Dacryocystorhinostomie endoscopique Cours de Chirurgie
Introduction
:
La dacryocystorhinostomie (DCR) est une intervention qui rétablit
une communication entre les voies lacrymales et les fosses nasales,
lorsque celle-ci a été interrompue par un processus pathologique ou
traumatique.
Au cours du siècle dernier, de nombreux procédés
chirurgicaux ont été décrits, et la DCR par voie externe, mise au
point par Dupuy-Dutemps et Bourget en France (1921), Ohm en
Allemagne (1921) et Toti en Italie (1904), s’est imposée comme une
excellente intervention parfaitement réglée.
Elle permet d’obtenir
90 % à 95 % de bons résultats en termes de larmoiement si les
canalicules sont sains, et quasi 100 % en termes d’infection.
Cependant, depuis deux décennies, la voie externe tend à être
supplantée par l’abord endonasal sous endoscopie, qui aboutit à une
guérison plus rapide et sans cicatrice cutanée.
Elle permet également
de mieux traiter les échecs de la DCR que la voie externe, car le
contrôle visuel permanent et la quasi-absence d’hémorragie assurent
un meilleur contrôle anatomique.
Le sac lacrymal et le canal lacrymonasal siègent contre et dans le
mur orbitonasal, et constituent donc un organe « frontière ».
C’est la
collaboration entre oto-rhino-laryngologistes et ophtalmologistes qui
a permis d’améliorer régulièrement dans ces vingt dernières années,
la technique de la DCR endonasale.
Nous verrons également les autres nouvelles techniques qui sont
proposées par voie endoscopique et/ou endocanalaire.
Critères de l’indication opératoire
:
Les indications opératoires dépendent de l’étiologie de la pathologie
lacrymale, qu’il faut analyser avec précision, et du terrain du patient.
En pathologie, les anomalies d’excrétion des voies lacrymales se
traduisent le plus souvent par un larmoiement avec ou sans
surinfection, correspondant habituellement à un obstacle dont il
importe de préciser le siège.
On peut citer :
– les obstacles du segment horizontal des voies lacrymales, dont les
causes les plus fréquentes sont traumatiques, congénitales,
inflammatoires ou tumorales ;
– les obstacles du segment vertical, qui sont le plus souvent dus à
des sténoses du canal lacrymonasal d’origine idiopathique ou
traumatique, parfois infectieuse et/ou inflammatoire, et plus
rarement secondaires à des corps étrangers ou à des tumeurs de la
région du sac.
Cependant, il n’est pas rare de trouver des voies lacrymales
perméables dont l’exploration ne montre pas d’obstacle, alors qu’existe un larmoiement.
Dans un tel tableau clinique, il faut
rechercher d’autres causes, telle une anomalie de la statique et de la
dynamique palpébrale (laxité canthale externe, ectropion, paralysie
de l’orbiculaire) ou un dysfonctionnement de la pompe lacrymale.
Il
existe aussi souvent, il faut le savoir, des sténoses partielles des voies
lacrymales, qui peuvent rester méconnues au cours d’un examen
approximatif.
Les indications de la DRC sont essentiellement les atteintes du
segment vertical des voies lacrymales, c’est-à-dire les sténoses
symptomatiques du canal lacrymonasal sous toutes ses formes :
larmoiement, dacryocystite chronique, mucocèle.
À l’exception du
petit enfant, la DCR est impérative en cas de dilatation du sac, car
celle-ci constitue un risque d’infection aiguë qui doit être supprimé.
Certaines indications sont plus rares :
– sténose asymptomatique ou peu symptomatique : une DCR ou
une ablation du sac « de propreté » doit être réalisée en première
intention, si une chirurgie avec ouverture du globe oculaire est
envisagée (cataracte +++) et qu’il existe une dilatation du sac ou
une infection permanente des voies lacrymales ;
– larmoiement chronique par sténose incomplète : il est toujours
difficile de poser une indication de DCR pour ces cas.
La pose d’une
sonde bicanaliculonasale peut tout d’abord être tentée, à condition
qu’il n’y ait pas de dilatation du sac lacrymal, du moins chez
l’adulte ;
– sténose canaliculaire : en association avec l’action sur le canalicule,
une DCR peut être pratiquée pour améliorer l’écoulement des
larmes, en supprimant la résistance du canal lacrymonasal.
