Le diabète de type 1 touche environ 10 % de l’ensemble
de la population diabétique, soit en France 150 000 personnes.
Il survient à tout âge, mais surtout avant l’âge
de 20 ans, avec un pic de fréquence vers 12 ans.
L’incidence avant l’âge de 15 ans en France est de
7 pour 100 000.
Il existe un important gradient nord-sud,
puisque l’incidence en Finlande est de 42 pour
100 000.
Ce gradient nord-sud s’expliquerait par des
raisons génétiques imparfaitement connues et par des
facteurs d’environnement totalement inconnus, bien que
les virus fassent figure de suspects numéro un.
Enfin, il
semble exister une augmentation de l’incidence dans le
monde d’environ 3% par an, sans que l’on en connaisse
la raison.
Physiopathologie
:
A - Processus auto-immun
:
Le diabète de type 1 est dû dans l’immense majorité des
cas à une destruction auto-immune des cellules bêta du
pancréas, qui se déroule à bas bruit pendant plusieurs
années avant le début du diabète.
L’étude des modèles
animaux de diabètes auto-immuns et les rares études
histologiques humaines suggèrent que l’évolution se fait
en 3 phases :
– le déclenchement se caractériserait par une présentation macrophagique d’auto-antigènes pancréatiques, qu’une
apoptose initiale des cellules bêta pourrait favoriser ;
– le développement d’une insulite se caractérise par une
infiltration de lymphocytes CD4 et CD8 autour des
îlots, avec peu ou pas de destruction des cellules bêta
(« péri-insulite ») et par une production de cytokines
inflammatoires, interleukine 2 (IL2), interféron g
(IFN g), TNF a (tumor necrosis factor a) ;
– la phase terminale se caractérise par une prédominance
des CD8 (cytotoxiques).
La destruction des cellules
bêta est secondaire à leur apoptose.
L’origine de celle-ci
est probablement multifactorielle, liée entre autres à
l’expression de Fas à leur surface (favorisée par les
cytokines inflammatoires), les lymphocytes T activés
exprimant Fas ligand.
La réaction immunitaire cellulaire spécifique pour
différents antigènes pancréatiques témoigne de leur
importance pathogénique.
En particulier, la suppression
par transgenèse de l’expression de la protéine GAD
(glutamic acid decarboxylase), au niveau des cellules
bêta des souris diabétiques NOD, permet de prévenir le
diabète.
De plus, les îlots comportant des cellules bêta
n’exprimant pas GAD, transplantés chez les souris NOD, ne subissent pas l’attaque auto-immune, contrairement
aux îlots contenant des cellules bêta normales.
La protéine GAD apparaît donc comme un antigène
majeur dans le déroulement de la réaction immunitaire
chez la souris NOD.
La démonstration de son rôle
prépondérant n’a pas encore été faite chez l’homme.
Au cours de cette réaction d’immunité cellulaire, sont
produits des auto-anticorps dirigés contre certains antigènes
pancréatiques.
Ces auto-anticorps n’ont pas en
eux-mêmes de rôle pathogène mais sont des marqueurs
fiables du déroulement du processus auto-immun.
Ils
sont essentiellement au nombre de 4 : les anticorps antiîlots
(islet cell antibody, ICA) présents chez 60 à 80 % des
patients au début du diabète ; les anticorps anti-GAD
présents chez 80 % des patients présentant un diabète de
type 1 ; les auto-anticorps anti-insuline retrouvés surtout
chez l’enfant ; les anticorps anti-IA2 dirigés contre une
tyrosine phosphatase membranaire, présents chez 50 à
75 % des patients présentant un diabète de type 1.
Le dosage des anticorps anti-GAD, anti-IA2 et antiinsuline
fait appel à des techniques radio-immunologiques
et tend à suppléer le dosage des anticorps anti-îlots par
immunofluorescence sur coupes de pancréas humain,
dans le dépistage des patients à risque de développer un
diabète.
Le risque de survenue de diabète augmente avec
le taux et le nombre des anticorps présentés par
le patient.
B -Terrain génétique de susceptibilité
:
Cette insulite prédiabétique survient sur un terrain
génétique prédisposé, mais il s’agit d’une susceptibilité
faible puisque lorsque la mère est diabétique insulinodépendante,
le risque pour l’enfant est de 2 à 3%, lorsque
le père est diabétique insulinodépendant le risque est de
4 à 5 %.
Lorsqu’il existe des frères et soeurs, le risque
est de 5% et lorsqu’il s’agit de jumeaux univitellins, la
concordance n’est que de 30 à 40 %.
Finalement, on ne
retrouve une hérédité familiale de diabète de type 1 chez
un nouveau diabétique qu’une fois sur 10.
Il s’agit en réalité d’une susceptibilité plurigénique avec
au moins une dizaine de gènes en cause.
Le principal
(rendant compte de 40 à 50 % de la susceptibilité génétique)
se situe sur le chromosome 6 au niveau des gènes
du système HLA de classe 2 avec un risque relatif de
3 à 5 lorsqu’il existe un antigène HLA DR3 ou DR4.
Le risque relatif atteint 20 à 40 lorsque les 2 antigènes
DR3 et DR4 sont associés (l’association DR3 DR4 est
fréquente dans la population diabétique et exceptionnelle
dans la population non diabétique).
Ainsi, le risque pour
des frères et des soeurs doit être précisé en fonction
d’une identité HLA avec le sujet diabétique.
Le risque
est de 15 % lorsque les frères ou soeurs ont les 2 haplotypes
HLA en commun avec le parent diabétique.
Il
n’est que de 7% lorsqu’ils n’ont qu’un seul haplotype
en commun et il est inférieur à 1% lorsque les 2 haplotypes
sont différents.
La caractérisation moléculaire des
gènes des molécules de classe 2 a permis d’identifier un
grand nombre d’allèles nouveaux.
Les anciennes spécificités
DR et DQ définies sérologiquement ont été
divisées en sous-types dont certains sont associés au diabète
de type 1, le risque relatif de certains allèles DQ
étant supérieur à celui obtenu pour DR.
Ainsi, une forte
susceptibilité est apportée par les haplotypes DR3 DQ
B1 02 01 et DR4 DQ B1 03 02.
À l’inverse, une forte
protection est conférée par l’haplotype DR 15 DQ B1 06 02.
Le mécanisme expliquant le lien entre ces différents haplotypes HLA et la survenue du diabète auto-immun,
reste en partie inconnu.
