Drépanocytose chez l’adulte (Suite) Cours
d'hématologie
+ Traitement
:
Il faut d’abord rappeler le nombre important de germes susceptibles
d’être responsables d’un STA et les risques liés à une surcharge
hydrique ou aux complications des traitements morphiniques.
Il convient donc de prévenir les complications iatrogènes en assurant
une hydratation quotidienne ne dépassant pas 1 500 mL/m2 de
surface corporelle, une surveillance journalière du poids et des
entrées/sorties, des signes de déshydratation, d’introduire des
diurétiques en cas de surcharge.
L’utilisation de techniques spirométriques kinésithérapiques chez un patient volontaire peut
permettre de diminuer les infiltrats pulmonaires en s’opposant aux
atélectasies secondaires aux douleurs thoraciques.
Une
surveillance adaptée de la douleur, au mieux par analgésie contrôlée
par le patient (PCA), doit être instituée pour éviter les risques de la
narcolepsie, en association aux AINS et/ou au paracétamol qui sont
épargneurs de morphiniques.
Une anesthésie péridurale chez les
patients dont l’analgésie requiert des doses de morphiniques
responsables d’une dépression respiratoire peut être proposée.
Lorsque le diagnostic de STA est posé, une antibiothérapie à large
spectre incluant un macrolide (ou une fluoroquinolone) avec une
céphalosporine de deuxième ou troisième génération doit être
instituée, systématiquement associée à des aérosols de
bronchodilatateurs qui permettent d’améliorer le DEP.
La prudence
est nécessaire en cas de fragilité cardiovasculaire.
Tous les patients
recevant une antibiothérapie sont apyrétiques en moyenne en
2 jours.
L’oxygénothérapie doit toujours être utilisée en cas
d’hypoxie (mesurée par gazométrie artérielle) ou de détresse
clinique.
Il faut se méfier chez les patients non hypoxiques de
l’oxygénothérapie à fort débit susceptible de diminuer
l’érythropoïèse.
La tranfusion sanguine est nécessaire, surtout si
l’anémie s’aggrave ou en cas de thrombopénie relative ou absolue
inférieure à 200 000/mm3, ou si la pneumopathie est multilobaire.
De 30 à 70 % des adultes doivent être transfusés après
quelques jours d’évolution.
La transfusion utilise des
concentrés érythrocytaires phénotypés et déleucocytés sous la forme
d’échanges transfusionnels ou plus souvent de transfusion simple,
d’efficacité similaire et en général rapide, pour obtenir un taux d’Hb
voisin de 10 g/dL.
Elle permet d’augmenter la pression partielle en
oxygène (PaO2) moyenne de 63 mmHg à 71 mmHg (SaO2 de 91 % à
94 %).
Les corticoïdes sont controversés, certains leur attribuant
une réduction des durées d’hospitalisation, mais une
augmentation des réhospitalisations et un effet facilitateur sur
l’apparition des crises sont possibles (communications et
observations personnelles).
Rappelons également le risque
d’ostéonécrose aseptique.
L’héparine, l’aspirine, n’apportent aucun bénéfice particulier au
cours du STA malgré l’existence d’un état d’hypercoagulabilité
biologique.
Si le traitement initial n’est pas efficace rapidement,
une fibroscopie bronchique doit être envisagée.
Le traitement des
récidives de STA est difficile.
Il fait appel, soit aux programmes
transfusionnels entraînant une disparition quasi totale des
récidives, soit à hydroxyurée, qui diminue d’environ 50 % la
fréquence de STA chez l’adulte.
* Poumon drépanocytaire chronique :
Le poumon drépanocytaire chronique est une complication
insidieuse mais dont les premiers signes sont souvent précoces,
avant 20 ans.
Des antécédents pulmonaires aigus ne sont pas
toujours retrouvés mais le STA augmente le risque relatif de maladie
pulmonaire chronique.
Les autres facteurs de risque identifiés sont
les antécédents d’hospitalisation, de CVO douloureuses à répétition
notamment thoraciques et, chez les adultes (³ 20 ans), les
ostéonécroses aseptiques.
L’évolution peut se faire vers l’insuffisance
respiratoire chronique associant hypoxémie, fibrose interstitielle
diffuse, coeur pulmonaire et syndrome restrictif.
Une bronchopathie
chronique obstructive n’est pas inhabituelle.
Un diagnostic clinique
précoce est indispensable.
La symptomatologie clinique n’est pas
spécifique, avec des douleurs thoraciques, une dyspnée de repos ou
d’effort, des signes droits…
Le poumon drépanocytaire chronique
serait secondaire à la constitution progressive d’une vasculopathie
par falciformation intravasculaire pulmonaire, souvent
asymptomatique, conduisant à une hyperplasie intimale.
L’histologie révèle habituellement une maladie artériolaire occlusive
avec lésions fibreuses sans relation avec une pathologie
thromboembolique.
L’ischémie myocardique chronique, sans
maladie coronaire identifiable, contribue largement à la morbimortalité de cette pathologie notamment par le risque de
spasme coronaire induit par l’hypoxie chronique.
Les épreuves
fonctionnelles respiratoires (EFR) sont le marqueur le plus précoce
et le plus fiable de l’atteinte chronique du poumon avant les
premiers symptômes cliniques.
L’âge moyen du diagnostic
de maladie chronique pulmonaire chez le malade drépanocytaire est
de 24,9 ans avec des extrêmes de 6 à 43 ans.
Le délai moyen du
diagnostic au décès est court (5,2 ans).
Il faut noter la relation
existant entre la maladie pulmonaire chronique drépanocytaire et la
mort subite (notamment secondaire à l’hypertension artérielle
pulmonaire [HTAP], mais pas uniquement).
Les cas les plus sévères
peuvent bénéficier d’un programme transfusionnel visant à
maintenir le taux d’HbS en permanence en dessous de 30 %.
5- Complications dermatologiques
:
Les ulcères de jambe sont la complication dermatologique la plus
fréquente de la drépanocytose.
