Différents types de chirurgie
Cours d'Ophtalmologie
Cataracte
:
La chirurgie de la cataracte est de durée brève (15 à 30 minutes).
Elle est faite
sous anesthésie péribulbaire dans la plupart des cas et de plus en plus souvent
sur un mode ambulatoire.
L’anesthésie topique et intracamérulaire est une
alternative à l’anesthésie péribulbaire.
La phacoémulsification est devenue la
technique chirurgicale habituelle.
La chirurgie de la cataracte
nécessite une dilatation pupillaire maximale.
Lors de la phacoémulsification,
la chambre antérieure est irriguée avec une solution électrolytique (BSS :
Balanced Saline Solutiont) à laquelle peuvent être ajoutés de l’adrénaline
pour maintenir la mydriase, et parfois des antibiotiques (vancomycine,
gentamicine).
Pendant l’irrigation de la chambre antérieure, la pression intracamérulaire est en moyenne de 30 mmHg.
L’incision oculaire est petite
et la chirurgie est pratiquement à globe fermé.
Le sac cristallinien restant reçoit l’implant, dit de chambre postérieure.
Si la
capsule est incomplète, l’implant est placé dans le sulcus.
Dans certains cas
(extraction intracapsulaire, implantation secondaire, complications
peropératoires), l’implant est placé dans la chambre antérieure.
Certains patients ont un risque chirurgical plus important (myope fort,
cataracte sur oeil vitrectomisé, microphtalmie, nanophtalmie, cataracte posttraumatique,
avec cristallin subluxé ou luxé, petites pupilles).
La myopie forte
(longueur axiale supérieure à 30 mm, staphylome) est une contre-indication
relative à l’anesthésie péribulbaire.
Certaines complications peropératoires nécessitent une modification de la
technique (site d’implantation) ou un geste complémentaire (vitrectomie) et
allongent le temps opératoire.
L’hémorragie expulsive est devenue
exceptionnelle.
Elle est liée à un hématome sous-choroïdien qui se rompt et
pousse en avant le vitré qui fait issue par l’incision.
C’est essentiellement une
complication de la technique conventionnelle d’extraction de la cataracte,
avec une grande incision sclérale ou limbique.
Glaucome
:
Le terme de glaucome désigne plusieurs affections différentes qui ont en
commun une élévation de la PIO.
Dans le glaucome primitif à
angle ouvert (GPAO), forme la plus fréquente, l’hypertonie oculaire est due à
une résistance au drainage de l’humeur aqueuse au niveau du trabéculum et
du canal de Schlemm.
Le GPAO est traité par les collyres antiglaucomateux.
Le traitement chirurgical vise à améliorer le drainage de
l’humeur aqueuse par des interventions dites filtrantes.
La trabéculectomie est
la technique standard.
La sclérectomie profonde non perforante, qui n’ouvre
pas la chambre antérieure, est utilisée dans le glaucome primitif dont l’angle
est largement ouvert.
L’échec de la trabéculectomie peut être lié à
l’obstruction de la zone de filtration par une prolifération fibroblastique, plus
fréquente chez certains patients.
Dans ce cas, l’application locale
d’antimitotiques (mitomycine C, 5-fluorouracil) empêche la prolifération
fibroblastique.
Le glaucome par fermeture de l’angle peut être traité par une iridectomie
périphérique ou sectorielle, associée ou non à une fistule.
Les interventions combinées au niveau du segment antérieur sont
nombreuses.
La plus courante est la cataracte associée à la trabéculectomie.
Dans l’intervention combinée, la complication majeure est l’issue de vitré,
nécessitant une vitrectomie associée.
Le point important de la consultation d’anesthésie est la recherche d’éventuels
effets systémiques des collyres antiglaucomateux.
La trabéculectomie a une
durée moyenne de 20 à 45 minutes.
Sauf contre-indication, elle est effectuée
sous anesthésie péribulbaire.
Celle-ci nécessite quelques adaptations
techniques.
L’injection de l’anesthésique local est faite lentement, en tenant
compte lors de la palpation du globe de l’apparition de signes d’hypertonie
oculaire.
La compression oculaire n’est pas contre-indiquée, mais elle doit
être contrôlée, sans dépasser 30 mmHg, et ne pas être maintenue plus de
15 minutes.
