Bookmark and Share                    Rechercher dans le site  |   Devenir membre
      Accueil       |      Forum     |    Livre D'or      |     Newsletter      |      Contactez-nous    |                                                                                                          Envoyer par mail  |   Imprimer
loading...

 
Chirurgie
Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic (Suite)
Cours de Chirurgie
 

 

 

Physiopathologie des dissections aiguës :

L’issue de sang dans la média pariétale à travers la brèche intimale et sous l’effet de la pression systolique entraîne, nous l’avons dit, la séparation en deux plans de la paroi aortique et la création d’un chenal pathologique dit « faux » chenal.

La progression des lésions se fait en général très rapidement le long de l’aorte et éventuellement de certaines de ses branches collatérales, si bien que dans la plupart des cas, les dégâts anatomiques et physiopathologiques sont constitués en quelques secondes ou minutes.

Ces dégâts peuvent pratiquement expliquer à eux seuls les symptômes cliniques, les complications observées et déterminer la stratégie thérapeutique.

Il est donc important d’en connaître les modalités, d’en faire un bilan aussi exact que possible et d’en apprécier le retentissement.

Le processus disséquant peut s’arrêter n’importe où sur le trajet aortique mais le plus souvent la dissection atteint ou dépasse le carrefour aortique et intéresse une ou les deux artères iliaques.

La dissection ne progresse pas de façon uniforme mais semble décrire une longue spirale le long de l’aorte, ce qui explique la préservation de certaines collatérales tandis que d’autres sont intéressées par le processus pathologique.

Bien qu’il existe un grand nombre d’exceptions, il semble qu’en général le faux chenal intéresse plus volontiers la partie antérodroite de l’aorte ascendante, puis la face antérieure et gauche de la crosse aortique, enfin la partie postérogauche de l’aorte descendante.

Comme déjà indiqué, de nombreuses déchirures de la cloison intimale (« flap ») peuvent se faire au cours de la progression de la dissection le long de l’aorte.

Elles vont alimenter en permanence le faux chenal.

Svensson a relevé dans son expérience que chez 80 % des patients dont la dissection atteignait le carrefour aortique, l’artère iliaque primitive gauche était vascularisée par le faux chenal.

Ceci peut avoir une certaine importance si l’artère fémorale gauche est choisie comme site de canulation lors de la mise en place de la circulation extracorporelle.

A - RUPTURE ET TAMPONNADE :

Lorsque la dissection est constituée, l’ensemble des deux chenaux circulant sous pression est contenu, au moins en partie, par la seule paroi externe du faux chenal.

Cette paroi, faite de l’adventice aortique et du tiers externe de la média, est fragile et peut se rompre sous l’effet d’une augmentation de la pression artérielle.

Par ailleurs, et sans qu’il existe de rupture franche, la paroi peut en certaines zones laisser sourdre du sang.

On peut donc observer, soit des hémorragies brutales par rupture franche, soit des hémorragies lentes, progressives, par transsudation.

Toutes les dissections peuvent saigner de façon inopinée, dans le péricarde et le médiastin, la plèvre gauche ou l’abdomen.

Mais deux sites sont particulièrement le siège de ces hémorragies : l’aorte ascendante et l’aorte descendante.

Il est exceptionnel que la crosse et l’aorte abdominale soient intéressées. Roberts a montré que le site de rupture le plus fréquemment observé se situe en regard de la brèche intimale.

Il est possible que ceci soit en rapport avec une nécrose de la paroi aortique provoquée par la thrombose des vasa vasorum à ce niveau.

Les ruptures franches sont, le plus souvent, diagnostiquées lors de vérifications anatomiques après mort subite, le malade n’ayant pas eu le temps d’être hospitalisé.

En effet, leur survenue dans la cavité pleurale ou abdominale conduit rapidement à l’exsanguination du malade et au décès par choc hémorragique.

Elles se voient surtout dans les dissections aiguës de type B de Stanford.

Les suffusions transpariétales de sang sont au contraire de constatation très fréquente dans les dissections aiguës de type A et constituent un des facteurs diagnostiques et pronostiques importants de l’affection.

