La déglutition est un processus actif à la fois volontaire et
réflexe permettant le transfert des aliments de la bouche
vers l’estomac tout en protégeant les voies respiratoires.
Elle est classiquement divisée en trois phases : orale,
pharyngienne et oesophagienne.
Diagnostic positif
:
A - Interrogatoire :
1- Caractériser le symptôme
:
Il précise le niveau de la gêne : dysphagie haute ou
basse, mode d’installation brutal ou progressif, mode
d’évolution (aggravation continue progressive, initiale
pour les solides et progressive pour les liquides, paradoxale
pour la salive et non pour l’alimentation solide).
2- Préciser s’il existe des antécédents
:
Ils permettent d’orienter le diagnostic étiologique
en précisant l’existence d’une pathologie néoplasique
ORL ou oesophagienne, ou d’une maladie neurologique.
3- Rechercher des signes associés
:
• Une pathologie obstructive ORL est évoquée en cas
de dysphonie, otalgie, odynophagie, gêne respiratoire,
apparition d’une masse, d’une douleur, d’un hoquet).
• Une pathologie neurologique est évoquée en cas de
maladresse linguale, ptôsis, fausses routes nasales ou
trachéales avec toux à la déglutition, nasonnement.
4- Rechercher des facteurs de risques
:
On retiendra une intoxication alcoolo-tabagique ; un
reflux gastro-oesophagien.
5- Rechercher des signes de gravité
:
Il s’agit d’un amaigrissement important, d’un antécédent
de pneumopathies d’inhalation.
B - Examen clinique :
1- Appréciation du retentissement de la dysphagie
sur l’état général :
C’est le premier temps de l’examen car il permet de
préciser la sévérité du trouble.
• La perte de poids et la présence d’un pli cutané
caractérisent les dysphagies graves.
À l’opposé, l’absence
d’amaigrissement traduit la mise en place spontanée de
processus compensateurs.
• Des infections pulmonaires récidivantes orientent
vers des fausses routes trachéales. La pneumopathie
d’inhalation est le plus souvent à droite. Elle peut
aboutir au décès du patient.
2- Examen
:
• L’inspection comprend l’analyse de la statique de la
tête et du cou, la recherche d’une amyotrophie musculaire
au niveau du sterno-cléido-mastoïdien et (ou) du
trapèze, l’existence d’une cicatrice cervicale, la présence
d’une masse cervicale.
• L’examen de la cavité buccale et de l’oropharynx,
accessible à tout médecin, précise : la qualité de la
fermeture labiale (bavages) ; l’état dentaire et éventuellement
la qualité de l’adaptation prothétique ; les mouvements
de l’articulation temporo-mandibulaire, de la
langue, du voile du palais ; l’état de la muqueuse
(trophicité, sécheresse, lésions de surfaces) ; l’existence
d’une masse ou d’une ulcération suspectes au niveau de
la langue, du plancher de la bouche, de la région amygdalienne
ou du voile. La palpation de cette lésion
note la dureté et le saignement au contact, signes
évocateurs de malignité.
• L’examen du cou, outre l’existence de cicatrice, doit
rechercher la présence de masses développées aux
dépens des ganglions et (ou) de la glande thyroïde.
La
qualité de l’ascension laryngée est appréciée lors d’une
déglutition salivaire.
• L’examen ORL fait par un spécialiste à l’aide de
moyens optiques adaptés (fibroscopie, optiques grossissantes)
recherche l’existence d’une tumeur maligne de
la cavité buccale ou de l’oropharynx ; évalue les praxies oro-bucco-faciales (mouvements et sensibilité des
lèvres, des joues, de la langue et base de langue) et
recherche des mouvements anormaux (tremblements,
fasciculations) ; la dynamique du voile du palais et
de la paroi postérieure du pharynx ; l’état du larynx
et de l’hypopharynx tant dans leur morphologie (absence
ou présence d’une masse) que dans leur dynamique
(paralysie ou non d’une corde vocale, fermeture ou
ouverture d’un sinus piriforme) ; la voix (timbre et
intensité) ; l’importance d’une stase salivaire au niveau
de la bouche, des vallécules ou des sinus piriformes ; le
bon fonctionnement des différents muscles innervés par
les dernières paires crâniennes, la qualité du réflexe
nauséeux et du réflexe de toux ; la déglutition dans
ses phases orale et pharyngée avec la prise d’aliments
solides, pâteux et liquides contrôlée par nasofibroscopie.
