinomes à cellules C de la thyroïde et
phéochromocytomes).
Ils se présentent dans ce
dernier cas comme de petits névromes myéliniques
des lèvres et de la langue.
J - Autres tumeurs ou pseudotumeurs plus
rares :
1- Tumeurs malignes :
Les tumeurs malignes de la cavité buccale sont
exceptionnelles chez l’enfant.
Les tumeurs d’origine
épithéliale le sont encore plus.
La tumeur
maligne la moins rare est le rhabdomyosarcome (de
type embryonnaire ou alvéolaire essentiellement).
La localisation buccale représente 4 % des rhabdomyosarcomes
du pôle céphalique de l’enfant.
La
tumeur peut être présente dès la naissance.
2- Tératome :
Il s’agit d’une véritable tumeur congénitale formée
de différents tissus qui ne sont pas issus de l’endroit
ou se trouve la tumeur.
Lorsqu’il est suffisamment
volumineux pour faire saillie hors de la bouche du
nouveau-né on parle de tératome épignathe.
Bien
que cette lésion soit exceptionnelle, elle présente
un caractère de gravité quand elle est volumineuse
pouvant entraîner une obstruction totale de la filière
aérienne.
Le diagnostic anténatal et la documentation tumorale par IRM foetale permettent une
prise en charge chirurgicale dès la naissance après
les premiers gestes de réanimation.
3- Nævus sébacé et syndrome
de Schimmelpenning :
De grande fréquence, le nævus sébacé de Jadassohn
affecte cependant rarement la cavité buccale.
Dans ce dernier cas, la lésion est le plus souvent
étendue et affecte aussi bien la peau labiale que la
muqueuse buccale.
Elle peut rentrer alors dans le
cadre d’une phacomatose : le syndrome du nævus
linéaire (syndrome de Schimmelpenning-Feuerstein-Mims) associant nævus sébacé, malformation cérébrale
avec retard mental et épilepsie, anomalies
ophtalmologiques, cardiaques...).
4- Botryomycome (granulome pyogénique)
:
Cette lésion a pour origine un traumatisme de la
muqueuse buccale responsable d’une prolifération
conjonctive exagérée.
La lésion apparaît le plus
souvent pédiculée, molle, inflammatoire.
Elle saigne
volontiers au contact.
On peut en rapprocher le granulome de Riga-Fede (granulome éosinophile
traumatique) qui correspond à une tuméfaction
inflammatoire située au niveau du frein lingual.
Celle-ci est en rapport avec un traumatisme récurrent
occasionné par les incisives inférieures.
Cette
lésion peut se rencontrer chez le nouveau-né présentant
des dents natales.
5- Lipome :
Rares et parfaitement bénignes, ces lésions sont
plus fréquemment retrouvées au niveau du plancher
buccal.
La forme et la coloration jaune sont
très évocatrices.
Seul le profil évolutif permet de
différencier lipome et hamartome graisseux.
6- Kyste dermoïde :
Présent dès la naissance, cette lésion est située le
plus souvent sur la ligne médiane au niveau du
plancher buccal.
Elle va augmenter de taille lentement
et progressivement pour ne paraître symptomatique
que dans la 2e ou la 3e décennie.
Elle
correspond à une anomalie de fusion du premier ou
deuxième arc branchial.
Le traitement est chirurgical.
7- Kyste branchial du premier arc :
Présent le plus souvent à la naissance, il peut se
manifester cliniquement plus tardivement.
Le plus
souvent visualisé sous la forme d’une tuméfaction
sous-maxillaire, une localisation endobuccale au
niveau du plancher est possible.
8- Myofibromatose infantile
:
La localisation à la cavité buccale est possible
(essentiellement localisation linguale).
Elle peut
être de forme uni-, multiloculaire ou généralisée.
Les formes uni- ou multiloculaires ont le plus souvent
une résorption spontanée.
9- Xanthogranulome juvénile
:
La localisation endobuccale est possible, prenant
alors un aspect papillomateux.
Le diagnostic est
histologique, le plus souvent sur examen de la pièce
d’exérèse.
10- Hyperplasies gingivales :
L’hyperplasie gingivale congénitale est rencontrée
dans l’hyperplasie gingivale diffuse héréditaire,
dans la fibrohyalinose juvénile et dans l’histiocytose
X congénitale.
L’hyperplasie gingivale inflammatoire est rencontrée
après éruption dentaire.
Elle peut avoir
une origine iatrogène (hydantoïnes, ciclosporine)
mais elle doit, dans tous les cas, laisser évoquer le
diagnostic de leucémie aiguë (essentiellement monocytaire
ou myélomonocytaire).
Diagnostic différentiel
:
Le diagnostic différentiel s’établit avec les pathologies
suivantes :
• les kystes d’éruption dentaire.
L’éruption dentaire
des dents lactéales ou définitives peut
être précédée du gonflement du sac péricoronaire
de la dent concernée.
Cela est particulièrement
rencontré lors de l’éruption des molaires.
La gencive présente une tuméfaction de
coloration bleutée d’environ 1 cm de diamètre.
La tuméfaction est régulière, de coloration
bleutée caractéristique.
Le diagnostic est
purement clinique.
La rupture spontanée du
sac péricoronaire conduit à l’éruption de la
dent ;
• la macroglossie du syndrome de Wiedemann-
Beckwith et l’hypertrophie linguale dans la
neurofibromatose de type I ;
• les tumeurs osseuses et dysplasies fibreuses,
torus palatin, exostoses ;
• le cal de succion ;
• l’hypertrophie bilatérale des boules de Bichat.
Conclusion
:
Bien que le diagnostic des tumeurs ou dysplasies
tumorales de la cavité buccale de l’enfant soit le
plus souvent clinique (kystes épithéliaux, kystes mucoïdes, papillomes, hémangiomes...), il peut
être nécessaire de recourir à des explorations complémentaires.
Ces dernières (en particulier l’IRM)
permettent de préciser le diagnostic ou l’extension.
En cas de doute, seule l’exérèse suivie d’un
examen anatomopathologique fournit le diagnostic
de certitude.
Une extension rapide associée à des limites mal
définies doit toujours pouvoir faire redouter une
tumeur maligne (sarcomes embryonnaires essentiellement).
La présence de certaines lésions de la cavité
buccale peut avoir un intérêt prédictif.