Les premières applications cliniques du diagnostic pré-implantatoire
(DPI) furent rapportées en 1990.
Un diagnostic de sexe était alors
réalisé par la technique de polymerase chain reaction (PCR) sur les
embryons de couples susceptibles de transmettre une maladie
génétique récessive liée à l’X ; seuls les embryons femelles étaient
transférés dans l’utérus maternel.
Les premiers DPI spécifiques
d’une maladie génétique donnée ont suivi rapidement, puisque dès
1992, un DPI de mucoviscidose était proposé par étude de la
mutation deltaF508.
Depuis, l’amélioration constante des
protocoles de PCR et le développement de nouvelles méthodologies
d’analyse génétique appliquées aux cellules isolées ont permis
d’élargir rapidement le spectre des pathologies géniques pouvant
faire l’objet d’un DPI.
Introduction :
Le diagnostic pré-implantatoire consiste en un diagnostic génétique
sur une ou deux cellules d’un embryon en comportant six à huit,
avant son transfert in utero.
Il se fait sur plusieurs embryons pour
sélectionner ceux indemnes de l’affection redoutée.
Il est le résultat
de la pratique de la fécondation in vitro (FIV) avec micro-injection
de spermatozoïdes (ICSI) et du développement des techniques de
cytogénétique moléculaire et de génétique moléculaire.
Cette
approche concerne les couples ayant un risque connu de transmettre
une maladie grave et incurable.
Les couples concernés par le DPI ont une histoire douloureuse
d’interruption médicale de grossesse suite à un diagnostic prénatal
et/ou un ou plusieurs enfants gravement atteints ou décédés.
L’intérêt du DPI est non seulement d’éviter une interruption
médicale de grossesse, mais également d’avoir un enfant indemne
de l’affection.
La performance de la FIV avec ICSI est primordiale.
Elle s’adresse le
plus souvent à des couples fertiles qui ont déjà obtenu une ou des
grossesses spontanément. Le choix des techniques de
laboratoire
(biopsie, techniques de cytogénétique ou génétique moléculaire) et
la stratégie de transfert embryonnaire sont importants pour la
qualité du DPI et l’amélioration des chances de grossesse, tout en
diminuant les contraintes du biologiste responsable du diagnostic
définitif.
Principe et législation du DPI :
Le DPI est autorisé, en France, par la loi n ° 94-654 du 29 juillet 1994,
relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps
humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal.
Selon l’article L.2131-4, le diagnostic biologique effectué à
partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro n’est autorisé qu’à
titre exceptionnel dans les conditions suivantes :
– un médecin exerçant son activité dans un centre de diagnostic
prénatal pluridisciplinaire doit attester que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un
enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité
reconnue comme incurable au moment du diagnostic ;
– le diagnostic ne peut être effectué que lorsque a été préalablement
et précisément identifiée, chez l’un des parents, l’anomalie (ou les
anomalies) responsable(s) d’une telle maladie ;
– les deux membres du couple expriment par écrit leur
consentement à la réalisation du diagnostic ;
– le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette
affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter ;
– il ne peut être réalisé que dans un établissement spécifiquement
autorisé à cet effet après avis de la Commission nationale de
médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal
et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
Le législateur n’a donc autorisé le recours au DPI qu’à titre
exceptionnel, uniquement pour éviter la naissance d’un enfant
gravement malade ou handicapé.
À ce jour, en France, trois centres
sont agréés (Strasbourg, Paris, Montpellier).
Bilan avant DPI :
Le DPI implique une fécondation in vitro avec ICSI dans le but
d’obtenir plusieurs embryons ensuite soumis à l’analyse
monogénique ou chromosomique.
Il est destiné aux couples fertiles
ou infertiles, et/ou porteurs de maladies transmissibles graves et
incurables.
A - CONSULTATION DE CONSEIL GÉNÉTIQUE :
Son but est d’attester la pertinence de l’indication du DPI, et de
confirmer, si besoin, le diagnostic.
Membre d’un centre
pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, le généticien reçoit le
couple demandeur en entretien privé.
Il reprend avec lui son histoire
personnelle et familiale, dresse l’arbre généalogique, évalue le risque
de récurrence pour la maladie concernée.
Il revoit le parcours
obstétrical (avortements spontanés, nombre d’enfants vivants
malades) et évalue les motivations de la demande.
Il explique la
procédure de DPI, la place des différents intervenants, la mise au
point technique sur une cellule, les risques d’erreur.