C - Examens complémentaires :
La demande de ces examens est orientée par les données
de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
1- Radiographies simples
:
• Des parties molles du cou : recherche un corps
étranger radio-opaque, une déviation de l’axe laryngotrachéal (gros goitre ou goitre plongeant), une
image hydro-aérique d’un laryngo-pyocèle ou, plus bas
situé, un diverticule volumineux.
• Du thorax de face et de profil : recherche d’un élargissement
du médiastin, d’un déplacement trachéal,
d’un gros hile ou d’une image de pneumopathie droite
en particulier.
2- Transit pharyngo-oesophagien
:
Examen fondamental pour les dysphagies dont la cause
n’est pas accessible à l’examen ORL, il fait le diagnostic
(diverticule de Zenker) ou l’oriente précisément (sténoses peptiques ou tumorales ; compressions extrinsèques ;
spasmes étagés ou limités ; anomalies anatomiques).
Il
objective des fausses routes laryngées imposant l’arrêt de
l’examen ou d’autres anomalies associées (hernie hiatale).
Cet examen précède habituellement le bilan endoscopique.
3- Vidéoradioscopie :
C’est un examen radiologique, centré sur la cavité
buccale et le cou.
Il est couplé à l’ingestion d’un
produit baryté liquide, pâteux puis solide.
C’est l’examen de référence pour étudier les dysphagies
hautes.
Il est prescrit lorsqu’on suspecte un trouble
de la déglutition oropharyngée sans pouvoir le mettre
en évidence par l’examen clinique ou la fibroscopie.
Il détermine le mécanisme de la dysphagie et oriente
la rééducation par l’étude des manoeuvres posturales
(rotations et flexions cervicales).
4- Tomodensitométrie et imagerie
par résonance magnétique nucléaire :
Elles ne seront demandées qu’en fonction du contexte
clinique.
5- Manométries
:
Une sonde souple introduite par voie nasale, munie de
capteurs, enregistre les variations de pression au
niveau du pharynx, du sphincter supérieur de l’oesophage
(SSO) et de l’oesophage.
Un analyseur
transforme les variations de pression en un signal
électrique.
Ces mesures sont effectuées pour explorer
les dysphagies d’origine neurologique, associées à
une maladie systémique ou à une pathologie motrice
de l’oesophage.
Le principal inconvénient de cette technique est
l’imprécision de mesure des pressions au niveau
du sphincter supérieur de l’oesophage.
Il est parfois
intéressant de coupler la manométrie à la vidéo
radioscopie.
6- Fibroscopie oesogastrique
:
Premier examen complémentaire à réaliser en cas
de dysphagie basse, la fibroscopie oesogastrique
permet de situer avec précision la hauteur d’une
sténose, son importance, franchissable ou non, sa
nature en permettant la réalisation de biopsies.
Cet
examen peut être couplé à une échoendoscopie,
examen particulièrement intéressant pour le bilan
d’extension pariétale et ganglionnaire médiastinale
des cancers de l’oesophage.
7- Panendoscopie :
Examen obligatoire en cas de dysphagie liée à un
cancer des voies aérodigestives supérieures ou de
l’oesophage car les différentes endoscopies
– laryngoscopie
directe, pharyngoscopie directe, trachéobronchoscopie
et oeophagoscopie aux tubes rigides
–
permettent un bilan complet du carrefour aérodigestif,
de l’axe digestif pharyngo-oesophagien et de l’axe aérien
laryngo-trachéo-bronchique.
Ce bilan est obligatoire compte tenu du risque élevé de
doubles localisations cancéreuses simultanées.
Diagnostic différentiel
:
Au terme de ce bilan clinique et paraclinique, le diagnostic
s’oriente vers l’existence d’un dysfonctionnement
qui peut être de type organique ou fonctionnel.
Sans aucune anomalie objectivée, le diagnostic de
paresthésie pharyngé est évoqué.
La paresthésie pharyngée est une sensation de corps
étranger du pharynx décrite le plus souvent comme une
impression de « boule dans la gorge » lors de la
déglutition salivaire.
Elle est paradoxalement soulagée
par la prise d’aliments et ne s’accompagne d’aucun
amaigrissement.
C’est une plainte extrêmement
fréquente sans substratum anatomique où la somatisation
d’une anxiété (cancérophobie) est souvent rencontrée.
