Exploration de la microcirculation : débimétrie doppler laser

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Introduction :

Le doppler laser (DDL) est utilisé, depuis 1977, pour l’étude de la microcirculation de nombreux organes.

Il permet par une méthode non invasive, la mesure en continu de la perfusion de la microcirculation.

Son utilisation en physiologie ou en pathologie nécessite une bonne connaissance de ses limites et des variations physiologiques du tissu étudié.

Principe :

Le principe du DDL repose sur l’effet doppler.

La lumière émise par le laser (light activation by stimulated emission of radiation) est un faisceau cohérent monochromatique d’une longueur d’onde connue.

Lorsque le faisceau incident rencontre une structure immobile, sa direction est modifiée, mais pas sa longueur d’onde.

En revanche, lorsqu’il rencontre une hématie mobile, il est réfléchi avec une modification de longueur d’onde proportionnelle à la vitesse de l’hématie heurtée.

Exploration de la microcirculation : débimétrie doppler laser

Le spectre du signal réfléchi est assimilé à une courbe de Gauss, centrée par la fréquence d’émission.

La lumière émise par le laser est transmise au tissu examiné par des fibres optiques.

La lumière réfléchie par les cellules fixes et les cellules mobiles, est recueillie par des fibres optiques distinctes, puis transmise pour l’analyse à un ordinateur.

L’information est transformée en énergie électrique à partir de laquelle peut être extrait le flux.

Le laser doppler imager est un nouveau type de DDL où les fibres optiques sont remplacées par un miroir et la mesure s’effectue sur une surface maximale de 12 ´ 12 cm par un balayage du faisceau.

Mesure par doppler laser :

La structure vasculaire des tissus est variable.

Au niveau de la peau, les capillaires nutritionnels sont les plus superficiels (10 à 50 ím) ; plus profondément (0,5 à 2 mm), on retrouve les vaisseaux de la thermorégulation, les veinules et les artérioles souspapillaires ; 95 % de sang cutané se trouvent dans la région profonde, et seulement 5 % dans la partie superficielle.

La profondeur de pénétration du faisceau étant estimée à 1-2 mm, la perfusion mesurée est donc essentiellement (supérieure à 90 %) celle des vaisseaux sous-papillaires, et concerne très peu (inférieure à 10 %) les capillaires nutritionnels.

Informations fournies par le signal recueilli :

A – PERFUSION TISSULAIRE :

Le résultat fourni par le DDL est souvent exprimé en termes de flux plutôt que de débit.

Il existe une confusion entre le terme de flux sanguin et celui de débit sanguin ; le DDL mesure un flux de cellules, et non pas un flux volumique (débit).

Pour supprimer cette confusion, l’European laser doppler users group a proposé d’utiliser le terme de perfusion, définie par le produit entre la vitesse absolue locale des hématies et leur concentration.

B – VASOMOTION :

Elle traduit la présence de variation périodique du signal doppler laser. Trois types de fréquences sont présents : ondes de basse fréquence (2 à 10 cycles/min) et d’amplitude ample ; ondes de haute fréquence (15 à 25 cycles/min) et d’amplitude faible ; ondes pulsatiles de faible amplitude synchrones du rythme cardiaque.

Les ordinateurs couplés au DDL sont souvent équipés de logiciels permettant le calcul de la fréquence de ces ondes de vasomotion.

Ces variations périodiques de perfusion seraient dues à la contraction des artérioles et des sphincters précapillaires.

Problèmes et limites de la technique :

A – FIXATION DES SONDES :

Une mauvaise fixation des sondes peut entraîner la production d’artefact.

Il est préconisé d’utiliser un porteur de sonde qui permette non seulement de fixer la sonde sur le tissu étudié, mais aussi de fixer l’angle du faisceau et de supprimer la lumière ambiante.

La pression de la sonde sur le tissu peut aussi fausser les mesures ; le contact doit être fait, mais sans forcer. Certains appareils sont munis d’un témoin lumineux qui indique le bon positionnement de la sonde.

B – CHOIX DU SIGNAL ZÉRO :

Le zéro électronique est déterminé en dirigeant la sonde de doppler laser vers une porcelaine blanche.

Il est plus faible que le zéro biologique obtenu par mesure de la perfusion tissulaire lors d’une occlusion artérielle, du fait de la persistance d’une circulation tissulaire.

Ce zéro biologique est variable en fonction du site de mesure, et parfois de la pathologie ; il est donc nécessaire de le calculer à chaque nouvelle mesure.

C – VOLUME TISSULAIRE DE MESURE :

Il est dépendant de la profondeur de pénétration du faisceau laser.

Celle-ci est fonction de la longueur d’onde de la lumière émise, de la composition et de la quantité de particules en mouvement dans le tissu pénétré.

Plus la longueur d’onde est élevée, plus le faisceau pénètre profondément le tissu.

La plupart des DDL sont équipés d’une source à hélium-néon de longueur d’onde 632,8 nm ; certains appareils plus récents, ont une source lumineuse émise par une diode de longueur d’onde 780 nm.

La teneur en graisse, l’hyperkératose, ou l’oedème modifient la composition et la surface de la peau, et influencent ainsi la pénétration du faisceau.

La vasomotion influence aussi la mesure en modifiant en permanence le mouvement des hématies.

La profondeur de pénétration admise est de 1 à 2mm, mais il a été démontré qu’elle pouvait être de 6 mm au niveau intestinal, et de 4 mm sur un modèle de peau.