On a identifié plusieurs régions contenant des gènes de
prédisposition, en particulier dans les régions proches
du gène de l’insuline sur le chromosome 11, proches du
récepteur de l’IGF1 sur le chromosome 15.
Certains
gènes de susceptibilité pourraient être communs aux
diabètes de types 1 et 2, expliquant l’augmentation de
l’hérédité du diabète de type 2 retrouvée chez les sujets
diabétiques de type 1.
C - Facteurs déclenchants :
Des facteurs d’environnement sont probablement à
l’origine du déclenchement du processus auto-immunitaire,
qu’il s’agisse de facteurs nutritionnels, toxiques ou
viraux.
Des faits cliniques tels que la présence d’un
diabète insulinodépendant en cas de rubéole congénitale
(environ 20 %) et des faits expérimentaux observés chez
l’animal font suspecter un rôle essentiel des virus (oreillons, Coxsackie B4, cytomégalovirus, hépatite B…).
Les
virus pourraient intervenir de multiples façons :
– certains virus pourraient présenter un mimétisme antigénique
avec des protéines de cellules bêta (il existe
une séquence peptique commune entre le virus Coxsackie et la GAD par exemple) ;
– l’infection virale pourrait être responsable de la sécrétion
de cytokines, en particulier d’interféron g, entraînant
une expression anormale des antigènes de classe II,
avec présentation d’auto-antigènes pancréatiques aux
récepteurs des lymphocytes T CD4, et une surexpression
des antigènes de classe I, accélérant le processus de
destruction par les lymphocytes cytotoxiques CD8 ;
– les virus pourraient également participer à l’induction
d’une apoptose des cellules B (par des cytokines
inflammatoires) initiant le processus auto-immunitaire ;
– enfin, l’infection virale pourrait rompre la tolérance
immunitaire en activant une insulite quiescente ou en
rompant l’équilibre entre les lymphocytes TH1 (orientant
la réaction immunitaire vers l’immunité cellulaire),
les lymphocytes TH2 (orientant la réaction immunitaire
vers l’immunité humorale), c’est-à-dire en levant la
suppression de la réaction auto-immune cellulaire.
D - Conséquences pour le clinicien :
On peut retenir 4 messages essentiels.
Le risque génétique est faible.
Il ne s’agit pas de la transmission d’un gène pathologique
responsable par lui-même de l’apparition de la maladie,
mais seulement de la transmission plurigénique d’une
susceptibilité, l’apparition de la maladie étant déterminée
par des facteurs d’environnement.
La maladie immunologique évolue à bas bruit pendant
des années avant l’apparition du diabète.
Les infections
et chocs psychologiques précédant de quelques semaines
ou de quelques mois l’apparition du diabète, souvent
incriminés par les malades ou leur entourage, ne peuvent
donc jouer qu’un rôle de révélateur.
On connaît mal l’histoire naturelle de l’insulite pancréatique
chez l’homme.
Cependant, il semble que la destruction
des cellules bêta ne soit pas linéaire, mais connaisse une
accélération finale, si bien que la préservation du capital insulinosécrétoire restant lors de la découverte du diabète
nécessite la mise en place d’une insulinothérapie optimale
en urgence.
On peut aujourd’hui dépister simplement l’insulite prédiabétique
grâce à un dosage des anticorps anti-GAD.
Cependant, dans la mesure où nous ne disposons pas
d’une thérapeutique préventive validée, il ne saurait être
question d’un dépistage systématique.
Néanmoins,
beaucoup de diabétologues conseillent ce dépistage dans
les fratries de sujets diabétiques pour au moins 2 raisons.
Un dépistage positif permettrait au sujet prédiabétique
de participer à un protocole de recherche d’immunothérapie
préventive.
L’administration d’insuline par voie
orale serait susceptible d’induire une tolérance immunitaire
en favorisant la réponse TH2 au détriment de la réponse
TH1 et en stimulant le développement de lymphocytes T
protecteurs sécrétant du TGFb (transforming growth
factor b) au niveau des îlots pancréatiques eux-mêmes.
À défaut, le dépistage permettrait une surveillance
rapprochée, autorisant la mise en route d’une insulinothérapie
avant la décompensation cétosique du diabète,
le risque d’éclosion d’un diabète dans un délai d’un an
étant pratiquement de 100 % chez les frères et soeurs
d’un patient diabétique insulinodépendant présentant des
anticorps anti-GAD et une glycémie à jeun à plusieurs
reprises supérieure à 1,10 g/L.
Clinique
:
Le début clinique du diabète de type 1 est le plus souvent
rapide, marqué par l’apparition soudaine d’un syndrome
cardinal associant polyurie, soif et amaigrissement
contrastant avec une polyphagie.
Souvent, ce syndrome
cardinal s’enrichit d’une grande fatigue en particulier à
l’effort, de douleurs musculaires et de troubles de la vue
à type d’hypermétropie secondaire aux perturbations
osmotiques du cristallin.
Le diagnostic est confirmé par
un simple dosage de la glycémie ; s’il n’est pas porté à
ce stade, l’évolution se fait vers l’acidocétose avec
déshydratation, nausées, vomissements, douleurs abdominales
et surtout polypnée.
Une mesure de la glycémie
capillaire et une recherche de la cétonurie suffisent à
confirmer le diagnostic.
Devant un tableau clinique typique, il faut instituer sans
tarder le traitement par insulinothérapie.
Point n’est
besoin de confirmer le diagnostic par des examens complémentaires.
Ni la détermination du phénotype HLA ni
le dosage des auto-anticorps ou de l’insulinémie ne sont
nécessaires.
Seuls peuvent être justifiés les examens
complémentaires, guidés par la clinique, à la recherche
d’une éventuelle cause déclenchante telle qu’une infection.
Le dosage des auto-anticorps anti-GAD peut en revanche
être utile lorsqu’il existe une atypie clinique, en particulier
dans les 2 situations suivantes :
– une hyperglycémie modérée sans cétose pouvant évoquer
un diabète non insulinodépendant mais dont on est
« surpris » par la survenue chez une personne de moins
de 40 ans, ou par l’absence d’obésité, ou par l’association
à d’autres maladies auto-immunes d’organes (vitiligo, dysthyroïdie, maladie de Biermer…).