Chez des patients glaucomateux, les mesures de la PIO ont
montré que, immédiatement après l’injection anesthésique, des pics de plus
de 40 mmHg peuvent être mesurés.
Cependant, cette élévation de la PIO est
transitoire, et à la levée de la compression, la PIO est plus basse qu’avant
l’anesthésie.
La trabéculectomie est une chirurgie à globe ouvert qui, si elle est effectuée
sous anesthésie générale, nécessite le contrôle peropératoire de la pression du
segment postérieur, ce qui est assuré par un niveau d’anesthésie stable, sans
signes de réveil intempestif.
En phase postopératoire, les douleurs sont modérées et les nausées et
vomissements sont peu fréquents.
Autres interventions du segment antérieur
:
Les kératoplasties réfractives, radiaires, lamellaires, ou par laser Excimer se
font sous anesthésie topique, sans intervention du médecin anesthésiste.
La greffe de cornée ou kératoplastie transfixiante est une intervention à globe
ouvert effectuée le plus souvent sous anesthésie générale, mais qui peut se
faire sous anesthésie péribulbaire.
C’est une intervention qui nécessite un
contrôle rigoureux du volume intraoculaire, donc un niveau d’anesthésie
profond pour éviter toute augmentation brutale de la PIO.
Chirurgie vitréorétinienne
:
Les principales interventions portant sur le segment postérieur sont classées
en chirurgie périoculaire ou ab externo (indentation sclérochoroïdienne,
cryothérapie transclérale) et endo-oculaire ou ab interno (vitrectomie,
photocoagulation, laser, tamponnement interne).
La chirurgie du décollement de rétine, qui est l’acte le plus
fréquent, associe souvent les deux types de chirurgie.
Le décollement de rétine rhegmatogène, qui est le plus fréquent, résulte d’une
déchirure ou d’un trou dans la rétine qui provoque la séparation entre la rétine
sensorielle et l’épithélium pigmentaire rétinien.
Le principe du traitement est
d’occlure définitivement la déchirure rétinienne par création d’une cicatrice
étanche au niveau du neuroépithélium.
La vitrectomie, intervention endo-oculaire, implique plusieurs sclérotomies
pour l’introduction des instruments (vitréotome, infusion, endo-illumination).
Le corps vitré est temporairement remplacé par un gaz peu soluble ou par un
mélange air-gaz, selon que la bulle de gaz doit assurer ou non un rôle de
tamponnement de la rétine décollée.
Les principaux gaz peu solubles utilisés
sont le SF6 (hexafluorure de soufre), le C2F6 (perfluoroéthane), et le C3F8
(perfluoropropane).
La demi-vie intraoculaire de ces gaz varie de 5 (SF6) à
35 jours (C3F8).
Si du gaz pur est injecté, le volume de la bulle va initialement
augmenter, par diffusion dans la bulle d’azote, d’O2 et de CO2 à partir des
tissus voisins. Puis le volume de la bulle se stabilise et diminue au fur et à
mesure de la réabsorption du gaz.
On utilise souvent un mélange gaz-air
(concentration du gaz expansif de 14 à 20 %) pour éviter les variations
postopératoires de la taille de la bulle.
Le risque de ces gaz est celui d’induire
une hypertonie oculaire postopératoire.
Durant l’intervention, en raison de la
diffusion du N2O dans la bulle de gaz, son arrêt 10 à 15 minutes avant
l’injection du gaz est conseillé, non pas tant en raison du risque d’hypertonie
oculaire, facilement contrôlé par le chirurgien, que de la réduction
postopératoire du volume de la bulle qui n’assurera plus alors sa fonction de
tamponnement.
Dans la pratique, le N2O administré en phase peropératoire
n’a pas eu une influence déterminante sur la taille de la bulle de C3F8 mesurée
par échographie à la vingt-quatrième heure postopératoire.
Les perfluorocarbones liquides sont utilisés en phase peropératoire pour
réappliquer la rétine, mais ils doivent être enlevés en fin d’intervention.
L’huile de silicone assure un tamponnement postopératoire en cas de
décollement de rétine compliqué.
Elle doit être retirée 4 à 6 mois plus tard.
La chirurgie du segment postérieur se caractérise par la fréquence des
antécédents de diabète et celle des réinterventions.
