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Gynécologie
Déchirures obstétricales récentes du périnée et épisiotomie
Cours de Gynécologie
 
Obstétrique
 
 

Introduction :

Le problème des déchirures périnéales obstétricales (20 à 60 % des accouchements) et de l’épisiotomie (environ 55 % des accouchements) est un sujet aussi ancien que l’obstétrique mais qui reste encore aujourd’hui d’actualité.

L’épisiotomie est probablement le geste chirurgical le plus pratiqué en France avec une fréquence estimée à 390 000 par an.

Cependant, son bénéfice réel et son rôle préventif sur les lésions périnéales est de plus en plus discuté, comme en témoigne le nombre important des publications récentes sur ce sujet.

Rappel anatomique et physiopathologique :

A - Plancher pelvien :

Il est constitué par l’ensemble des structures situées entre le péritoine pelvien et le plan de la vulve.

Il constitue un hamac musculotendineux étalé transversalement dans le petit bassin qu’il divise en deux parties : le périnée en dessous et le petit bassin en dessus.

Il comporte des éléments musculaires tapissés sur leur face profonde par le fascia pelvien pariétal.

1- Muscles du plancher pelvien (diaphragme musculaire pelvien) :

Les éléments musculaires du plan profond sont constitués essentiellement par les muscles releveurs de l’anus et les muscles ischiococcygiens.

Ils circonscrivent entre eux, sur la ligne médiane et en avant du rectum, la fente urogénitale (hiatus urogénital) que traversent le vagin et l’urètre et qui constitue une zone de faiblesse du diaphragme pelvien.

Le muscle releveur de l’anus est composé de deux parties dont les fonctions sont différentes :

– une partie externe (sphinctérienne), encore appelée par certains « plaque des releveurs», représente une vaste nappe musculaire étendue des pièces de l’os coxal jusqu’à la région rétroanale (coccyx et raphé anococcygien).

Elle est constituée, d’avant en arrière, par trois faisceaux se chevauchant en « marche d’escalier » : les faisceaux pubococcygien, iliococcygien, et ischiococcygien ;

– une partie interne (élévatrice) encore appelée faisceau lévatorien, sangle puborectale ou fronde des releveurs.

Moins large, plus épaisse et plus solide que la précédente, elle naît de la face postérieure du pubis et se dirige, en bas et en arrière, presque verticalement.

Elle croise l’urètre au-dessous du sphincter strié puis les faces latérales du vagin au niveau de son tiers moyen.

Elle se termine sur le centre tendineux du périnée en s’unissant avec les fibres controlatérales sur la ligne médiane.

Cette terminaison se fait par des fibres pré- et latéroanales, en contractant des rapports intimes avec le sphincter strié de l’anus.

Par sa contraction, cette sangle attire le rectum et la cloison rectovaginale en avant.

L’angulation vaginale et anorectale ainsi provoquée joue un rôle fondamental dans la statique pelvienne (système autobloquant).

Ce muscle est sous la dépendance de la deuxième racine sacrée.

Sur le plan fonctionnel, la sangle puborectale doit donc être distinguée du reste des muscles du plancher pelvien.

C’est ce faisceau musculaire qui est théoriquement sectionné par l’épisiotomie.

2- Fascia pelvien pariétal (aponévrose périnéale, fascia diaphragmatis urogenitalis inferior) :

Il s’agit d’une formation aponévrotique qui cloisonne l’étage moyen et antérieur du périnée en tapissant la face profonde du diaphragme pelvien.

Il a une forme triangulaire à sommet antérieur, rétropubien et constitue un véritable hamac de soutien des viscères pelviens.

On le distingue du fascia pelvien viscéral (anciennement fascia endopelvien) qui correspond au revêtement adventiciel des viscères pelviens solidarisant les viscères entre eux.

Il s’insère latéralement sur les bords internes des branches ischiopubiennes et sur la face interne des ischions depuis le bord inférieur du pubis jusqu’aux épines sciatiques (arche tendineuse du fascia pelvien ou « ligne blanche »), à la limite d’insertion des muscles sous-jacents.

Il ferme, à la manière d’un clapet, le hiatus urogénital en laissant passer urètre, vagin et rectum selon des trajets obliques.

Sa résistance est renforcée par des épaississements tendineux rayonnant depuis l’épine sciatique : arcade tendineuse du fascia pelvien ou « étoile de Rogie » ou arcus tendineus fasciae pelvis).

Il s’agit de la bandelette ischiatique, du ligament sacrospinal, de l’arcade tendineuse du muscle élévateur de l’anus.

Cette arcade tendineuse assure la stabilité et la tension du fascia pelvien pariétal et donc, par son intermédiaire, celle du complexe cervico-urétral.

B - Périnée :

Le périnée correspond à l’ensemble des parties molles situées au-dessous du diaphragme pelvien.

Sur le plan topographique, il est classique de distinguer le périnée urogénital (antérieur) situé en avant de la ligne tubéro-ischiatique et le périnée anal (postérieur) en arrière.

1- Périnée antérieur :

Il comporte deux plans :

– un plan superficiel encadrant le vestibule vulvaire, constitué de plusieurs muscles individualisés : le muscle constricteur de la vulve, le muscle bulbocaverneux, le muscle ischiocaverneux et le muscle transverse superficiel.

C’est la partie la plus exposée aux déchirures obstétricales ;

– un plan plus profond engainé par le fascia pelvien pariétal comprenant l’appareil sphinctérien urétral, les formations érectiles (bulbes vestibulaires, corps caverneux) et le muscle périnéal moyen (anciennement transverse profond).

2- Périnée postérieur :

Il est centré par le canal anal et le sphincter externe de l’anus qui appartient au plan superficiel du périnée.

Le sphincter externe de l’anus est un manchon musculaire strié composé de deux couches entourant les trois quarts inférieurs du canal anal.

Il s’insère en arrière sur le coccyx et le raphé anococcygien et en avant sur le centre tendineux du périnée.

Il échange des fibres avec le faisceau puborectal du muscle releveur.

Il entoure le sphincter interne et entre en contact direct avec la peau de la marge anale.

Le sphincter interne est constitué de fibres musculaires lisses orientées en bas et en avant et représente un renflement de la couche circulaire des muscles lisses de la paroi rectale.

De part et d’autre du canal anal, en dessous du diaphragme musculaire pelvien, se situe l’espace ischiorectal.

Il s’agit d’espaces conjonctivograisseux contenant un tissu celluleux, le paquet vasculonerveux pudendal, qui traverse le canal pudendal (anciennement canal d’Alcock).