L’aorte ascendante étant entièrement intrapéricardique, l’accumulation de sang dans le péricarde entraîne rapidement une compression du coeur empêchant le remplissage diastolique, dite « tamponnade ».

Une insuffisance cardiaque droite par compression des cavités à basse pression s’installe et peut conduire rapidement à un choc cardiogénique majeur.

La tamponnade explique en grande partie la mortalité spontanée très élevée des dissections aiguës de type A.

B - INSUFFISANCE AORTIQUE :

Une insuffisance valvulaire aortique est constatée dans les dissections aiguës de type A dans près de 75 % des cas.

Cette insuffisance aortique peut préexister à la dissection aiguë.

C’est très généralement le cas chez les malades atteints de syndrome de Marfan, de maladie annuloectasiante ou porteurs d’une bicuspidie.

Mais dans 25 à 57 % des cas, l’insuffisance aortique est un phénomène aigu induit par le processus disséquant, la valve aortique étant parfaitement normale avant la survenue de cet accident.

Plusieurs mécanismes ont été invoqués pour expliquer la survenue de l’insuffisance aortique aiguë.

– Le faux chenal, souvent, se développe de façon rétrograde, sur quelques centimètres à partir de la brèche intimale initiale, pour atteindre l’anneau aortique.

Il dissèque donc le culot aortique sous la jonction sinotubulaire.

Cette dissection se fait en règle générale de façon asymétrique, sur une partie seulement du pourtour aortique et en particulier dans le sinus non coronaire et/ou le sinus coronaire droit, la zone du culot aortique située le long du tronc de l’artère pulmonaire étant souvent préservée.

Le « flap » intimal ainsi créé et sur lequel la valve aortique reste attachée par ses commissures est repoussé en dedans par le faux chenal.

Ainsi, l’appareil valvulaire aortique perd une partie de son architecture de soutien et en particulier les attaches d’une ou deux commissures.

L’asymétrie ainsi créée entraîne, à chaque diastole, un prolapsus de la ou des sigmoïdes ayant perdu leur attache commissurale et donc une fuite valvulaire plus ou moins importante.

– Certains cas de prolapsus complet vers le ventricule gauche de la cloison intimale déchirée ont été décrits.

Nous en avons personnellement opéré un cas.

– On a également rapporté des cas de déchirure franche d’une sigmoïde aortique mais ce mécanisme nous semble peu probable.

Quel que soit le mécanisme de l’insuffisance aortique, son caractère brutal et plus ou moins massif entraîne une dysfonction ventriculaire aiguë et peut compromettre rapidement le pronostic vital du malade.

C - MALPERFUSIONS :

Lors de la constitution et de la progression rapide du processus disséquant, l’origine des branches collatérales de l’aorte peut être compromise.

Ceci peut aboutir à une diminution ou une interruption complète du flux sanguin dans l’artère en cause et à une ischémie de l’organe vascularisé par cette artère s’il n’existe pas de possible compensation par la collatéralité.

Il y a donc malperfusion de l’organe considéré. Les malperfusions surviennent en règle générale pendant ou immédiatement après la constitution de la dissection et des dégâts aortiques.

Cependant, leurs conséquences physiopathologiques et cliniques peuvent être retardées de plusieurs heures, le temps qu’apparaissent les altérations tissulaires et cellulaires.

Leur diagnostic peut donc être de difficulté très variable.

Il est souvent retardé par rapport au diagnostic de la dissection aiguë, ce qui retarde d’autant la mise en route d’un traitement efficace de la malperfusion et peut dans certains cas compromettre la survie du malade.

Plusieurs types d’atteinte des branches collatérales de l’aorte ont été décrits. Une classification en mécanismes statiques et mécanismes dynamiques a même été établie par Williams et al.

– La dissection aortique peut se poursuivre sur les premiers centimètres de la branche collatérale.

En général, le processus disséquant

s’arrête assez rapidement du fait, probable, de la taille réduite des vaisseaux. C’est ce que l’on constate fréquemment pour les vaisseaux à destinée brachiocéphalique.

Dans certains cas, une déchirure intimale se produit dans la membrane de dissection de la branche collatérale et la perfusion en aval peut être maintenue et l’ischémie de l’organe d’aval réduite ou absente.