Enfin, il
envisage également avec le couple d’autres solutions (diagnostic
prénatal, don de gamètes, adoption), en particulier si le DPI n’est
pas techniquement réalisable.
Le dossier de chaque couple est discuté en réunion
multidisciplinaire.
Une attestation du centre multidisciplinaire de
diagnostic prénatal doit être délivrée pour tous les couples dont
l’indication de DPI est retenue.
B - BILAN PRÉ-FIV/ICSI :
La fécondation in vitro avec ICSI permet aux couples (à risque de
transmettre une maladie génétique) d’obtenir plusieurs embryons
en vue d’établir leur statut génétique, afin de ne transférer que le ou
les embryons sains.
Une cohorte suffisante d’embryons assure la
présence d’au moins un embryon sain.
La nécessité d’obtenir
plusieurs embryons est due à :
– l’influence de la pathologie sur le nombre d’embryons non atteints
et donc transférables ;
– la perte de matériel entre la ponction ovocytaire et le transfert
embryonnaire ;
– l’influence du nombre d’embryons transférés sur le taux de
grossesses.
En effet, il existe une corrélation entre la pathologie
héréditaire et le nombre d’embryons non atteints.
De même, le
nombre d’embryons transférés in utero influence significativement
les taux de grossesses chez ces mêmes couples.
Moins de 50 % des
ovocytes recueillis donneront des embryons à biopsier.
Ainsi, les
patientes sont sélectionnées sur des critères classiques avec une
extrême vigilance.
L’annulation des cycles contenant moins de six
follicules escomptés doit être discutée ; entre six et huit, l’annulation
doit être débattue avec le couple.
L’âge de la patiente est un facteur prédictif majeur de bonne réponse
à la stimulation de l’ovulation.
Les dosages hormonaux au troisième
jour du cycle menstruel (follicle stimulating hormone [FSH], luteinizing
hormone [LH], estradiol) sont indispensables pour évaluer le
potentiel de réponse ovarienne à la stimulation.
L’évaluation de la cavité utérine se fait par hystérosalpingographie
et/ou par hystéroscopie.
Le partenaire est également exploré par un spermogramme associé
à un spermocytogramme, même si l’ICSI est la technique de choix
pour réaliser un DPI.
C - INFORMATIONS DONNÉES AUX COUPLES :
L’information des couples est essentielle avant la réalisation d’un
DPI et doit porter sur :
– la fécondation in vitro avec ICSI, ses risques et son efficacité
(protocole de stimulation de l’ovulation, monitorage, ponction
folliculaire, transfert embryonnaire, grossesses multiples, taux de
naissance) ;
– la biopsie embryonnaire, technique utilisée pour la perforation de
la zone pellucide ;
– le diagnostic génétique et les risques d’erreur ;
– la recommandation de réaliser un diagnostic prénatal pour
confirmer le résultat du DPI.
Modalité et déroulement d’un DPI :
A -
STIMULATION DE L’OVULATION POUR FIV
:
Le choix du protocole, des produits et de leur posologie dépend de
l’âge de la patiente, de son bilan hormonal à j3 du cycle, de son
indice de masse corporelle et, si cela est le cas, des antécédents de
réponse ovarienne à des protocoles antérieurs de stimulation de
l’ovulation.
Hors cas particuliers, les protocoles longs associant
agoniste de la gonadotrophin releasing hormone (GnRH) et FSH sont
retenus compte tenu de leur performance et de la possibilité de
programmation.
En effet, la programmation est essentielle car la
réalisation d’un DPI mobilise toute une équipe indissociable à un
moment donné (biologiste, clinicien, généticien).
B - CHOIX DE L’ICSI :
Afin d’éviter toute contamination via les spermatozoïdes fixés sur la
zone pellucide, l’ICSI est la technique de choix pour un DPI.
La PCR,
en particulier sur une ou deux cellules, nécessite des précautions
drastiques.
Il s’agit d’éviter toute contamination par de l’ADN
extérieur :
– celui des divers opérateurs et intervenants ;
– l’ADN volatile des PCR antérieures ;
– celui des cellules du cumulus oophorus ou des spermatozoïdes
qui peuvent contaminer le prélèvement de blastomères si le ou les
embryons ont été obtenus en fécondation in vitro classique.
C - DÉROULEMENT D’UNE ICSI :
1- Préparation des spermatozoïdes
:
Les spermatozoïdes sont sélectionnés sur un gradient de densité.
Les spermatozoïdes sont ensuite lavés et le culot obtenu est resuspendu dans un milieu de culture.
