• L’interrogatoire doit rechercher des antécédents
familiaux d’atopie : dermatite atopique, asthme,
rhinite ou conjonctivite saisonnière, urticaire ; des
antécédents personnels d’atopie ; la date de début
des lésions cutanées, habituellement vers l’âge de
3 mois mais parfois plus tôt ou beaucoup plus tard.
• L’examen clinique, très évocateur, permet d’emblée
de poser le diagnostic.
Les lésions élémentaires sont
celles d’un eczéma avec des lésions qui peuvent être
aiguës, surtout chez le nourrisson, associant érythème,
oedème, microvésicules, suintement, croûtes et desquamation.
Ces lésions surviennent au sein d’une sécheresse
cutanée diffuse.
Chez l’enfant plus grand, la chronicité du grattage
conduit à une lichénification des lésions avec une peau
épaissie et pigmentée.
Ces 2 formes de lésions peuvent être associées.
Dans
tous les cas, elles sont mal limitées et prurigineuses,
s’accompagnant d’excoriations et retentissant sur le
sommeil.
La topographie des lésions est très caractéristique.
L’atteinte est symétrique, touchant initialement les
convexités du visage (avec un respect médio-facial),
les plis rétro-auriculaires, le cuir chevelu, les convexités
du tronc et des membres.
La zone sous la couche est
habituellement parfaitement respectée (protection du
dessèchement cutané et éviction des aéro-allergènes).
Le pouce sucé est souvent atteint.
Avec l’âge, l’atteinte se localise dans les grands plis
(coudes, genoux, cou) et certaines zones sont particulièrement
rebelles telles que les chevilles, les poignets,
les mamelons et les plis sous-auriculaires.
Classiquement, le diagnostic positif repose sur l’association
de critères majeurs (prurit, évolution chronique,
topographies suggestives et terrain atopique) et de
critères mineurs dont les principaux sont la sécheresse
cutanée, des eczématides achromiantes, un prurit
déclenché lors de la sudation, une sécheresse cutanée,
un âge précoce de survenue, une dermite non spécifique
des mains ou des pieds, un eczéma des mamelons, une
cheilite, une pigmentation péri-oculaire ou un pli souspalpébral
bilatéral (signe de Dennie-Morgan), une
pâleur faciale, une intolérance à la laine, une accentuation
périfolliculaire, une hypersensibilité alimentaire, un
dermographisme blanc…
Théoriquement, 3 critères majeurs et 3 critères mineurs
sont nécessaires pour diagnostiquer la dermatite atopique mais en fait l’aspect clinique est souvent
d’emblée caractéristique et ces critères sont plus
théoriques que pratiques.
• Les examens paracliniques ont, dans la majorité des
cas, peu d’intérêt.
La biopsie cutanée n’est pas réalisée
en pratique sauf pour éliminer un autre diagnostic.
Elle
montrerait dans l’épiderme un oedème intercellulaire
(spongiose) évoluant vers la formation de vésicules et
un afflux de lymphocytes T (exocytose).
Les manifestations
dermiques sont moins spécifiques avec une dilatation
capillaire et un infiltrat lymphocytaire périvasculaire.
Les numérations formules sanguines montrent une
éosinophilie parfois importante.
La normalité des
plaquettes permet d’éliminer un syndrome de Wiskott-Aldrich chez les garçons.
Le dosage des IgE sériques totales est parfois très élevé.
Les IgE sériques spécifiques peuvent être recherchées après réalisation des prick tests pour trouver une allergie
alimentaire pouvant conduire à un régime d’éviction
dans certains cas.
La recherche d’une sensibilisation aux
pneumallergènes n’a pas d’intérêt car leur éviction n’est
pas possible et la mise en route d’une désensibilisation
s’accompagnerait de poussées d’eczéma importantes.
B - Diagnostic différentiel
:
• Un eczéma de contact comporte les mêmes lésions
élémentaires mais est suspecté en raison d’une topographie
évocatrice.
Il peut bien sûr être associé à une
dermatite atopique.
• La dermite séborrhéique est une dermatose érythémato-
squameuse, non prurigineuse du petit nourrisson, de
topographie initialement bipolaire (cuir chevelu et
siège), touchant également le fond des plis (axillaires,
inguinaux), parfois associée à des lésions psoriasiformes
à distance.
Elle débute souvent dès le 1er mois de
vie et traduit probablement des soins d’hygiène mal
adaptés sur un terrain psoriasique.
