La drépanocytose est la maladie génétique humaine la plus
fréquente.
Elle correspond à la synthèse d’une hémoglobine (Hb)
anormale, l’HbS, différente de l’Hb normale (HbA).
L’HbS est
capable de polymériser dans certaines circonstances, provoquant la
falciformation des globules rouges (GR) d’où le terme d’anémie à
hématies falciformes ou sickle-cell anemia des Anglo-Saxons.
Les sujets homozygotes pour la mutation, et certains sujets
hétérozygotes composites, ont un syndrome drépanocytaire majeur
et sont susceptibles de développer les manifestations les plus graves
de la maladie.
En raison des nombreux mouvements récents de
population qui caractérisent notre époque, la maladie existe
aujourd’hui sur tous les continents.
Au cours des trois dernières
décennies, la prise en charge thérapeutique des patients s’est
considérablement améliorée, permettant une augmentation de
l’espérance de vie et par conséquent l’accroissement de la population
des adultes drépanocytaires.
Chez ces derniers, les complications
diffèrent sensiblement de celles de la population pédiatrique.
Le
propos de cet article est plus particulièrement axé autour des
manifestations des syndromes drépanocytaires chez l’adulte.
Le
lecteur peut se reporter pour l’enfant à l’article correspondant du
traité de pédiatrie, dans la même collection.
Si les complications
aiguës de la drépanocytose sont bien connues, leur traitement,
préventif aussi bien que curatif, reste difficile.
Des thérapeutiques
spécifiques, telles que la transfusion sanguine, l’hydroxyurée et la
transplantation médullaire sont efficaces mais leurs indications sont
l’objet d’études en cours pour préciser leurs indications respectives.
De nouvelles modalités thérapeutiques (thérapie génique) sont du
domaine de la recherche.
La drépanocytose constitue un défi en
termes de santé publique, à la fois par ses complications aiguës mais
aussi et surtout maintenant par les handicaps prolongés qu’elle est
susceptible d’entraîner (ostéoarticulaires, neurologiques, visuels,
pulmonaires, cutanés…).
Génétique. Épidémiologie :
La drépanocytose est transmise sur un mode autosomique récessif.
Elle résulte de la mutation sur le chromosome 11 du sixième codon
de la chaîne b globine de l’Hb (GAG ® GTG), entraînant la
substitution d’un acide glutamique par une valine (GLU ® VAL)
sur la protéine.
La distribution du gène de l’HbS est ubiquitaire : il
prédomine en Afrique équatoriale (10-30 % de porteurs du trait
drépanocytaire) ; il est aussi présent en Afrique du Nord, en Sicile,
en Italie du Sud, au nord de la Grèce, sur la côte sud-est de la
Turquie, en Arabie saoudite et dans la partie centrale de l’Inde.
Cette
distribution se superpose (ou se superposait) aux zones
d’impaludation : elle est une conséquence lointaine,
chronologiquement parlant, de la malaria, le trait drépanocytaire
conférant une résistance relative à l’infection palustre par
Plasmodium falciparum.
Le nombre de porteurs du trait
drépanocytaire dans le monde est estimé à 50 millions d’individus.
Aux États-Unis, la fréquence du trait drépanocytaire chez les Afro-Américains se situe entre 7 et 9 %, avec une prévalence estimée de
0,2 % (>= 80 000 malades).
En France métropolitaine, les patients drépanocytaires vivent essentiellement dans les zones les plus
urbanisées (Paris, Lyon, Marseille, Nancy, Lille, Strasbourg),
réunissant de 2 000 à 4 000 patients.
Sur l’ensemble du territoire
français, y compris les départements d’outre-mer, on a enregistré
200 naissances d’enfants drépanocytaires par an au cours des
5 dernières années.
Les sujets homozygotes (SS) pour la mutation présentent un
syndrome drépanocytaire majeur et sont issus de l’union de parents
ayant chacun au moins un gène muté (b S).
Il existe d’autres
syndromes drépanocytaires majeurs : hétérozygotie composite SC,
hétérozygotie composite Sbêta-thal (bêta° ou bêta+ thalassémie).
Les drépanocytaires SC et Sbêta+ ont une maladie habituellement
atténuée par rapport aux patients SS.
L’origine multicentrique de la mutation drépanocytaire a été établie
par la découverte d’haplotypes de restriction différents liés à la
mutation drépanocytaire.
Cinq ont été identifiés : haplotypes
Sénégal, Bénin, Bantu, Cameroun et asiatique.
Le gène
présent dans le pourtour méditerranéen et dans l’ouest de l’Arabie
Saoudite est lié à l’haplotype Bénin ; celui présent dans l’est de
l’Arabie saoudite et sur le continent indien est lié à l’haplotype
asiatique.
Physiopathologie moléculaire,
cellulaire et vasculaire
de la drépanocytose :
La vaso-occlusion a un rôle clé dans les manifestations cliniques de
la drépanocytose. L’atteinte peut être microvasculaire
et/ou macrovasculaire.
De nombreux facteurs sont impliqués :
– occlusion microvasculaire :
– facteurs liés aux GR : polymères d’HbS, anomalies rhéologiques
globulaires (déshydratation, fragilité mécanique, baisse de
déformabilité, augmentation de la viscosité sanguine, présence de
cellules denses) ;
– occlusion macrovasculaire : hyperplasie intimale des vaisseaux
cérébraux (vasculopathie) en particulier, et peut-être d’autres
vaisseaux (pulmonaires, spléniques, rénaux, péniens…).
L’occlusion macrovasculaire serait l’élément déterminant des accidents
vasculaires cérébraux (AVC) par l’hyperplasie intimale et
concernerait peut-être d’autres organes (poumon, rate, reins, verge).
A - ÉCHELON MOLÉCULAIRE : POLYMÉRISATION DE L’HBS
La polymérisation de l’Hb est caractéristique de l’HbS désoxygénée
(désoxy-HbS).
Dans les GR SS, elle dépend de leur concentration en Hb (concentration corpusculaire moyenne en Hb [CCMH]), de
l’importance de la désoxygénation, de la composition de l’Hb
(présence d’autres Hb : HbF et C notamment), de la saturation en
oxygène (O2), de la température, du pH, de l’équilibre ionique et de
la teneur en 2,3-diphosphoglycérate (DPG).