Quelle que soit l’origine du
sperme (éjaculat, épididymaire ou testiculaire), une préparation du
sperme doit être faite ; ensuite les spermatozoïdes sont déposés dans
l’incubateur à CO2 jusqu’au moment de la micro-injection.
2- Retrait des cellules du cumulus
et examen des ovocytes :
Les ovocytes recueillis sont mis dans un milieu de culture.
Les
cellules du cumulus sont dissociées après incubation des ovocytes
durant 1 minute dans un milieu de culture contenant de la hyaluronidase (2 %, 30 secondes).
Les cellules du cumulus sont
retirées par aspiration-refoulement des ovocytes dans une
micropipette en verre.
Ensuite, les ovocytes sont observés au
microscope inversé.
L’aspect morphologique et la maturité nucléaire
sont notés. Seuls les ovocytes matures (métaphase II) ayant expulsé
leur premier globule polaire sont micro-injectés.
3- Réalisation de l’ICSI :
Une fois les deux micropipettes (contention et injection) placées sur
le micromanipulateur, l’injection d’un spermatozoïde dans l’ovocyte
s’effectue en microgouttes sous huile de paraffine à l’aide de deux
micropipettes :
– une de contention (holding) pour maintenir l’ovocyte pendant
l’injection proprement dite ;
– l’autre d’injection utilisée pour immobiliser et aspirer le
spermatozoïde, puis l’injecter dans le cytoplasme de l’ovocyte.
Les
ovocytes injectés sont remis en milieu de culture à 37 °C sous 5 %
de CO2.
La fécondation est observée 18 à 22 heures post microinjection
par l’apparition des deux pronuclei et l’expulsion du
second globule polaire.
D - DÉROULEMENT D’UNE BIOPSIE EMBRYONNAIRE
:
La biopsie embryonnaire se fait 72 heures après la micro-injection.
Les embryons sont en général au stade de six à huit cellules.
Avant
le début de la biopsie, l’examen des embryons est réalisé en présence
du biologiste (cytogénéticien ou généticien moléculaire) responsable
du diagnostic.
La décision du nombre de blastomères à prélever
pour chaque embryon est prise en commun.
La biopsie embryonnaire nécessite de créer une perforation dans la
zone pellucide qui peut être faite soit par le tyrode acide, soit au
laser.
Ensuite, un ou deux blastomères sont aspirés par la
micropipette d’aspiration.
Le (ou les) blastomère(s) isolé(s) est (sont)
mis à la disposition du biologiste responsable du diagnostic.
L’embryon biopsié est immédiatement remis en culture.
Il est
important de visualiser le noyau du blastomère sélectionné en
présence des biologistes responsables de l’analyse génétique.
Une
photographie du blastomère est prise.
La biopsie embryonnaire sera
répétée autant de fois qu’il y a d’embryons prêts à être prélevés.
La
viabilité de l’embryon biopsié est notée.
Elle dépend
fondamentalement de la difficulté et de la précision du geste,
demandant une extrême reproductibilité.
E - EFFET DU NOMBRE D’OVOCYTES INJECTÉS
ET DU NOMBRE D’EMBRYONS BIOPSIABLES :
Le taux de grossesses est corrélé au nombre d’ovocytes injectés et
au nombre d’embryons biopsiables.
En effet, si le nombre
d’ovocytes recueillis est supérieur à 9, le nombre d’embryons à biopsier, dans cette étude, est, en moyenne, de 7 comparativement à
2,2 si le nombre d’ovocytes est inférieur à 9.
De la même façon, les
taux de grossesses par cycle sont respectivement de 20,9 % et 9 %.
De plus, ces mêmes auteurs ont trouvé une corrélation positive entre
le nombre d’ovocytes récupérés et le nombre d’embryons biopsiés
ainsi que le nombre d’embryons génétiquement sains.
Bien que le
nombre d’ovocytes ne soit pas le seul critère sur lequel le succès de
la tentative repose, il reflète la qualité de la réponse ovarienne à la
stimulation, et donc les chances d’implantation.
F - TRANSFERT EMBRYONNAIRE :
Les embryons indemnes de la maladie sont ensuite transférés in
utero au troisième ou quatrième jour postfécondation.
Le nombre
d’embryons à transférer est discuté avec le couple avant de réaliser
le geste lui-même afin de leur offrir un maximum de chances de
réussite tout en limitant le risque de grossesses multiples.