• La kératose pilaire est une hyperkératose folliculaire
touchant la convexité des joues (où elle s’accompagne
d’un érythème diffus), la face externe des bras et la face
antérieure des cuisses.
De transmission souvent autosomique
dominante, elle est stable et non prurigineuse.
• La gale peut s’eczématiser mais la présence de
sillons, de nodules scabieux dans un contexte familial
différent permet de rectifier le diagnostic.
• Les histiocytoses langerhansiennes sont souvent
diagnostiquées initialement comme une dermatite atopique.
En fait, il s’agit de petites papules croûteuses touchant le
tronc, le cuir chevelu, associées à des lésions purpuriques
du fond des plis et granulomateuses de la région
périanale ou de la muqueuse buccale.
• Exceptionnellement, la dermatite atopique s’intègre
dans le cadre d’un syndrome génétique tel le syndrome de
Wiskott-Aldrich lié à l’X, ne touchant que les garçons,
s’accompagnant d’une thrombopénie, d’une thrombopathie
et d’un déficit immunitaire.
Les lésions d’eczéma
sont particulières en raison de leur caractère purpurique.
Elles disparaissent après une greffe de moelle.
La maladie de Buckley s’accompagne également
d’épisodes infectieux à répétition et d’une dermatite
atopique sévère avec un faciès grossier et d’importantes
lésions lichénifiées.
Évolution
:
L’évolution de la dermatite atopique se fait par poussées,
favorisées par les saisons (plus de lésions l’hiver
en raison de l’effet desséchant du chauffage, des bains
chauds et du temps froid), les épisodes infectieux
(ORL, poussées dentaires), les stimulations immunitaires
(vaccins, aliments exotiques).
Globalement, les lésions ont tendance à s’accroître les
premières années avant de régresser entre les âges de
3 et 5 ans. Dans 10 à 20 % des cas, les lésions peuvent persister à l’âge adulte en particulier lors des formes
sévères durant l’enfance.
Les complications sont fréquentes.
A - Extension et généralisation de l’eczéma
:
Il existe lors de la dermatite atopique une hyperréactivité
aux allergènes de l’environnement.
Les altérations cutanées
(lésions d’eczéma, lésions de grattage) favorisent
la pénétration des allergènes dans l’organisme et donc la
stimulation immunitaire à l’origine de l’eczéma : c’est
dire l’intérêt d’un traitement efficace qui, en normalisant
la peau et en faisant disparaître le prurit, limite les
stimulations antigéniques externes.
Ainsi, les dermocorticoïdes
ne sont pas un simple traitement symptomatique
de la dermatite atopique mais participent bien à
son traitement étiologique.
Par contre, des traitements
locaux inadaptés, qu’il s’agisse de topiques irritants, de
savons antiseptiques trop concentrés, d’une corticothérapie
locale mal conduite (trop forte, trop courte), vont aggraver
progressivement les lésions cutanées, parfois par l’intermédiaire
de rebonds, s’accompagnant de poussées aiguës
et suintantes.
Le prurit souvent insomniant s’accompagne
d’un état d’agitation avec accentuation des
lésions de grattage, favorisant à la fois les surinfections
cutanées et l’aggravation de l’eczéma.
La généralisation
des lésions peut conduire à une érythrodermie.
B - Surinfections
:
Elles peuvent être :
• bactériennes : la peau atopique est constamment
colonisée par du staphylocoque doré, sa pénétration
étant favorisée par l’altération du stratum corneum
(sécheresse cutanée).
Ce germe peut avoir également
un rôle allergisant, entretenant de ce fait l’eczéma.
La
surinfection peut devenir évidente sur le plan clinique
avec des lésions de folliculites ou d’impétigo avec
parfois de la fièvre. D’autres surinfections sont possibles
et en particulier streptococciques.
La peau peut
être la porte d’entrée d’une infection viscérale plus
importante (septicémie, arthrite…).
Les adénopathies
cervicales, axillaires et inguinales sont fréquentes
mais plus d’origine inflammatoire (par stimulation
immunitaire) qu’infectieuse ;
• virales : si les surinfections par le virus de la vaccine
ont disparu depuis l’arrêt de la vaccination contre la
variole, l’herpès reste une complication grave de la
dermatite atopique lors des primo-infections, pouvant
réaliser le syndrome de Kaposi-Juliusberg : apparition
rapide sur toutes les lésions d’eczéma de vésicules
ombiliquées qui se groupent en placards émiettés,
souvent croûteux et hémorragiques, associés à une
hyperthermie.