Le périnée antérieur et le périnée postérieur sont solidaires sur le plan fonctionnel grâce au centre tendineux du périnée.

Il s’agit d’une formation fibromusculaire, de section sagittale triangulaire, située sous la peau entre la partie inférieure du vagin et le canal anal qui prolonge le septum rectovaginal.

Il donne insertion à de nombreux muscles périnéaux dont il constitue le point de convergence.

Il joue un rôle essentiel dans la statique pelvienne et peut être lésé lors de l’accouchement.

B - Modifications périnéales au cours de l’accouchement :

1- Modification du segment anococcygien :

Au début de sa descente, la présentation repousse le septum rectovaginal et aplatit le rectum contre le coccyx et le ligament anococcygien.

La rétropulsion du coccyx entraîne un étirement de la commissure postérieure de l’anus et une saillie de celui-ci.

Des lésions sphinctériennes anales souvent inapparentes peuvent apparaître à ce stade.

2- Ampliation du segment anovulvaire :

En descendant, la présentation se défléchit.

Elle comprime et étale le centre tendineux du périnée, qui est laminé et distendu dans tous les sens.

La région anovulvaire devient saillante (le périnée « bombe »).

La distance anovulvaire s’allonge (triple ou quadruple) et le périnée s’amincit.

Le plan de la vulve s’horizontalise. Le faisceau puborectal des releveurs, repoussé, vient s’intégrer dans le périnée superficiel.

À ce stade, l’anus solidaire de la région anovulvaire s’ouvre largement et la muqueuse endoanale est visible.

À ce stade, la distension est maximale et l’élongation provoque des lésions musculaires ou aponévrotiques quasi inéluctables.

La rupture est imminente et l’épisiotomie doit être effectuée avant ce stade.

3- Orifice vulvaire :

Il se déplisse et se distend pour laisser passer le mobile foetal.

C - Lésions périnéales provoquées par l’accouchement :

Elles regroupent schématiquement :

– les traumatismes de l’urètre et de son appareil sphinctérien ;

– la désolidarisation interviscérale ;

– les lésions du plancher pelvien ;

– les lésions neurologiques.

1- Traumatismes de l’urètre et de son appareil sphinctérien :

L’élongation de l’urètre au cours de la grossesse est responsable d’une modification de l’angle urétrovésical postérieur qui tend à s’effacer.

Cette modification, qui disparaît rapidement dans les suites de couche, serait responsable de l’incontinence urinaire pendant la grossesse (30 à 40 % des femmes) indépendamment du mode d’accouchement.

L’expulsion entraîne de façon constante une élongation du sphincter urétral.

La dilatation excessive de la partie périnéale du vagin, solidaire du sphincter strié, peut entraîner des lésions sphinctériennes, surtout chez la primipare.

L’épisiotomie préventive, effectuée au bon moment, permet une prévention de ces lésions sphinctériennes et périurétrales.

2- Désolidarisation interviscérale :

Lors de la descente de la tête, il peut se produire une désolidarisation interviscérale par un mécanisme de « piston ».

Ce mécanisme entraîne des lésions des septa interviscéraux et des fascia.

3- Lésions du plancher pelvien :

On peut observer des déchirures interstitielles lorsque le seuil d’élasticité des structures musculaires et aponévrotiques est dépassé.

Le diaphragme pelvien distendu aura une contractilité affaiblie.

Ces lésions peuvent intervenir sans déchirure périnéale apparente comme nous le verrons.

Le centre tendineux du périnée, distendu par la présentation lors de l’ampliation du segment anovulvaire, peut être le siège de désinsertions terminales des fibres musculaires responsables des troubles de la statique pelvienne.

4- Lésions neurologiques :

À côté des lésions périnéales directes (étirement ou ruptures musculaires), les lésions indirectes par atteinte de l’innervation périnéale sont maintenant bien connues depuis les travaux de Snooks.

Cet auteur a mis en évidence en 1984 une neuropathie d’étirement du nerf pudendal en rapport avec la distension tissulaire de l’accouchement par voie basse.

Une augmentation du temps de latence distal du nerf pudendal est en effet observée à l’électromyographie chez 42 % des femmes accouchant par voie basse.

Il conclut que l’incontinence urinaire et anale du post-partum, classiquement liée à un étirement musculaire et à des lésions périnéales directes, résulterait souvent d’une atteinte de l’innervation des muscles sphinctériens du plancher pelvien, surtout puborectal, et du sphincter anal externe.

Ce même auteur publie en 1990 les résultats d’une enquête prospective concernant le devenir de ces mêmes patientes, 5 ans plus tard.

La neuropathie persiste et apparaît majorée chez les patientes qui développent une incontinence urinaire.

Les facteurs prédisposants majeurs semblent être la multiparité, l’accouchement par voie basse assisté, le travail prolongé, l’allongement de la deuxième phase du travail, les antécédents de lésions périnéales, un poids de naissance élevé (>= 4 kg).

Les dommages sont cumulatifs chez la multipare.

Les lésions du sphincter anal seront envisagées.

Déchirures obstétricales récentes du périnée :

A - Facteurs de risque :

Les facteurs de risque sont de trois ordres.

1- Facteurs maternels :

* Primiparité :

Le périnée de la primipare est moins souple car il n’a pas encore été distendu.

Soixante quinze pour cent des déchirures obstétricales s’observent en effet au cours du premier accouchement qui joue un rôle déterminant dans la survenue ultérieure d’un trouble de la statique pelvienne ou d’une incontinence.

Les dégâts sont cumulatifs et la fréquence globale de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) augmente avec l’âge et la parité.

Lorsque les accouchements se sont accompagnés de déchirures non ou mal réparées, cette corrélation n’existe plus et le prolapsus (ou l’IUE) apparaît plus précocement.

Le périnée de la multipare peut lui aussi être fragilisé par une déchirure antérieure ou par une cicatrice d’épisiotomie.

* Texture du périnée :

Le périnée peut être trop fragile ; soit oedématié par un travail prolongé, des touchers répétés ou une toxémie gravidique, soit constitutionnellement fragile, en particulier chez les femmes rousses.

À l’inverse, un périnée trop résistant, se laissant mal distendre par le mobile foetal, comme les périnées cicatriciels ou celui de la primipare âgée et, exceptionnellement dans nos régions, le périnée des femmes ayant subi une infibulation ou une excision rituelle, est également exposé aux déchirures.

* Conformation du périnée :

Il en est de même des périnées hypoplasiques.