Le processus initial
(génération des polymères par nucléation) est réversible mais
devient rapidement autocatalytique si les conditions
environnementales qui l’ont induit se pérennisent.
La CCMH a la
plus forte influence sur la polymérisation de la désoxy-HbS : la
solubilité des polymères est inversement proportionnelle à la CCMH
(l’augmentation de la CCMH diminue le temps de polymérisation
en cas de désoxygénation et abaisse le seuil de désoxygénation
nécessaire pour entraîner la falciformation).
La formation de polymères d’HbS à l’intérieur des érythrocytes a de
nombreuses conséquences :
– réduction de la déformabilité globulaire ;
– augmentation de la rigidité des GR favorisant leur accumulation
dans la microcirculation ;
– augmentation de la viscosité sanguine ;
– rupture et fragmentation des érythrocytes ;
– augmentation de la perméabilité cationique du GR induisant sa
déshydratation.
B - ÉCHELON CELLULAIRE :
1- Déshydratation des globules rouges
:
La déshydratation, phénomène important dans la constitution de
l’anémie et la diminution de durée de vie érythrocytaire, génère des
GR de densités élevées (de faible volume et de CCMH augmentée).
Elle s’effectue dans la circulation où la plupart des réticulocytes
arrivent cependant avec un volume élevé et une faible densité.
L’hydratation des GR dépend de trois systèmes de transports
ioniques transmembranaires :
– canaux Gardos : canaux K+ dépendants du Ca2+ (concernent des
GR de densité déjà élevée) ;
– cotransport K+/Cl- via la concentration en Mg2+ (concerne
principalement les réticulocytes et les GR SS de faible densité :
génération de GR denses) ;
– pompe Na+/K+.
La polymérisation de l’HbS augmente de façon non sélective la
perméabilité de la membrane du GR aux cations (Na+, K+, Mg2+,
Ca2+), réversible avec la réoxygénation.
Lors des phases de désoxygénation, l’augmentation de la
perméabilité membranaire induite par la polymérisation favorise
l’entrée de Ca2+ extracellulaire qui active les canaux K+ (canaux Gardos), rejetant ce dernier hors de la cellule.
L’équilibre osmotique
et hydrique conduit à une perte d’eau et de Cl- dans le milieu
extracellulaire.
L’augmentation de la concentration intracellulaire de
Ca2+ est corrélée à la densité cellulaire.
L’excès de Ca2+ s’accumule
dans des vésicules endocytiques qui empêchent sa détection par les
pompes acide adénosine triphosphate (ATP), chargées d’évacuer le
Ca2+ de la cellule.
À chaque épisode de falciformation, la
concentration intraérythrocytaire de Ca2+ augmente.
L’utilisation
d’un inhibiteur des canaux K+, le clotrimazole, a permis dans des
essais cliniques de diminuer la déshydratation des GR, soulignant le
rôle de ces canaux.
La perte de KCl et d’eau induite par la déshydratation conduit à
l’acidification du GR.
La concentration intraérythrocytaire de Mg2+
est un des régulateurs du transport K+/Cl- : l’augmentation de la
concentration globulaire de Mg2+ induit une baisse de l’activité de
transport KCl et de la perte d’eau, favorisant ainsi l’hydratation du
GR.
C’est sur cette base physiopathologique que l’utilisation du Mg
dans des essais thérapeutiques a été récemment rapportée.
Les cellules contenant de grandes quantités d’HbF réduisent ou
préviennent la falciformation en modifiant les processus de
déshydratation et de perméabilité induits par la polymérisation.
2- Altérations structurales et fonctionnelles
de la membrane érythrocytaire :
Si l’HbS polymérise en situation d’hypoxie, elle est instable en
présence d’O2 et forme des corps de Heinz qui augmentent sa
fragilité mécanique, notamment dans le flux circulatoire.
Cette instabilité de l’HbS et sa tendance à polymériser induisent des
altérations structurales de la membrane du GR SS au sein de la
bicouche phospholipidique, des protéines transmembranaires et des
protéines du cytosquelette de la face interne ou externe de la
membrane.
Les dérivés de l’HbS instable génèrent des radicaux
libres qui oxydent la membrane.
La surface des GR SS est propice à une hyperfixation
d’immunoglobuline (Ig)G, proportionnelle à la densité globulaire.
Cela favoriserait leur séquestration et leur destruction par les
macrophages du système réticuloendothélial.
Enfin, les GR SS
adhèrent anormalement aux cellules endothéliales (surtout
réticulocytes SS et GR denses SS), facilitant l’occlusion vasculaire et
l’hémolyse intravasculaire.
3- Modifications de l’hémostase
:
De nombreuses anomalies de l’hémostase induisent un état
d’hypercoagulabilité biologique chez les sujets drépanocytaires :
– thrombocytose liée à l’asplénie fonctionnelle/autosplénectomie ;
– coagulopathie avec génération de thrombine, formation de fibrine,
activation plaquettaire ;
– diminution des protéines inhibitrices (PC, PS) de la coagulation ;
– augmentation du facteur von Willebrand (VIII/vWF) ;
– activation de la prothrombine (in vitro) par les GR SS denses falciformés en raison de l’exposition de phospholipides
membranaires procoagulants (phosphatidylsérine) à la surface des
drépanocytes.
4- Caractéristiques rhéologiques des globules rouges
drépanocytaires : hyperviscosité
La rhéologie des GR SS est essentielle dans la vaso-occlusion.
Elle
dépend de multiples paramètres : viscosité sanguine, hématocrite, CCMH, propriétés mécaniques et rapport surface/volume des GR.
Tous ces paramètres sont liés, la modification de l’un influençant
l’autre.
Il existe une corrélation positive entre l’hématocrite et la
fréquence des crises algiques.
Chez les drépanocytaires
homozygotes atteints de thalassémie a, la moindre gravité de
l’anémie, donc l’hématocrite plus élevé, explique l’augmentation de
la viscosité.
Ces patients ont plus souvent des atteintes
rétiniennes et des ostéonécroses aseptiques.
L’importance du
maintien de l’hématocrite au-dessous de 30-35 % en cas de
transfusion est donc essentielle.
La diminution de la déformabilité
des GR, déjà présente en phase d’oxygénation, est aggravée par la
désoxygénation, ce qui augmente la viscosité et l’incapacité des
érythrocytes à traverser la microcirculation.