Le
transfert embryonnaire à j4 ne montre pas d’effet délétère alors qu’il
existe, non seulement une plus grande sécurité au diagnostic
génétique mais aussi une possibilité d’augmenter le nombre de
recherches du fait du temps imparti au biologiste.
G - CONGÉLATION EMBRYONNAIRE :
La congélation des embryons sains surnuméraires n’a toujours pas
donné de résultats satisfaisants.
Après cryoconservation, une seule
grossesse a été rapportée sur le plan international en 2001 après
transfert d’embryons sains biopsiés.
Cependant, le DPI peut être
réalisé sur des embryons congelés-décongelés.
Cette approche a
permis l’obtention de quelques naissances.
Aujourd’hui, la
congélation peut être conseillée aux couples avec toute la prudence
nécessaire quant aux chances de réussite.
Cytogénétique et DPI :
Les déséquilibres chromosomiques sont, chez l’homme, la cause
principale des anomalies de la reproduction (avortements spontanés
précoces, infertilité), des malformations congénitales et des retards
mentaux.
Ces anomalies chromosomiques peuvent correspondre soit
à des aneuploïdies, soit à des anomalies de structure
chromosomique.
Ces aberrations ont un risque de survenue élevé
lorsqu’elles sont liées à la présence d’une anomalie chromosomique
de structure équilibrée présente chez l’un des membres du couple
ou si l’âge maternel est élevé.
Le développement de la fluorescence in situ hybridisation (FISH)
permet le diagnostic de déséquilibres chromosomiques dans les
noyaux des cellules en interphase.
L’application de cette technique
pour détecter des déséquilibres chromosomiques dans des
blastomères ou des globules polaires permet de réaliser un DPI de
déséquilibres chromosomiques constitutionnels hérités ou liés à l’âge
maternel.
A - CYTOFIXATION :
Les blastomères sont d’abord fixés sur une lame de verre avant de
réaliser l’hybridation in situ.
Le cytoplasme est digéré par mise en
contact avec le blastomère d’une solution de lyse.
Généralement, les
équipes utilisent la technique de Coonen (Hcl/Tween) ou de
Tarkowsky (méthanol/acide acétique précédé d’un choc au citrate
de sodium/BSA).
Cette lyse permet d’obtenir le noyau nu du
blastomère et donc une accessibilité de la sonde à l’ADN du noyau.
Les lames sont ensuite traitées (élimination des restes
cytoplasmiques dans un bain de pepsine puis fixation du noyau).
B - HYBRIDATION :
La technique FISH permet de déterminer partiellement le contenu
chromosomique d’un noyau.
Le principe repose sur l’hybridation
d’un fragment d’ADN (sonde) spécifique d’une région chromosomique et marqué par des nucléotides couplés à un fluorochrome, sur l’ADN de chromosomes interphasiques
préalablement dénaturés.
La sonde est visualisée par le signal émis
par le fluorochrome et apparaît sous forme d’un signal fluorescent
dont la couleur dépend du fluorochrome utilisé.
Les sondes chromosomiques sont déposées sur la zone
préalablement délimitée par un gravage au diamant permettant de
localiser le blastomère.
Une lamelle est ensuite scellée avec du rubber
cement puis une codénaturation est réalisée (69 °C, 5 à 7 minutes)
permettant la dénaturation simultanée de l’ADN du noyau et des
sondes.
Les lames sont ensuite mises à l’étuve (37 °C) pour une
durée d’hybridation variable (2 à 3 heures pour les sondes centromériques et 16 heures pour les sondes télomériques).
C - DIFFÉRENTS TYPES DE SONDES UTILISÉES :
Ce sont des fragments d’ADN spécifiques d’une région
chromosomique.
Les sondes peuvent être centromériques (sexage),
ou spécifiques des bras longs des chromosomes (translocations
Robertsoniennes) ou télomériques (translocations réciproques).
Pour les translocations réciproques, trois sondes sont utilisées (deux
sondes distales par rapport au point de cassure pour chacun des
deux chromosomes impliqués dans la translocation et une proximale
par rapport au point de cassure pour un chromosome seulement).
Certaines translocations réciproques nécessitent l’usage de sondes
spécifiques qu’il faut mettre au point et fabriquer à l’aide de YAC
(yeast artificial chromosome) ou de BAC (bacterial artificial
chromosome).
D - ANALYSE MICROSCOPIQUE :
Une fois la durée de l’hybridation terminée, une série de lavages est
réalisée.
Puis, à l’aide d’un microscope à épifluorescence muni de
filtres spécifiques, les signaux d’hybridation sont observés et
interprétés.