La présence d’anticorps
anti-GAD permet alors d’évoquer un diabète de
type 1 d’évolution lente (LADA), représentant 15 à
20% des diabètes non insulinodépendants survenant
avant40 ans, surtout en l’absence de surpoids et
évoluant en quelques années vers l’insulinorequérance ;
– un diabète de type 2 avec surpoids, et souvent une forte
hérédité familiale, débutant par un syndrome cardinal
avec cétose.
Cette situation se rencontre particulièrement
chez les Africains et les Indiens.
La négativité des auto-anticorps permet d’éliminer un diabète de type 1.
L’évolution de ce type de diabète, ni 1 ni 2, se fait en
3 temps : début initial cétosique nécessitant le recours
transitoire à l’insulinothérapie, puis équilibration du
diabète par hypoglycémiants oraux évoluant secondairement
en quelques années vers l’insulinorequérance.
Ce diabète associerait une insulinorésistance et un
défaut insulinosécrétoire secondaire à une diminution
de la masse cellulaire bêta d’origine génétique.
À l’inverse, devant une hyperglycémie modérée survenant
chez une personne de moins de 20 ans dans un contexte
familial évocateur d’hérédité autosomique dominante, il
faut suspecter un diabète MODY (maturity-onset diabetes
of the youth).
De même, si le diabète est d’hérédité
maternelle et s’accompagne de maladies évocatrices
(surdité, rétinopathie dégénérative non diabétique, déficit
musculaire, pseudo-accident vasculaire cérébral…), on
doit penser à un diabète mitochondrial.
Ces diabètes
génétiques bénéficient aujourd’hui d’un diagnostic
moléculaire.
Traitement
:
A - Schéma d’insulinothérapie :
Le traitement du diabète insulinodépendant repose sur
l’insulinothérapie visant à reproduire le mieux possible
l’insulinosécrétion physiologique grâce aux injections
sous-cutanées d’insuline ou à une perfusion continue
sous-cutanée par pompe portable, permettant de réaliser
un schéma dit « basal-prandial ».
En effet, l’insulinosécrétion
physiologique comporte une insulinosécrétion
de base continue, persistante, y compris après plusieurs
jours de jeûne, à laquelle viennent s’ajouter des pics
insulinosécrétoires adaptés à la quantité de glucides
ingérés lors des repas.
L’insulinothérapie basale est
assurée soit par le débit de base de la pompe, soit par
2 injections d’insuline semi-lente (NPH) ou lente.
L’insulinothérapie prandiale est assurée par des injections
d’insuline rapide (Insuline Actrapid, Umuline rapide,
Insuman rapide, Orgasuline) ou par des analogues de
l’insuline rapide (Insuline Lispro, Insuline Aspart)
injectées avant chaque repas.
La dose d’insuline basale est d’environ 0,35 unités/kg,
sachant qu’il s’agit d’une dose moyenne, variable d’un
patient à l’autre et souvent plus faible chez les patients
minces ayant une activité physique importante ou en
début de diabète lorsqu’il persiste une insulinosécrétion
résiduelle endogène (phase dite de « lune de miel »).
Les
doses d’insuline basale changent peu au cours de l’année.
Les malades doivent être éduqués pour adapter les doses
d’insuline basale en fonction des résultats des contrôles
des glycémies capillaires de la semaine ou des 2 semaines
précédentes.
Les doses d’insuline rapide ou ultrarapide injectées
avant les repas doivent être calculées en fonction :
– des apports glucidiques et protidiques prandiaux ; on
considère que pour 10 g de glucides, il faut 2 unités
d’insuline rapide au petit déjeuner, 1 unité au déjeuner
de midi, 1 unité et demie au dîner, et que pour 20 g de
protides, il faut ajouter 1 unité d’insuline (ces valeurs
indicatives doivent être adaptées individuellement) ;
– de l’activité physique prévue dans les heures qui suivent
le repas (si celle-ci est importante, la dose d’insuline
peut être divisée par 2 voire supprimée) ;
– des résultats glycémiques des jours précédents, dans
la période horaire correspondant à la durée d’efficacité
de l’insuline injectée ;
– de la glycémie instantanée, le malade réalisant ainsi
un véritable « correctif thérapeutique », diminuant la
dose d’insuline de 1 ou 2 unités si la glycémie est
inférieure à 1,20g/L ou 0,80 g/L, l’augmentant de
1 à 2 unités si elle est supérieure à 1,60 ou 2 g/L.
L’adaptation de la dose d’insuline en fonction de la
glycémie instantanée reste controversée.
B - Éducation thérapeutique
:
Pour réaliser une telle adaptation thérapeutique, le malade
doit mesurer sa glycémie capillaire 3 à 4 fois par jour à
l’aide d’un stylo auto-piqueur permettant d’obtenir de
façon quasi indolore une goutte de sang au bout du
doigt.
Il doit connaître le délai, le pic et la durée d’action
de ses insulines.
Enfin, il doit
avoir une formation diététique pour évaluer la quantité
de glucides ingérée et connaître les équivalences.
Le régime du diabétique insulinodépendant est donc un
régime équilibré, adapté en fonction de l’âge et des
besoins énergétiques, apportant environ 50 % de calories
sous forme glucidique, 35 % sous forme lipidique, 15%
de protéines.
Les seuls glucides interdits en dehors de
l’hypoglycémie sont les glucides d’absorption rapide
essentiellement en raison de leurs propriétés physiques
liquides (sodas).
Les autres glucides y compris les glucides
simples, tels que la saccharose ou le fructose, ne sont pas
interdits aux sujets diabétiques insulinodépendants, à
condition que le malade adapte en conséquence les doses
d’insuline.
Pour limiter le risque athérogène, il est conseillé
de diminuer les graisses saturées d’origine animale (en
dehors des poissons) et d’augmenter les graisses monoinsaturées
(huile d’olive, huile d’arachide, colza, avocat).
Trois verres de vin par jour sont autorisés (l’alcool ne
contient pas de sucre ; seuls les vins doux, les vins cuits
et la bière contiennent des glucides).
Il est déconseillé
aux sujets diabétiques de fumer et une aide doit être
systématiquement proposée pour le sevrage tabagique.
C - Prévention et traitement
de l’hypoglycémie :
Le but du traitement est d’éviter les complications dégénératives
sévères du diabète survenant à long terme,
grâce à un équilibre glycémique aussi bon que possible,
tout en permettant une qualité de vie quotidienne acceptable.
En effet, une hémoglobine glycosylée (HbA1c)
autour de 7,5 % (soit une moyenne glycémique autour
de 1,60 g/L) n’est obtenue qu’au prix de 2 à 3 hypoglycémies
diurnes par semaine.