Souvent le vrai et le faux chenal restent de volume à peu près identique et la dissection de la collatérale compromet peu la perfusion de l’organe d’aval.

Mais il n’est pas rare que le faux chenal reste borgne, se dilate et comprime la vraie lumière, compromettant la perfusion de l’organe d’aval.

– Le faux chenal circulant peut, dans certains cas, comprimer la vraie lumière aortique et appliquer la membrane intimale contre un orifice de branche collatérale obturant celle-ci et interrompant la perfusion dans l’organe d’aval.

– La membrane intimale peut se déchirer de façon circonférentielle au niveau d’un orifice de branche collatérale, détachant complètement le vaisseau du vrai chenal.

Il est fréquent, en ce cas, que le vaisseau soit alimenté par le faux chenal.

Ceci se voit en particulier pour l’artère rénale gauche.

Mais il n’est pas rare que la membrane intimale dans le vaisseau s’invagine et que le flux d’aval soit interrompu.

– Du fait de la moindre résistance de la paroi externe du faux chenal, il est habituel qu’il se dilate et devienne très rapidement plus volumineux que le vrai chenal.

Ceci n’a en général pas de conséquence sur la perfusion aortique distale elle-même.

Cependant, dans certains cas, le vrai chenal est comprimé par le faux chenal, ce qui peut réaliser un véritable phénomène de « pseudocoarctation ».

La perfusion en aval de la compression peut être compromise ou dépendre entièrement de déchirures distales. Les malperfusions peuvent être transitoires ou définitives.

En effet, les conditions locales peuvent se modifier, la vascularisation collatérale prendre le relais, des ruptures intimales se produire, des thromboses se former progressivement, etc…

Elles peuvent concerner toutes les branches de l’aorte, depuis les artères coronaires jusqu’aux carrefours iliofémoraux, de façon uni- ou bilatérale.

Ceci explique le caractère variable des syndromes périphériques constatés au cours des dissections aiguës.

Ceci explique également pourquoi elles constituent un déterminant majeur de la clinique, de la stratégie thérapeutique et du pronostic des dissections aiguës.

Diagnostic des dissections aiguës :

A - SYMPTÔMES :

Toute la clinique des dissections aiguës peut s’expliquer par la brutale constitution du faux chenal et les complications qu’elle induit.

Le symptôme le plus constant, pratiquement toujours retrouvé (plus de 90 % des patients) est une douleur thoracique intense, excruciante, prolongée, décrite souvent par les malades comme extrêmement aiguë et déchirante, plus qu’en « coup de poignard ».

Elle se différencie de la douleur de l’infarctus du myocarde qui est volontiers d’installation plus lente et augmente d’intensité progressivement et qui est, en règle générale, plus oppressante et accompagnée de sensation de mort imminente.

Même en dehors de tout contexte hypertensif chez le malade, la douleur est assez souvent accompagnée par une poussée hypertensive qui peut être liée à une mise en action des barorécepteurs aortiques et carotidiens ou de la sécrétion de catécholamines et de l’activation du système rénine-angiotensine en présence des modifications du flux sanguin.

Lorsque la dissection démarre sur l’aorte ascendante, la douleur est d’abord rétrosternale puis migre progressivement entre les omoplates avant de descendre vers l’abdomen, accompagnant la progression du processus disséquant.

Dans les dissections distales, elle commence entre les omoplates puis progresse vers le bas.

Dans certains cas, la douleur peut s’accompagner de syncope en dehors de tout signe neurologique.

La douleur peut également s’accompagner de manifestations vagales telles que sueurs froides, nausées, vomissements. Les complications de la dissection peuvent rapidement être au premier plan, en général associées à une douleur persistante bien qu’atténuée.

– L’état de choc avec collapsus cardiovasculaire, marbrures, dyspnée, est le plus souvent en rapport avec une tamponnade ou une insuffisance aortique importante.

– Les déficits neurologiques de type hémiplégique ou monoplégique, aphasiques ou sensoriels sont liés à une interruption du flux sanguin dans une carotide.

Il n’est pas rare que ces troubles soient transitoires, amendés plus ou moins complètement et rapidement par la circulation collatérale.

Ils doivent donc être recherchés par l’interrogatoire, si le malade ne les mentionne pas spontanément.