Ils sont sources de douleurs
chroniques, de troubles esthétiques, retentissent sur l’activité
professionnelle des patients et conduisent à un recours important
au système de soins.
Leur fréquence dépend de facteurs sociaux et
environnementaux.
Ainsi, en Jamaïque, jusqu’à 75 % des adultes
drépanocytaires de plus de 30 ans ont souffert d’ulcères au cours de
leur vie.
En Afrique, leur prévalence serait de l’ordre de 10 %, alors
qu’ils sont rares en Arabie saoudite.
Aux États-Unis, les ulcères de
jambe affectent 25 % des drépanocytaires au cours de leur existence,
sur un suivi de 8 ans.
Ils sont également âge-dépendants, rares chez
l’enfant de moins de 10 ans (3,1/100 patient-années) et plus
fréquents chez l’adulte après 50 ans (19,17/100 patient-années).
D’autres éléments interviennent dans leur apparition : le génotype
(SS > Sb° > SC et Sb+), la présence d’une alpha-thalassémie (diminution
du risque si deux ou trois gènes a), le taux d’HbF (corrélation
négative), le taux d’Hb totale (corrélation négative, mais non
retrouvée par tous les auteurs), le taux de plaquettes (corrélation
positive).
Enfin, il semble exister une influence du sexe avec un
risque deux à trois fois supérieur chez l’homme.
Les ulcères se
localisent avec prédilection à proximité de la cheville, sur ses faces
latérales, et moins souvent au cou-de-pied ou dans la région du
tendon d’Achille.
Le début des signes est marqué par des douleurs
ou des dysesthésies dans la future zone ulcérée. Le risque majeur
d’apparition d’un ulcère est un antécédent d’ulcère.
Il est parfois favorisé par un traumatisme minime, un grattage, une piqûre
d’insecte, des injections intraveineuses locales, etc.
L’ulcère se
dessine à l’emporte-pièce avec une bordure surélevée et une base
profonde.
Sa périphérie est fréquemment hyperpigmentée et
hyperkératosique.
La douleur est souvent très intense, permanente
et invalidante.
Une réaction périostée du tibia ou du péroné est
possible, mais l’association à une ostéomyélite est rare.
L’infection
secondaire de l’ulcère est quasi constante, le plus souvent à Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa, plus rarement à
germes anaérobies ou d’autres germes. Le traitement est difficile.
Il
comporte un volet préventif qui consiste en une éducation du
patient (lutte contre les traumatismes locaux, même minimes, et
traitement rapide de ceux-ci, port de chaussures adaptées,
préservation du réseau veineux superficiel des membres inférieurs).
En cas d’antécédent d’ulcères avec persistance d’oedème, le port de
bas de contention dépassant le genou et/ou la surélévation des
membres inférieurs doivent être proposés.
Des chaussettes en coton
sont préférables au Nylon ou autres tissus synthétiques.
Une
hyperkératose cutanée doit être traitée par crème hydratante.
Enfin,
l’hygiène locale et la prévention des infections mycosiques
interdigitales sont importantes.
Le traitement curatif est long,
difficile, avec des récidives fréquentes.
Il associe un débridage doux,
nécessitant une analgésie efficace avant les soins, le traitement d’une
infection locale, de l’oedème et la correction d’éventuels déficits
nutritionnels.
Le débridage utilise des compresses humides
imprégnées de sérum physiologique laissées en place jusqu’au
séchage (sans les réhumidifier) ou du Duodermt lorsque les ulcères
sont hyperalgiques.
Les ulcères de moins de 4 cm de diamètre
peuvent être traités par des soins locaux seuls, mais les récidives
restent fréquentes (25-50 % des cas).
Le contrôle d’une infection
locale par des antibiotiques locaux (type spray contenant de la bacitracine, de la néomycine et de la polymyxine B) aide à la
cicatrisation.
L’utilisation de la voie systémique n’est justifiée qu’en
présence de signes généraux.
Le risque de l’antibiothérapie est celui
de l’apparition de résistance (prélèvements locaux nécessaires) ; elle
doit donc être utilisée prudemment.
Certains proposent
systématiquement une supplémentation orale en zinc compte tenu
d’un déficit fréquent en cet oligoélément chez les drépanocytaires
notamment atteints d’ulcères (sulfate de zinc 220 mg trois fois par
jour).
Elle favorise la cicatrisation des plaies cutanées.
Les ulcères
récidivants peuvent bénéficier d’un programme transfusionnel pour
obtenir une Hb totale proche de 10 g/dL et une HbS inférieure à
30 %.
Les transfusions sont interrompues quand l’ulcère est cicatrisé
ou en cas d’absence de cicatrisation après 6 mois de programme
transfusionnel.
Des greffes cutanées peuvent éventuellement être
associées aux transfusions.
L’intérêt de l’hydroxyurée reste discuté,
d’autant que cette chimiothérapie peut se compliquer d’ulcères.
6- Atteinte rétinienne
:
La drépanocytose occasionne fréquemment des complications
oculaires secondaires à l’occlusion des petits vaisseaux et à une néovascularisation rétinienne, moins souvent par occlusion de
vaisseaux de plus gros diamètre (artère centrale de la rétine).
Nous
n’abordons ici que la rétinopathie drépanocytaire dont il existe deux
formes.
La rétinopathie drépanocytaire non proliférante donne des
lésions variées facilement visibles avec un ophtalmoscope si la
pupille est dilatée.
Les anomalies rétiniennes sont secondaires à des
hémorragies liées à des épisodes vaso-occlusifs (taches saumon), à
leur résorption et aux cicatrices rétiniennes séquellaires.
La vision
n’est habituellement pas atteinte et aucun traitement spécifique n’est
nécessaire.
Dans la rétinopathie drépanocytaire proliférante,
l’occlusion microvasculaire des vaisseaux de la rétine périphérique
entraîne une néovascularisation ou une hypertrophie des capillaires
restants.
La prolifération peut atteindre le corps vitré et s’étendre à
la surface de la rétine.
La fragilité vasculaire favorise la survenue
d’hémorragies vitréennes source de baisse aiguë de la vision.