Il a en effet été montré qu’une distance entre l’anus et le bord inférieur de la symphyse pubienne inférieure à 5 ou 6 cm expose la parturiente à une déchirure grave malgré une épisiotomie préventive.

Pour Musset, une distance anopubienne inférieure à 4 cm est une indication de césarienne prophylactique.

Cette distance doit théoriquement être mesurée en dehors de la grossesse, ce qui est rarement fait en pratique.

Un périnée anormalement distendu du fait d’une anomalie osseuse sousjacente, comme dans l’exceptionnelle luxation congénitale bilatérale des hanches qui entraîne un étirement périnéal par écartement des branches ischiopubiennes, est exposé aux déchirures.

De la même manière, le périnée postérieur peut être mis en tension de fait d’une ogive pubienne étroite, obligeant le foetus à occuper la portion postérieure de l’excavation pelvienne.

2- Facteurs foetaux :

* Excès de volume foetal :

Il fait craindre une déchirure périnéale lors du dégagement de la tête ou de l’épaule postérieure car le diamètre biacromial est souvent important chez les foetus macrosomes.

* Présentations :

Certaines présentations peuvent être à l’origine de lésions périnéales du fait d’une mauvaise accommodation ; c’est le cas :

– des présentations occipitosacrées où le diamètre de dégagement frontooccipital (12,5 cm), supérieur à celui d’une présentation occipitopubienne, aborde le périnée avec un angle inadéquat ;

– des présentations de la face ;

– des présentations du siège, où le dégagement de la tête est souvent brutal.

Les accouchements très rapides, en « boulet de canon », souvent d’un enfant de petit volume entraînent une distension brutale du périnée par une présentation souvent mal fléchie dont les diamètres sont augmentés.

Celui-ci n’a pas le temps de s’assouplir et de s’amplier et risque de se déchirer lors de sa mise en tension.

3- Facteurs opératoires :

* Extractions instrumentales :

Sans entrer dans le débat entre spatules de Thierry et forceps, les manoeuvres instrumentales sont d’autant plus traumatisantes pour le périnée qu’elles sont brutales, que la présentation est haute, que la prise est asymétrique (dégagement en oblique), que les tissus sont oedématiés et que l’on effectue une grande rotation de la présentation.

Les forceps à branches parallèles sont souvent responsables de déchirures en « rail ».

La ventouse apparaît moins traumatisante pour le périnée que le forceps comme l’ont montré des études randomisées récentes.

Dans notre expérience, les déchirures sévères du périnée (deuxième et troisième degrés) représentent 0,6 % des accouchements.

Elles sont observées trois fois sur quatre après extraction instrumentale (spatules).

L’épisiotomie doit être systématique lors d’une extraction par spatules.

* Manoeuvres obstétricales :

La manoeuvre de Jacquemier ou la grande extraction du siège provoque une distension périnéale trop rapide et trop précoce qui peut être préjudiciable.

* Épisiotomie médiane :

Enfin, il est maintenant bien démontré que la réalisation d’une épisiotomie médiane est fortement corrélée à la survenue de déchirures périnéales sévères chez la primipare.

Le risque de déchirures du deuxième ou du troisième degré serait ainsi augmenté d’un facteur deux à trois.

L’épisiotomie médiolatérale aurait en revanche un effet protecteur.

B - Formes anatomocliniques :

Les déchirures obstétricales du périnée peuvent être associées à des déchirures vulvaires et vaginales, qui peuvent être très hémorragiques, et à des déchirures cervicales, qui peuvent fuser vers le haut, réalisant alors de véritables ruptures utérines.

La fréquence de ces lésions associées justifie la pratique systématique d’un bilan rigoureux nécessitant souvent un examen sous valve, avant de réparer une déchirure périnéale.

Il est classique de distinguer les déchirures ouvertes et les déchirures fermées sortant théoriquement du cadre de la question.

1- Déchirures ouvertes :

La classification française classique distingue trois degrés de lésions.

C’est celle que nous utiliserons pour la suite de l’exposé.

* Déchirures simples, incomplètes ou du premier degré :

Elles intéressent la peau anovulvaire, les muscles superficiels du périnée et la muqueuse vaginale, en respectant le sphincter anal.

Elles débutent au niveau de la fourchette vulvaire et peuvent s’étendre sur un côté ou sur les deux côtés du vagin, formant alors une plaie triangulaire irrégulière, ou vers le bas en direction du sphincter anal. Par ordre croissant de gravité, on distingue trois subdivisions :

– seule la peau et la muqueuse vaginale sont déchirées au niveau de la fourchette ;

– le muscle bulbocaverneux et la partie ventrale du centre tendineux du périnée sont atteints ;

– le centre tendineux du périnée est complètement rompu.

Le sphincter anal intact est perceptible au toucher rectal (l’index en crochet le fait saillir).

La tonicité du sphincter n’est pas toujours évidente à apprécier chez une patiente sous péridurale.

* Déchirures périnéales complètes ou du deuxième degré :

En plus des déchirures précédemment décrites, le sphincter externe de l’anus est atteint.

La rupture est latérale et s’arrête au niveau de la marge anale. L’espace pelvirectal est béant, avec des lésions vaginales importantes, souvent bilatérales.

Les plis radiés de l’anus sont effacés, l’extrémité latérale du sphincter n’est pas visualisable, car rétractée dans sa gaine, alors que l’extrémité médiale est facilement visualisée.

Le toucher rectal s’assure de l’intégrité de la paroi digestive, seule structure séparant alors vagin et canal anal.

* Déchirures périnéales complètes compliquées ou du troisième degré :

Dans ces déchirures, la paroi anale est rompue, mettant directement en communication vagin et rectum (atteinte de la cloison rectovaginale et de la muqueuse anale).

L’anus est béant et forme avec le vagin un véritable cloaque.

Le toucher rectal évalue le niveau supérieur de la plaie digestive remontant en général jusqu’à 2 à 3 cmde lamarge anale.

La déchirure anale a la forme d’un « V » à pointe supérieure et ne pose pas de problème diagnostique.

La déchirure vaginale associée est souvent plus étendue en hauteur.

En cas de déchirure périnéale complète ou compliquée, le pronostic fonctionnel dépendra de la qualité de la réparation chirurgicale.

Ce pronostic est cependant sévère : 85 %des femmes ayant eu une déchirure grave ont des atteintes échographiques du sphincter anal et 50 % d’entre elles restent symptomatiques après la réparation « obstétricale ». Haadem a étudié les troubles proctologiques 20 ans après une rupture obstétricale du sphincter anal reconnue et réparée immédiatement.