En fonction du nombre et de l’aspect des signaux, un
diagnostic est établi pour chaque embryon.
Génétique moléculaire et DPI :
Le diagnostic génétique d’une maladie monogénique sur un
blastomère isolé représente l’étape la plus délicate du DPI en raison
de différents facteurs susceptibles de compromettre la précision et
la fiabilité du diagnostic.
La technique utilisée est la PCR qui permet
l’amplification exponentielle in vitro de courts fragments du gène à
analyser, grâce à des cycles successifs d’hybridation et de déshybridation.
Chaque cycle comprend :
– la dénaturation des deux brins matriciels d’ADN à haute
température (94 °C) ;
– l’hybridation à plus faible température (60 °C) de deux courts
fragments d’ADN simple brin, appelés amorces, sur les extrémités
de la séquence nucléique à analyser ;
– la synthèse à partir des deux amorces d’un nouveau brin d’ADN
par la Taq polymérase (72 °C).
À la fin de chaque cycle de PCR, la
quantité d’ADN est doublée, ce qui en permet l’analyse.
Bien que différents types de cellules soient théoriquement
analysables en DPI (globules polaires, blastomères, cellules du
trophoectoderme), la plupart des centres pratiquent le DPI après
biopsie de blastomère sur des embryons de 3 jours, constitués alors
généralement de six à dix blastomères totipotents.
Il est recommandé
de prélever et d’analyser indépendamment deux blastomères
provenant du même embryon, ce qui augmente la fiabilité du
diagnostic lorsque les résultats de l’analyse des deux cellules sont
concordants.
Cette approche est malheureusement souvent limitée
par une qualité ou un développement embryonnaire insuffisant.
S’ajoutent des contraintes de temps puisque le diagnostic doit être
réalisé dans les 12 à 48 heures après la biopsie, afin de transférer les
embryons indemnes dans l’utérus maternel le plus rapidement
possible pour ne pas compromettre leur viabilité.
Dès les premières tentatives de DPI réalisées par PCR, plusieurs
difficultés inhérentes à l’analyse d’une seule cellule sont apparues :
– absence totale d’amplification ;
– contamination potentielle de l’échantillon à analyser ;
– phénomène d’allele drop out (ADO) correspondant à la nonamplification
ou à la non-détection de l’un des deux allèles dans
une cellule hétérozygote à un locus donné ;
– amplification préférentielle de l’un des deux allèles.
Ces difficultés doivent être connues et prises en compte dans la
procédure globale de DPI et les avertissements donnés au couple.
A - CONTAMINATION :
Alors que l’analyse génétique d’une seule cellule (par exemple un
blastomère) est réalisée à partir d’environ 6 à 7 pg d’ADN, le
diagnostic génétique « classique » est basé sur l’amplification par
PCR d’une quantité d’ADN génomique de l’ordre de 50 à 500 (soit
l’équivalent de 10 000 à 100 000 cellules).
Cette infime quantité de
matériel génétique disponible pour l’analyse en DPI nécessite la
réalisation d’un grand nombre de cycles de PCR pour que la
séquence amplifiée soit en quantité suffisante pour être analysable.
L’introduction accidentelle d’ADN exogène doit donc être
absolument évitée.
Les sources de contamination spécifiques au DPI peuvent être des
cellules folliculaires d’origine maternelle entourant l’ovocyte, et un
ou plusieurs spermatozoïdes restés accrochés à la zone pellucide de
l’embryon lors de la procédure de FIV.
Ces contaminations peuvent
être évitées en retirant minutieusement toutes les cellules
folliculaires et en pratiquant systématiquement une ICSI.
D’autres
sources de contamination incluent les cellules des manipulateurs
réalisant la FIV ou le diagnostic génétique moléculaire, ainsi que les
produits d’amplification d’expériences précédentes.
Il est donc
impératif de travailler dans un laboratoire strictement dédié à
l’étude des cellules uniques (matériels et réactifs réservés à cet
usage), isolé des locaux dans lesquels sont analysés les produits
d’amplification, et de revêtir une tenue vestimentaire adaptée.
B - « ALLELE DROP OUT »
:
L’absence totale d’amplification d’une séquence du génome est
indésirable (impossibilité d’établir un diagnostic et donc de
transférer un embryon), mais le phénomène d’ADO est extrêmement
grave en raison du risque d’erreur de diagnostic pouvant en
découler.
Celui-ci est directement dépendant du mode de
transmission de la maladie génétique étudiée.