La
répétition d’épisodes hémorragiques peut aboutir à la constitution
de séquelles fibreuses rétractiles pouvant entraîner des décollements
de rétine et une cécité.
L’atteinte prédomine chez les drépanocytaires SC (40 % des adultes) plus souvent que chez les homozygotes (20 %
des adultes).
Chez les homozygotes, il existe une corrélation
négative entre rétinopathie et taux d’HbF.
Le traitement repose
essentiellement sur la photocoagulation laser, mais des méthodes
chirurgicales, notamment en cas d’atteinte rétinienne grave, sont
parfois nécessaires.
7- Complications rénales
:
Les complications rénales de la drépanocytose sont précoces et
longtemps infracliniques.
La circulation artérielle rénale s’effectue
dans un système à débit lent, à faible tension d’O2 et pression
sanguine, ce qui facilite la polymérisation de l’HbS et les occlusions
microvasculaires.
Il existe une progression continue des anomalies : hyposthénurie ® augmentation du débit de filtration glomérulaire
(DFG) ® glomérulosclérose ® insuffisance rénale terminale.
* Hyposthénurie et autres anomalies tubulaires
:
L’hyposthénurie (incapacité à concentrer les urines) apparaît dans
la première année de vie.
Elle s’associe fréquemment à une nycturie
et à une énurésie chez l’enfant.
Elle se traduit par une réduction de
plus de 50 % de l’osmolalité urinaire (environ 410 mmol/kg versus
910 chez le sujet sain) sans relation avec un diabète insipide central
(effet nul de la vasopressine).
La falciformation des hématies dans la
microcirculation de la médullaire rénale (vasa recta) atteint les tubes
distaux et rend compte d’une ischémie aiguë dont la chronicité
aboutit à des infarctus.
Le risque de déshydratation des patients
drépanocytaires s’en trouve majoré.
À l’inverse, leur capacité à
diluer les urines est normale.
L’hyposthénurie s’accompagne d’un
défaut d’acidification et d’excrétion urinaire de K+ qui favorise le
risque d’acidose hyperchlorémique (tube distal) essentiellement en
cas d’insuffisance rénale.
De même, l’hyperkaliémie est rare, sauf
insuffisance rénale, même modérée (chez un sujet non
drépanocytaire, l’hyperkaliémie n’apparaît qu’en cas d’insuffisance
rénale sévère).
L’utilisation des bêta-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme
de conversion (IEC) et diurétiques épargneurs de potassium doit
être prudente.
La néphropathie drépanocytaire s’accompagne
également d’un hyperfonctionnement tubulaire proximal avec
augmentation de la réabsorption du phosphore et de la bêta2- microglobuline, augmentation de l’excrétion de l’acide urique et de
la créatinine.
Cette dernière explique la surestimation du DFG
mesuré par la clairance de la créatinine.
* Glomérulopathie et insuffisance rénale
:
L’atteinte des glomérules et l’insuffisance rénale sont plus tardives.
En effet, chez le jeune drépanocytaire, l’hémodynamique rénale est
augmentée, avec un DFG et un débit sanguin rénal (DSR) élevés.
Leur diminution est progressive, atteignant les chiffres des sujets
sains vers l’âge adulte mais continuant à s’abaisser avec l’âge.
Chez
un drépanocytaire de 40 ans ou plus, DFG et DSR sont normaux ou
discrètement inférieurs aux valeurs attendues.
La fonction rénale
peut commencer à se détériorer avant d’être mesurable par la
clairance de la créatinine, son excrétion étant augmentée.
L’identification clinique de l’insuffisance rénale est habituellement
faite dans la troisième ou quatrième décennie.
L’apparition d’une HTA est un signe prédictif d’insuffisance rénale.
Une supplémentation orale par carbonate de calcium et vitamine D est
systématique dès l’apparition d’une hypocalcémie et/ou de signes
d’insuffisance rénale.
La glomérulopathie s’accompagne d’une
protéinurie, fréquente chez l’adulte, réalisant un syndrome
néphrotique chez 40 % des patients ayant une insuffisance rénale
terminale.
L’utilisation des IEC est recommandée si la protéinurie
persiste plus de 1 ou 2 mois.
Chez l’enfant, une protéinurie témoigne
en général d’une sclérose glomérulaire focale.
Des transfusions
érythrocytaires sont nécessaires chez presque tous les patients
anémiques et insuffisants rénaux.
La survie des patients après le
diagnostic d’insuffisance rénale terminale est en moyenne de 4 ans,
malgré la dialyse.
L’ostéodystrophie secondaire à l’insuffisance
rénale aggrave l’atteinte ostéoarticulaire des patients
drépanocytaires.
L’augmentation de leur espérance de vie conduit à
rencontrer de plus en plus de patients insuffisants rénaux bénéficiant
de l’hémodialyse.
* Hématurie et nécrose papillaire :
Une hématurie microscopique, très fréquente, moins souvent
macroscopique, est possible aussi bien chez l’homozygote SS,
l’hétérozygote composite SC que chez le porteur du trait
drépanocytaire.
L’étiologie exacte est inconnue mais elle est
probablement consécutive à la falciformation d’hématies dans les
vasa recta de la médullaire rénale.
Bien qu’étant transitoire (1-
3 jours) avec le repos au lit et une bonne hydratation, elle récidive
dans 50 % des cas. Une étiologie est rarement retrouvée avec les
examens radiologiques (urographie intraveineuse [UIV],
artériographie rénale, IRM…).
Elle peut être secondaire à une
nécrose papillaire. Si une cystoscopie est pratiquée, celle-ci
retrouve dans 80 % des cas un saignement en provenance du rein
gauche.
Dans les hématuries abondantes, l’acide aminocaproïque
(antifibrinolytique) ou la vasopressine intraveineuse peuvent être
utilisés.
Une nécrose papillaire secondaire à l’ischémie médullaire,
fréquemment asymptomatique, peut compliquer l’évolution quel
que soit le génotype (SS, SC, Sbêta-thal, trait drépanocytaire).