La recherche d’un reflux gastro-oesophagien est
conduite en fonction de la symptomatologie clinique.
Diagnostic étiologique
:
La symptomatologie d’un malade atteint de dysphagie
peut s’exprimer de façon différente selon que la cause
est organique ou dysfonctionnelle.
Avant d’envisager les
différentes causes, il nous a semblé important de préciser
comment l’analyse de la symptomatologie peut aider à
la recherche de la cause.
A - Analyse de la symptomatologie :
1- Blocage des aliments
:
• Causes organiques : si ce blocage évolue de façon
progressive et s’aggrave régulièrement, il oriente vers
une lésion tumorale.
En cas de blocage aigu, il faut
penser à une cause infectieuse ou à un corps étranger.
• Causes fonctionnelles : le plus souvent les blocages dysfonctionnels sont liés à une atteinte neuromusculaire
entraînant au niveau du pharynx une diminution de la
force de propulsion de la base de langue, des muscles
constricteurs, une mauvaise ascension laryngée responsable
d’une difficulté à l’ouverture du sphincter supérieur
de l’oesophage et de stases salivaires sus-jacentes à
l’origine de fausses routes trachéales.
2- Fausses routes
:
• Les fausses routes nasales (encore appelées régurgitations)
sont liées à un défaut de fermeture du voile
lors de la phase orale et entraînent la pénétration des
aliments dans le rhinopharynx et parfois jusque dans les
fosses nasales.
Elles sont souvent associées à des
fausses routes trachéales secondaires par vidange tardive
du contenu du rhinopharynx dans le pharynx sous-jacent
après la déglutition, alors que les mécanismes de
protection des voies respiratoires sont levés.
• Les fausses routes trachéales (encore dénommées
inhalations) correspondent au passage des aliments sous
le plan glottique.
Plusieurs mécanismes sont possibles : avant la déglutition
par mauvais contrôle du bolus dans la cavité buccale
lors de la phase préparatoire et cela est particulièrement
vrai pour les aliments liquides ; pendant la déglutition
par défaut de fermeture du larynx ou par trouble de la
coordination des différents temps de la déglutition ;
après la déglutition par défaut d’ouverture du sphincter
supérieur de l’oesophage responsable d’une accumulation
alimentaire ou salivaire et pénétration laryngée
lors de la reprise inspiratoire (ou par vidange du contenu
du rhinopharynx lors de fausses routes nasales comme
précédemment décrit).
3- Déglutition répétée
:
Mécanisme mis en place spontanément par le patient : il
traduit un défaut de propulsion de la base de langue avec
mauvaise vidange valléculaire et doit faire rechercher un
trouble neuromusculaire.
• La mastication prolongée dont l’origine est double :
centrale, le temps masticatoire est allongé en cas de
trouble de l’initiation du mouvement ; périphérique, il
s’agit soit d’un trouble praxique oro-bucco-facial, soit
d’un mécanisme compensateur mis en place par le
patient pour atténuer une dysphagie aux solides en relation
avec une obstruction sous-jacente.
• La dysphagie douloureuse (odynophagie) est peu
caractéristique dans le cadre d’un syndrome infectieux.
Par contre, elle prend toute sa valeur chez un sujet éthylo-tabagique et doit faire rechercher l’existence
d’un cancer ulcéré.
B - Causes obstructives :
1- Causes tumorales
:
Ce sont les premières à éliminer, qu’elles soient situées
au niveau des voies aérodigestives supérieures ou
de l’oesophage.
Les examens endoscopiques sont la clef
du diagnostic en visualisant la tumeur et en permettant
la biopsie.
• Cancers des voies aérodigestives supérieures : ce
diagnostic doit être soupçonné chez un homme alcoolotabagique
qui se plaint de dysphagie haute, latéralisée,
souvent douloureuse et associée à une otalgie ipsilatérale,
parfois à une dysphonie et à des crachats sanglants.
La
palpation du cou retrouve fréquemment des adénopathies
de siège sous-digastrique, dures, parfois douloureuses,
bilatérales et fixées aux tissus avoisinants.
L’examen met en évidence une lésion le plus souvent ulcéro-bourgeonnante ou infiltrante venant envahir les
régions voisines.
Il s’agit habituellement d’un cancer de
l’oropharynx (région amygdalienne, base de langue) ou
de l’hypopharynx (sinus piriforme).