La durée des actes varie,
mais peut dépasser 2 heures.
La technique chirurgicale nécessite des périodes
d’obscurité dans la salle.
Le choix entre anesthésie générale et anesthésie péribulbaire dépend surtout de la durée prévisible de l’acte.
Avec
l’accroissement de l’expérience des équipes chirurgicales, de plus en plus
souvent les actes sont effectués sous anesthésie péribulbaire.
Celle-ci doit
assurer une analgésie parfaite et pour ceci il est conseillé d’injecter des
volumes supérieurs à ceux utilisés pour la chirurgie du segment antérieur.
L’anesthésie sous-ténonienne est une alternative à l’anesthésie
péribulbaire.
Si en cours d’intervention, l’analgésie est incomplète, un
supplément anesthésique peut être injecté par voie péribulbaire ou sousténonienne.
En cas d’anesthésie générale, le niveau d’anesthésie doit être
suffisamment profond pour éviter le réveil peropératoire intempestif, surtout
si le N2O est supprimé du mélange anesthésique lors de l’injection d’un gaz
expansif.
Les manoeuvres chirurgicales péri- et endo-oculaires entraînent d’importantes
variations de la PIO.
Ainsi, lors du cerclage, la PIO peut atteindre 210 mmHg
pendant quelques minutes.
La chirurgie du segment postérieur expose au
ROC, qui est moins fréquent sous anesthésie péribulbaire.
En période postopératoire, en cas de tamponnement par un gaz expansif, et
selon la localisation de la lésion rétinienne, un positionnement en décubitus
latéral ou ventral est nécessaire.
Les nausées et les vomissements sont plus
fréquents et les douleurs plus intenses que dans les autres types de chirurgie
ophtalmologique.
Les facteurs de douleur sont nombreux, associant
selon le type de chirurgie, les manipulations multiples du globe, le
déshabillage des muscles extrinsèques de l’oeil, l’inflammation secondaire à
la cryothérapie et à l’éventuel pelage de l’épithélium de la cornée nécessaire
à la visualisation de la chambre postérieure, et l’hypertonie oculaire
postopératoire.
L’injection sous-ténonienne d’anesthésique local faite par le
chirurgien à la fin de l’acte, procure une analgésie postopératoire de quelques
heures.
L’inflammation et l’hypertonie oculaire sont traitées par les
corticoïdes et l’acétazolamide.
Voies lacrymales
:
La chirurgie des voies lacrymales s’adresse aussi bien à des enfants qu’à des
adultes.
Les obstructions congénitales sont souvent idiopathiques, mais
parfois associées à des anomalies craniofaciales ou à un syndrome de Down.
Les actes sont de complexité variable, allant de la simple exploration par
sondage au cathétérisme, à l’intubation et à la dacryocystorhinostomie.
Celle-ci réalise un court-circuit par abouchement du sac lacrymal à la
muqueuse nasale.
La technique classique de dacryocystorhinostomie se fait
par voie externe cutanée et endonasale.
Les deux autres techniques, en cours
d’évaluation, sont la voie endonasale sous guidage endoscopique et
transillumination canaliculaire et la voie transcanaliculaire utilisant un laser
pour réaliser l’ostéotomie.
Chez l’enfant, l’anesthésie générale est seule possible, l’exploration simple
des voies lacrymales ne nécessitant pas l’intubation trachéale.
Le masque
laryngé est une alternative à l’intubation trachéale pour les actes
d’exploration.
Pour les interventions plus complexes, un billot est placé sous
les épaules de l’enfant, ce qui place la cavité pharyngée en dessous du larynx
et évite que du sang ou du liquide passe dans les voies aériennes.
Un packing
est systématiquement mis en place.
Chez l’adulte, la dacryocystorhinostomie se fait le plus souvent sous
anesthésie générale.
Le saignement chirurgical est réduit par la position
proclive, l’anesthésie profonde avec un certain degré d’hypotension artérielle
et l’application endonasale d’un vasoconstricteur.
L’anesthésie locorégionale
est applicable, guidée dans sa technique par la connaissance de l’innervation des voies lacrymales.