L’évolution, autrefois gravissime, a été
complètement modifiée depuis l’emploi de l’aciclovir.
La prévention de telles complications nécessite
l’éducation des parents vis-à-vis de leur récurrence
herpétique.
La fréquence des molluscum contagiosum (petites
tumeurs épidermiques à poxvirus) est classiquement
plus importante au cours des dermatites atopiques ;
• les surinfections fungiques sont exceptionnelles,
souvent limitées à une candidose des plis du siège.
C - Dermites du siège
:
Elles sont exceptionnelles chez le nourrisson atopique
où la zone sous la couche est souvent la seule où il n’y a
pas d’eczéma.
Par contre, lorsque le siège est atteint, la
dermite réalisée est souvent intense, associée à une
surinfection candidosique, bactérienne, aggravée par
une macération sous les couches, source de difficultés
thérapeutiques.
D - Retentissement familial
:
C’est une complication fréquente des eczémas mal ou
non traités avec augmentation des tensions familiales
favorisant l’aggravation et l’extension des lésions.
Traitement :
Même si l’évolution de la dermatite atopique se fait de
façon spontanément favorable, le plus souvent après
quelques années, il est important de mettre en route un
traitement adapté dès les premiers mois de vie : en effet,
plus il est précoce, plus ce traitement est simple, bien
compris par les parents et rapidement efficace.
Dans le
cas contraire, l’ancienneté du prurit, les habitudes de
l’enfant, la certitude des parents de l’absence de toute
possibilité de traitement efficace rendent la prise en
charge beaucoup plus difficile à un stade évolué.
Le traitement repose sur des mesures d’hygiène, des
soins topiques et un traitement général.
A - Mesures d’hygiène :
Elles sont simples : les bains ne doivent pas être trop
chauds ; à plus de 35 °C, ils aggravent le dessèchement
cutané (effet dégraissant de l’eau chaude).
Il faut qu’en
sortant du bain les plaques ne soient pas plus rouges
(aggravation de l’inflammation cutanée par la chaleur
du bain).
Après l’âge de 3 mois, les bains ne doivent pas
dépasser 32 °C.
Ils doivent être courts et peuvent être
avantageusement remplacés par des douches.
Celles-ci
seront données 2 fois par jour lors des saisons de fortes
chaleurs, sans savon le matin.
La chambre ne doit pas être trop chauffée ni trop sèche
(mettre de l’eau au-dessus du radiateur l’hiver) ; l’enfant
ne doit pas être trop couvert.
Il ne doit porter directement
sur la peau que des vêtements en coton.
Il convient
également d’éviter le contact des vêtements irritants
(laine, acrylique) des parents lors de la tétée.
Il faut limiter la présence de poussières dans l’environnement et, si
possible, les pollens et les animaux à poils ou à plumes.
L’introduction de certains aliments (oeufs, poissons) sera
retardée.
La prévention de la contamination en cas
d’herpès récurrent de l’entourage doit être expliquée
aux parents.
Si l’été la lumière et le soleil ont un effet très bénéfique,
la chaleur et l’hypersudation vont au contraire aggraver
les lésions dans les plis.
C’est dire l’intérêt des séjours
au bord de mer qui s’accompagnent souvent d’une nette
amélioration cutanée.
B - Soins topiques
:
Ils sont fondamentaux et reposent sur le traitement de
3 facteurs : la sécheresse cutanée, la surinfection cutanée
et surtout l’inflammation.
• La sécheresse cutanée doit être limitée, outre les
mesures d’hygiène habituelles, par l’application biquotidienne
de crèmes ou d’émulsions hydratantes, à répéter
éventuellement dans la journée sur les zones exposées
(visage, mains).
• La surinfection cutanée est constante au moins sur le
plan bactériologique et elle doit être prise en compte
dans le traitement de l’eczéma.
En phase aiguë initiale,
un topique antiseptique (cuivre, zinc) ou antibiotique
(préparation à l’érythromycine, acide fusidique, mupirocine)
peut être utilisé le matin.
Un savon antiseptique
(chlorhexidine) utilisé suffisamment dilué et largement
rincé peut être utilisé lors de la douche le soir.
Il permet
de désinfecter l’ensemble du tégument et de préparer les
lésions à l’action des corticoïdes.