Abaisser le seuil d’hémoglobine glycosylée au-dessous de 7,5 % pour se rapprocher
de la normale, augmente proportionnellement le risque
d’hypoglycémie.
Des hypoglycémies modérées symptomatiques,
permettant un resucrage immédiat sont
pratiquement sans conséquence, mais la répétition des
hypoglycémies peut émousser certains des symptômes
d’alerte neurovégétatifs conduisant à des hypoglycémies
sévères non perçues par le malade, pouvant entraîner
des comas répétés.
Le risque hypoglycémique doit donc
être évalué pour chaque malade et la prescription d’une
insulinothérapie doit aller de pair avec une éducation sur
la prévention et le traitement de l’hypoglycémie.
Vingt à 30 % des sujets diabétiques insulinodépendants
présentent chaque année une hypoglycémie sévère (nécessitant
l’aide d’une tierce personne) ; 10 % présentent un
coma hypoglycémique ou une crise comitiale provoquée
par l’hypoglycémie ; moins de 1% des diabétiques décèdent
d’un coma hypoglycémique, mais le pourcentage est plus
élevé s’il s’agit de sujets diabétiques insulinodépendants
vivant seuls et sentant mal les hypoglycémies ou de personnes
diabétiques ayant une insuffisance rénale terminale
ou encore présentant une intoxication alcoolique.
D - Symptômes de l’hypoglycémie
:
Il existe 2 types de symptômes.
1- Symptômes neurovégétatifs
:
Il s’agit de palpitations, de tremblements, de sueurs
palmaires, de sueurs diffuses, d’une pilo-érection, de
pâleur et de fringales.
2- Signes de neuroglycopénie
:
Il s’agit d’un ralentissement intellectuel, de troubles de
la vue (diplopie, perte de la vision des couleurs, perte
de la vision de profondeur du champ ou, au contraire,
éloignement des objets, points brillants devant les yeux,
flou visuel…), de troubles de la parole, de troubles de
l’équilibre, de mouvements anormaux, de convulsions,
de crises d’épilepsie, de troubles du comportement, d’un
syndrome confusionnel, de troubles de l’humeur (plus
souvent de tristesse ou d’angoisse que de jovialité ou
d’euphorie), d’une confusion ou d’un coma.
E - Patients diabétiques à haut risque
d’hypoglycémie sévère :
L’hypoglycémie sévère (coma, convulsions, hypoglycémies
nécessitant le recours à une tierce personne)
survient principalement chez :
– les patients surdosés en insuline avec des doses totales
supérieures à 1 U/kg/j ou des doses d’insuline basales
supérieures à 0,40 U/kg/j ;
– les sujets diabétiques qui ont déjà fait plusieurs hypoglycémies
sévères ;
– les enfants de moins de 7 ans ;
– les personnes âgées de plus de 70 ans ;
– les patients présentant une intoxication alcoolique ou
même une alcoolisation aiguë ;
– les patients ayant une pancréatectomie ou une pancréatite
chronique calcifiante ;
– les patients ne percevant plus les symptômes d’alerte
neurovégétatifs de l’hypoglycémie ;
– les patientes enceintes chez lesquelles on cherche une
normalisation de l’hémoglobine glycosylée avec un
risque accru d’hypoglycémie sévère lors des premiers
mois de grossesse ;
– les patients ayant un déficit hormonal hypophysaire
ou surrénal associé au diabète insulinodépendant ;
– classiquement, les malades traités par bêtaboquants.
En réalité, les bêtabloquants ne suppriment que les
palpitations et non les autres symptômes neurovégétatifs
d’alerte.
En revanche, en réduisant le débit cardiaque
lors de l’hypoglycémie, ils diminuent de ce fait le débit
sanguin glucosé cérébral et majorent la neuroglycopénie.
F - Obstacles au bon équilibre du diabète
insulinodépendant
:
Environ la moitié des sujets diabétiques insulinodépendants
adultes obtiennent des valeurs d’hémoglobine glycosylée
souhaitées inférieures à 7,5 %.
Cinquante pour cent par
contre n’atteignent pas cet objectif et ont un risque de
complications sévères de microangiopathie.
Il convient
d’analyser méthodiquement les obstacles rencontrés par
les malades.
Un schéma insulinique inadéquat, avec en particulier
des insulines retard trop courtes, ne couvre pas la fin
d’après-midi ou la fin de nuit.
Il peut alors être utile de
décaler les insulines retard par exemple en reportant
l’insuline retard (neutral protamine hagedorn, NPH) du
dîner au coucher et (ou) d’ajouter une injection d’insuline
retard le midi.
Les injections d’insuline doivent permettre
de séparer les « insulines basales » et les « insulines
prandiales », avec une injection d’insuline rapide avant
chaque repas, ce que ne permettent pas les mélanges
préparés d’insulines dites biphasiques (insuline Mixtard
ou Umuline Profil…).
L’obtention d’un bon équilibre glycémique nécessite la
pratique quotidienne de l’autocontrôle glycémique 3 à
4 fois par jour.
La fréquence des autocontrôles dépend
de la possibilité pour le malade d’en tirer des conclusions
thérapeutiques, en particulier pour l’adaptation de ses
doses d’insuline, mais aussi pour le délai entre l’injection
et le repas.
Les schémas d’insulinothérapie optimisée
« basal-prandial », en particulier ceux comprenant une
injection d’insuline ultrarapide, nécessitent la pratique
de l’adaptation thérapeutique immédiate en fonction des
résultats.
Le tenue d’un carnet de surveillance diabétique
est un outil utile au malade pour l’adaptation de son
traitement dans l’intervalle des consultations médicales.
Le carnet permet rétrospectivement de discuter avec le
médecin des décisions thérapeutiques prises par le patient.
Devant un mauvais équilibre du diabète, en particulier
une instabilité glycémique, il importe de rechercher systématiquement
l’existence de lipo-hypertrophies au
niveau des bras et des cuisses.
Ces lipo-hypertrophies,
dues à l’absence de variation de point de piqûre, perturbent
la résorption de l’insuline.
Il est donc important que les
patients soient informés de la nécessité de varier les
points d’injection, même s’il est conseillé de garder les
mêmes territoires aux mêmes heures d’injection (par
exemple : le ventre le matin, car la résorption accélérée
d’insuline rapide permet de mieux contrôler le pic hyperglycémique suivant le petit déjeuner, les bras le
midi en raison de leur commodité et les cuisses le soir
pour assurer une résorption plus lente des insulines retard).