Elle associe l’infiltration locale le long du tracé de
l’incision cutanée, l’anesthésie topique de la fosse nasale et le bloc des nerfs infratrochléaire (branche du nerf nasociliaire), et infraorbitaire (branche du
nerf maxillaire supérieur).
L’anesthésie de contact de la narine se fait avec
une mèche imbibée de lidocaïne naphazolinée, placée très haut dans la narine,
en regard du méat moyen pour bloquer le nerf ethmoïdal antérieur.
Le bloc du
nerf infratrochléaire est réalisé par une ponction au-dessus du ligament latéral
interne, le long de la paroi orbitaire interne, perpendiculairement à la peau.
À
une profondeur de 2 cm, 2 ou 3 mL d’anesthésique local sont injectés.
Si
l’aiguille est enfoncée à une profondeur de 2,5 ou 3,5 cm, le nerf ethmoïdal
antérieur est bloqué.
L’anesthésie du nerf infraorbitaire n’est pas toujours
nécessaire.
Ce nerf peut être bloqué, soit au niveau du plancher de l’orbite,
avant sa pénétration dans le canal sous-orbitaire, soit dans la région sousorbitaire
après son émergence du canal.
Dans le premier cas, il est bloqué par
une injection péribulbaire par voie nasale interne inférieure près de la
caroncule.
Dans le deuxième cas, il est bloqué par une injection sous-cutanée
à 1,5 cm en dessous du rebord orbitaire inférieur, sur la ligne de la pupille.
Paupières
:
Les lésions palpébrales nécessitent des actes d’importance variable.
Chez
l’adulte, les interventions courantes sont effectuées sous anesthésie locale,
l’anesthésie générale étant réservée aux enfants.
L’infiltration locale est souscutanée
(infiltration traçante sous-cutanée prétarsale, horizontale selon le
grand axe de la paupière) et si nécessaire, sous-conjonctivale après éversion
de la paupière (infiltration le long du bord proximal du tarse).
En fonction du
siège et de l’extension de la lésion, il faut associer un bloc tronculaire des
branches du nerf ophtalmique ou du nerf maxillaire supérieur.
Les nerfs à
bloquer sont, pour la paupière supérieure, le nerf frontolacrymal, le nerf
supraorbitaire (ou sus-orbitaire ou frontal externe), le nerf supratrochléaire
(nerf frontal interne), et le nerf infratrochléaire (partie interne de la paupière
supérieure).
Le nerf infraorbitaire est bloqué pour une lésion de la paupière
inférieure.
Le bloc du nerf frontolacrymal est obtenu par ponction
au milieu du rebord orbitaire supérieur, l’aiguille étant dirigée vers le plafond
de l’orbite jusqu’au contact avec le périoste ; 1,5 ou 2 mLd’anesthésique sont
injectés à une profondeur de 3 ou 4 cm.
Le nerf supraorbitaire est bloqué au
niveau du trou sus-orbitaire par injection de 1 ou 2 mLde lidocaïne à 1 %.
Le
nerf supratrochléaire (nerf frontal interne) est bloqué au niveau de l’angle
supéro-interne de l’orbite par l’injection de 1 ou 2 mL de lidocaïne à 1 %.
Mélanomes uvéaux
:
Les mélanomes uvéaux (choroïde, corps ciliaire et iris) sont les tumeurs
oculaires les plus fréquentes chez l’adulte.
Le traitement conservateur par
chirurgie, radiothérapie ou association des deux, chaque fois que cela est
possible, est préféré à l’énucléation.
Ce traitement se fait par excision transsclérale ou destruction de la tumeur par des moyens physiques
(thermothérapie par ultrasons, par laser diode, radiothérapie, photothérapie
dynamique avec des agents photosensibilisants, en cours d’évaluation).
Lors
du traitement du mélanome, l’anesthésiste intervient lors du repérage de la
tumeur par mise en place d’un clip et si la taille et l’extension de la tumeur
justifient une énucléation.
Le clipage de la tumeur est effectué sous anesthésie
péribulbaire, sauf si le patient, pour des raisons psychologiques, préfère
l’anesthésie générale.
Chirurgie d’exérèse du globe oculaire
:
En fonction de l’indication d’exérèse du globe oculaire, différentes
techniques sont utilisées.
L’éviscération intrasclérale réalise l’ablation du contenu intraoculaire alors
que la coque sclérale reste intacte.