La biopsie de la lésion est faite sous endoscopie, après
bilan tomodensitométrique de l’axe viscéral et du cou
pour préciser l’extension locale et régionale et classer la
lésion en stades TNM (tumor node metastasis).
Par ailleurs, il est obligatoire, dans ce type de cancer, de
coupler à l’endoscopie lésionnelle une panendoscopie
afin de rechercher une deuxième localisation.
• Cancer de l’oesophage : il s’agit souvent d’un homme
autour de la cinquantaine, alcoolo-tabagique, porteur
d’une dysphagie basse, d’aggravation progressive et responsable
d’un amaigrissement très important.
L’endoscopie complétée par une échoendoscopie et un
examen tomodensitométrique du médiastin confirment
le diagnostic et font le bilan d’extension et d’opérabilité.
La recherche d’une deuxième localisation est, là aussi,
indispensable avant toute décision thérapeutique.
Les tumeurs bénignes de l’oesophage sont rares, le
contexte clinique est différent.
Il faut y penser en cas
d’intégrité de la muqueuse de recouvrement car ces
tumeurs ont un développement sous-muqueux (léiomyomes,
angio-fibro-lipomes, etc.) .
2- Diverticule de Zenker
:
C’est une hernie de la muqueuse postérieure de la
bouche de l’oesophage, au niveau d’une zone de faiblesse
musculaire juste au-dessus du sphincter supérieur de
l’oesophage, consécutive à un défaut de relaxation de
celui-ci et à l’hyperpression pharyngée.
Cette poche
muqueuse, souvent méconnue au début de son évolution,
grossit et comprime l’oesophage sous-jacent aggravant
la dysphagie initiale liée à l’achalasie du sphincter
supérieur de l’oesophage.
Le pic de fréquence de survenue de cette pathologie se
situe autour de 60 ans.
Le diagnostic est évoqué devant 2
signes spécifiques : la régurgitation d’aliments non digérés
à distance de leur ingestion, et l’émission de bruits hydro-aériques lors de la palpation de la base du cou à
gauche au contact de la trachée.
Le diagnostic est fait
par l’opacification barytée qui précise la taille du diverticule
et son degré de compression de l’oesophage.
Sa
cure est chirurgicale, soit par voie endoscopique au
laser, soit par voie cervicale.
Le risque de cancérisation
est faible (1 %).
3- Sténoses non tumorales
:
• Les sténoses peptiques sont parfois le mode de révélation
d’un reflux gastro-oesophagien non traité.
La
symptomatologie est progressive dans un contexte d’oesophagite
par reflux gastro-oesophagien.
Le diagnostic
est fait par le transit baryté qui montre une sténose
régulière axiale en « queue de radis » du tiers inférieur
de l’oesophage.
L’endoscopie confirme le diagnostic,
apprécie son degré de gravité par la biopsie et permet
une première dilatation.
• Les sténoses caustiques constituent une complication
évolutive grave de cette pathologie et doivent êtres
explorées par endoscopie et biopsie car il y a risque
de cancérisation secondaire.
Siégeant au niveau de la
bouche de l’oesophage ou sur l’oesophage thoracique,
elles peuvent se révéler par un blocage total lors de
l’alimentation.
4- Corps étrangers
:
• Dysphagie haute : il s’agit d’une dysphagie aiguë,
douloureuse, incomplète (arête de poisson plantée dans
l’amygdale ou la base de langue). L’examen ORL
permet de voir le corps étranger et d’en faire l’exérèse.
• Dysphagie basse (bouche de l’oesophage) : la dysphagie
est complète (aphagie) et s’accompagne d’une
hypersialorrhée.
L’extraction ne peut se faire que sous
endoscopie.
En cas de blocage bas situé sur loesophage, il faut penser
à un blocage sur sténose.
L’interrogatoire précise la nature du corps étranger et
son heure d’ingestion.
La radiographie des parties
molles du cou et du thorax prend toute son importance
en cas de corps étranger radio-opaque.
Elle met en évidence
des épanchements gazeux, signe de perforation
muqueuse.
5- Sténoses organiques rares
:
• L’anneau de Schatzki est une sténose circonférentielle
du cardia par repli muqueux annulaire de la muqueuse
oesophagienne, se développant juste au-dessus d’une hernie hiatale par glissement.