Globalement, les symptômes proctologiques sont trois fois plus fréquents dans le groupe avec antécédent de rupture sphinctérienne que dans le groupe contrôle. Plus d’un quart des patientes présente une incontinence anale.

* Cas particuliers :

+ Déchirure centrale du périnée :

Cette forme anatomique est rare et se voit lorsque la tête vient buter au milieu du périnée lors de l’expulsion.

Il s’agit d’une déchirure périnéale oblique, respectant un pont cutané vers le vagin et vers le rectum.

Elle se rencontre lors des présentations du bregma ou de la face.

+ Déchirure sur épisiotomie :

Dans l’épisiotomie médiolatérale, les déchirures compliquent des incisions incomplètes ou insuffisantes, n’ayant que partiellement sectionné le muscle releveur.

La déchirure débute au niveau du muscle bulbocaverneux, part à 90° du trajet de l’épisiotomie pour se diriger vers le sphincter strié de l’anus, qu’elle va rompre.

Dans l’épisiotomie médiane, les déchirures prolongent le trajet de l’incision atteignant le sphincter de manière quasi systématique.

Les anglo-saxons utilisent une classification selon quatre degrés lésionnels.

Cette différence de terminologie peut être à l’origine de confusions dans la lecture des publications anglo-saxonnes.

Les quatre degrés lésionnels sont les suivants :

– premier degré : lésions cutanéomuqueuses isolées ;

– deuxième degré : lésions intéressant le centre tendineux du périnée ;

– troisième degré : correspond aux déchirures complètes non compliquées ;

– quatrième degré : correspond aux déchirures complètes compliquées.

2- Déchirures fermées :

Il peut exister des lésions périnéales sous-jacentes importantes dites à périnée intact, c’est-à-dire sans déchirure cutanéomuqueuse (« périnée cache-misère »).

En effet, il a été bien établi que les structures musculoaponévrotiques sont les premières à céder.

Lorsqu’il y a rupture, elle intéresse chronologiquement les structures musculaires, puis le vagin et enfin la peau.

L’existence d’éraillures vaginales isolées doit donc toujours faire suspecter l’existence de lésions périnéales sous-jacentes qui peuvent toucher les muscles, l’aponévrose périnéale, le centre tendineux du périnée ou l’appareil sphinctérien anal.

La particulière gravité de ces lésions provient de la difficulté du diagnostic immédiat et des possibilités thérapeutiques nulles à distance.

En cicatrisant, le périnée perd sa tonicité et son élasticité du fait de la sclérose cicatricielle.

La vulve devient béante aux dépens du périnée postérieur, le testing périnéal est déficitaire et on peut mettre en évidence un prolapsus en voie de constitution.

Une incontinence urinaire est parfois constatée.

À ce stade, la rééducation périnéale ne permettra pas une guérison complète car les lésions sont constituées.

Les lésions sphinctériennes anales d’origine obstétricale, en marge de cette question, ont été récemment évaluées par d’importantes séries prospectives.

Dans l’accouchement dit normal de la primipare, 30 à 36 %des parturientes ont des lésions sphinctériennes échographiques et 10 à 13 % d’entre elles vont développer des urgences défécatoires et/ou une incontinence anale de novo.

L’application de forceps a des conséquences délétères marquées avec, pour Sultan, 81 % de déchirures échographiques et 38 % de symptômes défécatoires (versus 21 % et 4 % dans le groupe contrôle).

Le sphincter anal interne serait atteint dans 65 % des cas après forceps.

L’épisiotomie ne protège pas contre les lésions sphinctériennes.

C - Complications :

Le pronostic des déchirures dépend de leur reconnaissance immédiate et de la qualité de leur réparation.

L’évolution des lésions correctement réparées est bonne.

1- Complications précoces :

* Hémorragie :

Elle est en général due à une hémostase insuffisante.

Les pertes sanguines sont souvent sous-estimées et peuvent être très importantes.

Le bilan lésionnel initial est essentiel afin de ne pas méconnaître l’étendue de la déchirure vaginale (en particulier l’angle supérieur) dont la suture constitue le premier temps chirurgical.

La délivrance artificielle ou dirigée permet de commencer la réparation au plus tôt et donc de réduire l’abondance des saignements.

* Hématome périgénital ou puerpéral (thrombus génitaux) :

Il s’agit d’une collection sanguine siégeant dans le tissu cellulaire de la vulve, du vagin ou du paramètre et ayant tendance à diffuser, sans aucune tendance spontanée à l’hémostase.

Le point de départ est le plus souvent dû à une rupture vasculaire vulvovaginale (veines vulvovaginales, bulbe vestibulaire).

Dans le cadre des déchirures périnéales, ils sont d’apparition précoce et peuvent être vulvaires, vaginaux ou sous-périnéaux.

Le traitement doit être rapidement interventionniste (drainage chirurgical, embolisation) en cas d’hématome volumineux, de constitution rapide ou compliquée.

Il est médical dans les autres cas.

* Douleur postopératoire :

C’est la complication la plus fréquente mais les douleurs ne semblent pas plus importantes qu’après une épisiotomie.

Ces phénomènes douloureux sont souvent dus à un simple oedème, régressant facilement sous traitement médical, ou à de petites éraillures négligées au niveau des petites lèvres et de la région clitoridienne, qui rendent les mictions du post-partum douloureuses.

Un hématome requerrant un drainage chirurgical doit cependant être éliminé.

* Infection :

Elle est favorisée par un hématome qui se surinfecte ou la présence d’un point transfixiant le rectum.

L’infection est responsable d’un lâchage des sutures dont le traitement initial relève de la cicatrisation dirigée. Une éventuelle reprise chirurgicale à distance pourra être effectuée.

Les cellulites graves à point de départ périnéal ont été décrites mais restent exceptionnelles.

Un abcès doit être évacué puis traité par soins locaux.

2- Complications tardives :

Elles sont dominées par la douleur chronique et la dyspareunie.

Elles sont parfois dues à une erreur technique lors de la réparation (asymétrie vulvaire par mauvais affrontement des berges) ou à un trouble de la cicatrisation (granulome inflammatoire autour d’un fil, endométriose, névrome).

Mais les facteurs psychologiques sont souvent au premier plan, comme après une épisiotomie : mauvaise connaissance du schéma corporel, crainte concernant la suture, gêne vis-à-vis du partenaire.

Le traitement préventif est essentiel.