La viscosité sanguine
moyenne est plus élevée chez un sujet drépanocytaire que chez un
sujet normal.
Alors qu’en phase d’oxygénation la viscosité du sang
drépanocytaire est inférieure à celle d’un sang normal,
essentiellement en raison d’un hématocrite plus faible, la phase de
désoxygénation l’augmente au-delà de la normale en diminuant la
déformabilité globulaire.
Il existe une corrélation positive entre la
fréquence des crises douloureuses et la déformabilité des GR.
5- Globules blancs et rhéologie :
Des facteurs liés aux GB, encore mal connus, interviennent
certainement :
– il existe fréquemment une hyperleucocytose au cours des crises
douloureuses ;
– les patients ayant les leucocytes les plus élevés ont une mortalité
plus élevée ;
– la baisse des GB induite par l’hydroxyurée participe peut-être à la
diminution de la morbimortalité de la drépanocytose avec ce
traitement ;
– l’asplénie fonctionnelle favorise une augmentation modérée des
GB à la phase d’état.
C - ÉCHELON VASCULAIRE :
1- Adhésion endothéliale
:
L’adhésion des GR SS à l’endothélium, en particulier les plus jeunes
(peu denses et encore déformables), contribuerait pour une large
part aux crises vaso-occlusives (CVO) : ce serait le facteur
essentiel du ralentissement de la vitesse sanguine dans la
microcirculation laissant le temps à la désoxy-HbS de se polymériser.
L’adhésion des GR jeunes favoriserait l’agrégation secondaire des
cellules denses peu déformables et le blocage microcirculatoire.
L’adhésion endothéliale met en jeu différents protagonistes : vascular
cell adhesion molecule (VCAM)-1, surtout pour les GR SS jeunes
encore déformables (réticulocytes), mais aussi le fibrinogène, le
facteur vWF, la fibronectine, la thrombospondine, des
microparticules dérivées de l’activation des plaquettes, des IgG à la
surface des GR…
Le nombre de cellules endothéliales activées
circulantes est plus élevé chez les drépanocytaires que chez les sujets HbAA ou HbAS.
Il se majore au cours des CVO, soulignant
davantage le rôle de l’endothélium.
Ces cellules endothéliales
expriment un phénotype endothélial activé marqué par la présence
à leur surface de molécules d’adhérence dont VCAM-1, integrin
cellular adhesion molecule (ICAM)-1 et d’autres sélectines.
L’augmentation de l’adhérence des GR à l’endothélium varie d’un
patient à un autre mais est corrélée à la sévérité des crises.
Certaines
crises, précipitées par des infections, s’expliqueraient par
l’augmentation du fibrinogène, de VCAM-1 à la surface
endothéliale, ou par la reconnaissance par les cellules endothéliales
d’IgG présentes à la surface des GR SS.
2- Autres facteurs vasculaires
:
Des modifications de tonus, de flux, ou de la dynamique microvasculaire seraient également impliquées dans la
vaso-occlusion.
D - PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ANÉMIE :
L’anémie de la drépanocytose est une anémie hémolytique
intravasculaire et intratissulaire, régénérative mais partiellement
compensée en raison du dépassement des capacités de
l’érythropoïèse.
Ainsi, la durée de vie (isotopique) moyenne d’un
GR SS dans la circulation est de 12,6 jours contre 25-30 jours pour
un GR normal. Comparée à d’autres situations similaires d’anémie,
la réponse érythropoïétique est insuffisante chez le drépanocytaire
SS.
La réponse des progéniteurs érythroïdes dépend des taux
d’érythropoïétine (Epo), eux-mêmes dépendants de récepteurs
tissulaires à l’O2, selon le niveau d’Hb circulante.
L’HbS a une faible
affinité pour l’O2 liée, d’une part aux polymères de désoxy-HbS, et
d’autre part à la réponse physiologique du métabolisme glycolytique
érythrocytaire à l’hypoxie.
Cette faible affinité entraîne une libération
accrue d’O2 aux tissus, masquant l’hypoxie réelle liée à l’anémie,
réduisant ainsi la sensibilité des récepteurs à l’O2 et la synthèse de
l’Epo.
Par ailleurs, l’effet Bohr (augmentation de l’affinité de l’Hb
en région à pH élevé = poumon [PCO2 basse] et baisse de cette
affinité en région à pH bas = lit capillaire [PCO2 élevée]) est amplifié
avec la désoxy-HbS.
L’hypoxie relative des GR induite par une
anémie, quelle que soit son origine, stimule la glycolyse qui
augmente la production de 2,3-DPG et diminue l’affinité de l’Hb
pour l’O2 (pour en libérer davantage).
Cet effet physiologique,
exacerbé dans les GR SS où la production de 2,3-DPG est augmentée
de 33 % par rapport à un GR normal pour un même niveau
d’anémie, majore la baisse d’affinité de l’HbS pour l’O2 et accentue
la polymérisation, autre phénomène auto-entretenu.
Enfin,
l’augmentation du 2,3-DPG dans les GR SS favorise l’acidification
globulaire dont nous avons vu précédemment les conséquences sur
la polymérisation.
E - MODÈLES MURINS DE LA DRÉPANOCYTOSE
:
La drépanocytose est due à la production d’une Hb anormale, l’HbS,
qui polymérise quand les GR sont désoxygénés dans la
microcirculation.
La physiopathologie des mécanismes de la vasoocclusion
reste encore imparfaitement comprise en l’absence de
modèle animal naturel.
Le transfert de gènes humains drépanocytaires à des souris
transgéniques a permis d’obtenir un modèle aussi proche que
possible de la maladie humaine.
Ainsi, les modèles SAD
et bêta-thal SAD, analogues au modèle SC humain, ont été étudiés dans
des situations d’hypoxie induisant des CVO.
Mais le meilleur modèle murin d’étude de la drépanocytose a été
obtenu en 1997 par deux équipes.
Il s’agit d’une souris
transgénique knock out chez laquelle l’Hb murine a été remplacée
par les Hb humaines F et S.
On observe chez les animaux une
anémie hémolytique sévère avec hyper-réticulocytose, la présence
de GR falciformes et rigides, une splénomégalie majeure par
érythropoïèse splénique et des accidents vaso-occlusifs (foie, reins,
poumons, coeur, rate…).