Bien que les causes précises de l’ADO restent inconnues, ce
phénomène semble varier en fonction de la technique de lyse
cellulaire utilisée, des séquences d’ADN et du type cellulaire
analysés, ainsi que de la taille des fragments nucléotidiques
amplifiés.
Avant toute application clinique, les protocoles
d’amplification et d’analyse doivent donc être rigoureusement mis
au point et optimisés sur des cellules individualisées (lymphocytes,
lymphoblastes ou fibroblastes isolés), afin de déterminer les taux
d’amplification et d’ADO pour chaque séquence.
Ces travaux
préparatoires nécessitent plusieurs mois d’expérimentation en
fonction des caractéristiques associées aux séquences analysées et
des techniques préanalytiques et analytiques choisies pour chaque
cas.
Un diagnostic ne peut être appliqué au niveau clinique que si le
taux d’amplification est supérieur à 90 % et si le taux d’ADO est
inférieur à 10 % au niveau de cellules isolées.
Cependant, la qualité
du matériel génétique des blastomères est variable, parfois médiocre,
et malgré l’optimisation au préalable des protocoles de DPI, le taux
d’absence d’amplification peut dépasser 10 % et l’ADO affecter près
de 25 % des blastomères analysés.
Divers protocoles sont désormais développés afin d’être en mesure
de détecter, le cas échéant, le phénomène d’ADO.
La PCR multiplex
permet de coamplifier plusieurs séquences nucléiques, l’une
pouvant contenir la mutation à l’origine de la pathologie génique
étudiée, l’autre (ou les autres) renfermant des marqueurs
polymorphes situés à proximité de la mutation ou du gène impliqué
dans la maladie.
Cette approche diminue de façon drastique la
probabilité d’erreur de diagnostic en permettant :
– de vérifier que les allèles identifiés dans l’embryon sont bien
d’origine parentale et non dus à des contaminations extraembryonnaires ;
– de confirmer un diagnostic direct de mutation par une étude
« indirecte » basée sur la ségrégation de marqueurs polymorphes de
l’ADN ;
– de détecter un éventuel ADO ayant affecté la mutation.
Cette
stratégie est couramment utilisée pour les DPI de pathologies dues
à des mutations fréquentes telles que la mucoviscidose (analyse de
la mutation deltaF508 et d’un microsatellite intragénique) ou la
dystrophie myotonique de Steinert (analyse des répétitions de
triplets CTG dont les expansions au-delà d’un certain seuil
entraînent l’apparition de la maladie, ainsi que d’un microsatellite
très proche du gène de la myotonie de Steinert).
Lorsqu’une pathologie n’est pas due à une mutation fréquente, que
la mutation n’a pas été identifiée ou qu’elle n’est pas analysable à
partir de l’ADN d’une seule cellule, il est également possible de
développer des protocoles de PCR multiplex, basés sur la coamplification de deux ou trois marqueurs polymorphes
intragéniques ou flanquant le gène impliqué.
L’intérêt majeur de ce
diagnostic indirect est qu’il est applicable au plus grand nombre de
familles sollicitant un DPI pour une même pathologie, sans devoir
mettre au point un protocole d’amplification pour chacune des
mutations responsables.
Cette stratégie a été appliquée, entre autres,
au DPI du syndrome de l’X fragile, du syndrome de Marfan et
du rétinoblastome héréditaire.
La technique de PCR nichée est fréquemment utilisée en DPI.
Deux
PCR successives sont réalisées, la deuxième (PCR2) utilisant des
amorces internes par rapport à celles utilisées lors de la PCR1. Cette
technique permet d’augmenter l’efficacité et la spécificité de la
réaction d’amplification.
L’introduction de protocoles de PCR
fluorescente (utilisation d’amorces fluorescentes et détection des
produits amplifiés dans un séquenceur automatique) dans l’analyse
génétique unicellulaire a également permis d’améliorer
considérablement la fiabilité du diagnostic car le système de
détection est infiniment plus sensible qu’un système de détection
« classique » (coloration de gels au bromure d’éthidium).
La combinaison des techniques de PCR multiplex et de PCR
fluorescente peut être utilisée pour réduire encore davantage les
erreurs de diagnostic.
Indications :
Le DPI concerne les couples à risque élevé de transmettre une
maladie génétique, mais qui ne souhaitent pas recourir au diagnostic
prénatal pour les raisons suivantes :
– opposition morale ou religieuse à l’interruption médicale de
grossesse ;
– expérience douloureuse de pertes foetales par décès spontanés ou
interruptions médicales de grossesses après diagnostic prénatal.