La
douleur peut être la conséquence du passage urétéral du matériel
nécrotique.
Elle est devenue rare depuis l’abandon de l’utilisation
de la phénacétine au profit d’autres antalgiques.
8- Complications cardiaques :
Les manifestations cardiaques de la drépanocytose apparaissent
souvent dès l’enfance, généralement réduites à l’existence d’un
souffle, d’une cardiomégalie radiologique ou d’anomalies électrocardiographiques.
L’anémie chronique favorise
l’augmentation du débit cardiaque de repos dès 9-10 g/dL d’Hb,
alors qu’habituellement l’élévation du débit cardiaque ne se produit
que pour une anémie inférieure ou égale à 7 g/dL.
Pour un même
taux d’hémoglobine, l’augmentation du débit cardiaque est plus
importante chez le drépanocytaire qu’au cours d’une anémie d’autre
origine, en raison d’une part de la désaturation du sang artériel en
O2 (liée à la modification de l’affinité de l’HbS pour l’O2) et surtout,
d’autre part, de l’existence de shunts intrapulmonaires droitegauche
secondaires aux épisodes vaso-occlusifs pulmonaires
favorisant l’apparition d’un coeur pulmonaire chronique.
Des
souffles systoliques éjectionnels ou d’insuffisance mitrale
fonctionnelle, une hyperpulsatilité artérielle, une cardiomégalie
radiologique et des signes électriques d’hypertrophie ventriculaire
gauche peuvent être constatés chez le drépanocytaire.
La
myocardiopathie spécifique de la drépanocytose reste controversée.
Certains drépanocytaires homozygotes, surtout des enfants, peuvent
avoir une dysfonction ventriculaire gauche avec insuffisance
cardiaque sans atteinte coronaire individualisable (attestée par la
rareté des infarctus du myocarde) et rarement secondaire à une HTA
(sauf altération de la fonction rénale).
L’électrocardiogramme peut
révéler des anomalies de repolarisation (segment ST) dans 50 % des
cas, non spécifiques et fréquentes chez les sujets de race noire, ou
une hypertrophie ventriculaire gauche systolique.
9- Priapisme :
Le priapisme est l’impossibilité douloureuse de détumescence de la
verge.
Il affecte les enfants mais plus souvent les adultes et est
souvent récidivant dans la période postpubertaire.
Les patients
homozygote SS sont plus souvent affectés que les sujets SC.
Il est
secondaire à l’obstruction du retour veineux et/ou à la relaxation
prolongée des muscles lisses.
Plus il se prolonge, plus le risque de
lésions péniennes irréversibles, par infarctus des corps caverneux,
augmente, expliquant les dysfonctions érectiles ultérieures.
Il est
souvent nocturne (sommeil paradoxal), incitant à rechercher des
facteurs de risque, particulièrement une hypoxie (apnées ou hypopnées du sommeil…).
Lors d’un épisode aigu, l’impossibilité
d’uriner et l’engorgement du gland témoignent de l’atteinte du corps
spongieux et de la proximité immédiate du risque d’infarctus
caverneux.
Il s’agit donc dans tous les cas d’une urgence
thérapeutique, dans un délai maximal de 6 à 12 heures.
Le
traitement doit initialement soulager la douleur et l’anxiété :
utilisation de morphiniques et d’hydroxyzine.
Une hydratation
veineuse, habituellement hypotonique, et une oxygénothérapie sont
mises en route.
Le réchauffement local du pénis par des procédés
variés peut favoriser la détumescence.
Un échange transfusionnel
est parfois proposé mais ne permet pas toujours la résolution de
l’épisode.
Divers agents pharmacologiques sont disponibles :
produits alpha-adrénergiques (vasoconstricteurs) tels que l’éphédrine et
bêta-stimulants (vasodilatateurs) tels que le salbutamol.
En France, le
produit le plus couramment utilisé est l’étiléfrine (Effortilt) qui
possède à la fois des propriétés alpha- et bêta-adrénergiques.
Il s’utilise par
voie orale ou par injection intracaverneuse, à titre préventif
(priapisme intermittent) ou curatif (priapisme aigu).
Une
intervention chirurgicale est parfois nécessaire en cas d’inefficacité
du traitement médical (aspiration et irrigation du corps caverneux
avec ou sans agent pharmacologique).
10- Complications digestives et hépatobiliaires :
Des crises douloureuses abdominales compliquent fréquemment
l’évolution de la drépanocytose. Leurs origines sont diverses.
* Lithiase biliaire :
C’est la principale complication abdominale de la drépanocytose.
Elle est secondaire à l’hémolyse chronique et atteint
préférentiellement les drépanocytaires homozygotes. Elle peut
apparaître dès l’enfance.
Il s’agit essentiellement de lithiase
pigmentaire habituellement (60-80 %) peu ou pas calcifiée.
Sa
prévalence, variable d’une série à l’autre, est évaluée entre 30 et
70 %.
Son incidence maximale se situe dans la tranche d’âge
11-17 ans, sans prédominance féminine.
Compte tenu de sa fréquence, un tableau douloureux abdominal
aigu doit toujours faire évoquer l’hypothèse d’une cholécystite aiguë
lithiasique et conduire à pratiquer une échographie hépatobiliaire.
Il
est recommandé de faire l’exérèse chirurgicale de toute lithiase
diagnostiquée symptomatique ou non.
* Atteinte hépatique :
L’hépatomégalie sans anomalies biologiques associées est constatée
chez la moitié des patients drépanocytaires.
Les CVO hépatiques
(crises hépatiques) sont parfois difficiles à distinguer d’une
cholécystite aiguë.
Elles s’accompagnent aussi de fièvre, d’une
hyperleucocytose, mais également, associée à une cholestase portant
sur la gamma GT, les phosphatases alcalines et la bilirubine, d’une
cytolyse le plus souvent modérée mais parfois majeure (> 1 000 U).