Des manipulations génétiques ont permis
d’augmenter les taux d’HbF de ces souris et de diminuer leur
morbimortalité.
Grâce à ces souris transgéniques, il a été montré que l’injection d’un
produit inhibant la polymérisation de l’HbS évitait leur mort, même
en situation d’hypoxie.
L’étude de la microcirculation avec des
traceurs fluorescents a révélé le caractère réversible de l’occlusion
vasculaire induite par l’hypoxie après réoxygénation.
Ces animaux permettent de tester des molécules à usage
thérapeutique éventuel, comme cela a été fait chez les souris SAD
avec le clotrimazole qui inhibe la déshydratation des GR en
bloquant la fuite de K+, dépendante du Ca2+.
Biologie :
A - DIAGNOSTIC PHÉNOTYPIQUE :
Il s’effectue à l’aide d’un hémogramme et d’une étude de l’Hb qui
révèle la présence de l’Hb S.
Une confirmation est
obligatoire par le test de falciformation (test d’Emmel qui fait
apparaître les drépanocytes parmi les GR incubés dans un milieu
dépourvu d’O2) ou le test de solubilité (test de précipitation de l’HbS
en milieu réducteur).
1- Drépanocytose hétérozygote
:
On dit aussi des sujets drépanocytaires hétérozygotes qu’ils sont
porteurs du trait drépanocytaire.
Les caractéristiques hématimétriques du sang périphérique des
patients drépanocytaires hétérozygotes sont identiques à celles du
sang normal, tant en ce qui concerne la lignée érythrocytaire que les
lignées leucocytaire et plaquettaire.
La morphologie des hématies
est normale et il n’y a pas de drépanocytes en circulation.
Cependant, lorsque les hématies sont incubées dans un milieu privé
d’O2 (test d’Emmel), le phénomène de falciformation se développe
et fait apparaître des drépanocytes.
En pratique courante, cet
examen biologique fait partie, avec le test de précipitation de l’HbS
en milieu réducteur, des tests qui permettent le dépistage rapide
des drépanocytaires hétérozygotes.
Une microcytose constatée chez
un drépanocytaire hétérozygote doit faire penser à une carence
martiale ou à une alpha-thalassémie associée ; une macrocytose doit
suggérer une carence vitaminique, notamment en acide folique ou
en vitamine B12.
L’électrophorèse de l’Hb montre une fraction
majeure d’HbA (60 à 55 %), une fraction importante d’HbS (45 à
40 %) et un constituant mineur l’HbA2 (2 à 3 %).
Cet état doit être
différencié de celui d’un sujet drépanocytaire homozygote transfusé ;
dans cette situation, l’HbA du donneur disparaît du tracé
électrophorétique dans les semaines qui suivent la transfusion.
2- Drépanocytose homozygote
:
La drépanocytose homozygote est caractérisée par un taux d’Hb
situé entre 7 et 9 g/dL, une réticulocytose entre 200 000 et
600 000/mm3, un volume globulaire moyen normal, la présence
constante sur le frottis sanguin de drépanocytes, une
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles pouvant atteindre
30 000/mm3 sans infection et une tendance à la thrombocytose.
L’électrophorèse de l’Hb met en évidence la présence d’Hb S, F et
A2 ; il n’y a pas d’HbA.
Le test de falciformation (ou le test de
solubilité) est indispensable pour confirmer la nature drépanocytaire
de l’Hb migrant à l’endroit de l’HbS.
3- Hétérozygotie composite SC :
L’état hématologique est caractérisé par un taux d’Hb entre 10 et
12 g/dL, de nombreuses cellules cibles et quelques drépanocytes sur
le frottis.
L’électrophorèse de l’Hb montre deux bandes d’intensité
égale correspondant aux Hb S et C.
4- Hétérozygotie composite S-bêta-thalassémie :
Les patients S-bêta-thalassémiques ont un syndrome anémique moins
important que celui des drépanocytaires homozygotes.
Il existe une microcytose en dehors de toute carence martiale.
L’électrophorèse
de l’Hb montre la présence d’HbS, d’HbF, et d’HbA2 élevée comme
chez tout patient bêta-thalassémique hétérozygote.
Il existe
(bêta+-thalassémie) ou non (bêta°-thalassémie) de l’HbA à l’électrophorèse.
B - DIAGNOSTIC GÉNOTYPIQUE
:
Les principales indications du diagnostic génotypique de la
drépanocytose sont :
– diagnostic prénatal proposé aux couples exposés au risque d’avoir
un enfant atteint d’un syndrome drépanocytaire majeur ;
– diagnostic différentiel entre les sujets SS ou S-bêta°-thalassémique ou S-persistance héréditaire de l’Hb foetale ;
– diagnostic d’une drépanocytose homozygote chez un sujet
récemment transfusé et dont le phénotype n’a pas été établi
antérieurement ;
– recherche d’une alpha-thalassémie associée à la drépanocytose ;
– étude de l’haplotype de restriction lié à la mutation
drépanocytaire.
Clinique :
A - DRÉPANOCYTOSE HÉTÉROZYGOTE
(TRAIT DRÉPANOCYTAIRE) :
La grande majorité des patients drépanocytaires hétérozygotes se
porte bien.
Dans certains cas, cependant, on peut observer chez ces
patients des infarctus spléniques au cours de situations d’hypoxémie
sévère.
On a également rapporté des hématuries macroscopiques en
rapport avec des nécroses papillaires.
La principale recommandation
à faire aux drépanocytaires hétérozygotes est de ne pas se placer
dans des situations à risque d’hypoxémie sérieuse (altitude élevée,
plongée sous-marine).
Ces patients peuvent subir des anesthésies
générales comme tout sujet normal, sans préparation particulière.
B - DRÉPANOCYTOSE HOMOZYGOTE ET AUTRES SYNDROMES DRÉPANOCYTAIRES MAJEURS
:
L’expression clinique de la drépanocytose est large, avec des
manifestations nombreuses et variées.
Cette variabilité reflète
principalement des influences génétiques et environnementales.
Différents marqueurs hématologiques, qui dépendent eux-mêmes de
ces précédentes influences, modifient la nature et la fréquence des
complications de la drépanocytose.