Les anneaux serrés (< 12 mm)
sont rares, mais peuvent êtres responsables d’une dysphagie
basse douloureuse et capricieuse.
• Le syndrome de Plummer-Vinson ou syndrome de
Kelly-Paterson, exceptionnel en France, s’observe chez
des femmes d’âge moyen.
Il est provoqué par une bride
circulaire, repli membraneux de la face antérieure de
l’oesophage, sous le muscle crico-pharyngien.
Ce syndrome
est parfois associé à une carence en fer, avec anémie
microcytaire et achalasie gastrique.
L’endoscopie doit
être prudente.
La rupture de la bride soulage la dysphagie.
Une surveillance prolongée s’impose.
Un cancer de la
bouche de l’oesophage peut survenir à distance.
• La sclérodermie induit des obstacles oesophagiens
étagés associés à une oesophagite.
6- Sténoses ou obstacles fonctionnels
:
• Le méga-oesophage ou achalasie du sphincter
inférieur de l’oesophage (SIO), également appelé
cardiospasme correspond à une dilatation de l’oesophage
secondaire à un défaut de relaxation du sphincter
inférieur de l’oesophage.
La dysphagie est basse et
peu importante.
Un niveau liquide est parfois visible
sur la radiographie simple du thorax.
Le transit baryté
retrouve une volumineuse dilatation oesophagienne
au-dessus d’une sténose bas située, mise en évidence
sur un examen tomodensitométrique.
• L’achalasie du sphincter supérieur de l’oesophage
est beaucoup plus rare et touche essentiellement les personnes
âgées.
Elle peut être à l’origine d’un diverticule
de la bouche de l’oesophage.
• La maladie des spasmes étagés de l’oesophage provoque
une dysphagie basse, douloureuse et capricieuse.
Elle peut simuler une crise d’angine de poitrine d’autant
que la douleur est soulagée par les dérivés nitrés.
La
manométrie démontre que la majorité des ondes de
contraction sont anarchiques et non propagées.
Le diagnostic
est fait sur le transit baryté qui montre l’aspect
classique en « piles d’assiettes ».
7- Compressions extrinsèques
:
Elles peuvent être d’origine ganglionnaire médiastinale
(cancer pulmonaire, lymphome), cardiovasculaires
(anévrisme aortique, hypertrophie auriculaire, anomalie
d’origine de l’artère sous-clavière droite qui passe en
rétro-oesophagien « dysphagia a lusoria »), thyroïdiennes
(goitre plongeant gauche, cancer indifférencié souvent
alors associé à des troubles respiratoires et à une paralysie
récurrentielle gauche) ou rachidienne.
C - Causes neurologiques
:
Le diagnostic est d’autant plus difficile à faire que la
dysphagie est révélatrice de la pathologie.
1- Maladies dégénératives
:
• La sclérose latérale amyotrophique, pathologie du
premier motoneurone au pronostic redoutable, débute
dans 20 % des cas par une atteinte bulbaire responsable
d’un syndrome labio-glosso-pharyngo-laryngé.
Les
troubles de la déglutition avec fausses routes nasales par
atteinte vélaire, les troubles de l’élocution, et les troubles respiratoires révèlent la maladie sur le plan
clinique.
L’examen clinique est évocateur quand il
met en évidence des fasciculations de la langue sans
atteinte sensitive associée et avec exacerbation du
réflexe nauséeux.
Il faut rechercher une amyotrophie
des interosseux digitaux et demander un électromyogramme.
• Dans la sclérose en plaques, toutes les étapes de la
déglutition peuvent être touchées de façon plus ou
moins réversible en fonction du stade de la maladie.
• Dans la maladie de Parkinson, 50 % des patients ont
des troubles de la déglutition.
L’initiation du mouvement
est difficile, inadaptée et désynchronisée.
• Dans la poliomyélite antérieure aiguë, qui atteint les
motoneurones bulbaires, les troubles de la déglutition
sont inconstants et tardifs.
2- Atteintes inflammatoires : la polyradiculonévrite
de Guillain et Barré
Il s’agit d’une démyélinisation périphérique aiguë d’origine
inflammatoire.
Troubles de la déglutition et troubles
respiratoires mettent en jeu le pronostic vital.
Lorsque la
phase aiguë est passée, la régression des signes se fait de
façon spontanée dans un délai variable.