La guérison est obtenue en règle en 1 à 3 semaines, bien que
d’authentiques évolutions vers l’insuffisance hépatocellulaire avec
syndrome hépatorénal et thrombopénie soient possibles.
Le
traitement des crises hépatiques non compliquées associe des
mesures symptomatiques et la transfusion érythrocytaire en cas de
signes de gravité.
Si les anomalies biologiques hépatiques sont
durables et non expliquées par les explorations biologiques ou
morphologiques, une biopsie hépatique doit être effectuée.
Il faut
rappeler que les complications hépatiques peuvent aussi être celles
de la transfusion sanguine : hépatites B et C, surcharge en fer.
Une
vaccination contre le virus de l’hépatite B (VHB) est systématique,
ainsi que la prévention de la surcharge martiale secondaire aux
transfusions par des chélateurs (déféroxamine).
* Atteinte du tube digestif :
La survenue d’un iléus paralytique lors d’une CVO de l’intestin
grêle est vraisemblablement la conséquence d’une ischémie et/ou
de lésions de reperfusion.
Les infarctus sont rares en raison de la
richesse de la vascularisation du grêle.
Une élévation de
l’amylasémie est habituelle.
La douleur est parfois épigastrique,
éventuellement en rapport avec un ulcère gastrique ou duodénal
dont la prévalence est inconnue au cours de la drépanocytose.
* Pancréas :
Les pancréatites aiguës sont une complication rare (ou au moins
rarement décrite).
11- Atteinte neurologique centrale :
L’atteinte du système nerveux central est une cause majeure de
morbidité de la drépanocytose, représentée principalement par les
infarctus cérébraux et les hémorragies intracrâniennes.
Les
méningites bactériennes, avec ou sans septicémie, concernent surtout
des enfants de moins de 5 ans.
Leur faible incidence actuelle
(quelques pour cent) est due à la prophylaxie systématique contre le
pneumocoque (vaccination et pénicillinothérapie orale) et
l’hémophilus.
L’incidence des AVC se situe approximativement
entre 0,5 et 1,5/100 patient-années au cours des 20 premières années
de vie, avec une incidence maximale vers la fin de la première
décennie.
La prévalence, quels que soient le génotype et
l’âge, est d’environ 4 %, plus élevée chez les drépanocytaires SS.
Il n’existe pas de différence entre hommes et femmes.
L’âge médian
au premier AVC est d’environ 13 ans chez les SS (0,6-47,1 ans) et
47 ans chez les SC (8,9-64,4 ans).
La probabilité de survenue d’un
premier AVC, ischémique ou hémorragique, augmente avec l’âge :
11 % à 20 ans jusqu’à 24 % à 45 ans chez le drépanocytaire
homozygote SS, plus faible chez le drépanocytaire SC (de 2 % à
10 %).
Les AVC sont principalement ischémiques (50-80 %),
parfois associés à une hémorragie (<= 2 %), mais la nature de l’AVC
est dépendante de l’âge : la période la plus à risque d’infarctus
concerne les moins de 20 ans (0,44/100 patient-années) alors que le
risque maximal d’un premier accident hémorragique se situe dans
la tranche d’âge 20-29 ans (0,44/100 patient-années).
L’incidence
est faible chez l’enfant et au-delà de 30 ans.
Des accidents
ischémiques transitoires existent dans 10 % des cas.
* Facteurs de risque et mortalité des accidents vasculaires cérébraux
:
Les facteurs de risque des accidents ischémiques sont les antécédents
de déficits neurologiques transitoires (DNT), de STA récent (<= 15
jours), le nombre de STA, la pression artérielle systolique (corrélation
positive) et le taux de base d’Hb (corrélation négative).
Les AVC
hémorragiques sont corrélés positivement au taux basal de
leucocytes et négativement à celui de l’Hb.
L’alpha-thalassémie semble
avoir une influence protectrice, contrairement à l’HbF.
La mortalité précoce (dans les 14 jours) liée aux AVC est variable
selon la nature de l’accident et l’âge des patients.
Elle est
globalement proche de 10 %, plus élevée s’il s’agit d’une hémorragie
(environ 25 %) ou d’un premier AVC.
* Physiopathologie des accidents vasculaires cérébraux :
La physiopathologie des AVC, comme celle des autres complications
de la drépanocytose, est multifactorielle et fait intervenir les
mécanismes suivants :
– lésions de l’endothélium artériel d’origine hémodynamique ;
– adhésion des cellules sanguines à l’endothélium, facteur primitif
ou aggravant les lésions ;
– fragilité vasculaire accrue vis-à-vis des perturbations circulatoires
et/ou des anomalies de la régulation du tonus vasomoteur ;
– développement de lésions artérielles sténosantes favorisant les
infarctus cérébraux, d’anévrismes ou de néovascularisation de type
moya-moya favorisant les hémorragies intracrâniennes ;
– état d’hypercoagulabilité.
* Accidents ischémiques constitués :
Les infarctus cérébraux sont symptomatiques ou non, parfois
associés à des DNT.
Les examens TDM ou IRM permettent de les
visualiser.
La présentation habituelle est une hémiparésie brutale,
occasionnellement une épilepsie (10-33 %) lors de l’accident. Un
coma est plus rare que dans les accidents hémorragiques.
Une
aphasie ou d’autres troubles sont possibles.
Dans moins de 10 % des
cas, un DNT précède l’infarctus.
Le génotype influence le risque
d’AVC : SS > SC et Sb+.
La plupart des AVC surviennent sans
prodromes, même si occasionnellement ils ont pu être précédés
par une CVO douloureuse, une infection, un épisode de priapisme…
À la phase aiguë, le traitement de l’infarctus cérébral doit comporter
un échange transfusionnel complet ou partiel, une hydratation par
des solutés isotoniques.
Le taux d’HbS doit être rapidement diminué
sans augmenter l’hématocrite : cela implique que le choix se porte
préférentiellement sur l’échange transfusionnel plutôt que sur la
transfusion simple.
L’HbS doit être maintenue en dessous de 30 %.
L’évolution immédiate se fait rarement vers le décès et dans la
majorité des cas la récupération fonctionnelle motrice est bonne.