Ce sont en particulier :
– l’alpha-thalassémie : sa fréquence est proche de 30 % dans
certaines populations. Elle est associée à une baisse de la CCMH
et de l’hémolyse rendant compte d’un taux d’Hb totale plus élevé
qu’en son absence.
Pour certains auteurs, elle diminuerait le risque
d’AVC et augmenterait celui de CVO douloureuses ;
– le taux d’HbF ;
– les haplotypes liés à la mutation drépanocytaire avec des effets
discutés selon les séries et les complications étudiées.
Dans la série du Groupe français d’étude de la drépanocytose
(GFED) rapportée en 2000, il est intéressant de noter qu’une
certaine proportion de patients (12 %) n’a présenté aucune
symptomatologie pendant une période de 3,1 à 6,4 ans.
La
comparaison globale de ces patients aux patients symptomatiques
n’a pas permis de retrouver de différences en termes de sexe, âge,
taux d’Hb, HbF, volume glomérulaire moyen (VGM), alpha-thalassémie.
Seul l’haplotype Sénégal était plus fréquent chez les patients
symptomatiques.
Par rapport aux patients asymptomatiques, les
patients ayant présenté au moins un épisode infectieux avaient un
taux d’HbF plus faible.
1- Anémie aiguë et aggravation de l’anémie chronique :
Des épisodes d’anémie aiguë sévère, pouvant engager le pronostic
vital, se produisent chez 10 à 50 % des drépanocytaires.
Il s’agit
essentiellement d’enfants atteints de crise aplasique,
habituellement liée au parvovirus B19, ou de séquestration
splénique.
L’anémie chronique peut être aggravée par une carence associée en folates, fréquente compte tenu de l’augmentation de l’érythropoïèse
et parfois entretenue par des troubles nutritionnels.
La diminution
de la CCMH ou du VGM par rapport à leurs valeurs de base doit
faire évoquer une carence martiale, particulièrement chez la jeune
fille ou la femme en période d’activité génitale.
Enfin, dans un
contexte de fièvre au retour d’un séjour en zone impaludée, une
anémie aiguë ou qui se majore fait suspecter un accès palustre.
2- Douleurs :
Les CVO s’expriment principalement par des douleurs
musculosquelettiques, témoins de l’ischémie ou de la nécrose
ostéomédullaire, et ponctuent la vie des patients
drépanocytaires.
Les crises peuvent être également abdominales ou
thoraciques.
La douleur est la principale cause de morbidité et
d’hospitalisation des patients drépanocytaires.
La fréquence de
survenue des CVO douloureuses est variable au sein de la
population drépanocytaire et chez un même patient.
Elles
nécessitent une consultation hospitalière ou une hospitalisation.
Certaines peuvent être prises en charge à domicile, mais elles sont
rarement « comptabilisées » dans les différentes études, de sorte que
la proportion réelle de patients symptomatiques est sous-estimée.
La prévalence des douleurs aiguës est de 58 % dans l’étude du GFED.
Dans la série coopérative américaine, environ 5 % des
patients ont entre trois et dix épisodes annuels représentant près
d’un tiers de la totalité des épisodes douloureux.
La fréquence des
crises douloureuses dépend également du génotype : plus élevée
chez les drépanocytaires SS et Sbêta° que chez les hétérozygotes SC et
les Sbêta+. Le nombre de crises augmente entre 0 et 30 ans pour
diminuer ensuite.
Le taux maximal, variable d’une série à l’autre, se
situe entre 15 et 29 ans.
La mortalité augmente avec le nombre de
crises chez les patients de 20 ans ou plus (3,74 décès/100 patientannées
si plus de trois crises par an, contre moins de 2 décès/100
patient-années si moins de trois crises par an).
Idéalement, la prise en charge des CVO douloureuses devrait
s’effectuer dans une structure d’accueil spécialisée à la fois dans le
traitement des douleurs et également dans la drépanocytose.
En
effet, la prise en charge dans les services d’urgence n’est pas toujours
de bonne qualité par manque de formation du personnel médical
ou paramédical, mais aussi et surtout par manque de temps,
responsable en particulier d’un accroissement des délais de mise en
route des traitements.
Il faut rappeler que le retard de la prise en
charge de la douleur chez le malade drépanocytaire pérennise le
processus algique en favorisant l’hypoxie, la déshydratation,
l’acidose et le stress, qui sont des facteurs de risque de vasoocclusion.
Une telle structure peut s’organiser sous la forme d’un
hôpital de jour tel que nous les connaissons aujourd’hui.
L’équipe
assure l’évaluation de la douleur (caractéristiques, intensité avec
différentes méthodes d’évaluation, échelle visuelle analogique [EVA]
ou équivalent), la mise en route des traitements adaptés selon les
antériorités du patient en termes d’efficacité et d’effets secondaires,
dépiste et traite les facteurs déclenchants (déshydratation, acidose,
hypoxie, infection), institue un traitement antalgique d’entretien,
puis oriente le patient après réévaluation de l’efficacité de la prise
en charge (hospitalisation, retour au domicile, transfert aux
urgences).
Le traitement antalgique fait très largement appel aux
morphiniques, en utilisant le principe des titrations jusqu’à
l’obtention de l’objectif de sédation, et associe d’autres antalgiques,
notamment paracétamol et anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS).
Des antihistaminiques sédatifs (hydroxyzine) peuvent aussi
être utiles.
Le délai de prise en charge est ainsi considérablement
réduit (environ 20 minutes) comme la durée de séjour des patients
hospitalisés dans cette structure : 4,5 heures contre 13 heures aux
urgences.
Le délai moyen d’obtention de la sédation est ainsi
raccourci et plus de 90 % des patients retournent au domicile, les
autres nécessitant une hospitalisation.
Le taux de reconsultation
précoce (dans les 3 jours) des patients non admis est faible (< 10 %)
et seule une faible proportion est hospitalisée (environ 20 %).
Cette structure permet donc de diminuer fortement le nombre de
patients drépanocytaires se présentant dans un service d’urgences
et de réduire le nombre d’hospitalisations (par un facteur 5 à 7).
Enfin, si leur prise en charge hospitalière est assurée par une équipe
habituée à la drépanocytose, la durée moyenne de séjour s’en trouve
réduite (de 9,3 jours à 7,8 jours).
Il existe donc en plus de
l’amélioration de la prise en charge médicale et psychologique des
patients, un impact financier important.