3- Atteintes des nerfs crâniens
:
• Une lésion au niveau du tronc cérébral entraîne
généralement une atteinte nucléaire multiple.
Il peut
s’agir de lésions vasculaires de type hémorragique ou
ischémique, d’une tumeur ou d’une atteinte posttraumatique.
Les lésions neurologiques sont généralement
multiples.
Le plus souvent sont associés un vertige et
des troubles majeurs de la déglutition.
L’exemple le plus
typique est le syndrome de Wallenberg.
• Les nerfs crâniens sont atteints dans leur trajet avant
ou dans la traversée de la base du crâne ; plusieurs nerfs
sont souvent atteints simultanément et l’atteinte la plus
fréquente est constituée par le syndrome du trou déchiré
postérieur (IX-X-XI) qui associe paralysie vélopharyngée
et troubles sensitifs du carrefour aérodigestif.
Les causes
sont essentiellement tumorales, souvent malignes et
parfois secondaires (tumeurs vasculaires glomiques,
nerveuses, du rocher ou du cavum, adénopathies
malignes cervicales haut situées, envahissement osseux
métastatique).
Le diagnostic est porté par l’exploration de la base du
crâne en tomodensitométrie et (ou) en imagerie par
résonance magnétique.
Ce type de syndrome est également décrit après fracture
de la base du crâne ou dans l’évolution des malformations
de la charnière cranio-vertébrale (syndrome d’Arnold-
Chiari) qui peuvent se révéler par des troubles de la
déglutition.
Souvent, l’atteinte neurologique est polymorphe
(syndrome associé), mais le trouble de la déglutition
peut être isolé et inaugural (atteinte des IXe et
Xe paires crâniennes).
Seule l’imagerie par résonance
magnétique apporte la preuve diagnostique.
• Les lésions nerveuses extracrâniennes/atteintes nerveuses
périphériques donnent des paralysies flasques et
imposent de rechercher une compression de ce nerf tout
le long de son trajet.
Ainsi l’atteinte unilatérale du nerf vague associe
atteintes motrice et sensitive du pharyngo-larynx
homolatéral, responsable d’une dysphonie (hémilarynx
en ouverture en laryngoscopie indirecte) et d’une
dysphagie avec fausses routes laryngées (stase
salivaire dans le sinus piriforme en pharyngoscopie indirecte).
La paralysie du voile par atteinte des IXe et Xe paires
crâniennes se diagnostique cliniquement.
La voix est
nasonnée et le malade est dysphagique avec fausses
routes nasales et trachéales ; à l’examen de la cavité
buccale, le voile est asymétrique et ne se contracte que
du côté sain, de même que la paroi postérieure du
pharynx (signe du rideau).
La cause principale est constituée par les adénopathies
malignes de la partie haute du cou parfois révélatrices
d’un cancer des voies aérodigestives supérieures.
4- Atteintes neuromusculaires
:
• Les dystonies sont des contractions musculaires soutenues
et involontaires.
Dans les formes focales oromandibulaires,
les troubles de la voix et de la déglutition
sont au premier plan.
• La myasthénie est une pathologie auto-immune
induisant des troubles musculaires prédominant au
niveau oculaire (ptôsis, diplopie), facial (diminution des
mimiques) et pharyngo-laryngé (troubles de la voix et
de la déglutition).
Absents au repos, les symptômes
apparaissent à l’effort.
La présence d’anticorps anticholinestérasiques
sanguins et l’électromyographie (diminution de l’amplitude des potentiels musculaires
par stimulation répétée) font le diagnostic.
Le thymus,
organe lymphoïde secondaire, peut être à l’origine de
cette pathologie.
Hypertrophié, il sécrète des anticorps.
Le scanner, sur les coupes thoraciques hautes, visualise
l’hypertrophie de cet organe.
• Les myopathies (héréditaires) et les polymyosites
(acquises) touchent principalement le temps pharyngien
et le temps oesophagien de la déglutition.
D - Causes infectieuses :
1- Oropharynx
:
• L’angine est la cause la plus fréquente des dysphagies
douloureuses et son diagnostic est des plus simples.
En cas de dysphagie totale (aphagie), l’hospitalisation
est indiquée pour mettre en place une antibiothérapie
et une réhydratation par voie intraveineuse.
• Le phlegmon périamygdalien est une infection qui
s’étend à partir du parenchyme amygdalien au travers
de la « capsule » vers l’espace périamygdalien.