La DCR
permet un abord facile, ab interno, du canalicule d’union ;
– au cours d’une dacryocystite résistant à l’antibiothérapie, une DCR peut être réalisée « à chaud », son taux de succès restant
sensiblement comparable à celui d’une intervention réalisée à
distance de l’épisode infectieux.
Ces critères d’indication opératoire sont recherchés grâce à un bilan
préopératoire complet qui comprend : un examen ophtalmologique,
un examen rhinologique et une imagerie des voies lacrymales.
A - EXAMEN CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE
:
Quel que soit le motif de consultation (larmoiement, conjonctivites à
répétition, épisodes de surinfection, etc), c’est l’ophtalmologiste qui
est en première ligne et mène l’examen initial.
Il est complété par un examen ORL quand une anomalie du nez est
probable, ou si l’on envisage une DCR par voie endonasale.
Enfin,
un dacryoscanner avec injection de produit de contraste donne des
précisions très utiles pour la conduite opératoire, et constitue un
document médicolégal, indispensable à l’époque actuelle.
1- Examen ophtalmologique de l’adulte ou du grand
enfant
:
Il commence, avant toute manoeuvre, outre la mesure de l’acuité, la
prise de la pression oculaire, par l’examen à la lampe à fente :
– 1) après l’étude du segment antérieur de l’oeil et l’analyse du film
lacrymal ;
– 2) l’existence et l’aspect des points lacrymaux sont précisés
(sténose, béance, ectropion du point lacrymal inférieur).
Un point
lacrymal normal est ouvert, et vide du fait de l’activité de la pompe
lacrymale.
Si le point lacrymal est engorgé, surtout si le liquide qu’il contient
présente des cellules, on est quasi certain qu’il existe un problème
en aval (en dehors du contexte d’une conjonctivite aiguë).
Au niveau des rivières lacrymales qui courent le long des paupières,
on recherche également leur éventuel engorgement, et l’existence de
cellules (Tyndall).
De même pour le lac lacrymal : engorgement, cellules, sécrétions, etc ;
– 3) on repère une voussure au niveau du sac lacrymal, en faveur
d’une franche dilatation de ce dernier, ainsi qu’un reflux mucopurulent à la pression du sac lacrymal.
Une dilatation du sac
ou un simple reflux mucopurulent, même minime, éventuellement
seulement détectable à la lampe à fente, impose pratiquement la
DCR chez l’adulte et le grand enfant, car un sac dilaté risque de se
dilater encore plus, si on se contente de placer une sonde à demeure.
Une déviation du globe ou une voussure dépassant en hauteur le
niveau du tendon canthal interne sont en faveur d’une autre
étiologie, par exemple d’une tumeur du sac ou de l’orbite.
* Exploration instrumentale des voies lacrymales
:
Un dilatateur calibré permet de dilater les méats lacrymaux.
Après
dilatation du point lacrymal inférieur, on commence par un lavage à
la seringue (2 mL) avec une canule jetable à voies lacrymales.
Dans une voie lacrymale normale, le lavage donne la même
sensation de pression sur le piston que si l’on vidait la seringue audessus
d’un lavabo.
En d’autres termes, le passage du liquide dans
l’arrière-gorge doit être obtenu sans aucune pression, sinon une
sténose relative est probable.
En cas de sténose complète, il n’y a aucun passage dans la gorge et
même un reflux par le canalicule opposé (par exemple reflux par le
canalicule supérieur si on lave par le canalicule inférieur).
Le deuxième temps est le sondage avec une sonde « 00 » ou 0,7 mm,
à la recherche d’un contact osseux.
La sonde est introduite dans le
canalicule inférieur à la recherche de ce contact osseux.
Un bon
contact osseux obtenu aisément permet d’éliminer une sténose canaliculaire.
L’absence de contact, ou un contact de piètre qualité,
permettront de poser l’indication d’une intubation bicanaliculonasale, éventuellement associée à la DCR (si dilatation
du sac lacrymal, épisodes de dacryocystite aiguë, etc).
En même temps qu’un mauvais contact osseux, on peut également
noter la présence du « signe du canthus » : l’angle interne est
entraîné par la sonde et en suit les mouvements d’aller-retour.
D’autres explorations sont possibles : le test à la fluorescéine
renseigne sur la perméabilité fonctionnelle, le test au technétium
radioactif est intéressant mais exceptionnellement réalisé.
Mais, comme on le verra, l’examen clinique est la plupart du temps
complété par un dacryoscanner.