Les béances ou sténoses vulvaires (brides asymétriques) en rapport avec une cicatrice vicieuse peuvent bénéficier d’un geste chirurgical réparateur lorsqu’il existe un retentissement fonctionnel important.

Le problème des fistules rectovaginales postobstétricales est évoqué dans un autre chapitre de ce traité.

Il s’agit le plus souvent d’une déchirure du troisième degré dont la réparation a été incomplète, laissant un pertuis entre rectum et vagin, ou surinfectée secondairement évoluant alors vers la désunion à un niveau variable. Un fil transfixiant le rectum doit théoriquement être perçu par le toucher rectal et retiré.

Il s’agit rarement d’une rupture primitive de la cloison préalablement à toute lésion tégumentaire.

Les troubles sphinctériens et de la statique pelvienne concernent 40 à 60 % des femmes ayant une incontinence anorectale et environ 60 % de celles porteuses d’un prolapsus génito-urinaire.

Elles ont un antécédent d’accouchement traumatique.

La déchirure périnéale est un des facteurs prédisposant le plus souvent retrouvé.

Parmi les patientes ayant présenté un accouchement compliqué d’une rupture échographique du sphincter anal, un tiers environ présentera une incontinence anale.

Les troubles de la continence sont constatés même après réparation chirurgicale immédiate.

Globalement 4 à 13%des accouchées présentent une incontinence anale de novo.

Sur le plan urinaire, on estime que plus de la moitié des accouchées présentent une incontinence urinaire d’effort du post-partum qui régresse le plus souvent rapidement.

Le risque d’incontinence persistante serait faible, de l’ordre de 1 %.

C’est l’incontinence se révélant après l’accouchement qui garde le pronostic à long terme le plus péjoratif.

Elle a, pour certains auteurs, une valeur prédictive de l’incontinence ultérieure.

D - Traitement des déchirures périnéales :

Après la délivrance, l’examen du périnée, du vagin et du col doit être systématique, à la recherche d’une lésion associée nécessitant un traitement spécifique.

Cet examen nécessite une bonne analgésie et une exposition correcte : patiente installée en position gynécologique sur table, utilisation de valves, éclairage adapté.

Un aide est souvent utile.

Ce bilan des lésions sera effectué après la délivrance. Le bilan périnéal et vulvaire est facile.

Dans tous les cas, il faut s’aider du toucher rectal.

Le dôme vaginal et le col sont plus difficiles à examiner.

Le toucher vaginal évalue la limite supérieure d’une déchirure vaginale, explore les culs-de-sac et le col à la recherche d’une brèche.

Il est complété par l’inspection des culs-de-sac vaginaux.

Il faut explorer les quatre culs-de-sac, en s’aidant pour cela d’une valve vaginale et d’un tampon monté sur une pince.

L’examen du col est souvent plus facile en saisissant la lèvre antérieure et la lèvre postérieure dans une pince de Museux.

Il faut réparer dans l’ordre : les déchirures cervicales et du dôme vaginal, les déchirures vaginales, les lésions périnéales et les lésions vulvaires.

1- Réparation des déchirures du premier degré :

Elle s’apparente à la réfection des épisiotomies.

Mais ici les berges tissulaires sont contuses et on réséquera d’éventuels lambeaux mal vascularisés.

Pour l’ensemble des sutures périnéales, nous utilisons le Vicrylt (polyglactine 910), fil tressé à résorption lente copolymère d’acide lactique et d’acide glycolique.

Le premier temps de réfection est le plan vaginal.

Nous l’effectuons par un surjet de Vicrylt rapide, déc. 3,5 (anciennement 0).

Il est essentiel de bien suturer l’angle supérieur de la déchirure, afin d’obtenir une hémostase parfaite.

La suture vaginale est menée jusqu’à l’anneau hyménéal, qui constitue un repère important pour la symétrie.

Le deuxième temps est le rapprochement des muscles périnéaux.

Nous le réalisons par points séparés, simples ou en X, au Vicrylt, déc. 4 (anciennement 1).

L’absence de point transfixiant sera vérifiée par le toucher rectal.

Le troisième temps consiste à suturer la peau du périnée par points séparés de Blair-Donatti au Vicrylt rapide, déc. 3 ou 3,5 (anciennement 2/0 ou 0).

2- Réparation des déchirures du deuxième degré :

Le premier temps est la suture du sphincter strié anal.

Les deux extrémités sont repérées par des pinces de Köcher ou par un fil-repère.

Son extrémité latérale, souvent rétractée, doit être recherchée le long du canal anal.

Sa mise en traction retend les plis radiés de l’anus qui s’étaient affaissés du fait de la rupture du sphincter. Nous suturons les deux extrémités par deux points en U à l’aide d’un fil résistant : fil tressé à résorption lente (Vicrylt, déc. 4).

Les temps ultérieurs sont les mêmes que ceux de la réparation des déchirures du premier degré.

3- Réparation des déchirures du troisième degré :

Ici la réparation commence par la suture de la paroi digestive.

Nous la réalisons par points séparés au fil tressé à résorption lente comme le Vicrylt, déc. 2 (anciennement 3/0).

Il s’agit d’une suture de type digestif, en un plan, prenant toute la paroi rectale et anale en ayant soin de bien charger la musculeuse.

Les noeuds sont effectués à l’extérieur de la cavité digestive.

Les points doivent être rapprochés, afin que la paroi soit parfaitement étanche.

Le dernier point est réalisé sur la marge anale.

Les temps ultérieurs sont ceux d’une déchirure du deuxième degré.

Cette réparation est conduite sous antibioprophylaxie (céphalosporine de première génération ou bien ampicilline plus acide clavulanique).

Les déchirures vulvaires devront également être réparées car elles peuvent être très hémorragiques et sources de dyspareunies.

Elles sont suturées par points simples séparés au Vicrylt rapide, déc. 2 ou 3.

Les soins postopératoires sont communs à ceux préconisés après une épisiotomie.

Dans le cadre des déchirures complètes, toute mesure visant à obtenir une constipation est à proscrire, car elle durcit les selles qui deviennent traumatisantes pour les sutures, notamment lors de la première émission.

Il est préférable d’obtenir des selles molles grâce à la prescription d’huile de paraffine et d’un régime sans résidu.

E - Prévention :

La survenue d’une déchirure périnéale sévère (déchirure du deuxième ou troisième degré) doit rester exceptionnelle.

Dans notre unité, cet événement à été constaté dans 0,2 % des accouchements spontanés du sommet dans les cinq dernières années (8 494 accouchements).