Selon les auteurs, on les retrouve dans 10 à 40 % des cas de dissections de type A.

L’apparition d’une paraplégie ou d’une paraparésie est rare (1 à 2 % des cas selon Svensson).

Elle traduit la rupture des artères intercostales ou lombaires donnant issue aux artères radiculaires de la moelle épinière ou bien la compression du vrai chenal en regard de ces artères.

Elle s’intègre alors le plus souvent dans le cadre d’une pseudocoarctation avec syndrome de malperfusion de tout l’hémicorps inférieur.

– L’existence d’une oligurie ou d’une anurie est généralement découverte plusieurs heures après le début de la dissection.

Elle ne traduit pas forcément une malperfusion des artères rénales. Il faudrait, en effet, qu’il s’agisse d’une malperfusion intéressant les deux artères rénales.

Elle est au contraire, dans la majorité des cas, la traduction de l’état de choc et de la médiocre hémodynamique du malade.

Elle doit donc plus pousser à rétablir une hémodynamique correcte qu’à mettre en évidence une telle malperfusion par des examens qui peuvent retarder le traitement approprié.

– L’existence de douleurs abdominales, différentes de la propagation lombaire de la douleur initiale, peut être la traduction d’une malperfusion digestive.

Elles sont présentes d’emblée chez 1,5 % des malades.

Mais comme l’oligoanurie, les manifestations de cette complication sont généralement retardées et rarement au premier plan dans les premières heures de la dissection.

– En revanche, l’ischémie d’un membre, plus souvent inférieur que supérieur, est une entité assez fréquente qui peut égarer lorsqu’elle est isolée ou très prédominante sur les autres symptômes mais qui, au contraire, oriente nettement le diagnostic lorsqu’elle s’associe à une douleur thoracique typique.

Elle se retrouve dans environ 15 % des cas.

B - EXAMEN PHYSIQUE ET DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Les tableaux cliniques présentés peuvent donc être d’une grande variabilité.

Certains malades arrivent à l’hôpital, moribonds, avec collapsus cardiovasculaire majeur, troubles neurologiques, ischémie d’un membre.

À l’inverse, d’autres peuvent être en bon état clinique sans choc et sans manifestation de malperfusion.

Le diagnostic peut être évident dans un contexte particulièrement évocateur et l’association de plusieurs complications typiques.

En revanche, le diagnostic clinique est d’autant plus difficile que le contexte pathologique n’est pas déterminant et que les malades ne présentent aucune manifestation clinique de complication de la dissection.

Le diagnostic est très fortement suspecté en présence d’une douleur thoracique chez un patient atteint de syndrome de Marfan ou qui se sait porteur d’un anévrisme de l’aorte ascendante.

Il doit être évoqué devant une douleur thoracique intense lorsque l’interrogatoire retrouve, dans les antécédents familiaux du malade, un ou plusieurs cas de dissection aiguë ou de mort subite non étiquetée.

En revanche, le diagnostic clinique de dissection n’est pas le plus probable chez l’hypertendu de la soixantaine, hospitalisé pour douleur thoracique et détérioration hémodynamique modérée.

Mais certains contextes pathologiques restent trompeurs. Dans 5 à 10 % des cas, la dissection se produit sans douleur thoracique ou avec une douleur très atténuée.

Chez de nombreux patients ayant survécu spontanément à une dissection aiguë et chez qui l’on découvre une dissection subaiguë ou chronique, la maladie a, dans un premier temps, été étiquetée syndrome coronarien, embolie pulmonaire, voire endocardite devant l’association d’une fièvre modérée (due à la réabsorption de l’hématome) et une insuffisance aortique récente.

Le diagnostic différentiel est donc essentiel et il faut toujours penser à l’éventualité d’une dissection devant une syncope inexpliquée, un accident vasculaire cérébral régressif, une poussée d’insuffisance cardiaque aiguë, une ischémie de membre chez un sujet sans antécédent artériel particulier, etc…

Dans tous les cas, l’examen physique peut apporter des éléments très évocateurs.

– La découverte à l’auscultation d’un souffle d’insuffisance aortique, jamais signalé au patient.