Chez le grand enfant, la démarche se superpose à celle de l’adulte.
2- Examen ophtalmologique du nourrisson
:
Le nourrisson est le plus souvent amené en consultation par ses
parents pour un larmoiement clair congénital, le plus souvent
unilatéral donc très caractéristique, plus rarement bilatéral, ou pour
des épisodes de « conjonctivite lacrymale », voire pour une
dacryocystite aiguë.
Plus rarement à cet âge, il s’agit d’un
traumatisme (forceps).
L’imperforation congénitale du canal lacrymonasal est la pathologie
lacrymale la plus fréquente chez le nourrisson ou le jeune enfant.
L’évolution spontanée vers la guérison est fréquente au cours des
premiers mois.
Cette imperforation, si elle persiste, ne nécessite pas
le recours à la DCR, mais un simple sondage entre 3 et 6 mois. Audelà
de 6 mois, une sédation peut devenir nécessaire pour sa
réalisation.
Si ce sondage est effectué sous anesthésie générale, il est
habituellement complété par une intubation siliconée monocanaliculonasale
(MonoKa).
Cette intubation est quasi systématique
au-delà de l’âge de 1 an.
Le sondage doit être réalisé plus précocement, éventuellement dès
les premiers jours de la vie en cas de dilatation importante et
persistante du sac.
En dehors de ce contexte particulier de la distension néonatale, la
présence d’un sac dilaté persistant chez un enfant de plus de 6 mois
fait réserver le pronostic.
Il est en effet nécessaire d’envisager une DCR. Or, la DCR par voie endonasale n’est pas possible avant l’âge
de 4 à 5 ans, car la dimension des cavités nasales n’autorise pas
chez le tout-petit l’introduction de tous les outils nécessaires pour
sa réalisation.
Toute la politique repose sur la coopération des
parents et de l’enfant : ils doivent apprendre à effectuer des massages bi- voire pluriquotidiens du sac lacrymal, pour le vider le
mieux possible de son contenu mucopurulent, et éviter ainsi les
surinfections.
De la sorte, on peut attendre les 3 ou 4 années
supplémentaires nécessaires pour la DCR endonasale, et éviter une
cicatrice du visage dont on ne contrôle pas toujours la qualité
esthétique.
Mais si les surinfections lacrymales sont trop
problématiques, il faut se résoudre à faire une DCR par voie externe.
B - EXAMEN RHINOLOGIQUE
:
L’examen des cavités nasales doit être systématiquement réalisé en
consultation avant toute DCR endonasale.
Il permet de dépister
d’éventuelles difficultés et de prévoir ainsi des temps opératoires rhinologiques supplémentaires.
L’examen est pratiqué initialement à l’aide d’un spéculum nasal,
puis avec une fibre optique rigide ou souple, avec ou sans anesthésie
locale préalable.
Si on opte pour une fibre optique rigide, on utilise
un endoscope à 30° ou 0°.
L’examen permet de repérer les différents
éléments de la cavité nasale : valve nasale, septum, cornets inférieur
et moyen, choane.
On peut noter la présence d’éventuelles sécrétions
à travers les différents méats, qui témoignent d’une infection
sinusienne.
Une déviation septale antérieure peut rendre cette
exploration difficile voire impossible.
Dans le bilan préopératoire d’une DCR, l’examen se porte sur le toit
de la fosse nasale et sur le méat moyen, avec le repérage, d’avant en
arrière, de la tête du cornet moyen, de l’apophyse unciforme, de la
bulle ethmoïdale et de la gouttière rétrobullaire.
On tente de
visualiser essentiellement la zone située au-dessus de l’insertion du
cornet moyen, car c’est là que se projette habituellement le sac
lacrymal.
Une déviation septale peut interdire l’accès à cette zone.
Cependant,
les déviations sont en général situées à la partie basse du septum, et
ne constituent donc pas un obstacle à l’abord du sac lacrymal, qui
se projette nettement plus haut.
Lorsqu’une déviation de la partie
supérieure du septum réduit l’espace de la partie supérieure de la
fosse nasale, la simple luxation septale avant la DCR est la plupart
du temps suffisante.
Cela permet d’éviter la septoplastie, rarement
réalisée dans le même temps et probablement défavorable pour
l’évolution de la DCR, par la réaction cicatricielle supplémentaire
qu’elle entraîne.