Il peut aussi être appliqué aux couples ayant une hypofertilité
justifiant en soi le recours à une FIV et chez qui un risque génétique
a été identifié :
– remaniement chromosomique chez un parent source de décès in
utero, de naissances d’enfants lourdement handicapés ;
– maladie monogénique et nécessité d’une FIV (mucoviscidose et
agénésie bilatérale des canaux déférents).
A - INDICATIONS DE DPI EN CYTOGÉNÉTIQUE
:
Elles correspondent au diagnostic de sexe pour les maladies
génétiques liées à l’X et au diagnostic des anomalies de structure
telles que les translocations, les inversions ou les anomalies de
nombre, homogènes ou en mosaïque.
1- Diagnostic de sexe :
Ce diagnostic est réalisé chez des couples à risque de transmettre
une pathologie récessive liée au chromosome X, lorsque celui-ci ne
peut pas être réalisé par les techniques de biologie moléculaire.
Lorsque le gène est connu et que la mise au point unicellulaire a été
réalisée, la biologie moléculaire permet de réimplanter les embryons
de sexe masculin indemnes de la maladie.
Le diagnostic du sexe
chromosomique des embryons est réalisé par FISH sur un
blastomère préalablement biopsié à l’aide de sondes spécifiques des
chromosomes X et Y.
L’inconvénient, si le diagnostic est réalisé par FISH, est que seuls les
embryons XX (féminins) seront transférés, puisque théoriquement
un embryon masculin sur deux est à risque de transmettre la
maladie.
L’avantage est qu’il s’agit d’une technique rapide (3 heures)
permettant non seulement d’identifier les embryons de sexe féminin,
mais également de mettre en évidence les embryons 45X (syndrome
de Turner) ou ceux 47XXX, contrairement à la PCR qui ne permet
pas de réaliser ces diagnostics.
2- Translocations :
Il en existe deux types :
– Robertsoniennes (fusion centromérique de deux chromosomes
acrocentriques : chromosomes 13, 14, 15, 21 et 22) ;
– réciproques (échanges de segments chromosomiques entre deux
chromosomes).
Un individu sur 900 est porteur d’une translocation Robertsonienne
et un individu sur 625 est porteur d’une translocation réciproque.
Le but du DPI est donc de sélectionner les embryons sains ou
porteurs équilibrés de la translocation.
L’individu du couple porteur
de telles translocations peut avoir une ségrégation méiotique
déséquilibrée des chromosomes impliqués dans la translocation, qui
sera alors responsable d’un embryon porteur d’une aneuploïdie
(monosomie ou trisomie).
Pour les translocations réciproques, le risque de déséquilibre
chromosomique est fonction des chromosomes impliqués et de la
localisation des points de cassure, et est donc caractéristique de
chaque translocation.
Chaque couple porteur d’une translocation
réciproque constitue un cas particulier pour lequel les risques de
survenue dans la descendance de déséquilibre partiel doivent être
établis de façon spécifique.
De tels diagnostics impliquent une mise
au point longue, car la plupart du temps il est nécessaire de
fabriquer des sondes spécifiques des points de cassure de la
translocation.
3- Anomalies de nombre (aneuploïdie) et inversions
:
Le diagnostic des anomalies de nombre correspond à certaines
indications comme le syndrome de Klinefelter, la trisomie X, ou un
double Y.
Les recherches d’aneuploïdie proposées pour âge maternel élevé
(> 38 ans), avortements spontanés à répétition, échecs répétés de FIV,
ou choix du sexe par convenance sont interdites en France mais
proposées dans d’autres centres.
B - INDICATIONS DE DPI EN BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
:
Dans ce cadre, deux types de pathologies sont retenues :
– maladies monogéniques autosomiques récessives, dominantes
pour lesquelles l’anomalie moléculaire peut être détectée grâce aux
techniques de la biologie moléculaire ;
– maladies liées au chromosome X avec diagnostic par biologie
moléculaire.
Si ce dernier est impossible, un diagnostic de sexe peut
être proposé, dans certaines situations, pour éviter la naissance de
garçons malades.
C - NOUVELLES INDICATIONS DU DPI :
Les principales indications du DPI sont celles du diagnostic prénatal,
c’est-à-dire les maladies d’une particulière gravité, justifiant une
interruption médicale de grossesse après diagnostic prénatal.