– L’absence d’un ou plusieurs pouls périphériques alors qu’il n’existe aucun signe d’ischémie.

– Une différence nette entre les chiffres de pression artérielle mesurée aux deux bras, traduisant l’atteinte des vaisseaux du cou par la dissection.

– L’existence d’un frottement péricardique et l’atténuation des bruits du coeur.

– Un certain degré de turgescence jugulaire et de douleur à la palpation du foie traduisant l’insuffisance cardiaque droite et la présence d’une tamponnade débutante.

– Un déficit neurologique mineur.

C - CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE :

Quel que soit le contexte, la suspicion d’une dissection aiguë doit entraîner la mise en route d’un certain nombre de mesures tendant à affirmer le diagnostic, à définir au mieux les lésions, à dépister les complications et à déclencher la thérapeutique d’urgence qui s’impose.

La première mesure indispensable est d’hospitaliser aussi vite que possible le malade dans un centre possédant une unité de soins intensifs cardiologiques ou cardiochirurgicaux et une unité de chirurgie cardiaque.

En effet, et en particulier en cas de dissection de type A, la condition clinique du malade peut s’altérer très vite et il est inutile, dans un centre dépourvu de ces structures, de tenter de confirmer, par des examens souvent longs, un diagnostic qui imposera de toute façon un transfert dans un centre spécialisé.

1- Radiographie :

La radiographie du thorax révèle très souvent des anomalies évocatrices comme l’élargissement du médiastin, une silhouette cardiaque particulièrement large, une ombre aortique faisant saillie dans l’hémithorax gauche, l’existence d’un épanchement pleural gauche.

Cet examen ne suffit évidemment pas à emporter la conviction.

2- Électrocardiogramme :

L’électrocardiogramme est un examen indispensable.

Il peut permettre en effet de distinguer un infarctus du myocarde, pour lequel une thrombolyse peut être indiquée, d’une dissection aiguë où un tel traitement serait très délétère.

L’absence de modification électrique devant un syndrome douloureux thoracique majeur est extrêmement évocatrice.

Mais elle n’est en aucun cas pathognomonique.

Environ 20 % des malades ayant une dissection intéressant l’aorte ascendante ont des signes d’ischémie myocardique aiguë ou même d’infarctus du myocarde.

Ceci est dû à une malperfusion coronaire liée à la dissection ou à l’arrachement de l’ostium coronaire (le plus souvent droit).

De nombreux malades atteints de dissection aiguë ont des signes électrocardiographiques douteux mais non spécifiques, comme des modifications du segment ST-T, une hypertrophie myocardique, des troubles de conduction, toutes choses retrouvées également chez les coronariens. Des examens plus spécifiques sont donc indispensables.

Tous ressortissent aux techniques d’imagerie cardiovasculaire.

3- Échographie transthoracique :

L’échographie transthoracique est un examen extrêmement facile à pratiquer y compris dans les structures d’urgence non spécialisées.

Il doit donc être pratiqué à la moindre suspicion.

L’aorte ascendante est bien visualisée en projection parasternale gauche, tandis que la crosse aortique, plus difficile à voir, peut être explorée par voie sussternale.

L’échographie transthoracique permet également d’explorer la valve aortique et de mettre en évidence une éventuelle insuffisance valvulaire.

Elle a surtout l’intérêt majeur de permettre la détection d’un épanchement péricardique.

La présence d’une membrane dans la lumière de l’aorte ascendante suffit à affirmer le diagnostic, surtout s’il existe une insuffisance valvulaire et un épanchement péricardique.

4- Échographie transoesophagienne :

C’est actuellement le maître examen en matière d’affirmation diagnostique d’une dissection aiguë.

L’échographie transoesophagienne permet, en effet, une excellente exploration de l’aorte ascendante et descendante, de la valve aortique, des cavités cardiaques et des valves.

Associée au doppler couleur, elle permet de visualiser les flux et d’affirmer la présence de deux chenaux circulants.

Elle peut montrer, dans plus de 60 % des cas, la brèche intimale initiale sur l’aorte ascendante.

Elle permet de visualiser le flux à travers cette brèche et d’identifier le vrai et le faux chenal.