La survenue d’hypoglycémies est évidemment une limite
importante du traitement par injections d’insuline souscutanée.
Néanmoins, la plupart des sujets diabétiques
tolèrent fort bien les hypoglycémies et parfois même
« trop bien », quand ils n’en perçoivent plus les symptômes
d’alerte.
Par contre, un petit nombre de sujets
diabétiques (5 à 10 %) ont une peur panique de l’hypoglycémie
avec une sensation de malaise dès que la glycémie
atteint 1,20 g/L voire plus, entraînant des resucrages
intempestifs et une sous-insulinisation.
Ces patients ont
une hémoglobine glycosylée autour de 9%, comportant
un risque de complications dégénératives sévères.
D’autres patient(e)s (5 à 10 %) associent à cette peur
panique de l’hypoglycémie une peur phobique de la
prise de poids.
Ils maintiennent un « poids idéal »
grâce à une sous-insulinisation délibérée assurant une
glycosurie élevée dont témoigne l’hémoglobine glycosylée
dépassant souvent 11 %.
Les poussées hyperglycémiques
entraînées par les grignotages, les accès compulsifs et
les crises de boulimie sont responsables de cures de
diurèse osmotique entraînées par la glycosurie massive
évitant le recours aux laxatifs ou aux vomissements provoqués.
L’existence de ces troubles du comportement
alimentaire sévères associés au diabète comportent un
risque majeur d’évolution vers les complications sévères
et justifient une double prise en charge diabétologique et
psychologique.
Le trouble psychologique le plus fréquent à l’origine du
mauvais équilibre du diabète est la « pseudo-acceptation »
de la maladie ou plus exactement le refus conscient
d’être diabétique que manifestent 15 à 20 % des sujets
diabétiques.
Ces patients présentent un clivage durable
entre le « moi non diabétique » et le « moi diabétique »
réduit au strict temps nécessaire pour réaliser les
contraintes minimales, le plus souvent 1 ou 2 injections
avec refus de la 3e injection et des autocontrôles glycémiques
et évitement des hypoglycémies, moins en raison
de leur désagrément symptomatique qu’à cause du rappel
inopportun du diabète qu’elles imposent.
Ces patients
cachent fréquemment leur diabète, parfois même à leur
entourage proche, et affirment volontiers une force de
caractère particulière, se traduisant notamment par une
activité intense parfois même dangereuse sur le plan
médical quand elle se fait sans règle de sécurité diabétologique.
Il s’agit alors véritablement de conduites à
risque lors d’activités professionnelles ou sportives.
Reste un groupe de patients diabétiques insulinodépendants
(15 à 20 %) acceptant leur maladie mais ayant du mal à
gérer quotidiennement les contraintes des traitements
pour des raisons émotionnelles : manque de confiance
en soi, tendance dépressive, dépendance vis-à-vis des
autres, difficultés de programmation des activités de la
journée et de projection dans l’avenir, fatalisme…
Ces
patients peuvent être aidés par une prise en charge
rapprochée avec des consultations tous les 15 jours ou
tous les mois.
Complications dégénératives
:
Les complications dégénératives du diabète permettent
de distinguer la microangiopathie d’une part, la macroangiopathie
d’autre part.
A - Microangiopathie diabétique
:
L’hyperglycémie chronique est le seul facteur causal de
la microangiopathie (rétinopathie, glomérulopathie,
neuropathie diabétiques, qui sont fréquemment associées,
formant la classique triopathie diabétique).
Il existe une
forte corrélation entre d’une part la survenue de ces
complications et d’autre part la durée du diabète et le
niveau d’hyperglycémie.
Un point en plus ou en moins
d’hémoglobine glycosylée (ce qui correspond à une
diminution ou une augmentation de la glycémie moyenne
de 0,30 g/L) entraîne une augmentation ou une diminution
du risque d’apparition ou d’aggravation de la microangiopathie
diabétique d’environ 30 %.
L’hyperglycémie chronique est responsable d’une microangiopathie fonctionnelle caractérisée par une
augmentation du débit, de la pression et de la perméabilité
capillaires, une perte de l’autorégulation hémodynamique
entraînant un retentissement sur la microcirculation de
la pression artérielle systémique et une tendance thrombogène
secondaire, notamment une augmentation du facteur
Von Willebrand, du fibrinogène et du PAI1 (plasminogen
activator inhibitor 1).
1- Rétinopathie diabétique
:
La rétinopathie diabétique se développe à bas bruit, sans
que le malade perçoive pendant longtemps de symptôme.
La baisse de l’acuité visuelle témoigne de lésions très
avancées.
Il est donc essentiel que tout patient diabétique
reçoive une éducation sur le dépistage des lésions rétiniennes
par un examen systématique annuel du fond
d’oeil à la recherche de microanévrismes.
L’angiographie
rétinienne n’est utile que si l’examen soigneux
du fond d’oeil montre des anomalies évolutives.
La rétinopathie diabétique se développe sur 2 modes
évolutifs fréquemment associés : l’ischémie et l’oedème.
Les hémorragies intrarétiniennes témoignent de l’ischémie,
surtout lorsqu’elles sont nombreuses et étendues, les
territoires non perfusés vus à l’angiographie, les nodules
cotonneux témoignant d’une obstruction artériolaire, les
anomalies de calibre veineux (veines tortueuses et
boucles veineuses), les néovaisseaux intrarétiniens (anomalies
microvasculaires intrarétiniennes), puis
prérétiniens et notamment prépapillaires provoquant le
développement d’une fibrose gliale tirant sur la rétine et
finissant par la décoller.
La rétinopathie proliférante
touche environ 50 à 60 % des sujets diabétiques insulinodépendants
et 25 à 30 % des diabétiques non insulinodépendants
après 20 ans d’évolution du diabète.
L’oedème
peut être responsable d’exsudats durs, prédominant au
pôle postérieur.
La maculopathie oedémateuse est une
des causes de perte de l’acuité visuelle du sujet diabétique.
Cet oedème maculaire peut s’associer à une ischémie
maculaire définie par un doublement de la surface de la
zone avasculaire centrale.
L’oedème maculaire affecte
environ 30 % des sujets diabétiques insulinodépendants
après 20 ans d’évolution du diabète.
Sa prévalence
dépend en fait de la sévérité de la rétinopathie diabétique,
l’oedème maculaire étant beaucoup plus fréquent au cours
des rétinopathies proliférantes.