En dehors de toutes les pathologies sur lesquelles nous reviendrons,
l’examen fibroscopique de la paroi externe des fosses nasales permet
d’étudier les cornets et les méats :
– le cornet inférieur est le premier relief visible dès l’introduction de
l’endoscope.
Sa tête est située à 1 cm en arrière de l’ouverture
piriforme ;
– le cornet moyen est situé au-dessus et en arrière du cornet inférieur.
Sa courbure habituelle est concave en dehors, mais de nombreuses
variations physiologiques sont possibles, comme une pneumatisation (concha bullosa) ou une convexité paradoxale ;
– le cornet supérieur est rarement visible ;
– le méat inférieur : son extrémité antérieure est formée par la tête
du cornet inférieur en dedans, et la paroi latérale du maxillaire en
dehors.
L’orifice inférieur du canal lacrymonasal est situé dans le
quadrant antérosupérieur du méat, mais il est rarement objectivé en
consultation du fait de l’étroitesse du méat nasal inférieur ;
– le méat moyen : sa paroi interne est formée par le cornet
moyen, sa paroi latérale par les trois reliefs suivants qui se succèdent
d’avant en arrière :
– la bosse lacrymale : c’est une voussure verticale siégeant en avant
du cornet moyen. Surtout visible dans sa partie inférieure, elle
correspond au canal lacrymonasal ;
– l’apophyse unciforme : elle se caractérise par un rebord saillant
fin, souvent facile à repérer.
Elle débute en regard de la zone
d’attache antérieure de la tête du cornet moyen, sur la paroi
latérale.
Puis elle descend verticalement sur environ 1 à 2 cm, et
prend une direction horizontale vers l’arrière où elle se fond avec
le plan du septum intersinusonasal, en avant de l’os palatin, en
dessous du relief de la bulle ethmoïdale ;
– la bulle ethmoïdale est verticale dans le plan frontal.
Il existe de nombreuses variations anatomiques qui peuvent
intéresser le cornet moyen (pneumatisation, courbe inversée),
l’apophyse unciforme (hypertrophie, pneumatisation) ou les cellules
ethmoïdales antérieures (hypertrophie de l’agger nasi et du système
bullaire).
L’examen préopératoire des fosses nasales peut être l’occasion de
diagnostiquer des pathologies nasosinusiennes associées qui doivent
être traitées au préalable, ou au cours du même temps opératoire,
pour ne pas compromettre les résultats de la DCR.
On peut ainsi
mettre en évidence des rhinites chroniques, qu’elles soient
vasomotrices ou allergiques, un ozène, une sinusite chronique ou
une polypose nasosinusienne.
Toutes ces pathologies de la
muqueuse nasosinusienne peuvent d’une part modifier les repères
anatomiques, et d’autre part altérer la qualité de la cicatrisation en
provoquant une réaction croûteuse ou la formation de granulomes,
de bourgeon hypertrophique et de fibrose.
C -
IMAGERIE DES VOIES LACRYMALES :
LE DACRYOSCANNER
L’imagerie des voies lacrymales par dacryocystographie
conventionnelle permettait la visualisation, sur des clichés standards
ou tomographiques, des voies lacrymales opacifiées par injection de
produit de contraste iodé.
Elle a été remplacée par le scanner
(tomodensitométrie) ou par l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) des voies lacrymales opacifiées. Le produit de
contraste est fonction de la méthode d’imagerie utilisée : sérum
physiologique pur ou avec du gadolinium dilué pour l’IRM, produit
de contraste iodé dilué pour le scanner.
L’opacification est obtenue
par cathétérisme classique ou par instillation de gouttes avant
l’examen (notion d’exploration fonctionnelle comparable à la dacryoscintigraphie).
Dans le bilan préopératoire des épiphoras, pour l’instant, la méthode
d’imagerie de référence est le dacryoscanner, avec opacification par
injection de produit de contraste après cathétérisme sélectif d’un
canalicule lacrymal.
En effet, l’usage de l’IRM est limité par
plusieurs facteurs : sensibilité aux artefacts liés aux mouvements
involontaires, durée (qui ne cesse cependant de diminuer), coût,
manque de disponibilité des appareils en trop petit nombre en
France, médiocre qualité d’analyse des structures osseuses fines.
En outre, les techniques d’instillation ont des résultats
morphologiques inconstants, et ne sont pas pour l’instant utilisées
de manière courante.