Elle autorise une quantification de la fuite aortique et, bien sûr, confirme l’existence d’un épanchement péricardique en permettant d’apprécier son caractère compressif ou non.

5- Validité de l’échographie :

L’échographie transthoracique est essentiellement un examen de dépistage et ne permet pas d’affirmer ou d’éliminer une dissection dans tous les cas.

Sa sensibilité et sa spécificité ont été estimées respectivement à 59 % et 83 % par Nienaber.

En revanche, l’échographie transoesophagienne a une sensibilité de 95 à 100 % et une spécificité de 89 %.

Il faut cependant noter que, si l’échographie transoesophagienne permet de très bien apprécier les lésions anatomiques de la racine aortique et de l’aorte ascendante, l’existence d’une fuite aortique ou d’un épanchement péricardique, leur retentissement myocardique, elle est plus incertaine quant à l’analyse des malperfusions cérébrales et surtout distales.

Il faut aussi noter que ces examens restent opérateur-dépendants et qu’il est indispensable qu’ils soient faits par des praticiens habitués à l’échographie cardiologique et si possible à la pathologie aortique.

Il peut, en effet, exister des artefacts en miroir, situés dans la lumière aortique, imitant une membrane de dissection, mais qui sont la réverbération d’une structure adjacente à l’aorte, comme la paroi antérieure de l’oreillette gauche, un cathéter dans l’artère pulmonaire, etc…

Il peut aussi s’agir d’autres pathologies telles qu’un hématome intramural, un ulcère athéromateux, une rupture contenue impliquant des mesures thérapeutiques différentes.

L’échographie transoesophagienne est, contrairement à une idée reçue, un examen relativement agressif et mal supporté par les patients.

Au cours de l’examen, des crises de toux ou des nausées peuvent entraîner d’importantes poussées tensionnelles avec tachycardie dont les conséquences peuvent être dramatiques en cas de dissection.

Si l’état hémodynamique du malade est stable, il est impératif que cet examen soit fait après sédation et mise en place d’un cathéter de pression artérielle dans une artère radiale.

Si l’état hémodynamique est instable, il est préférable que le malade soit intubé et ventilé ou qu’éventuellement l’examen soit pratiqué en salle d’opération, sous anesthésie générale.

Bien qu’elle ait représenté un immense progrès dans le diagnostic et la détermination des facteurs de gravité des dissections aiguës, l’échographie ne saurait donc suffire dans tous les cas.

Si l’état clinique (en particulier hémodynamique) du malade le permet, il est donc souhaitable de recourir à d’autres examens d’imagerie pour mieux analyser les conséquences anatomiques et physiologiques du processus disséquant.

6- Tomodensitométrie numérique (CT-scan) :

Considérée à ses débuts et pendant plusieurs années comme une technique lente, donnant de médiocres renseignements, et peu utilisable dans les situations d’urgence, la tomographie numérisée, plus volontiers appelée CT-scan, a fait des progrès considérables dans la dernière décennie et représente, dans ses modalités les plus récentes, hélicoïdales, multibarrettes, un outil diagnostique de tout premier plan.

Les temps d’acquisition ont été réduits de façon drastique ; la multiplication des saisies et l’augmentation des vitesses de traitement numérique ainsi que les possibilités de reconstruction quasi anatomique en deux et trois plans en font un outil très précieux et facilement utilisable en urgence.

En matière de pathologie aortique et vasculaire, les meilleurs renseignements sont obtenus après injection d’un produit de contraste, en règle générale 120 ml de liquide de contraste isoosmolaire à la vitesse de 1 à 3 ml/s pendant la saisie des images (angioscan).

Le diagnostic de dissection est basé sur l’existence d’une membrane intimale séparant l’aorte en deux compartiments que l’on peut suivre sur tout leur trajet.

La membrane intimale apparaît comme un trait linéaire, en général curviligne.

Des deux chenaux visualisés, le plus volumineux est en général le faux chenal.

L’angioscan permet en outre un bilan très exact des lésions de dissection et des complications qu’elles entraînent.

Beaucoup mieux que l’échographie, il permet de mesurer l’aorte dans tous ses segments et de visualiser exactement une maladie annuloectasiante, par exemple.