Très efficace sur les
lésions suintantes et surinfectées, ce savon antiseptique
risque de favoriser le dessèchement cutané dans les
formes simplement sèches et doit être habituellement
réservé aux poussées évolutives.
Une primo-infection herpétique étendue est habituellement
traitée par Zovirax en intraveineux.
Des récurrences,
habituellement très limitées, souvent bien reconnues par
les parents, réagissent favorablement à l’application de
crème dermique Zovirax.
• L’inflammation cutanée est contrôlée par une corticothérapie
locale bien adaptée.
Les corticoïdes (d’un
niveau II ou III) sont appliqués une fois par jour en
dehors des lésions cliniquement infectées, si possible
après le bain du soir. On limite ainsi le risque théorique
de surinfection cutanée.
Ils sont aussi plus efficaces
puisque restant en place toute la nuit.
La zone sous les
couches doit être évitée du fait du risque de potentialisation
par l’occlusion et de la survenue de granulomes glutéaux.
En cas d’eczéma du siège, les dermocorticoïdes
peuvent être utilisés mais en application le matin (les
fesses étant lavées souvent dans la journée).
Ils doivent
être évités sur le visage après la puberté (dermite acnéiforme,
dermite aux corticoïdes…) et sur la partie très
fine des paupières à tout âge (risque de cataracte ou de
glaucome).
Les dermocorticoïdes ne doivent être appliqués
que sur les lésions (risque d’atrophie dermo-épidermique en raison de leur effet antimitotique en cas d’application
sur peau saine).
Ils doivent être évités sur la racine des
membres lors de la puberté (risque de vergetures).
Ils
s’accompagnent enfin parfois d’une hypertrichose
réversible.
Pour éviter un retentissement systémique il
est souhaitable de ne pas dépasser 30 g/mois d’un dermocorticoïde de classe II ou 45 g/mois d’un dermocorticoïde
de classe III.
Il est important de quantifier les
corticoïdes utilisés à chaque consultation.
L’efficacité
du traitement doit être rapide : le dermocorticoïde
n’étant appliqué que sur les lésions, l’amélioration quotidienne
de celles-ci permet une diminution progressive
du traitement.
L’absence d’amélioration de certaines
zones peut conduire à une application biquotidienne
pendant 7 à 10 j sur les zones résistantes.
Il est important de bien expliquer ce traitement aux
parents, certains ayant tendance à trop utiliser les corticoïdes,
d’autres plus souvent à ne pas les utiliser en
quantité suffisante soit initialement soit dans un second
temps, expliquant les échecs thérapeutiques.
C - Traitement général
:
• Une antibiothérapie par voie orale est administrée
pendant 8 à 10 j (macrolides ou bêtalactamines) dans les
formes très étendues ou surinfectées.
Cette antibiothérapie
est souvent très efficace pour arrêter une poussée
évolutive, même utilisée isolément.
• Un sirop antihistaminique (donné au début du repas
pour éviter les caries dentaires) peut être associé éventuellement
en utilisant des anti-H1 sédatifs le soir, avec
parfois cependant une hyperexcitabilité paradoxale.
• Une éviction alimentaire n’est réalisée que dans certains
cas particuliers après une enquête appropriée ;
• Une crénothérapie et des vacances ensoleillées au
bord de la mer s’accompagnent habituellement d’une
nette amélioration cutanée.
• L’adjonction d’acides gras essentiels a pu donner des
bons résultats.
• Les vaccinations doivent être réalisées normalement
(sauf la vaccine en raison du risque de pustulose varioliforme).
Les poussées évolutives après les vaccins sont
facilement contrôlées par un traitement local.
La vaccination
par le BCG (bacille Bilié de Calmette et Guérin)
doit être réalisée en dehors des poussées d’eczéma.
Enfin, de façon exceptionnelle, certains traitements
peuvent être envisagés en cas de formes rebelles telles
que la photochimiothérapie chez le grand enfant, la
ciclosporine A (2,5 à 5 mg/kg/j), l’interféron g…
Bientôt, l’emploi de crèmes au tacrolimus (FK 506),
immunosuppresseur efficace par voie topique mais
sans les inconvénients des dermocorticoïdes, sera probablement
un apport thérapeutique très intéressant.
Dans tous les cas, l’explication thérapeutique aux parents,
la surveillance évolutive pour vérifier leur bonne compréhension
des soins et quantifier les dermocorticoïdes
utilisés sont très importantes pour éviter la survenue de
rebonds les conduisant parfois à employer des traitements
totalement inefficaces voire aggravants.