Le traitement de la rétinopathie diabétique suppose une
équilibration glycémique aussi parfaite que possible,
une baisse de la pression artérielle au-dessous de
130/80 mmHg.
Le bénéfice des traitements par antiplaquettaires
est mineur.
Le traitement par photocoagulation
au rayon laser a 2 indications : une photocoagulation
panrétinienne est indiquée lorsqu’il existe une rétinopathie
proliférante débutante, la seconde indication de la
photocoagulation au laser est la maculopathie oedémateuse.
2- Neuropathie diabétique
:
La neuropathie diabétique est fréquente.
Si l’on retient
des critères cliniques, on estime sa prévalence entre 25 et
50 % chez les sujets diabétiques dont la maladie évolue
depuis plus de 20 ans.
Elle est bien corrélée à l’équilibre
glycémique, mais l’âge est un facteur essentiel de susceptibilité,
la majorité des neuropathies diabétiques survenant
après l’âge de 50 ans.
On distingue les mononeuropathies
et mononeuropathies multiples (10 à 15 % des neuropathies
diabétiques) et les polyneuropathies diabétiques
beaucoup plus fréquentes (80 à 85 %).
• Les mononeuropathies et mononeuropathies multiples
se traduisent essentiellement par des signes moteurs
déficitaires, des douleurs évocatrices par leur exacerbation
nocturne.
Elles comprennent des cruralgies, remarquables
par l’absence de syndrome rachidien et l’atteinte volontiers pluriradiculaire, des méralgies paresthésiques.
Les nerfs
des membres supérieurs sont moins souvent touchés.
L’atteinte du nerf oculomoteur est parmi les plus fréquentes.
Un tiers des paralysies oculomotrices seraient d’origine
diabétique, le III et le VI sont plus souvent touchés que
le IV. La paralysie est souvent précédée pendant quelques
jours de douleurs vives.
L’atteinte du III épargne en
règle les fibres plus superficielles du III intrinsèque.
La
réactivité pupillaire est donc normale. Une mydriase
associée à une paralysie du III doit en effet faire rechercher
systématiquement un anévrisme de la carotide interne
ou une tumeur, par tomodensitométrie ou imagerie par
résonance magnétique.
Exceptionnellement, le thorax et l’abdomen peuvent
être touchés avec des mono- ou polyradiculopathies responsables
de douleurs thoraciques uni- ou bilatérales
parfois abdominales.
L’amyotrophie diabétique proximale pseudomyopathique
est rare.
Elle intéresse les racines, en particulier les
psoas et quadriceps amyotrophiés et douloureux à la
palpation.
Son évolution est le plus souvent favorable.
• Les polyneuropathies diabétiques sont beaucoup plus
fréquentes.
Leur topographie est habituellement distale,
bilatérale et symétrique, le plus souvent en chaussette,
plus rarement en gant, exceptionnellement thoracoabdominale.
Les manifestations subjectives sont de
2 ordres : le plus souvent il s’agit de paresthésies et de
dysesthésies mais parfois de douleurs volontiers exacerbées
la nuit, intolérables avec sensations d’écrasement
ou de brûlures continues ou fulgurantes.
Leur intensité
peut être telle qu’elle provoque une dépression réactionnelle
avec anorexie, amaigrissement sévère, permettant
d’individualiser une forme cachectique pseudo-néoplasique.
L’examen neurologique trouve une abolition des
réflexes achilléens et parfois rotuliens, une altération de
la sensibilité profonde, des troubles de la sensibilité
superficielle, tactile, thermique et douloureuse.
L’anesthésie à la douleur joue un rôle essentiel dans la
pathogénie des ulcérations trophiques des pieds.
En perdant
la sensibilité à la douleur, le malade diabétique perd
en effet le moyen fondamental de la protection des pieds.
L’électromyogramme de la neuropathie diabétique révèle
un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse
ainsi qu’une diminution de l’amplitude des potentiels
d’action des nerfs sensitifs, puis moteurs.
C’est un examen
le plus souvent inutile pour le diagnostic et la surveillance
de la neuropathie diabétique. Son indication relève donc
du spécialiste.
• La neuropathie végétative comporte plusieurs types
de manifestations.
Les manifestations cardiovasculaires et sudorales : la
dénervation cardiaque, mise en évidence par l’étude de
la variation de la fréquence cardiaque lors de la respiration
profonde de l’épreuve de Valsalva et du passage de la
position couchée à la position debout, comporte un risque
de mort subite.
L’hypotension orthostatique témoigne
d’une dénervation sympathique périphérique intéressant
les membres inférieurs et le territoire splanchnique.
Les manifestations urogénitales : l’éjaculation rétrograde
est cause d’infertilité.
L’impuissance atteindrait 30%
des sujets diabétiques.
Multifactorielle, elle est rarement
due à une obstruction artérielle et ne semble pas plus
fréquemment endocrinienne chez le sujet diabétique que
chez le non diabétique.
Elle peut être exclusivement
d’origine psychique et est souvent aggravée par de nombreux
médicaments dont pratiquement tous les antihypertenseurs,
les fibrates, les antihistaminiques H2, les médicaments
à visée neuropsychique. Elle a surtout 2 causes :
d’une part, la fibrose pénienne en particulier des corps
caverneux, d’autre part la neuropathie autonome.
L’atteinte vésicale est fréquente, mise en évidence par
une altération de la débitmétrie urinaire.
Les formes évidentes
sont rares et correspondent à des stades évolués,
compliqués d’infection ou de rétention.
En effet, le
risque majeur est celui de la rétention d’urine, responsable
d’une infection avec reflux vésico-urétéral menaçant le
haut appareil.
L’échographie post-mictionnelle, examen
anodin, permet d’en apprécier l’importance (de façon
fiable au-dessus de 100 mL) et de vérifier l’absence de
retentissement sur les voies urinaires. Une exploration urodynamique spécialisée s’impose pour décider de la
conduite thérapeutique.
Les manifestations digestives peuvent intéresser tout le
tube digestif, mais 2 types de manifestations sont plus
fréquentes : d’une part, la gastroparésie avec achlorhydrie
gastrique qui peut être responsable d’hypoglycémies
post-prandiales d’horaire inhabituel (les formes sévères
peuvent être améliorées par une prescription d’érythromycine,
agoniste de la motiline), d’autre part, la diarrhée,
comportant 10 à 30 selles par jour, impérieuses, survenant
souvent après les repas et parfois la nuit ou à l’occasion
d’une hypoglycémie et s’accompagnant dans 50 % des
cas d’une incontinence anale, survenant par poussées de
quelques jours à quelques semaines.