3- Manifestations ostéoarticulaires :
Ce sont principalement les infarctus osseux et médullaires, les
dactylites chez l’enfant, les ostéonécroses aseptiques et les
complications infectieuses, arthrites et surtout ostéomyélites.
* Infarctus médullaire
:
L’infarctus médullaire est la conséquence du défaut de
vascularisation de la moelle osseuse, hyperplasique chez le malade
drépanocytaire.
Toutes les zones où se produit une hyperplasie
médullaire peuvent s’infarcir.
La nécrose affecte surtout les os longs
et rendrait compte notamment des embolies graisseuses de certains
syndromes thoraciques aigus (STA).
Des constatations autopsiques
ont pu mettre en évidence des emboles graisseux dans des vaisseaux
cérébraux d’adultes.
* Infarctus osseux :
L’infarctus osseux est pratiquement toujours associé à un infarctus
médullaire.
Il est courant de découvrir chez des patients
homozygotes SS et des drépanocytaires SC des séquelles
radiologiques d’infarctus sur les os longs, les vertèbres, les côtes et
le sternum.
La symptomatologie clinique réalise une « crise » :
syndrome douloureux sévère avec oedème périlésionnel, parfois
fébrile, souvent associé à une hyperleucocytose et une élévation de
la vitesse de sédimentation (VS).
Les sites atteints sont
habituellement multiples.
La présence d’un épanchement articulaire
peut se voir en cas d’infarctus épiphysaire.
Si le site douloureux est
inhabituel, l’hypothèse d’une infection est évoquée.
Les examens radiologiques sont sans intérêt, en raison d’une part
de l’absence de lésion à un stade précoce, d’autre part de la difficulté
de faire la distinction entre un infarctus et une infection, et enfin du
risque d’irradiation chez des patients ayant une fréquence élevée de
crises douloureuses.
D’autres techniques d’imagerie plus
performantes (scintigraphie au 99mTc ou couplée au Ga-67,
tomodensitométrie (TDM), imagerie par résonance magnétique
[IRM]) sont également insuffisamment sensibles et spécifiques pour
assurer le diagnostic différentiel entre infarctus et infection.
Des
lésions rachidiennes répétées sont responsables progressivement
d’une modification de l’architecture vertébrale donnant, sur les
clichés standards, un aspect en « H » ou en « bouche de poisson ».
Ces modifications sont en elles-mêmes asymptomatiques, sauf à
l’occasion d’un tassement vertébral.
Le traitement de la crise douloureuse repose sur des mesures
symptomatiques et générales avec hydratation prudente, antalgiques
morphiniques associés habituellement aux AINS et/ou au
paracétamol, qui ont un rôle épargneur de morphine, réchauffement
local.
L’épisode cède habituellement en quelques jours. Dans le cas
contraire, l’hypothèse infectieuse doit être réévaluée, et l’indication
d’une transfusion érythrocytaire doit également être évoquée.
Des
douleurs résiduelles, parfois prolongées, peuvent s’observer après
la phase aiguë hyperalgique.
* Ostéonécrose aseptique
:
Un infarctus osseux au niveau d’une surface articulaire est
responsable d’une nécrose aseptique.
Le risque essentiel est celui
des complications chroniques douloureuses et invalidantes par
constitution d’une arthrose.
Si la médullaire osseuse est mal
vascularisée, il en est de même des extrémités des os longs dont la
vascularisation collatérale de suppléance et les anastomoses
terminales sont pauvres.
L’augmentation de l’hématocrite et du
nombre de CVO sont des facteurs de risque de nécrose aseptique.
La prévalence des ostéonécroses aseptiques augmente avec l’âge
(1 % chez les moins de 10 ans, 32 % chez les plus de 45 ans).
L’âge
médian au diagnostic radiologique de nécrose de la tête fémorale
est de 28 ans chez les drépanocytaires SS alpha-thalassémiques, 36 ans
chez les SS non alpha-thalassémiques et 40 ans chez les SC.
C’est à
peu près la même chose pour l’atteinte de la tête humérale.
La
bilatéralité des lésions est habituelle : 54,2 % pour les coxofémorales,
67,2 % pour les humérales. De plus, 74,1 % des patients qui ont une
nécrose humérale ont au moins une atteinte d’une coxofémorale.
Il
faut souligner que, au moment du diagnostic, 47 % des hanches et
79 % des épaules sont asymptomatiques.
La douleur est, soit aiguë
lors de l’infarctus, soit chronique lors de la constitution progressive
de lésions arthrosiques, accompagnée ensuite d’une diminution de
la mobilité articulaire.
Le diagnostic par les clichés standards est
habituellement suffisant, sauf à la phase aiguë (pas de signe), où la
scintigraphie au 99mTc et l’IRM ont leur intérêt.
Le traitement n’est
pas codifié.
Pour l’atteinte fémorale, il doit associer le repos au lit,
un traitement antalgique et éventuellement une immobilisation.
Les
options thérapeutiques comprennent la décompression de la tête
fémorale à un stade précoce, des ostéotomies rotationnelles et une
chirurgie prothétique à un stade tardif.
Les résultats fonctionnels de
la pose de prothèses sont généralement décevants et la durée de vie
du matériel souvent courte (30 % à 5 ans pour).
La pratique de
sports « intensifs » doit être limitée.
D’autres auteurs ont effectué
avec succès des injections locales de ciment acrylique.
À l’étage
huméral, une pose de prothèse peut être proposée, mais avec
également des résultats souvent décevants en raison de
descellements et d’infections.
* Dactylites :
Les dactylites atteignent l’enfant, réalisant le syndrome mains-pieds
par infarctus de la moelle hématopoïétique des métacarpes,
métatarses et phalanges.
C’est un mode de révélation fréquent de la
drépanocytose (50 %).
Une réaction périostée est habituelle. L’adulte
ne souffre pas de ce syndrome car ces sites ne contiennent plus de
moelle rouge, mais des séquelles atrophiques sont possibles
(raccourcissements des fûts osseux).
* Ostéomyélites et arthrites septiques :
L’infection chez le drépanocytaire est la conséquence de l’asplénie
fonctionnelle/autosplénectomie, d’anomalies de la réponse
humorale et peut-être cellulaire, et du complément.
Les
ostéomyélites se voient essentiellement chez l’enfant et sont souvent
multifocales.