L’évolution de la technologie et de la politique
de santé (multiplication du nombre d’appareils d’IRM), ainsi que la
nécessité de choisir les méthodes d’imagerie les moins
traumatisantes et les moins irradiantes, pourraient voir évoluer ce
choix d’imagerie.
1- Technique d’exploration des voies lacrymales
par dacryoscanner :
Le but de cette exploration est de préciser, d’une part la morphologie
de l’ensemble de la voie lacrymale, le siège de l’obstacle et sa cause,
d’autre part l’état des cavités sinusiennes adjacentes et tout
particulièrement avant une DCR par voie endonasale.
L’acquisition hélicoïdale par coupes axiales couvrant l’ensemble du
massif facial, associée à l’opacification de la voie lacrymale, permet
de répondre à l’ensemble de ces questions.
* Réalisation pratique de l’examen
:
Après explication au patient, on l’installe sur la table du scanner,
menton légèrement relevé.
Le plan du canal lacrymonasal, oblique
en bas et en arrière, est ainsi rendu horizontal, et donc
perpendiculaire à l’axe de coupe, ce qui optimise la qualité des
reconstructions réalisées au décours de l’exploration, en diminuant
notamment les risques de distorsion de l’image.
Après instillation dans chaque oeil (pour éviter les clignements, et
rendre le cathétérisme quasi indolore) de quelques gouttes d’un
collyre anesthésique à l’oxybuprocaïne habituellement (Novésine),
on dilate le méat, puis on intube à l’aide de l’extrémité mousse d’un
cathéter 25 G purgé, l’orifice du canalicule supérieur du côté
pathologique.
Le cathéter est poussé si possible jusque dans le sac
lacrymal sans forcer, en suivant le trajet angulé du canalicule
d’union.
Le choix du canalicule supérieur permet de laisser intact
l’inférieur pour le clinicien.
Si ce cathétérisme est impossible (le méat
supérieur est souvent plus petit et moins bien visible que l’inférieur),
on utilise alors l’inférieur.
L’injection douce de sérum physiologique
(seringue de 5 mL), associée à un massage canthal interne, permet
un nettoyage de la partie supérieure de la voie lacrymale.
Ce geste
simple facilite le passage du produit de contraste et évite la création,
par les résidus mucopurulents, d’images lacunaires difficiles à
interpréter.
L’existence de sécrétions purulentes est notée dans le
compte rendu.
Cette injection est poursuivie jusqu’à obtention d’un
liquide clair.
Lors de l’injection, on vérifie le passage du sérum par
les voies lacrymales, en demandant au patient s’il ressent le liquide
couler dans sa gorge.
Enfin, on remplace la seringue de sérum
physiologique par une seringue de 5 mL de produit de contraste
iodé dilué au tiers.
Le mode radio réalisé cathéter en place permet de positionner une
pile de coupes fines (1,3 mm) entrelacées (espace intercoupe
0,6 mm), couvrant le massif facial, du palais osseux à la partie haute
des sinus frontaux.
L’injection du produit de contraste est
immédiatement suivie par l’acquisition hélicoïdale qui dure environ
50 secondes, pendant laquelle le patient doit rester parfaitement
immobile.
Le cathéter est alors enlevé après rinçage de la voie
lacrymale.
L’examen est terminé pour le patient.
Après transfert sur
une console de traitement, la pile de coupes est traitée en mode MPR
(MultiPlanar Reconstruction).
On obtient d’une part une analyse fine, dans tous les plans de
l’espace, de la voie lacrymale, et en particulier dans le plan sagittal,
d’autre part une étude détaillée du massif facial (sinus et fosses
nasales, orbites, etc).
* Incidents, accidents, contre-indications
:
Il n’y a pas de contre-indication absolue au scanner.
L’agitation du
patient peut cependant rendre impossible la réalisation d’une
acquisition hélicoïdale (pas de reconstruction possible).
Si le cathétérisme peut être difficile en cas d’interventions antérieures
ou d’inflammation importante, les échecs restent rares. Entre des
mains expérimentées, il n’y a pas de complications.
La dose au cristallin n’est pas totalement négligeable : environ 1,8 à
2,6 mSv (contre 0,04 à 0,2 mSv pour la dacryocystographie standard).
2- Dacryoscanner normal
:
* Canalicules lacrymaux et canalicule commun
:
Ils sont vus de manière inconstante, par opacification directe ou par
reflux.
* Sac lacrymal
:
Le sac lacrymal est toujours visualisé s’il est présent.