D – CALIBRATION :

Les modèles expérimentaux in vitro n’ont pas une crédibilité suffisante pour permettre leur utilisation.

Les méthodes in vivo sont les plus précises pour obtenir une calibration fiable.

Elles consistent à comparer le DDL à d’autres techniques.

La calibration in vivo reste toutefois influencée par des variables incontrôlables, comme l’hétérogénéité de la distribution des hématies, ou les facteurs influençant la pénétration du faisceau lumineux.

E – REPRODUCTIBILITÉ :

La reproductibilité du DDL a souvent été considérée comme mauvaise, en fait ces résultats sont dus aux variations physiologiques permanentes du tissu mesuré, la reproductibilité de l’instrument lui-même étant bonne.

Le coefficient de variation temporelle, in vitro est de 6 %. In vivo, au niveau cutané, il est de 4 à 11%pour des faibles débits et de 8 à 19 % pour des débits élevés.

Les résultats sont contradictoires selon les différents auteurs, concernant les variations de mesure d’une heure à l’autre ou d’un jour à l’autre.

En ce qui concerne les variations spatiales, les mesures diffèrent d’un tissu à l’autre.

Pour le muscle, le coefficient de variation est de 30 à 50 %, pour le rein de 10 %, pour la peau de 25 %.

Il existe de plus des variations inter- et intra-individuelles.

Ces variations sont expliquées par le nombre variable de capillaires et de veinules de la zone mesurée.

F – TESTS DE PROVOCATION :

De nombreux tests de provocation sont utilisés, couplés au DDL.

Ils permettent une standardisation des mesures et une meilleure reproductibilité de la technique.

Les plus utilisés sont l’hyperhémie réactionnelle, les tests thermiques, les manoeuvres positionnelles et les stress mentaux.

Résultats normaux :

A – PERFUSION CUTANÉE :

Il existe de nombreux facteurs de variations physiologiques.

B – PERFUSION INTESTINALE :

La microcirculation intestinale peut être étudiée par DDL, chez l’homme, en peropératoire ou par endoscopie.

Une bonne corrélation a été établie entre le débit total et la perfusion obtenue par DDL.

C – PERFUSION RÉTINIENNE :

Son calcul n’est pas encore possible du fait de la transparence de la rétine et de sa faible épaisseur.

Le faisceau laser incident est surtout réfléchi par les hématies des vaisseaux choroïdiens situés en arrière de la rétine.

Toutefois, l’appareil utilisé permet de centrer le faisceau laser sur un vaisseau rétinien.

Ainsi, la détermination de la vitesse des hématies des plus gros vaisseaux rétiniens est possible.

Indications :

A – EN CLINIQUE :

– Artériopathie des membres inférieurs : à visée diagnostique, étude de la sévérité et de la vasomotion.

– Phénomène de Raynaud : en associant des test thermiques, étude de sa sévérité, du caractère primitif ou secondaire, test thérapeutique.

– Ischémie intestinale : orientation de la conduite à tenir chirurgicale.

– Brûlures cutanées : quantification de la gravité de l’atteinte et suivi.

– Microangiopathie diabétique.

– Hypertension veineuse.

B – EN CHIRURGIE :

– Chirurgie plastique : surveillance de la viabilité d’un greffon.

C – EN PHARMACOLOGIE :

Validation d’effet thérapeutique, surveillance, test thérapeutique.

Conditions d’utilisation recommandées :

– Suivre les instructions du constructeur, respecter les règles de sécurité concernant le faisceau lumineux.

Pratiquer les opérations de validation : détermination du débit basal, de sa reproductibilité, de l’hyperhémie réactionnelle à 3 minutes d’ischémie (capteur sur l’avant-bras) ; calcul du zéro biologique, du pied d’hyperhémie.

Tout cela chez trois volontaires sains au minimum.

– Laisser chauffer l’appareil pendant 15 minutes. Ne pas assurer de pression entre le capteur et le tissu mesuré.

– S’assurer de l’absence d’absorption de repas, de médicament ou de produit, qui puissent modifier le débit cutané.

– S’assurer que le sujet étudié n’ait pas pratiqué un exercice musculaire avant la mesure, n’ait pas été exposé à des variations de température, à un stress mental.

– Placer le sujet au calme pendant 15 minutes avant l’enregistrement, dans la position qui sera celle des mesures.

– Pratiquer trois enregistrements et calculer une moyenne, s’il ne s’agit pas d’un monitorage de suivi évolutif après stimulation. Ne pas faire bouger le câble optique.

– Enregistrer sur papier ou ordinateur toutes les données au fur et à mesure, surtout lors d’épreuves de stimulation.

– Stabiliser et noter toutes les conditions d’environnement de la mesure.

Ne pas placer le sujet, ou le site étudié, au soleil ou audessous d’une lampe.

Respecter un niveau donné entre le site étudié et le coeur.

– Dans toutes les publications, fournir les détails concernant les caractéristiques techniques de l’appareil, ainsi que ceux concernant tous les points déjà cités.

Conclusion :

Le DDL est une technique qui a pris une place importante dans l’étude de l’hémodynamique cutanée, en physiologie ou en pathologie.

Il persiste toutefois encore des difficultés dans l’interprétation des résultats.

L’amélioration de son utilisation passe par une standardisation de la méthode.

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