Les os longs sont atteints avec prédilection.
La douleur
est sévère, avec des signes inflammatoires locaux et des signes
généraux.
Il existe un syndrome inflammatoire biologique.
Les
examens morphologiques standards sont en retard par rapport à la
clinique.
Une à 2 semaines après le début des signes apparaît une
ostéolyse focale avec réaction périostée.
Les aspects IRM (hyposignal
en T1 et hypersignal en T2) et scintigraphiques sont proches de ceux
réalisés par les infarctus.
C’est dire l’importance des examens
bactériologiques, hémocultures et ponction osseuse.
Le germe le plus
fréquemment retrouvé est une salmonelle dont l’origine est
digestive ou liée à un portage chronique dans une vésicule biliaire
lithiasique (lithiase pigmentaire).
À l’occasion d’une bactériémie, une
greffe osseuse s’effectue sur un os fragilisé par un infarctus, récent
ou non.
D’autres germes tels que Staphylococcus aureus, Streptococcus
pneumoniae et Haemophilus influenzae peuvent être en cause.
Les
arthrites septiques sont rares, habituellement associées à une
ostéomyélite.
* Goutte et hyperuricémie :
Liée à l’augmentation chronique de l’érythropoïèse, une
hyperuricémie est fréquente chez le drépanocytaire, mais elle se
complique rarement de goutte.
4- Complications pulmonaires
:
* Syndrome thoracique aigu
:
Le STA est la principale cause de décès et la deuxième cause
d’hospitalisation des patients drépanocytaires.
Son traitement
optimal n’est pas codifié, surtout en raison de l’absence de causes
précises reconnues.
+
Définition
:
Toute complication pulmonaire aiguë associant des signes
fonctionnels et physiques respiratoires et des signes radiologiques
chez un drépanocytaire est un STA.
En pratique, il correspond
à l’existence d’un nouvel infiltrat radiologique pulmonaire au moins
segmentaire (syndrome alvéolaire), en dehors d’une atélectasie,
associé à des signes respiratoires (tachypnée, wheezing, toux, hémoptysie…) ou
des douleurs thoraciques survenant parfois dans un contexte
fébrile.
+ Épidémiologie. Facteurs de risque
:
Le STA est plus fréquent chez les patients homozygotes que chez les
autres drépanocytaires (SS > Sbêta° > SC > Sbêta+).
L’alpha-thalassémie n’a
pas d’influence sur le STA. Son incidence varie en fonction des
séries de 25 à plus de 80 %, avec un maximum entre 10 et
15 ans.
L’incidence est âge-dépendante de 24,5/100
patients/an chez des enfants SS et 8,8/100 patients/an chez des
adultes.
Elle dépend aussi du taux d’HbF : ainsi, on l’observe moitié
moins souvent chez les patients dont le taux d’HbF est de 15 % par
rapport à ceux dont le pourcentage est de 5 %.
Certains ont
retrouvé une influence des haplotypes dans la survenue d’un STA,
mais directement liée au taux d’HbF.
Le degré d’anémie et la
leucocytose à l’état basal sont corrélés respectivement positivement
et négativement au taux d’incidence de STA.
Une influence
saisonnière, plus marquée chez les enfants, a été mise en évidence :
diminution en été et augmentation en hiver, suivant en cela
l’épidémiologie des infections virales et bactériennes.
Certains événements cliniques ont une influence défavorable sur le
risque évolutif du STA : CVO douloureuses, syndrome fébrile,
intervention chirurgicale récente, grossesse, ostéonécrose aseptique,
anémie aiguë et atteinte pulmonaire antérieure.
Chez l’adulte,
environ 50 % des STA sont précédés ou associés à une CVO douloureuse.
Une surcharge liquidienne ou un excès de
morphiniques contribuent à leur survenue.
Des infarctus costaux ou
sternaux peuvent aussi se compliquer de STA par hypoventilation
responsable d’hypoxémie et d’atélectasies.
+ Physiopathologie. Étiologies
:
Le STA ressemble au tableau d’une pneumonie infectieuse avec
fièvre, infiltrats radiologiques et détresse respiratoire.
Sa
physiopathologie est cependant multifactorielle.
L’asplénie, la
réduction de l’immunité humorale et de la phagocytose sont
responsables d’un déficit immunitaire, tandis que l’ischémie
pulmonaire locale et la diminution de la fonction alvéolaire
favorisent la prolifération microbienne.
Ces éléments plaident en
faveur d’une étiologie infectieuse comme principale cause du STA.
Mais l’examen clinique et l’examen radiologique ne
permettent pas de préjuger du germe causal, s’il en existe un, et les
recherches bactériologiques sont trop longues pour être d’un intérêt
quelconque à la phase aiguë.
D’autre part, même lorsque des
explorations invasives sont effectuées (en particulier la fibroscopie
bronchique associée au lavage bronchioloalvéolaire [LBA]), près
d’un tiers des STA reste inexpliqué.
Une étiologie microbienne est retrouvée dans 20 à 50 %
des cas selon les séries.
Dans la récente étude du National Acute Chest Syndrome Study Group (NACSSG), les bactéries
représentent 73 % des germes isolés contre 27 % pour les virus, tous
âges confondus.
Des germes habituellement peu pathogènes, tels
que les mycoplasmes et Chlamydia, sont potentiellement graves sur
ce terrain.
Une atteinte pulmonaire préalable fragilise le
patient, y compris si les germes sont peu virulents.
Les infections à
Chlamydia pneumoniae, souvent associées à une CVO douloureuse
(65 %) ou à Mycoplasma hominis concernent surtout de grands
adolescents ou de jeunes adultes, contrairement aux infections à
Mycoplasma pneumoniae qui sont plus fréquentes chez des enfants
d’âge moyen (10 ans).
La prédominance classique des
pneumocoques n’est pas retrouvée dans l’étude du NACSSG où les
germes atypiques représentent plus de 70 % des bactéries causales
.
Bactériémies et septicémies accompagnant le STA sont
rares chez l’enfant et plus encore chez l’adulte (< 1-2 %), ce qui
conduit peut-être à sous-estimer la fréquence des pneumonies
bactériennes.