Après extraction instrumentale par spatules dans la même période (2 634 accouchements assistés), cette fréquence est significativement majorée : 2,4 % des cas (un cas de déchirure du troisième degré). Globalement, elles représentent 0,6 % des accouchements.

Les séries anglo-saxonnes rapportent des fréquences de déchirures graves nettement plus élevées variant de 0,2 à 23,9 %.

La prévention découle des facteurs de risque déjà décrits et reste primordiale.

– Elle passe par une bonne conduite de l’accouchement.

Il faut éviter un travail prolongé, qui oedématie et fragilise les tissus.

Le dégagement du foetus doit être progressif et il faut se méfier des déchirures inapparentes du noyau fibreux central du périnée qui sont aussi graves à long terme que les déchirures externes.

Il faut éviter les manoeuvres obstétricales qui peuvent être dangereuses.

– Les données concernant le rôle préventif de l’épisiotomie sont discordantes.

Les principales séries sont anglo-saxonnes et s’appliquent aux épisiotomies médianes rarement pratiquées en Europe.

Anthony a étudié le lien entre épisiotomie médiolatérale et survenue de lésions périnéales sévères sur une série de 43 309 accouchements uniques en présentation du sommet (variété occipitopubienne).

Il a observé globalement 1,4 % de déchirures périnéales sévères.

Ce taux est divisé par quatre dans le groupe avec épisiotomie (effet protecteur).

En revanche il n’y a pas de différence entre les équipes pratiquant des épisiotomies fréquentes (50 %des accouchements) et celles en faisant un usage plus restreint (11 %).

Il semble donc qu’il y ait peu d’avantages à une utilisation large de l’épisiotomie concernant le risque de déchirures périnéales sévères et le bénéfice à long terme.

Cette notion est retrouvée chez de nombreux autres auteurs.

Il semble exister une forte corrélation entre épisiotomie médiane et survenue d’une déchirure périnéale sévère.

On conçoit que les études randomisées comparant épisiotomie systématique et absence d’épisiotomie ne sont pas réalisables en pratique.

Il est en revanche possible de comparer un groupe où l’épisiotomie est d’indication large, quasi systématique (42 à 84 % des accouchements) à un groupe où l’épisiotomie est d’indication sélective, de nécessité (10 à 34 % des accouchements).

Lede et al ont ainsi colligé cinq études randomisées menées selon ce modèle.

Les résultats observés sont discordants selon les séries mais il semble que l’usage large de l’épisiotomie ne prévient pas les déchirures périnéales sévères par rapport à un usage plus restreint.

Il est essentiel de noter que les résultats de ces études ne peuvent porter que sur les effets immédiats de l’épisiotomie et ne concernent pas les bénéfices lointains éventuels (troubles de la statique pelvienne, incontinence, etc).

Concernant la prévention des séquelles périnéales à distance, la place et les indications de l’épisiotomie seront discutées plus loin.

Épisiotomie :

La première description de l’épisiotomie remonte au XVIIIe siècle (Fielding Ould-1742). Sa réalisation était alors exceptionnelle et non suturée.

C’est depuis les publications de Pommeroy (1919) et Lee (1920) que sa pratique se généralise.

Actuellement la fréquence de l’épisiotomie n’est pas connue de manière précise et varie selon les pays, les écoles et les périodes de 9 %à 80 % des accouchements.

La fréquence le plus couramment observée se situe entre 30 et 60 % des accouchements dans les pays industrialisés (30 % en Europe et 60 % aux États-Unis).

A - Rôle de l’épisiotomie :

Les buts de l’épisiotomie sont doubles à la fois maternels et foetaux.

– Sur le plan maternel : éviter à court terme les déchirures périnéales sévères et prévenir à plus long terme les troubles de la statique pelvienne (prolapsus génito-urinaires, incontinence urinaire d’effort, lésions anorectales, etc).

– Sur le plan foetal : abréger l’expulsion (et donc réduire le risque d’acidose foetale), diminuer le traumatisme foetal (surtout en cas de prématurité) et faciliter la réalisation des manoeuvres obstétricales.

La section de l’anneau vulvaire et du faisceau puborectal du muscle releveur est responsable d’une désolidarisation de l’appareil sphinctérien anal du périnée antérieur, ce qui tend à protéger le sphincter anal contre les déchirures.

Le canal anal est latéralisé du côté du muscle puborectal laissé intact.

Elle provoque également une réduction de la tension au niveau de l’orifice vulvaire (protection des zones de moindre élasticité comme la région para-urétrale ou paraclitoridienne) et de l’étirement des éléments musculoaponévrotiques.

L’agrandissement de l’anneau vulvaire obtenu est égal au double de la longueur de l’épisiotomie, chaque berge s’intégrant à la circonférence.

Alors que le bénéfice foetal n’est pas remis en cause, le bénéfice maternel, surtout à long terme, est actuellement contesté au vu de certaines grandes séries internationales.

Nous avons vu que l’épisiotomie médiolatérale paraît protéger contre les déchirures périnéales sévères et que l’épisiotomie médiane, à l’inverse, les favorise. Concernant l’effet préventif possible sur les troubles de la statique pelvienne et l’incontinence urinaire, aucune étude publiée n’a permis d’apporter à ce jour une réponse claire.

L’épisiotomie ne prévient pas efficacement les déchirures interstitielles du sphincter anal.

L’étude du West Berkshire Management Trial conduite par Sleep a étudié 1 000 patientes séparées en deux groupes selon que l’épisiotomie était effectuée de manière restrictive (10 % des cas) ou de manière plus libérale (51 % des cas).

Le taux de déchirures vulvaires et périnéales est majoré dans le premier groupe mais aucune différence significative n’est retrouvée pour les douleurs postopératoires et les symptômes urinaires.

Les mêmes patientes ont été interrogées 3 ans après et il n’existait pas non plus de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne l’incontinence urinaire et les dyspareunies.

L’usage libéral de l’épisiotomie ne semblerait donc pas prévenir à long terme l’incontinence urinaire ni la dyspareunie secondaire.

B - Techniques :

Le moment de réalisation de l’épisiotomie est essentiel.

Elle ne doit être effectuée ni trop tôt, ni trop tard.

Les épisiotomies de rattrapage, après installation de lésions musculaires internes irréversibles, sont inutiles.

Elle doit être effectuée à « petit couronnement », quand la présentation commence à distendre le périnée à l’acmé d’une contraction et d’un effort expulsif.

À ce stade, la mise en tension du muscle puborectal provoque un allongement du périnée postérieur et l’ouverture du canal anal.

La distension du périnée superficiel doit être telle que le faisceau puborectal du releveur soit intégré dans le plan superficiel.