Une odynophagie fébrile, d’aggravation rapide, survenant
quelques jours après une amygdalite associée à une
otalgie, un trismus, une voix couverte, est très évocatrice.
Le voile est très nettement asymétrique avec un
bombement important du pilier antérieur, la luette
est oedémateuse et refoulée vers le côté sain.
La présence
de pus lors de la ponction confirme le diagnostic et
l’évacuation de celui-ci améliore très rapidement la
symptomatologie.
2- Larynx
:
• L’épiglottite est une infection bactérienne aiguë
de l’épiglotte touchant principalement l’enfant avant
10 ans ; elle est d’installation brutale.
La clinique est
évocatrice ; l’enfant est bouche ouverte, en position
assise (le décubitus aggrave la gêne respiratoire).
La déglutition est impossible et l’enfant bave.
La
respiration est bruyante, il s’agit d’une dyspnée
laryngée avec stridor.
La voix est couverte et la
toux est claire.
La fièvre est élevée à 39-40 °C et la
palpation du cou retrouve des adénopathies bilatérales
et douloureuses.
Il s’agit d’une urgence médicale dont le diagnostic est
clinique et impose l’hospitalisation.
• La pyolaryngocèle est une surinfection d’une
laryngocèle, c’est-à-dire une poche muqueuse située
dans le vestibule laryngé, développée aux dépens
du diverticule de Zuckerkandl.
Le tableau clinique
associe dyspnée laryngée, dysphagie haute douloureuse
et fébrile, dysphonie avec voix couverte et souvent
tuméfaction cervicale haute parahyoïdienne.
La
laryngoscopie indirecte met en évidence un oedème
majeur du vestibule laryngé de façon unilatérale venant
obstruer la filière respiratoire et imposer, dans certains
cas, une trachéotomie en urgence car l’intubation
est, comme dans l’épiglottite, très difficile.
3- OEsophage :
• L’oesophagite candidosique survient sur des sujets
fragiles (immunodéprimés, corticothérapies, antibiothérapie,
lésion locale préexistante). Elle n’est symptomatique
que dans 50 % des cas.
Lorsqu’elle se manifeste,
c’est l’odynophagie qui domine le tableau.
L’endoscopie
permet le prélèvement des exsudats blancs qui
adhèrent à la muqueuse congestive.
La culture met en
évidence le Candida albicans.
• L’oesophagite herpétique souvent « de novo » peut
survenir dans les suites d’une maladie générale ou d’un
traitement immunosuppresseur. Brûlures et
dysphagie prédominent.
L’évolution est spontanément
favorable.
E - Cas particuliers :
1- En fonction de l’âge
:
Nous avons volontairement éliminé de la question les
troubles de la déglutition du nouveau-né car ils surviennent
dans des tableaux cliniques caractéristiques sur le
plan clinique, et la dysphagie, si elle constitue un facteur
aggravant, ne constitue jamais un symptôme révélateur
pouvant créer un problème diagnostique.
• La dysphagie du sujet âgé : très fréquente, elle touche
entre 20 et 50 % des sujets après 75 ans observés en
milieu hospitalier.
La presbyphagie est le terme utilisé
pour qualifier les effets du vieillissement sur la déglutition
liés à la dégradation des différents mécanismes de la
déglutition et s’exprime par des fausses routes liquidiennes
plus fréquentes, une lenteur de la mastication et
des efforts de déglutition répétés.
Souvent infracliniques,
ces troubles habituellement compensés spontanément
peuvent brutalement se décompenser à l’occasion d’une
affection générale.
L’ostéophytose vertébrale peut provoquer
une compression extrinsèque postérieure étagée
du pharynx et de l’oesophage et entraîner une gêne à la
déglutition.
La myopathie du crico-pharyngien ou achalasie du
sphincter supérieur de l’oesophage est beaucoup plus
rare.
Il s’agit d’un blocage haut (dysphagie haute)
avec fausses routes trachéales secondaires par
inhalation du contenu des sinus piriformes lors de
la reprise inspiratoire.
La relaxation du sphincter
supérieur oesophagien est faible et non synchrone du
pharynx.
Le muscle crico-pharyngien se fibrose et
seule la myotomie du crico-pharyngien permet
l’amélioration de la déglutition.