Des séquelles cognitives sont en revanche fréquentes, surtout après
plusieurs AVC dont les conséquences fonctionnelles motrices sont
également sévères (risque de paralysies pseudobulbaires).
Les
récidives sont très fréquentes (46 à 90 %) et maximales dans les 2 à 3
ans, surtout lorsque le premier AVC est survenu avant 20 ans.
Elles sont réduites à moins de 10 % avec un programme
transfusionnel bien conduit.
La durée optimale de ce traitement reste
inconnue, notamment en raison de la survenue de récidives tardives
(jusqu’à 12 ans après) après son interruption, ce qui ne permet
pas de la recommander, sauf complications.
* Accidents vasculaires cérébraux hémorragiques :
Les hémorragies intracrâniennes (sous-arachnoïdiennes,
parenchymateuses, ventriculaires) représentent 20 % des AVC et sont
parfois concomitantes d’un infarctus. Les patients sont en règle plus
âgés que ceux ayant un premier AVC ischémique : 25 ans versus
7,8 ans.
Les signes sont plus souvent des troubles de conscience
que des signes focaux.
Il existe fréquemment des convulsions, un
coma sans hémiplégie.
Des céphalées intenses, des vomissements
ou d’autres signes méningés sont possibles.
L’hémorragie est
fréquemment sous-arachnoïdienne, notamment par rupture
d’anévrisme, justifiant alors un traitement médical intensif, puis
rapidement chirurgical.
La drépanocytose, en modifiant les
conditions de la circulation sanguine et en induisant des lésions
endothéliales, favorise la constitution d’anévrismes multiples,
retrouvés dans 20 à 45 % des cas.
Leur recherche doit donc être
systématique, par angiographie et/ou angio-IRM, dans l’hypothèse
de la possibilité d’une cure chirurgicale.
La vasculopathie cérébrale
qui favorise les infarctus cérébraux peut se compliquer des mois ou
des années plus tard par des hémorragies ventriculaires ou
parenchymateuses.
On retrouve cependant parfois une cause
anévrismale. Dans 30 % des cas, les lésions vasculaires responsables
d’hémorragies intracrâniennes ont un aspect de « moya-moya ».
* Prévention des accidents vasculaires cérébraux
chez le drépanocytaire :
Elle est double : prévention primaire, c’est-à-dire prévention d’un
premier AVC qui concerne l’enfant, et prévention des récidives
(prévention secondaire) après un premier AVC.
La prévention
primaire se fonde sur deux constatations :
– la majorité des infarctus cérébraux est secondaire à l’obstruction
ou l’occlusion de l’artère carotide interne ou des artères cérébrales
antérieures ;
– sur la possibilité du dépistage du risque d’AVC par examen
échographique et doppler transcrânien en raison de la corrélation
négative existant entre les vitesses circulatoires et le diamètre des
artères.
Les sténoses visualisées par les examens artériographiques sont
corrélées à l’augmentation du débit sanguin cérébral et à la survenue
d’AVC chez l’enfant.
Un programme transfusionnel adapté
(transfusions mensuelles, sous forme d’échange ou de transfusion
simple, visant une HbS inférieure ou égale à 30 %) permet une
réduction du risque d’apparition d’un premier AVC de plus de
90 %.
En son absence, le risque de récidive est de l’ordre de 10 %
par an.
La durée du programme reste indéterminée. S’il devait être
prolongé, l’indication de traitement plus lourd (transplantation
médullaire) pourrait être proposée.
Compte tenu du risque élevé de
récidives après un premier AVC, une prévention secondaire est
obligatoire.
Elle se base sur un programme transfusionnel en général
mensuel pour diminuer le taux d’HbS comme au cours de la
prévention primaire.
L’efficacité de ce traitement se situe entre 80 et 90 %, mais sa durée optimale reste inconnue.
Des récidives à l’arrêt
d’un programme transfusionnel de longue durée ont été décrites.
Les risques de la transfusion sont nombreux, surtout utilisée sur de
longues durées : transmission d’agents infectieux, viraux en
particulier (VHB, virus de l’hépatite [VHC], virus de
l’immunodéficience humaine [VIH]), allo-immunisation
érythrocytaire, surcharge en fer et hémosidérose qui obligent de
surcroît à une prévention souvent pénible pour les patients.
Quelques succès ont été rapportés avec l’hydroxyurée, avec
cependant un taux de récidive de 19 % à 22 mois, c’est-à-dire
supérieur à celui d’un programme transfusionnel, mais inférieur au
taux spontané sans traitement préventif.
De plus, la plupart des
récidives se sont produites dans les 3-4 premiers mois suivant l’arrêt
des transfusions et avant obtention de la pleine efficacité de
l’hydroxyurée.
Le mécanisme protecteur lié à l’hydroxyurée n’est
pas connu mais ferait intervenir l’augmentation de l’HbF, la baisse
des leucocytes et des neutrophiles et l’amélioration des propriétés
rhéologiques des GR.
12- Infections
:
La prescription de pénicilline dès la période néonatale a diminué la
fréquence des méningites et septicémies qui ont été responsables de
nombreux décès chez le petit enfant drépanocytaire avant le
dépistage fait chez les nouveau-nés.
Chez l’adolescent et chez
l’adulte, le risque de ces mêmes infections persiste et justifie la
poursuite de la vaccinothérapie contre les pneumocoques tout au
long de la vie.
En effet, les infections graves à pneumocoques restent
une des premières causes de mortalité chez l’adulte drépanocytaire.
Les ostéomyélites à salmonelles et à staphylocoques se voient
préférentiellement pendant l’enfance, mais le risque demeure aussi
au-delà de 15-20 ans.
Les autres types de complications infectieuses,
notamment virales, ont été envisagés ci-dessus.
Grossesse et drépanocytose :
L’amélioration récente de l’espérance de vie et de la prise en charge
des patientes drépanocytaires explique l’augmentation régulière du
nombre de grossesses dans cette population, d’autant que la fertilité
des femmes drépanocytaires est normale.