Dans tous les cas, il
importe d’éliminer une diarrhée provoquée par la prise
de metformine (Glucophage ; Stagid ; Glucinan), une
diarrhée avec stéatorrhée due à une pancréatite chronique,
une diarrhée secondaire à une hyperthyroïdie associée
au diabète, ou encore une diarrhée due à une maladie
coeliaque qu’évoquerait l’existence de troubles de
malabsorption.
La dysautonomie diabétique peut encore être responsable
de troubles pupillaires avec exceptionnellement un signe
d’Argyll Robertson, de déficit endocrinien notamment
d’un hyporéninisme hypo-aldostéronisme parfois responsable
d’une hyperkaliémie avec acidose tubulaire.
Enfin, elle participe aux troubles trophiques, dominés
par les maux perforants plantaires et l’ostéo-arthropathie
diabétique.
3- Néphropathie diabétique
:
La glomérulopathie diabétique complique 25 à 30 % des
diabètes insulinodépendants.
La principale manifestation
de la glomérulopathie diabétique est l’augmentation de
l’albuminurie que l’on peut aujourd’hui dépister précocement
grâce aux dosages immunologiques.
L’élévation
progressive de la pression artérielle va de pair avec l’élévation
de l’albuminurie.
Pour confirmer le diagnostic, il
suffit de vérifier l’absence d’autre maladie uro-néphrologique
(l’ECBU est normal, la taille des reins est normale,
l’échographie ne révèle pas d’anomalie des voies urinaires)
et de s’assurer de l’existence d’une rétinopathie diabétique,
le plus souvent sévère.
L’absence de rétinopathie diabétique
doit en effet amener à réviser le diagnostic et en tout cas
à demander l’avis d’un néphrologue qui décide de l’opportunité
éventuelle d’une ponction-biopsie rénale.
L’évolution se fait en 5 stades.
Au stade de « néphropathie incipiens », la clairance glomérulaire
n’est pas normale mais augmentée, pouvant
atteindre 150 à 200 mL/min.
Elle commence à décroître
lorsque la micro-albuminurie dépasse 70 mg/24 h et est
encore normale lorsque la néphropathie patente apparaît
(albuminurie supérieure à 300 mg/24 h).
Le traitement de la néphropathie diabétique repose sur :
– une équilibration du diabète avec une hémoglobine glycosylée inférieure à 8%, connaissant le risque d’hypoglycémie
sévère chez ces patients ;
– un traitement antihypertenseur visant à obtenir une
pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg ;
– même en l’absence d’hypertension artérielle, une
prescription d’inhibiteur de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine censé diminuer la pression hydrostatique intraglomérulaire ;
– un régime hypoprotidique modéré, autour de 0,8 g/kg/j ;
– la correction d’une hyperlipidémie ;
– l’arrêt d’une intoxication tabagique.
Le traitement des facteurs de risque cardiovasculaires
est essentiel.
En effet, la néphropathie diabétique est
responsable d’une angiopathie maligne associant microangiopathie
sévère, athérosclérose accélérée, responsable
d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du myocarde
et surtout d’artérite des membres inférieurs.
La recherche
d’une ischémie myocardique silencieuse et une exploration
par écho-doppler des troncs supra-aortiques et des artères
des membres inférieurs sont indispensables pour un
traitement suffisamment précoce des lésions d’athérome.
L’infection urinaire n’est pas plus fréquente chez les
sujets diabétiques bien équilibrés que chez les non diabétiques.
En revanche, l’infection urinaire est plus sévère
chez les diabétiques, justifiant un dépistage systématique
à l’aide des bandelettes dépistant leucocyturie et nitrites.
En cas de positivité, il convient de demander un examen
cytobactériologique urinaire avec antibiogramme et
d’entreprendre un traitement prolongé pendant 8 jours.
Les traitements des infections urinaires et des uropathies
obstructives ont rendu la nécrose papillaire rare aujourd’hui.
Quant à la néphropathie due aux produits de contraste
iodés, elle n’est pas à proprement parler favorisée par le
diabète, mais par l’insuffisance rénale.
Elle doit être systématiquement
prévenue par des protocoles d’hydratation
(apport per os d’eau de Vichy ou perfusion de sérum
physiologique) des sujets diabétiques avant l’injection
de produits de contraste iodés.
Elle impose un contrôle
de la diurèse et une mesure de la créatininémie 48 h
après l’examen.
La prise de metformine (Glucophage,
Stagid, Glucinan) doit être impérativement suspendue
dans les 48 h qui précèdent et qui suivent l’examen.
B - Macroangiopathie diabétique
:
L’athérosclérose est devenue la principale cause de
décès des patients diabétiques.
Le diabète entraîne un
risque relatif d’athérosclérose de 1,5 à 2 pour les accidents
vasculaires cérébraux, de 2 à 4 pour l’insuffisance coronaire,
de 5 à 10 pour l’artériopathie des membres
inférieurs.
Il comporte un risque relatif plus élevé pour
la femme diabétique qui perd en partie son avantage sur
l’homme avant l’âge de la ménopause.
Cependant, la
corrélation entre l’hyperglycémie et la morbi-mortalité
cardiovasculaire est moins importante que celle entre
l’hyperglycémie et la microangiopathie diabétique.
Pour
un point en plus d’hémoglobine glycosylée, le risque
d’événement cardiovasculaire n’augmente dans les 10 ans
que de 10 %.
Le risque absolu dépend donc essentiellement
de l’association aux autres facteurs de risque : hypertension
artérielle, augmentation du LDL cholestérol (low density
lipoprotein), modifications qualitatives du LDL cholestérol
avec augmentation des LDL petites et denses,
diminution du HDL cholestérol (high density lipoprotein),
tabagisme…
L’importance du risque vasculaire
absolu chez le sujet diabétique insulinodépendant
conduit donc à proposer des seuils d’intervention thérapeutique
plus stricts à partir de 140/80 mmHg pour la
pression artérielle, de 1,30 g/L pour le LDL cholestérol.
Les complications de l’athérosclérose ont une mortalité
globalement double de celle du sujet non diabétique.
Les accidents vasculaires cérébraux sont plus rarement
hémorragiques chez le diabétique en dépit de l’augmentation
de la fréquence de l’hypertension artérielle.