Dans la coque sclérale est mise en place
une bille en silicone ou en hydroxyapatite.
Dans l’énucléation, le globe et une partie du nerf optique sont retirés de
l’orbite.
Le globe est remplacé par une prothèse sous-conjonctivale, les
muscles sectionnés étant fixés sur la prothèse.
L’exentération est l’ablation en bloc de tout le contenu orbitaire.
Elle est
réservée aux tumeurs très étendues à point de départ de l’oeil, de ses annexes
ou de l’orbite.
Les interventions d’exérèse sont réalisées sous anesthésie générale.
Lors des
manipulations du globe, le ROC est fréquent.
Il s’agit d’une chirurgie
douloureuse justifiant l’utilisation de morphiniques en période per- et
postopératoire.
Si l’état clinique du patient est très altéré, l’intervention peut
être faite sous anesthésie péribulbaire ou rétrobulbaire.
L’association à
l’anesthésie générale d’un bloc péribulbaire assure une analgésie de la phase
postopératoire immédiate.
Strabisme
:
Le strabisme est une atteinte de l’oculomotricité associée à une anomalie du
parallélisme des axes visuels.
Chez l’enfant, il s’y associe le plus souvent des
troubles sensoriels (amblyopie, anomalie de la vision binoculaire) et la
chirurgie correctrice n’est qu’un des éléments du traitement.
C’est
l’intervention ophtalmologique la plus fréquente chez l’enfant.
Le strabisme de l’adulte peut être secondaire à une affection oculaire
(traumatisme, paralysie du VI, chirurgie du strabisme dans l’enfance) ou à une
maladie générale.
La tendance actuelle est d’opérer les enfants assez tôt, en pratique à
2 ans.
L’enfant est le plus souvent en bonne santé, mais parfois le strabisme
est observé chez des enfants atteints d’une maladie héréditaire avec atteinte
neurologique (encéphalopathie et retard mental) ou musculaire.
En revanche,
la notion que le strabisme serait le plus souvent le symptôme d’une affection
musculaire a minima et méconnue, et augmenterait le risque d’hyperthermie
maligne n’a pas été confirmée par les données épidémiologiques.
L’intervention s’effectue sous anesthésie générale.
Chez l’adulte, certains
chirurgiens opèrent sous anesthésie péribulbaire ou sous-ténonienne.
Malgré la fréquence du ROC, la prémédication par atropine n’est pas
systématique.
Le ROC, lié à la traction sur les muscles extrinsèques, survient
surtout au début de l’acte.
La bradycardie est moins fréquente ultérieurement,
car le réflexe s’épuise.
L’anesthésie générale utilise, soit les anesthésiques volatils (de préférence isoflurane, desflurane ou sévoflurane), soit une technique d’anesthésie
intraveineuse exclusive.
Bien qu’il n’y ait aucune donnée scientifique
indiquant que le strabisme augmente le risque d’hyperthermie maligne,
certains anesthésistes préfèrent ne pas utiliser les anesthésiques volatils.
Pour la plupart des chirurgiens, la curarisation est utile, car elle sensibilise les
tests de duction forcée passive, réalisés pour guider la technique chirurgicale.
En raison de la controverse entourant l’usage du suxaméthonium chez
l’enfant (spasme des masséters), le recours aux curares non dépolarisants de
durée d’action intermédiaire est conseillé.
Certains chirurgiens utilisent la technique des sutures ajustables, réalisant la
fixation définitive de la suture dans les 24 heures après l’intervention.
Ceci
nécessite la coopération du patient et n’est donc pas possible chez le petit
enfant.
Les principales complications postopératoires sont les nausées et les
vomissements et les douleurs.
Les NVPOsurviennent plus souvent
entre la deuxième et la huitième heure postopératoire qu’en salle de réveil.
Ils
sont plus fréquents après 3 ans.
Le propofol en réduit la fréquence, surtout
dans les premières heures postopératoires.
Les NVPO seraient favorisés par
l’absorption précoce de boissons ou d’aliments.
Il ne faut donc pas faire boire
systématiquement les enfants, mais tenir compte de leur demande.
Le
traitement préventif par des antiémétiques n’est pas systématique.
Le
traitement curatif fait appel au métoclopramide ou au dropéridol, plus
rarement aux anti-5HT3.