Différentes techniques d’épisiotomie ont été décrites.

1- Épisiotomie médiolatérale :

C’est la plus répandue en France. L’incision part de la fourchette vulvaire avec un angle de 45° avec l’horizontale, en direction de la tubérosité ischiatique.

Elle est réalisée à droite pour les droitiers (et inversement pour les gauchers) à l’aide de ciseaux droits et sur 4 cm environ.

La surface des branches des ciseaux doit être perpendiculaire au plan des tissus périnéaux qui doivent être sectionnés en un coup.

Elle doit sectionner la peau périnéale, le vagin, les muscles superficiels et surtout le faisceau puborectal du releveur.

La section du faisceau puborectal doit être complète.

« Il n’y a pas de petites épisiotomies, il n’y a qu’une épisiotomie : la bonne ».

Au cours des extractions instrumentales, l’axe de section doit être horizontalisé compte tenu de la déformation liée à la mise en place des spatules ou des forceps et du fait de l’absence d’ampliation périnéale.

Nous la réalisons après la mise en place des spatules en horizontalisant l’axe de section.

Certaines équipes effectuent l’épisiotomie avant l’introduction des spatules.

Par ailleurs, en raison de la mauvaise ampliation périnéale, la section doit être le plus souvent effectuée en deux temps : un premier coup de ciseau sectionne la peau et vagin et un deuxième coup sectionne le faisceau puborectal.

Les avantages de ce type d’incision sont nombreux.

Elle peut être facilement prolongée à la demande vers la fosse ischiorectale.

Elle respecte le centre tendineux du périnée et protège au mieux contre les déchirures périnéales sévères.

Les inconvénients résident dans les douleurs postopératoires et le caractère souvent hémorragique.

Les principales erreurs commises dans sa réalisation pratique sont les suivantes :

– épisiotomie trop petite ne sectionnant pas le faisceau puborectal du releveur.

Elle ne protège pas le périnée et expose la patiente à une déchirure du sphincter anal.

La déchirure se prolonge en effet, vers l’anus, en suivant la direction des fibres musculaires du releveur ;

– épisiotomie trop précoce, sur un périnée non amplié.

Elle est le plus souvent hémorragique et ne sectionne pas complètement le faisceau musculaire ;

– épisiotomie trop tardive alors que les dégâts périnéaux sont déjà constitués.

On considère que lorsque le périnée commence à blanchir et à saigner, les lésions interstitielles sont déjà installées.

Le blanchiment du périnée correspond à un arrêt de sa vascularisation par la présentation ;

– épisiotomie trop latérale.

2- Épisiotomie médiane :

Ce type d’épisiotomie a la faveur des équipes anglo-saxonnes et consiste à sectionner verticalement le centre tendineux du périnée.

Certains auteurs, peu nombreux, conseillent de sectionner délibérément le sphincter externe de l’anus.

Ce type d’incision a comme avantages d’être peu hémorragique, d’être plus anatomique et facile à réparer que les incision médiolatérales et enfin d’être moins douloureuse dans le post-partum ou à la reprise des rapports sexuels.

L’inconvénient majeur à l’origine de l’abandon de cette technique par la majorité des écoles françaises est le risque de propagation de l’incision au sphincter anal (disparition du rempart constitué par le centre tendineux du périnée).

Le nombre de fistules rectovaginales est également majoré.

Si on la pratique, le volume de la présentation ainsi que la distance anovulvaire doivent être soigneusement évalués.

L’analyse de la littérature internationale n’est pas favorable à ce type d’épisiotomie en raison de la forte corrélation avec la survenue d’une déchirure périnéale complète.

3- Épisiotomie latérale :

Elle débute au niveau de la fourchette vulvaire et se dirige horizontalement, à 90° vers la branche ischiopubienne.

Ce type d’incision comporte un risque de section du canal excréteur de la glande de Bartholin, à l’origine de kystes.

Par ailleurs, sa réparation est délicate avec possibilité de déhiscence vulvaire asymétrique.

Elle n’apporte aucun avantage par rapport à l’épisiotomie médiolatérale et n’est jamais employée dans notre équipe.

C - Indications :

L’analyse des données de la littérature souligne que l’épisiotomie ne doit pas être systématique et que son usage intensif n’est pas justifié.

Ses indications sont superposables aux facteurs de risque de déchirures périnéales que nous venons de décrire (facteurs maternels, foetaux, opératoires).

Certaines indications sont formelles : manoeuvres obstétricales, présentation du siège ou de la face, dégagement en occipitosacré.

Dans d’autres cas, l’épisiotomie nous paraît recommandée : macrosomie foetale, tissus fragiles, périnée résistant (rigide) ou cicatriciel, signes prémonitoires de déchirure, protection foetale (prématurité).

Nous avons déjà évoqué les résultats des études randomisées.

Ces séries ne montrent pas d’avantages à une utilisation large de l’épisiotomie sur le plan périnéal à long terme et le taux « raisonnable » d’épisiotomie semble se situer autour de 30 % des accouchements.

Dans notre expérience (CHU La-Grave) sur 13 382 accouchements de singletons en présentation du sommet effectués dans les 5 dernières années (1994 à 1998), nous avons constaté 63,5 % d’accouchements spontanés, 19,7 % d’extractions instrumentales par spatules de Thierry et 16,8 % de césariennes.

La fréquence observée des épisiotomies est de 97,2 % dans les extractions instrumentales et de 42,3 % dans les accouchements spontanés.

D - Complications :

Elles se superposent aux complications des déchirures périnéales.

On distingue les complications immédiates, précoces et les complications à distance séquellaires.

1- Complications immédiates, le plus souvent liées à une faute technique :

Les hémorragies sont surtout le fait des épisiotomies médiolatérales et sont favorisées par une réalisation trop précoce sur un périnée mal amplié, trop latérale avec risque de lésion des bulbes vestibulaires ou lorsqu’il se produit une déchirure associée (périnéale ou vulvaire).

Les pertes sanguines sont estimées à plus de 300 mL dans 10 % des cas.

La suture précoce apparaît donc comme une nécessité afin d’abréger le saignement et prévenir au mieux l’anémie du post-partum.

Nous préconisons la délivrance dirigée (5 unités de Syntocinont en intraveineux direct lors du dégagement des épaules) qui permettra une délivrance plus rapide et moins hémorragique.

Des déchirures sur épisiotomie ont déjà été évoquées plus haut.