En
revanche, les micro-infarctus responsables de lacunes
semblent plus fréquents.
L’ischémie myocardique est 2 à 3 fois plus souvent
indolore chez le sujet diabétique.
L’infarctus du myocarde
est ainsi très souvent indolore, bien que rarement
asymptomatique.
Il faut y penser systématiquement
devant la survenue soudaine de symptômes par ailleurs
inexpliqués : troubles digestifs et parfois douleurs épigastriques,
dyspnée d’effort, asthénie en particulier à
l’effort, troubles du rythme cardiaque, embolie et parfois
simple déséquilibre inexpliqué du diabète ou baisse de
la pression artérielle.
La mortalité après infarctus du
myocarde est double à 1 mois, 1 an et 5 ans par rapport
au sujet non diabétique.
Cette surmortalité tient essentiellement
à la fréquence de l’insuffisance cardiaque séquellaire, en particulier chez la femme diabétique obèse.
L’artériopathie des membres inférieurs se révèle parfois
par une claudication intermittente avec sa douleur
constrictive en étau, imposant l’arrêt de la marche.
En
réalité, 5 fois sur 6, cette douleur fait défaut en raison
de la coexistence d’une neuropathie diabétique.
Outre
l’association fréquente à une neuropathie responsable
du caractère indolore de l’ischémie, l’artériopathie des
membres inférieurs du malade diabétique est caractérisée
par sa topographie : dans un tiers des cas elle est proximale,
bien corrélée aux facteurs de risque classiques (hypertension
artérielle, hyperlipidémie, tabagisme), dans un
tiers des cas elle est distale (corrélée à l’hyperglycémie),
siégeant en dessous du genou et dans un tiers des cas
elle est globale, proximale et distale.
Par chance, même
lorsque l’artérite est distale sous-poplitée, l’artère
pédieuse reste le plus souvent perméable.
La palpation
d’un pouls pédieux n’élimine donc en rien l’existence
d’une artérite sévère des axes jambiers et sus-jacents,
mais il est sûrement l’un des meilleurs arguments
pronostiques de l’artérite diabétique.
En effet, cette
persistance permet de réaliser des pontages distaux
(utilisant la veine saphène interne dévalvulée in situ ou
inversée) dans le cadre d’un sauvetage de membre
nécessité par une gangrène du pied.
L’artériopathie des membres inférieurs se révèle en effet
trop souvent par un trouble trophique avec début de gangrène
secondaire à un traumatisme minime (frottement
dans la chaussure, ongle mal taillé blessant l’orteil voisin,
ongle incarné, mycose interdigitale, absence de protection
des talons lors de l’alitement prolongé…).
La survenue
d’un tel trouble trophique avec nécrose ischémique
impose toujours l’hospitalisation du patient pour explorations
vasculaires (écho-doppler, mesure de la pression
transcutanée en oxygène, artériographie) qui permettent
une décision thérapeutique de sauvetage.
En effet, la gangrène, même limitée, n’est jamais secondaire
à une microangiopathie diabétique.
Elle témoigne toujours
d’une atteinte des artères musculaires, même s’il s’agit
d’artères de petit calibre et elle doit donc bénéficier, à
chaque fois que cela est possible, d’une revascularisation.
Un geste d’amputation a minima fait sans exploration
vasculaire risque de ne jamais cicatriser et d’entraîner
une aggravation secondaire de l’ischémie avec amputation
majeure.
C - Complications du pied diabétique :
On comptabilise environ 5 000 amputations par an dues
au diabète, dont 5 à 10 % surviennent chez les sujets
diabétiques de type 1.
On estime que 50 % de ces amputations
pourraient être évitées.
Il est donc indispensable
de reconnaître les diabétiques à risque podologique,
c’est-à-dire les diabétiques ayant perdu la sensibilité à la
douleur au niveau des pieds ou les diabétiques ayant une
artériopathie des membres inférieurs.
Tout diabétique doit donc bénéficier d’un dépistage
annuel du risque podologique.
Si un risque est mis en
évidence (existence d’une neuropathie avec diminution
de la sensibilité à la douleur et [ou] d’une artérite des
membres inférieurs) l’examen des pieds et des chaussures
doit être fait à chaque consultation.
Le sujet diabétique
à risque podologique doit bénéficier d’une éducation
spécialisée pour la protection des pieds vis-à-vis des
agents agressifs (chaussures, troubles statiques, hyperkératose,
troubles unguéaux, mycose interdigitale, coricides,
objets divers blessants…).
Lorsqu’un risque podologique est dépisté, il faut s’assurer
que le malade peut voir et toucher ses pieds et qu’il peut
assurer lui-même les soins de prévention.
Si ce n’est pas
le cas, il faut s’enquérir de la tierce personne, en particulier
dans l’entourage, susceptible de le faire.
La lésion la plus banale est le mal perforant plantaire,
secondaire à une callosité ou à un durillon sous les
points d’appui (tête des métatarsiens, talon, styloïde du
5e méta), l’hyperkératose indolore en raison de la neuropathie
forme l’équivalent d’une pierre dure, blessant le
tissu sous-cutané, provoquant la formation d’une petite
poche séro-hématique.
Le liquide sous tension lors de
l’appui dissèque les tissus, formant une véritable chambre
de décollement.
L’hyperkératose sèche se fendille,
ouvrant la voie à la surinfection avec constitution d’un
véritable abcès sous-cutané, qui peut fuser vers l’os ou
les parties molles ou s’ouvrir à la peau, formant le
classique mal perforant entouré de sa couronne d’hyperkératose.
Le mal perforant n’est donc ni plus ni moins
qu’un « durillon qui a mal tourné » parce qu’il était
indolore.
Sa prévention repose donc sur l’abrasion
mécanique de la kératose et le graissage quotidien des
pieds pour éviter sa récidive.
Le pied de Charcot correspond à une ostéodystrophie
nerveuse avec effondrement du sommet de l’arche interne
du pied, secondaire à une ostéonécrose du scaphoïde et
(ou) du premier cunéiforme et (ou) de la base du
premier méta, provoquant une dislocation secondaire
de l’articulation de Lisfranc.
Il constitue donc un pied
plat avec élargissement du coup de pied et saillie du
bord interne du pied.
Il s’accompagne d’une dénervation
sympathique avec des shunts artérioveineux, des pouls
bondissants, un pied chaud et sec, initialement pseudoinflammatoire.