Il objective l’extension du processus disséquant sur les collatérales importantes et peut mettre en évidence des malperfusions n’ayant pas encore de traduction clinique (digestives en particulier).

7- Validité de la tomodensitométrie numérique (CT-scan) :

Du fait de ses multiples avantages, l’angioscan est devenu l’examen de choix dans beaucoup de centres.

Sa sensibilité est estimée en moyenne comme supérieure à 95 %.

Il a été montré que sa sensibilité et sa spécificité pour démontrer l’implication des vaisseaux supra-aortiques sont respectivement de 93 % et 98 %.

Cependant, il peut être difficile d’analyser certaines images en présence d’artefacts dus à des clips ou à du matériel prothétique métallique posés au cours d’une précédente opération.

L’insuffisance aortique ne peut pas être appréciée, de même que la porte d’entrée peut rarement être vue.

Mais le principal inconvénient est que les matériels les plus récents ne sont pas très répandus et que souvent, la qualité des examens faits sur des machines obsolètes laisse largement à désirer.

8- Imagerie par résonance magnétique (IRM) :

L’IRM permet de parfaitement visualiser les dissections aiguës en montrant la membrane intimale et les deux chenaux circulants.

Par la multiplication des coupes, elle permet également de visualiser les branches de l’aorte et les organes d’aval.

Un de ses avantages est de montrer très fréquemment la ou les déchirures intimales, l’extension complète du processus disséquant et donc de prévoir et mettre en route la stratégie thérapeutique qui s’impose.

Les signes de gravité, comme l’existence d’un épanchement péricardique compressif ou la présence d’une insuffisance valvulaire aortique importante peuvent être détectés avec justesse et précision, pratiquement comme avec l’échographie transoesophagienne.

Il est également possible, avec certaines machines utilisant le contraste de phase, d’apprécier la vitesse des flux circulants.

Enfin, certaines techniques permettent d’apprécier le trajet, au moins initial, et la perfusion des artères coronaires.

9- Validité de l’imagerie par résonance magnétique :

L’IRM est donc un examen donnant des renseignements à la fois morphologiques et fonctionnels.

De plus, sa sensibilité et sa spécificité sont très élevées.

Il devrait convenir parfaitement à l’exploration des dissections aiguës puisqu’il permet d’affirmer la dissection aiguë et d’évaluer ses conséquences anatomiques et fonctionnelles en une seule exploration.

Elle permet ainsi de dégager les critères de gravité de l’affection et de choisir et mettre en place les mesures thérapeutiques les plus appropriées.

Cependant, il s’agit d’un examen nécessitant des installations encore assez peu répandues dans leurs formes les plus sophistiquées permettant l’analyse cardiovasculaire.

La saisie des informations reste assez longue et les conditions d’examen sont souvent pénibles pour les malades.

Il n’est pratiquement pas possible d’y soumettre les malades en condition hémodynamique précaire ou, a fortiori, intubés et ventilés.

C’est une technique qui réclame du personnel spécialisé car les interprétations peuvent être difficiles, un certain nombre d’artefacts pouvant altérer les images.

C’est donc une technique difficile à utiliser en urgence.

Pour toutes ces raisons, cette technique reste d’utilisation confidentielle dans l’exploration des dissections aiguës, malgré tout l’intérêt qu’elle présente.

10- Aortographie :

Depuis la fin des années 1960 et jusqu’à une date récente, l’aortographie est restée le maître examen en matière de diagnostic et de bilan des dissections aiguës.

Elle implique une voie d’abord artérielle fémorale, humérale ou axillaire, et l’injection d’une quantité adéquate de produit de contraste (de 40 à 50 ml à 20-25 ml/s).

Les injections et les incidences doivent être répétées pour apprécier l’aorte et ses branches dans les meilleures conditions.

Elle est particulièrement instructive lorsqu’elle est faite en radiocinéma, car elle visualise alors les structures vasculaires de façon dynamique.

Le diagnostic de dissection repose sur la morphologie de l’aorte, en particulier de l’aorte ascendante quand elle est intéressée par le processus pathologique, sa taille, l’existence de deux chenaux bien visibles et la présence entre eux d’une membrane qui apparaît en négatif et qui est mobile avec chaque ondée systolique.