L’intensité des douleurs postopératoires est souvent sous-estimée et une
prescription systématique d’analgésiques est conseillée.
Anesthésie pédiatrique
:
Chez l’enfant, les actes les plus fréquents sont la correction du strabisme, la
chirurgie des voies lacrymales et les examens (fond d’oeil, PIO,
électrorétinogramme) sous anesthésie.
Certaines affections comme la
cataracte, le glaucome, les tumeurs oculaires (rétinoblastome) et le
décollement de rétine nécessitent la prise en charge par un ophtalmologiste
spécialisé, car les techniques chirurgicales sont plus complexes que chez
l’adulte. Les anesthésies répétées sont fréquentes, soit pour des examens de
contrôle, soit pour des réinterventions.
Chez l’enfant, l’anesthésie générale
est la règle.
Cependant chez l’adolescent, certaines interventions peuvent être
faites sous anesthésie locale, avec ou sans sédation complémentaire.
Les
techniques anesthésiques n’ont pas de particularités.
En période postopératoire, certaines interventions comme pour le strabisme
et le décollement de rétine s’accompagnent de douleurs, de nausées et de
vomissements.
Les protocoles analgésiques habituels en chirurgie pédiatrique
sont utilisés.
En pratique, ce sont les analgésiques per os (paracétamol seul,
ou avec codéine) et les suppositoires d’acide niflumique (Niflurilt).
Le rétinoblastome est la tumeur intraoculaire la plus fréquente chez l’enfant.
Il est bilatéral dans 30 % des cas.
La tumeur est découverte avant l’âge de
1 an pour les formes héréditaires (anomalie liée au chromosome 13) et un peu
plus tard pour les cas sporadiques.
Le traitement du rétinoblastome, réalisé
dans des centres spécialisés, nécessite des anesthésies répétées jusqu’à l’âge
de 6 à 7 ans.
La radiothérapie par irradiation externe est le traitement
classique, mais elle est insuffisante si la tumeur est volumineuse et si le vitré
est atteint.
Une chimiothérapie initiale permet de réduire le volume tumoral.
La radiothérapie par substances radioactives placées directement sur la zone oculaire atteinte est en cours d’évaluation. Dans certains cas, le traitement
local se fait par cryothérapie, thermothérapie, laser ou photocoagulation.
Ces
traitements nécessitent le plus souvent une anesthésie générale.
Les lésions
bilatérales sont traitées par énucléation de l’oeil le plus atteint et traitement
local de l’oeil adelphe.
Traumatismes oculaires et orbitaires
:
Les traumatismes oculaires touchent une population jeune, souvent des
enfants.
L’examen initial précise le type et l’importance de la lésion
oculaire, sa localisation (segment antérieur ou postérieur), et l’existence
d’une perte de substance intraoculaire (plaie de cornée et issue d’humeur
aqueuse, plaie sclérale et issue de tissu uvéal ou de vitré).
L’examen
neurologique initial doit être précis, surtout si la plaie a été occasionnée par
un objet perforant (ciseaux, tournevis, branche d’arbre) ou si un traumatisme
crânien a été associé.
Les parois de l’orbite sont fragiles, surtout chez l’enfant,
et un scanner est justifié en cas de perforation oculaire profonde ou en cas de
signes neurologiques.
Pour les plaies perforantes de l’oeil, et dans le but de prévenir les
complications infectieuses, une intervention précoce est préférable.
L’heure
de l’intervention prend en compte l’âge du patient, le type de lésions
oculaires, le risque anesthésique lié à l’estomac plein, et la possibilité de
préserver, même partiellement, la vision de l’oeil lésé.
Si d’emblée les lésions
ne laissent aucun espoir fonctionnel, l’intervention pourra être retardée de
quelques heures si la sécurité anesthésique le nécessite.
Le risque infectieux augmente au-delà de la sixième heure, mais ce délai peut
être allongé par le traitement antibiotique.
Les germes le plus souvent
responsables d’une endophtalmie après plaie du globe sont le Staphylococcus
epidermidis, le Bacillus cereus, les streptocoques et certains germes à Gram
négatif.
L’association fluoroquinolone et pipéracilline est active sur ces
germes.