Le STA est parfois secondaire à une pneumonie
virale, essentiellement chez l’enfant de moins de 10 ans, très
rarement chez les adultes de plus de 19 ans. Les virus impliqués
sont nombreux : virus respiratoire syncytial (VRS) surtout (39 %
pour), parvovirus B19 (15 % pour), rhinovirus (12 %
pour), cytomégalovirus (CMV), virus d’Epstein-Barr (EBV),
Herpes simplex virus (HSV), grippe, adénovirus, virus parainfluenza
.
Ainsi, une infection à parvovirus B19 peut être
responsable d’une infection pulmonaire directe et d’embolies
graisseuses par nécrose ostéomédullaire.
Les embolies
graisseuses, recherchées par des techniques spéciales sur le produit
du LBA, sont retrouvées dans 13 à 75 % des cas.
Chez les
drépanocytaires adultes (>= 20 ans), elles représentent la première
cause non infectieuse de STA (12,4 % pour la NACSSG, 60%
pour) et ont des caractéristiques particulières : plus grande
fréquence de l’atteinte des sommets pulmonaires (45 % versus 38 %
en cas d’infection et 24 % en cas d’infarctus), saturation en O2 en air
ambiant plus basse (89 % versus 94 % en cas d’infection et 91 % en
cas d’infarctus), et enfin, plus grande fréquence des CVO
douloureuses (74 % contre 54 % en cas d’infection et 68 % en cas
d’infarctus).
Le taux sérique de phospholipase A2, un médiateur
inflammatoire libérant des acides gras (libres), est très augmenté au
cours des STA avec des taux corrélés à la sévérité clinique.
Il
pourrait constituer un marqueur précoce car il s’élève avant la
constitution du STA.
Les infarctus pulmonaires secondaires à
l’obstruction vasculaire de petits ou moyens vaisseaux sont rarement
documentés (angiographie, scintigraphie pulmonaire), et constituent
en quelque sorte un diagnostic d’élimination (16 % dans l’étude du NACSSG).
L’hyperadhésion des GR drépanocytaires à
l’endothélium qui a un rôle dans l’occlusion microvasculaire
pourrait jouer un rôle dans ce type d’atteinte au niveau
pulmonaire.
Enfin, les embolies pulmonaires fibrinocruoriques
semblent être une complication aiguë inhabituelle chez le
drépanocytaire, malgré l’état biologique d’hypercoagulabilité.
+ Clinique. Biologie. Examens morphologiques
:
La présentation clinique typique chez l’adulte est celle d’une crise
thoracique douloureuse, parfois sévère, habituellement sans fièvre,
et dont l’aggravation progressive en quelques jours va provoquer
l’hospitalisation.
Mais dans près de 50 % des cas, l’admission est
motivée par une CVO douloureuse des membres avec un examen
pulmonaire normal.
Ce n’est que 2 à 3 jours plus tard
qu’apparaissent des signes thoraciques, souvent bruyants,
expliquant la fréquence du retard au diagnostic de STA.
Toute crise douloureuse doit donc être considérée comme un
prodrome éventuel du STA.
La surveillance doit être renforcée car
l’état clinique du malade peut se détériorer très rapidement, en
quelques jours, voire quelques heures.
Une CVO paraissant simple
doit toujours faire l’objet d’une surveillance de la saturation du sang
artériel en oxygène (SaO2) et du débit expiratoire de pointe (DEP)
(moyen à la phase aiguë à 53 % de la théorique).
Le tableau est
plus sévère s’il s’agit d’embolies graisseuses avec des douleurs
osseuses intenses, thoraciques et/ou des membres, une toux avec
expectoration ayant parfois l’aspect de beurre frais, et des
modifications comportementales et/ou de la conscience.
La
radiographie initiale est soit normale, insuffisante pour porter le
diagnostic précoce, soit montre de discrets infiltrats qui s’étendent
rapidement aux bases avec une atteinte pleurale dans 20 à 50 % des
cas.
Des infiltrats multiples évoquent surtout des emboles
graisseux.
L’Hb chute de 1 à 2 g/dL, plus encore en cas d’embolie
graisseuse, la leucocytose augmente en moyenne de 70 % et une
thrombopénie relative ou absolue apparaît.
La gazométrie
artérielle montre une hypoxie modérée (70 mmHg) avec hypocapnie
(35 mmHg).
Chez près d’un patient sur quatre, l’hypoxie est
inférieure à 60 mmHg, non corrélée à la gravité clinique.
+ Évolution. Complications
:
La durée moyenne d’hospitalisation est souvent supérieure à
10 jours chez l’adulte (contre 5 jours chez les enfants).
Les
facteurs de risque de prolongation de l’hospitalisation sont, en
dehors de l’âge, les antécédents de CVO ou une CVO à l’entrée, des
plaquettes inférieures à 200 000/mm3 à l’admission, de la fièvre, des
anomalies radiologiques étendues, une insuffisance respiratoire aiguë (IRA), une atteinte neurologique ou un traitement
transfusionnel.
Une IRA survient chez 10 à 15 % des malades,
surtout en cas d’atteinte radiologique d’emblée étendue, de
plaquettes inférieures à 200 000/mm3 ou d’antécédents
cardiaques.
La ventilation mécanique est maintenue
habituellement 4 à 5 jours.
Des troubles neurologiques apparaissent chez plus de 20 % des
adultes : troubles de conscience (> 50 %), convulsions (> 10 %),
atteinte neuromusculaire (< 10 %) et parfois AVC hémorragique ou
ischémique.
Près de 50 % des patients avec une IRA ont une atteinte
neurologique qui conduit à la transfusion sanguine chez 92 % des
patients, avec une mortalité de 23 %.
La fibroscopie bronchique
en cas de STA se complique dans 10-15 % des cas, mais il ne s’agit
souvent (50 %) que d’une chute transitoire de la SaO2
.
La
mortalité par STA chez l’adulte varie de 2 % à 10 %, très supérieure
à celle observée chez l’enfant.
Les facteurs de risque de décès
sont une atteinte multilobaire, une IRA précoce, un sepsis bactérien,
une atteinte neurologique ou une baisse importante de l’Hb
(£ 5 g/dL).
Les récidives augmentent le risque de mortalité précoce
et de maladie pulmonaire chronique.
L’autopsie, quand elle
est pratiquée, révèle fréquemment une embolie pulmonaire
correspondant souvent à des emboles graisseux massifs.