Il est
normalement oblong et se projette au niveau de l’agger nasi, ou en
avant de lui dans 90 % des cas, en arrière dans 10 % des cas.
Cette
situation variable peut expliquer certains échecs de la DCR externe,
le sac étant malencontreusement abouché dans une cellule
ethmoïdale borgne.
* Canal lacrymonasal
:
Le canal lacrymonasal est visualisé sur tout son trajet.
Il peut
être discrètement irrégulier, et son calibre variable d’un individu à
l’autre.
À sa sortie, le produit de contraste tapisse les parois du méat
nasal inférieur et passe dans le cavum.
Parfois, lorsque la voie
lacrymale est large, le produit peut passer très rapidement dans les
fosses nasales.
Le canal lacrymonasal reste alors opacifié de manière
incomplète, pouvant faire évoquer une sténose.
L’absence de reflux
lors de l’injection, et la sensation par le patient de liquide dans la
gorge permettent le diagnostic différentiel avec une obstruction.
3- Dacryoscanner pathologique
:
* Anomalies canaliculaires
:
Le diagnostic des sténoses est avant tout clinique.
Il faut se méfier
de l’interprétation des images canaliculaires du dacryoscanner, les
canalicules normaux étant opacifiés de manière inconstante.
Les
sténoses canaliculaires complètes entraînent un défaut
d’opacification de la voie lacrymale d’aval.
Les fistules congénitales, développées le plus souvent entre un
canalicule et la peau, sont en revanche bien explorées par le dacryoscanner, qui en précise le trajet.
* Anomalies du sac
:
La dilatation est habituelle au-dessus d’un obstacle qui siège le plus
souvent à la jonction du sac et du canal lacrymonasal.
Le
contenu du sac peut être homogène et ses limites régulières, ou le
sac peut présenter des images de diverticule ou de cloisonnement
(synéchies).
Un niveau liquide déclive traduit l’existence d’une dacryocèle, parfois partiellement exclue et mal opacifiée.
Elle est
bien mise en évidence sur les clichés en fenêtre parenchymateuse,
où elle se traduit par une masse arrondie de densité variable,
siégeant dans la gouttière lacrymale, soulevant les parties molles du canthus interne et pouvant agrandir l’orifice supérieur du canal
lacrymonasal osseux.
Les sacs atrésiques sont plus rares.
Le sac peut aussi être comprimé
et refoulé par une lésion expansive canthale interne, développée ou
non aux dépens des voies lacrymales.
Un complément
d’investigation de la masse par IRM peut être proposé.
* Anomalies du canal lacrymonasal
:
Le canal osseux peut avoir un calibre rétréci par rapport au canal
controlatéral, et créer un obstacle naturel à l’écoulement des larmes.
Il est parfois dilaté, essentiellement à son origine, par un processus
expansif d’évolution lente (dacryocèle chronique, plus rarement
tumeur).
Après un traumatisme (accident, geste chirurgical), un
fragment osseux ou une synéchie peut obstruer la lumière du canal.
Le passage du produit de contraste peut être inexistant ou se faire
directement dans les cavités sinusiennes, adjacentes à une solution
de continuité osseuse.
L’aspect du canal muqueux après opacification lors du bilan des
larmoiements est variable : canal fin ou irrégulier, aspect moniliforme, remplissage incomplet, l’arrêt le plus fréquent étant à
la partie haute du canal.
Si le siège de l’obstacle est facile à définir, sa nature en revanche
reste souvent du domaine de la supposition.
La voie lacrymale peut
être visualisée dans son ensemble dans les sténoses basses
(diaphragme à l’orifice inférieur du canal lacrymonasal). Le
diagnostic d’obstruction basse repose sur l’absence de visualisation
de produit de contraste au-delà du canal.
Le passage lors du dacryoscanner peut se faire avec un délai après l’injection, toujours
à pression douce, ce qui explique l’apparente contradiction possible
entre larmoiement clinique et dacryoscanner normal.
La perméabilité en imagerie, au moins partielle, des voies
lacrymales, est attestée par la présence de produit de contraste dans
le cavum sur les coupes les plus basses.
* Sinus
:
Leur morphologie oriente l’acte opératoire endoscopique et doit
donc être décrite avant tout geste endonasal.