En cas de morsure de chien ou de griffure de chat, la possibilité d’une
infection par certains germes particuliers (Pasteurella multocida, Rochalimea
henselea) nécessite un traitement antibiotique par amoxicilline-acide
clavulanique ou par cycline.
En cas de lésion oculaire complexe, l’intervention initiale se contente de
fermer le globe ou de traiter une complication accessible à un geste simple.
L’ablation des corps étrangers est décidée en fonction de leur nature, de leur
taille, de leur localisation et des complications associées (hémorragie intravitréenne et décollement de rétine).
Les plaies des paupières peuvent
n’être opérées qu’à la vingt-quatrième heure.
Une plaie de la paupière
inférieure doit faire rechercher une lésion d’un canalicule lacrymal.
Les plaies
par morsure de chien sont l’exception, car elles justifient une décontamination
précoce et une réparation dans les 6 à 8 heures.
L’anesthésie pour plaie du globe est pratiquée dans un contexte d’urgence qui
met en balance le bénéfice de l’acte chirurgical et le risque anesthésique lié à
l’estomac plein.
Rares sont les interventions qui ne peuvent pas attendre les
quelques heures nécessaires à la vidange gastrique, en sachant que celle-ci est
ralentie par le stress lié à l’accident.
Les indications de chirurgie précoce sont
la plaie du globe chez le monophtalme, les plaies bilatérales, les plaies qui
peuvent s’aggraver rapidement et l’hématome rétro-orbitaire en raison du
risque de compression du nerf optique.
Les petites plaies sans issue de vitré et
sans perte de tonus dont le pronostic fonctionnel est bon, ainsi que les lésions
majeures avec perte de substance intraoculaire sans espoir de récupération
fonctionnelle peuvent attendre au moins 6 heures.
D’emblée le patient reçoit
des antalgiques et un traitement antibiotique.
Le choix de la technique anesthésique dépend de l’âge du patient et de
l’importance des lésions.
Chez l’enfant, l’anesthésie générale est la règle.
Néanmoins, pour une petite plaie nécessitant un à trois points de suture, une
anesthésie topique est réalisable chez un enfant coopérant.
Chez l’adulte, les
petites lésions localisées peuvent être traitées avec une anesthésie topique ou sous-conjonctivale.
Les plaies de la cornée qui ne touchent pas tout le
diamètre cornéen et qui ne s’étendent pas vers la sclère, avec un tonus oculaire
normal peuvent être opérées sous anesthésie péribulbaire.
Celle-ci utilise un
volume anesthésique faible et une injection progressive, la compression
oculaire étant omise.
En revanche, s’il existe une plaie postérieure, une plaie
avec issue de vitré ou une hypotonie oculaire, l’anesthésie générale est indiquée.
Avant l’anesthésie générale, la prémédication est utile, notamment
chez l’enfant, chez qui les pleurs, les cris, le frottement de l’oeil atteint en
augmentant la PIO risquent d’aggraver les lésions oculaires.
Si le patient est
considéré à estomac plein, il faut recourir à l’induction à séquence rapide avec
manoeuvre de Sellick.
La principale controverse concerne l’utilisation de la succinylcholine en raison de son effet sur la PIO.
En fait, la discussion est
théorique, car l’augmentation de la PIO liée à la succinylcholine ne dure que
quelques minutes et n’est que de 5 à 15 mmHg.
Les études cliniques n’ont
pas montré d’effet délétère de la succinylcholine en cas de plaie du globe.
De même chez le chat, sur un modèle expérimental de plaie du globe, si la succinylcholine augmente la PIO, elle n’entraîne pas d’issue du contenu
oculaire.
Donc, si le médecin anesthésiste juge que la sécurité du patient le
nécessite, la succinylcholine pourra être utilisée lors d’une induction à
séquence rapide.
Le propofol a l’avantage de diminuer la PIO et de faciliter
l’intubation trachéale.
Il faut éviter la vidange gastrique par sonde avant
l’induction, du fait de l’augmentation de la PIO par les efforts de
vomissements.
Toutes les manoeuvres de l’induction sont exécutées avec
douceur, en évitant de comprimer le globe avec le masque pendant la préoxygénation.
L’entretien de l’anesthésie est sans particularités.Au réveil,
l’extubation est effectuée chez un patient vigile.