La grossesse est cependant
à risque pour la mère comme pour le foetus.
En effet, elle peut être
la cause déclenchante ou favorisante de manifestations de la maladie
drépanocytaire. En outre, il existe une augmentation des
complications obstétricales, maternelles et foetales liées à la
drépanocytose.
Ainsi, la prise en charge doit être multidisciplinaire,
impliquant obstétriciens, hématologues, internistes et anesthésistes.
Le conseil génétique comporte une information sur la transmission
de la drépanocytose.
Le diagnostic prénatal (biopsie de trophoblaste
ou amniocentèse) peut être proposé aux couples exposés au risque
d’avoir un enfant atteint par la maladie drépanocytaire ou une autre
maladie génétique de l’Hb.
Tout traitement en cours par la déféroxamine et/ou l’hydroxyurée doit être interrompu chez les
femmes qui ont un projet de grossesse, a fortiori lorsque la grossesse
survient lors de ces traitements.
Cette dernière éventualité ne
constitue pas un motif pour interrompre la grossesse.
Les
avortements spontanés, les morts foetales in utero, les menaces
d’accouchements prématurés et la prématurité sont plus fréquents
que dans la population générale.
Les complications rénovasculaires
(HTA et prééclampsie) sont de l’ordre de 13 à 30 % selon les séries
publiées, justifiant une surveillance étroite de ces malades,
notamment dans le post-partum, période pendant laquelle
l’infection, le syndrome thoracique et la maladie thromboembolique
sont à redouter.
Une césarienne est nécessaire chez 50 % des femmes
environ.
La mortalité maternelle varie de 0,5 à 5 % ; elle est
maximale en péripartum, favorisée par les insuffisances organiques
préexistantes et les antécédents de complications sévères de la
drépanocytose.
Un programme de transfusion sanguine peut être
institué pour les grossesses les plus à risque, visant à baisser l’HbS
en dessous de 40-50 %.
Certains auteurs le recommande chez toute
femme enceinte pendant la période du péripartum pour éviter les
complications aiguës.
Traitement de la drépanocytose :
A - TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :
Le traitement symptomatique a été envisagé à l’occasion de la
description de chacune des complications pouvant survenir au cours
de la drépanocytose.
B - TRANSFUSION SANGUINE
:
En règle générale, le produit sanguin utilisé est le concentré déleucocyté. Avant toute transfusion, les malades doivent être
phénotypés dans les systèmes ABO, Rhésus, Kell, Duffy, Kidd et
Lewis.
Les concentrés érythrocytaires transfusés doivent être
compatibles dans les systèmes ABO, Rhésus et Kell au minimum.
L’accord n’est pas fait entre les tenants d’un phénotypage
compatible plus complet incluant aussi les systèmes Kidd, Duffy et
Lewis et ceux qui n’en tiennent pas compte en raison de la faible
incidence des allo-immunisations dans ces systèmes, du coût de
cette attitude, et de la difficulté pratique de trouver des donneurs
compatibles provenant des populations ethniquement différentes de
celles des receveurs.
Dans tous les cas, la recherche d’agglutinines
irrégulières doit être faite systématiquement avant et si possible
après toute transfusion.
La surveillance sérologique (VIH, human
T-cell lymphoma virus [HTLV]-1, VHC) doit être faite régulièrement.
Tous les patients drépanocytaires doivent être immunisés contre le VHB.
Les diverses indications de la transfusion sanguine ont été
mentionnées à l’occasion de la description des principales
complications pouvant survenir dans la drépanocytose.
Il existe trois
modalités différentes de la transfusion sanguine dans la
drépanocytose : la transfusion sanguine simple, l’échange
transfusionnel et la transfusion sanguine au long cours.
1- Transfusion sanguine simple
:
Le taux d’Hb habituel des drépanocytaires homozygotes SS est
compris entre 6 et 9 g/dL, celui des autres syndromes
drépanocytaires étant plus élevé.
L’objectif de la transfusion
sanguine simple est de ramener un taux d’Hb abaissé à sa valeur
habituelle.
En effet, il n’est pas souhaitable de dépasser le chiffre
habituel car le pourcentage d’hématies drépanocytaires résiduelles,
même faible, peut provoquer des accidents vaso-occlusifs sévères en
raison de l’hyperviscosité sanguine qu’elles induisent lorsque
l’hématocrite s’élève.
2- Échange transfusionnel
:
L’objectif de l’échange transfusionnel est de remplacer les hématies
drépanocytaires par des hématies contenant de l’HbA.
Cet échange
doit se faire en règle générale à hématocrite constant.
Il suppose de
pouvoir mesurer le pourcentage d’HbS drépanocytaire dans des
délais raisonnables après les manoeuvres transfusionnelles.
Les
techniques manuelles supposent deux voies d’abord veineuses, l’une
pour la soustraction (saignée) l’autre pour les apports (transfusion).
On procède en trois temps :
– saignée de 10 à 15 mL/kg associée à une perfusion concomitante
de même volume de soluté isotonique par la seconde voie d’abord ;
– transfusion réglée au même débit que la saignée jusqu’à obtention
du volume à dépléter ;
– poursuite de la transfusion jusqu’à obtention du volume que l’on
veut apporter.
Si le taux d’HbS résiduel souhaité est de l’ordre de 40 %, on doit
soustraire environ 40 mL/kg et apporter environ 30 mL/kg.
Si le
taux souhaité est de l’ordre de 25 % d’HbS résiduelle, on doit
soustraire environ 60 mL/kg et apporter environ 45 mL/kg.
Deux variantes de cette technique peuvent être utilisées :
– chez l’enfant, lorsqu’une seule voie d’abord est disponible, on
peut faire plusieurs gestes successifs à 24 ou 48 heures d’intervalle, alternant saignées et transfusions de plus petits volumes
respectivement de l’ordre de 10-15 et 20-25 mL/kg ;
– lorsque les voies d’abord le permettent, on peut utiliser des
techniques d’érythraphérèse à l’aide d’un séparateur de cellules.