Mais
la possibilité d’étudier un embryon avant même son implantation et
de sélectionner les embryons non porteurs de certaines
caractéristiques génétiques (mutations ou polymorphismes liés à une
mutation) a ouvert la voie à de nouvelles indications parmi
lesquelles le DPI pour les maladies génétiques d’apparition tardive
telles que la maladie de Huntington.
En France, seuls peuvent
bénéficier d’un DPI les patients ayant préalablement réalisé un
diagnostic présymptomatique révélant qu’ils ont hérité de leur
parent atteint de la mutation causale (une expansion anormale de
répétitions CAG dans le gène de la maladie de Huntington).
Dans
d’autres pays, on propose un DPI d’exclusion aux personnes ayant
un parent atteint, ne souhaitant pas savoir s’ils le seront à leur tour,
mais voulant s’assurer que leurs enfants seront indemnes.
Dans ce
cas, une étude indirecte par haplotypage est réalisée, sans étudier
directement la mutation : les embryons ayant hérité de
l’haplotype du grand-parent atteint ne sont pas transférés, même
s’il ne s’agit pas de l’haplotype lié au gène muté.
Aux États-Unis,
des DPI ont également été réalisés pour la prédisposition à une
forme précoce de maladie d’Alzheimer, de transmission
autosomique dominante, via l’étude d’une mutation dans le gène
APP.
Cette indication reste controversée car la maladie ne
s’exprime pas chez 100 % des individus porteurs de la mutation.
La sélection d’embryons sur la base d’un typage HLA est également
une nouvelle indication du DPI.
Cette approche a été appliquée pour
l’anémie de Fanconi (FA), une maladie génétique de transmission
autosomique récessive, dont le seul traitement est une greffe de
moelle osseuse permettant de rétablir la fonction hématopoïétique
chez les patients.
Un double DPI a été réalisé afin d’étudier
simultanément la mutation familiale à l’origine de la FA (permettant la naissance d’un enfant sain) et d’identifier les embryons présentant
une compatibilité HLA avec un enfant atteint, en vue d’une greffe
de cellules souches hématopoïétiques.
Ce premier DPI a ouvert le
débat sur la conception d’enfants « médicaments », car un nombre
croissant de couples sans antécédent familial de maladie génétique
sollicite désormais un DPI de compatibilité HLA, uniquement dans
le but de trouver un donneur compatible pour un enfant dans
l’attente d’une greffe.
Selon la loi française, ce type de DPI n’est pas
autorisé puisque les embryons n’ont pas spécialement de risque de
présenter une maladie d’une particulière gravité.
Conclusion
Si les techniques en cytogénétique et en biologie moléculaire
s’améliorent et permettent l’identification de plus en plus de maladies
génétiques, la biologie de l’embryon humain pré-implantatoire avec ses
éventuelles mosaïques fait que les risques d’erreurs sont à ce jour
incontournables.
À cela, s’ajoutent les contraintes et les complications
de la fécondation in vitro pour les couples dont la fertilité est normale et
qui ont déjà une ou plusieurs grossesses spontanées (risque
d’hyperstimulation, grossesses multiples, échecs de stimulation, échec
de diagnostic, échec de grossesse).
Cependant, le DPI permet aux
couples le non-transfert lorsque les embryons analysés sont atteints de
la maladie recherchée.
Il évite la souffrance de voir s’arrêter une
grossesse dans laquelle le couple s’est investi depuis de nombreuses
semaines.
Depuis la publication du premier DPI par l’équipe anglaise de
Handyside en 1990, le nombre de centres pratiquant cette activité a
progressé.
Cependant, cette progression reste lente (25 centres selon
l’enquête de l’European Society for Human Reproduction and
Embryology, 2002).
La pratique du DPI nécessite l’implication et la
collaboration de laboratoires performants de fécondation in vitro, de
génétiques (moléculaires et chromosomiques) capables de pratiquer un
diagnostic sur une ou deux cellules embryonnaires, et de cliniciens
(généticiens, gynécologues, psychologues).
Quel que soit le nombre de cycles de DPI réalisé par an, cette approche
nécessite de très importants besoins humains rassemblés au sein d’un
centre multidisciplinaire comme l’exige la loi française.
La mise au
point de techniques selon la maladie recherchée demeure actuellement le
seul facteur limitant.
Ceci explique à ce jour l’important taux de refus
pour non-faisabilité technique.
Cependant, de nombreuses anomalies
génétiques peuvent être analysées aujourd’hui, et l’évolution
permanente de procédures techniques laisse présager que certains
problèmes persistants seront dans un avenir proche résolus et auront
un impact fondamental sur la prise en charge des couples.