L’aortographie permet en plus d’apprécier le mode d’ouverture de la valve aortique, de visualiser une éventuelle fuite valvulaire aortique, l’atteinte de vaisseaux du cou et des branches viscérales et rénales ainsi que des artères iliaques.

Elle peut permettre ainsi de dépister de possibles malperfusions viscérales évoluant à bas bruit et d’envisager leur traitement adéquat.

Enfin, il n’est pas rare que l’aortographie permette de visualiser la déchirure intimale initiale et ainsi de déterminer la stratégie thérapeutique.

11- Validité de l’aortographie :

L’aortographie est un examen « invasif » nécessitant un abord vasculaire.

Il requiert un radiologue spécialisé.

Le passage des sondes et l’injection de produit de contraste peuvent entraîner des poussées hypertensives provoquant la rupture aortique.

À ce sujet, et comme l’échographie transoesophagienne, elle doit toujours être effectuée chez un malade sédaté ou même sous anesthésie générale si l’état du patient est très instable.

Elle doit toujours être pratiquée dans un centre possédant une unité de chirurgie cardiovasculaire et à proximité de la salle d’opération.

Elle peut, d’autre part, déclencher ou aggraver une insuffisance rénale, qu’il sera ensuite difficile de distinguer des conséquences d’une malperfusion.

La sensibilité et la spécificité de l’aortographie sont moins bonnes que celles de l’échographie transoesophagienne et que celles du CTscan actuel.

Elles ont été estimées à 88 %. Les faux négatifs ne sont pas exceptionnels.

Ils sont dus souvent à l’impossibilité de monter la sonde d’injection dans la vraie lumière aortique, ne permettant d’injecter que le faux chenal souvent dilaté et qui peut masquer les autres lésions du vaisseau.

Ils peuvent également être en rapport avec une intussusception de la membrane intimale avec opacification homogène des deux chenaux.

Enfin, l’organisation d’une angiographie aortique en urgence, en particulier au milieu de la nuit, peut, dans certains centres, demander un certain délai et retarder d’autant la mise en route urgente du traitement chirurgical.

Or, on sait qu’il existe un rapport direct entre le retard diagnostique dans les premières heures et la mortalité.

Pour ces nombreuses raisons, l’aortographie a actuellement perdu sa prééminence et se voit remplacée à peu près partout par l’échographie et le CT-scan.

12- Choix des examens d’imagerie :

Tous les examens décrits ci-dessus ne peuvent et ne doivent pas être faits chez tous les patients suspects de dissection aiguë.

Deux examens spécifiques suffisent en général pour affirmer le diagnostic et faire le bilan de gravité.

Chaque centre spécialisé doit déterminer ses choix et son protocole d’exploration en fonction :

– des techniques disponibles ;

– de l’expérience de l’équipe médicochirurgicale et radiologique ;

– de l’état clinique du malade.

Si le malade est d’abord hospitalisé dans un centre non spécialisé, les seuls examens à faire sont un cliché de thorax sans préparation, un électrocardiogramme, et un échocardiogramme transthoracique.

Dès que la dissection aiguë est suspectée ou affirmée sur ces examens, et que le malade est mis en condition permettant son transport, il faut le transférer dans un centre spécialisé.

Si le malade est hospitalisé dans un centre possédant une unité de soins intensifs cardiologiques et cardiochirurgicaux et une unité de chirurgie cardiaque, tout dépend de son état.

Si le malade est en bon état hémodynamique et sans complication majeure évidente, les examens les plus appropriés sont une échographie transoesophagienne et, selon les possibilités et les habitudes locales, un CT-scan ou une IRM.

Beaucoup plus rarement, une aortographie.

Si le malade est en condition hémodynamique instable, la rapidité d’examen et de mise en route du traitement devient essentielle.

Parfois, le malade devra être intubé et ventilé avant tout examen diagnostique.

Dans ces cas, l’échographie transoesophagienne, faite au besoin en salle d’opération, peut être le seul examen diagnostique.

  Envoyer par mail Envoyer cette page à un ami  Imprimer Imprimer cette page

Nombre d'affichage de la page 1537

loading...

Copyright 2018 © MedixDz.com - Encyclopédie médicale Medix