La
méthode permet d’obtenir une réduction importante et rapide des
GR drépanocytaires en une seule séance.
3- Programmes de transfusion sanguine au long cours :
Ces programmes ont pour objectif de maintenir en permanence le
taux d’HbS au-dessous de 20, 30 ou 40 % selon l’indication clinique.
Plusieurs modalités sont proposées.
La première consiste à faire des
transfusions simples régulières toutes les 3-4 semaines,
éventuellement précédées d’une saignée de 10 à 15 mL/kg de poids
pour ralentir la progression de la surcharge en fer.
La seconde
modalité consiste à faire des érythraphérèses sur machine qui
permettent d’espacer les séances de transfusion toutes les 6 à 8
semaines et de réduire l’évolution de l’hémochromatose posttransfusionnelle
puisque la méthode permet un échange de GR de
volume à volume.
C - HYDROXYURÉE :
Il a été montré il y a quelques années que l’hydroxyurée était
susceptible d’augmenter le pourcentage d’Hb foetale au sein de
l’hématie drépanocytaire.
Cette Hb a un rôle protecteur contre
les effets délétères de l’HbS.
Cette observation biologique a été à
l’origine de la proposition de prescrire de l’hydroxyurée dans la
maladie drépanocytaire.
Sept à
huit malades sur dix répondent initialement à l’hydroxyurée.
Chez
l’homme, les risques sur la fertilité à long terme étant inconnus, il
est conseillé de faire une cryoconservation de sperme avant le
traitement.
Le risque de leucémogenèse est inconnu chez les malades
traités au long cours.
Jusqu’à présent, ce médicament n’est pas
conseillé dans les formes SC de drépanocytose.
D - TRANSPLANTATION MÉDULLAIRE :
La transplantation médullaire (allogreffe human leukocyte antigen
[HLA] identique) a un intérêt curatif dans la drépanocytose.
Elle est
indiquée chez des enfants (< 16 ans) qui présentent des
complications graves : essentiellement les AVC avec séquelles
motrices et les STA répétés et/ou associés à une détérioration
chronique de la fonction respiratoire.
L’expérience est encore récente et le recul peu important mais, à
6 ans, la survie globale est de 94 % et la survie sans événements de
84 %.
Près de 10 % des drépanocytaires greffés ont un rejet de la
greffe ou une récidive de la drépanocytose.
La guérison de la
drépanocytose est obtenue dans 75 à 85 % des cas et presque tous
les patients ont au moins une stabilisation de leur vasculopathie
cérébrale.
Les traitements utilisés pour la préparation à la greffe,
immunosuppresseurs et antimitotiques, posent cependant le
problème de l’infertilité et de l’oncogénicité qu’ils induisent.
Ces
risques incitent à la prudence concernant les indications de la greffe.
Mortalité de la drépanocytose
:
Une étude rétrospective effectuée en Île-de-France sur une cohorte
d’enfants suivis de 1985 à 1992 a rapporté une mortalité de
0,29/100 patient-années avec un âge moyen au décès de 5,5 ans.
Il existe une grande variabilité de la mortalité selon les études en
raison de la situation géographique des patients qui détermine la
qualité de leur prise en charge indépendamment de facteurs
génétiques qui influenceraient, au moins partiellement, la gravité de
leur pathologie.
La courbe de mortalité a souvent une forme biphasique avec un premier pic entre 1 et 5 ans et un second après
20 ans chez les drépanocytaires SS (après 40 ans chez les SC).
Les
principales causes de décès sont les infections, les STA,
la séquestration splénique, les AVC, les crises aplasiques et les décès
dus aux complications chroniques de la drépanocytose (insuffisances
cardiaque, rénale, séquelles d’AVC).
Les morts subites semblent
fréquentes chez le drépanocytaire.
Les décès postopératoires et périopératoires en général, fréquents dans les séries les plus
anciennes, sont plus rares aujourd’hui compte tenu de l’amélioration
de la prise en charge des malades.
A - CHEZ L’ENFANT :
Les infections, favorisées par l’asplénie fonctionnelle, sont la
première cause de mortalité entre 6 mois et 5 ans.
Les principaux germes concernés sont le pneumocoque, cause de sepsis foudroyant,
Haemophilus influenzae de type b responsable de méningites
purulentes, et les salmonelles avec une mortalité secondaire aux
complications diarrhéiques dans les pays en voie de développement.
Depuis le milieu des années 1980, une prophylaxie est appliquée
systématiquement à la fois contre le pneumocoque
(pénicillinothérapie orale par oracilline et vaccination
antipneumococcique) et contre Haemophilus (vaccination).
La
séquestration splénique concerne surtout de jeunes enfants (< 2 ans).
Elle est responsable d’une morbidité élevée et de fréquentes
récidives.
Sa prévention nécessite le diagnostic précoce de la
drépanocytose et l’éducation des parents (palpation de la rate,
consultation rapide…).
Des programmes transfusionnels ou la
splénectomie peuvent la prévenir ou l’éviter.
La prise en charge
précoce des patients, notamment grâce au dépistage néonatal, est
l’un des facteurs essentiels de l’amélioration de la survie.
B - CHEZ L’ADULTE :
Dans une étude nord-américaine, l’espérance de vie médiane chez
les drépanocytaires homozygotes était de 48 ans pour les femmes et
42 ans pour les hommes (chez les hétérozygotes SC : 60 ans pour les
hommes, 68 ans pour les femmes).
Des facteurs de risque de
mortalité précoce chez les drépanocytaires homozygotes d’âge
supérieur ou égal à 20 ans ont été mis en évidence : augmentation
de la survie si le taux d’HbF est supérieur à 8,6 %, et diminution si
le chiffre basal de leucocytes est inférieur à 15 000/mm², en cas de
convulsions, d’insuffisance rénale ou de STA.
Plus la maladie est
symptomatique, plus la mortalité augmente.
Dans cette étude,
l’absence ou la présence d’une alpha-thalassémie n’a eu aucune influence
sur la mortalité.