• La dysphagie de l’enfant peut être en rapport avec :
les hypertrophies amygdaliennes majeures avec dysphagie
haute aux solides ; les causes infectieuses avec les
angines et surtout l’épiglottite ; les corps étrangers ; les
tumeurs du tronc cérébral (rares) ; les troubles musculaires
avec les myopathies et la myasthénie (hypernasalité
vespérale avec régurgitations nasales), les
atteintes multiples des infirmes moteur et cérébraux.
2- Dysphagies induites
:
• Conséquence d’un accident vasculaire cérébral : il
s’agit essentiellement des accidents ischémiques ou
hémorragiques du tronc cérébral (atteinte nucléaire) ou
des hémisphères (atteinte supranucléaire).
Le syndrome
de Wallenberg est un accident vasculaire du tronc cérébral
avec atteintes nucléaires multiples.
Les troubles de
la déglutition sont majeurs au début, liés principalement
à une paralysie flasque et à des troubles de la sensibilité
du pharyngo-larynx.
• Les traumatismes crâniens provoquent des troubles de
la déglutition complexes où sont souvent associés des
troubles centraux [lésions corticales et (ou) pseudobulbaires]
et des troubles périphériques [lésions nucléaires
et (ou) tronculaires]. La récupération ou l’adaptation
dépend de la cause et de la localisation de l’atteinte.
• Les maladies systémiques peuvent entraîner une dysphagie
: amylose, diabète, hypothyroïdie, lupus érythémateux
aigu disséminé, polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose,
sclérodermie, dermato-polymyosites, syndrome
de Gougerot-Sjögren.
• La chirurgie carcinologique ORL est mutilante tant
sur le plan de la structure anatomique du pharyngolarynx
que sur le plan neurologique (nerfs récurrents
pour la motricité laryngée, nerf laryngé supérieur pour
la sensibilité laryngée et XIIe paire crânienne pour la
motricité linguale).
Les chirurgies partielles ou subtotales
du pharyngolarynx conservant les fonctions phonatoire
et respiratoire sont toutes potentiellement dysphagiantes
et impliquent une prise en charge rééducative.
• La chirurgie de l’oesophage peut induire une dysphagie
par sténose cicatricielle sur une anastomose.
Toute dysphagie d’apparition précoce ou tardive après
chirurgie pour cancer des voies aérodigestives supérieures
ou de l’oesophage, suivie ou non de radiothérapie, doit
faire discuter sténose cicatricielle, récidive tumorale ou
deuxième localisation.
• Les interventions neurochirurgicales de la base du
crâne postérieure ou des espaces parapharyngés
peuvent induire ou aggraver une dysphagie préexistante
surtout si l’exérèse de la lésion expose à des
traumatismes des dernières paires crâniennes.
Là
encore, la récupération ou l’adaptation dépend de la
cause, de la localisation de l’atteinte et du nombre de
paires crâniennes atteintes.
• La radiothérapie du carrefour aérodigestif et du cou
est dysphagiante initialement par les lésions inflammatoires
et ensuite par différents mécanismes dont le plus
fréquent est l’absence de salive pour l’irradiation du carrefour
des voies aérodigestives supérieures.
Cependant,
il peut y avoir d’autres mécanismes qui interviennent
plus tardivement (neuropathie post-radique responsable
d’atteinte des dernières paires crâniennes – fibrose au
niveau de la bouche de l’oesophage).
Ce risque réel mais
rare ne doit pas faire oublier que la plus grande cause de
dysphagie chez un patient irradié pour cancer des voies aérodigestives supérieures est la récidive ou la survenue
d’une deuxième localisation.
• Les oesophagites radiques, aiguës contemporaines
de l’irradiation, cèdent à l’interruption du traitement.
Chroniques, elles surviennent des mois après l’irradiation,
sans relation directe avec une éventuelle oesophagite
aiguë, peuvent intéresser un oesophage sain (après irradiation
de cancers bronchiques au niveau thoracique,
d’adénopathies malignes médiastinales) ou un oesophage
péritumoral après irradiation d’un carcinome de cet organe.
Leur incidence paraît faible.
Elles se manifestent par une
dysphagie.
Elles sont souvent associées à des lésions radiques cutanées ou des organes de voisinage.
Le diagnostic
est essentiellement endoscopique (sténose, ulcération)
et biopsique car l’élimination d’une récidive
locale est parfois difficile.