En particulier, on note
la position de l’agger nasi par rapport au sac lacrymal, la
morphologie du processus unciné et du cornet moyen (concha
bullosa, horizontalisation), l’aspect du méat moyen, l’épaisseur de
l’os en regard de la zone de dacryostomie (plus fin en regard de la
partie inférieure du sac et supérieure du canal, car constitué par l’os
lacrymal), l’existence de signes inflammatoires ou infectieux.
En cas d’intervention antérieure inefficace, on précise la cause de
l’échec : ouverture du sac dans une cavité sinusienne borgne,
synéchie de la fosse nasale dans le foyer opératoire.
En conclusion, le dacryoscanner est un examen morphologique
simple et rapide.
Il est souvent nécessaire dans le bilan des
larmoiements par obstacle bas (sac, canal lacrymonasal).
Il est indispensable avant tout geste endoscopique, d’une part pour
apprécier le siège de l’obstacle et l’aspect de la voie lacrymale,
notamment la taille du sac, et surtout d’autre part pour établir le
bilan de l’état des fosses nasales (position de l’agger nasi, état du
cornet moyen et du méat moyen) et des rapports des voies
lacrymales avec les cavités sinusiennes de la face.
Principes chirurgicaux
de la dacryocystorhinostomie :
On définit trois principes chirurgicaux fondamentaux.
A - PREMIER PRINCIPE
:
La DCR doit respecter la pompe lacrymale.
Cette pompe lacrymale
siège au niveau des canalicules palpébraux.
Du fait de l’action
antagoniste de la paroi élastique des canalicules et du muscle de Duverney-Horner, est réalisé un véritable système péristaltique à
piston, où les deux méats lacrymaux s’accolent l’un contre l’autre au
moment du clignement ; puis les canalicules, dans leur portion
palpébrale, se compriment vers l’angle interne, pour pousser les
larmes vers le canalicule d’union et le sac lacrymal.
Le sac lacrymal
est le réservoir « tampon » du système lacrymal excréteur.
Il assure
l’évacuation des larmes, en grande partie par résorption et, en cas
d’afflux plus important, par vidange dans la fosse nasale.
Le canal lacrymonasal qu’on ne sait pas bien, pour le moment réhabiliter, est,
dans la DCR, court-circuité et abandonné à son sort.
B - DEUXIÈME PRINCIPE
:
La néocommunication entre les voies lacrymales et la fosse nasale doit
être la plus large possible : le sac lacrymal doit devenir une partie de
la fosse nasale.
En effet, dans la DCR, il faut éviter que le sac
lacrymal ne persiste même partiellement, et n’entraîne la formation
d’un néosac, lui aussi à son tour, éventuellement dilaté : il faut
obtenir une marsupialisation complète.
C - TROISIÈME PRINCIPE
:
Étant donné le bouleversement du système anatomique qu’implique
la réalisation de la DCR, il ne faut aucun obstacle au passage des
larmes, du canalicule vers la cavité nasale.
Si le canalicule d’union
ne débouche pas en plein dans la stomie réalisée et qu’au contraire
se construit un trajet en baïonnette, le risque d’échec, notamment au
plan du larmoiement, est important.
Certes, le problème infectieux
est peut-être réglé, mais le patient est déçu, car il reste gêné par le
larmoiement persistant.
Le canalicule d’union doit donc s’ouvrir en
regard de la DCR pour un résultat durable.
Ce principe est accepté par
de nombreux auteurs qui pratiquent donc de la
même façon une ouverture haute du sac lacrymal au niveau du
canal d’union.
Nous réalisons donc un abord direct du sac lacrymal,
contrairement à Rouvier qui, en 1981, préconisait le fraisage de la
bosse lacrymale pour aborder le canal lacrymonasal.
Tous ces principes peuvent, bien entendu, être parfaitement
respectés dans la DCR par voie externe.
Mais, outre le risque de
cicatrice cutanée, il y a aussi celui d’altérer le mécanisme subtil de la
pompe lacrymale ; il y a aussi la difficulté à analyser le versant nasal
de l’anastomose construite.
La voie endonasale apporte « un plus » dans ce domaine.
Elle
permet en effet un respect total des éléments cutanés et de la
structure délicate du canthus interne.
Mais cette voie d’abord
élégante n’est valable que si l’on réalise en endoscopie nasale la
même chose que ce qu’on réalise par voie externe, c’est-à-dire une
ouverture complète de toute la face interne du sac lacrymal,
éventuellement de la partie supérieure du canal lacrymonasal, et ceci
depuis le sommet, très près duquel débouche habituellement le
canalicule d’union.