Plus rarement, des blessures foetales peuvent être observées ainsi qu’une augmentation du risque de transmission maternofoetale de maladies virales, une augmentation du risque de blessure pour l’équipe obstétricale.

2- Complications précoces, dans le post-partum immédiat :

– Hématomes puerpéraux : les thrombus périnéovulvaires sont rares et le plus souvent liés à une insuffisance d’hémostase.

Leur symptomatologie est bruyante (douleur, anémie, etc) et nécessite une reprise chirurgicale pour décaillotage et complément d’hémostase.

L’épisiotomie constitue un des facteurs de risque majeur (retrouvé dans 85 à 93 % des thrombus) avec les extractions instrumentales et la primiparité.

Les hématomes sont en revanche plus fréquents (douleurs, oedème, induration) et cèdent en quelques jours sous traitement anti-inflammatoire.

– Douleurs et oedème périnéal : cet incident est d’autant plus fréquent que l’épisiotomie est pratiquée sur un périnée déjà oedématié.

Le traitement est médical : glace, antalgiques, anti-inflammatoires.

– Infections et désunions : cette éventualité survient dans 0,5 à 3 % des cas.

Les facteurs favorisants reconnus sont l’insuffisance d’asepsie, l’existence d’un hématome, d’un point transfixiant le rectum ou une hygiène postopératoire insuffisante.

Les désunions peuvent relever d’une réintervention précoce avec parage chirurgical de la plaie et suture anatomique, mais se traitent le plus souvent par cicatrisation dirigée.

3- Complications tardives :

Elles sont essentiellement représentées par les douleurs périnéales et les dyspareunies secondaires.

Rarement, d’autres complications tardives peuvent être observées : endométriose sur cicatrice d’épisiotomie, kyste de la glande de Bartholin résultant d’une incision trop horizontale sectionnant le canal excréteur, suppurations récidivantes qui doivent faire éliminer une fistule rectovaginale.

La fistule rectovaginale ou rectopérinéale est exceptionnelle après une épisiotomie non compliquée ; elle est le plus souvent secondaire à un point transfixiant et peut guérir spontanément après l’ablation du point.

E - Réparation :

Elle doit être la plus anatomique possible, afin de restituer une fonction musculaire normale et d’éviter toute cicatrisation pathologique.

Elle est réalisée sous asepsie chirurgicale : badigeonnage du périnée, champs et gants stériles, tampon vaginal évitant la souillure par les lochies.

La réparation nécessite cependant une analgésie de bonne qualité qui peut être obtenue, en l’absence d’analgésie péridurale, par de la lidocaïne à 1 % (infiltration des différents plans, délai d’attente suffisant).

Nous utilisons, comme la majorité des auteurs, des fils à résorption lente, type acide polyglycolique (Vicrylt).

L’accouchée restant en position gynécologique, l’épisiotomie est suturée le plus tôt possible.

Il paraît raisonnable d’attendre la délivrance.

Certaines équipes commencent la suture dès l’expulsion foetale mais la réparation est alors gênée par un écoulement sanguin contemporain du décollement placentaire.

De plus, si une délivrance artificielle et/ou une révision utérine doivent être effectuées, une désunion des sutures est presque systématique.

La majorité des auteurs insistent sur la nécessité d’une suture en trois plans : muqueux, musculaire et cutané.

La réalisation de ces trois plans est variable. La suture du vagin par surjet au fil tressé à résorption lente (Vicrylt, déc. 3,5) débute au sommet de l’incision vaginale.

Durant cette suture, il convient de noter que l’on dispose toujours de davantage d’étoffe du côté de la lèvre interne.

Le dernier point prend les deux bords de la section vulvaire au niveau de l’insertion hyménéale.

Pour la suture du plan musculaire, deux à quatre points simples ou en X au fil tressé à résorption lente déc. 3,5 ou 4 rapprochent les muscles.

Il faut prendre soin, à la fin de ce plan, de réaliser un toucher rectal afin de s’assurer qu’aucun point ne transfixie le rectum.

La suture de la peau se fait en deux plans, par un double surjet continu, mené d’une seule aiguillée, au Vicrylt, déc. 3 ou 3,5.

Le surjet profond rapproche les deux lèvres de la plaie.

Le retour est effectué par un surjet intradermique mené de l’angle inférieur à l’angle supérieur où on l’arrête à l’aide de l’un des chefs du plan vaginal, que l’on a conservé.

La suture de la peau peut être faite avec les même avantages par des points séparés cutanés de Blair-Donatti.

Un des avantages de ce type de suture est la possibilité de désunion partielle en cas d’hématome ou d’infection.

Les principales erreurs à éviter sont :

– une mauvaise suture de la partie supérieure de la plaie vaginale.

Le plan vaginal peut s’étendre vers le fornix latéral et même remonter plus haut exposant l’urètre, ce qui souligne l’intérêt du bilan lésionnel précis avant de débuter la réparation.

Une suture incomplète favorise le passage des lochies dans l’espace incisé et donc l’infection secondaire.

Pour la même raison, il est déconseillé de drainer l’espace paravaginal, la réparation doit s’effectuer en un plan sans drainage ;

– un embrochage du rectum dans la suture du plan musculaire périnéal.

C’est l’erreur la plus fréquente du débutant qui justifie la réalisation systématique d’un toucher rectal de contrôle ; – une insuffisance de suture du plan musculaire, laissant un espace mort favorisant les hématomes ;

– une mauvaise suture, trop horizontale, du muscle élévateur favorisant les troubles secondaires de la statique pelvienne (« aspect oblique » du périnée).

Il faut tenir compte de l’obliquité du faisceau puborectal du releveur de manière à réunir correctement les faisceaux musculaires.

L’antibioprophylaxie ne paraît pas nécessaire. Les soins postopératoires sont uniquement locaux (toilette à l’eau deux fois par jour, ainsi qu’après chaque selle, application locale d’éosine à l’eau à 2 %, port de sous-vêtements lâches pour éviter la macération et surtout séchage de la cicatrice à l’aide d’un sèchecheveux).

En cas de douleur ou d’oedème, l’application locale d’Opalgynet a un effet antalgique et anti-inflammatoire local.

Les déchirures périnéales sévères devraient être exceptionnelles et nous insistons sur les moyens de prévention : bonne conduite de l’accouchement, épisiotomie adéquate.

Le pronostic des déchirures dépend de leur reconnaissance immédiate et de la qualité de leur réparation.

Cependant, la fréquence des lésions infracliniques (musculaires, aponévrotiques, neurologiques), que l’épisiotomie ne prévient pas, est probablement sous-estimée.

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