D-dimères et diagnostic de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire

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Introduction :

Dans la stratégie diagnostique de la thrombose veineuse ou de l’embolie pulmonaire, l’étape clinique est incontournable, mais reste insuffisante à elle seule.

Afin de réduire l’utilisation des techniques d’imagerie parfois coûteuses et invasives, il est important d’avoir un test simple, reproductible, efficace, peu coûteux et utile dans la stratégie.

Le dosage plasmatique des D-dimères, produits de dégradation spécifiques de la fibrine, est un test biologique potentiellement utile, adapté au dosage unitaire et qui permet d’avoir des résultats dans un délai court compatible avec la notion d’urgence relative attachée au diagnostic de maladie thromboembolique.

Qu’est-ce qu’un D-dimère ?

Les D-dimères résultent de la formation puis de la lyse d’un thrombus.

Il y a d’abord formation de la fibrine qui, avec les éléments figurés du sang, les hématies principalement, constitue l’essentiel du thrombus veineux.

D-dimères et diagnostic de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire

Ensuite, le facteur XIII (stabilisant la fibrine) crée des liaisons covalentes entre les extrémités C-terminales du domaine D de la molécule de fibrine, ce qui stabilise le gel de fibrine.

Enfin, la plasmine générée au contact du thrombus, protéolyse la fibrine en respectant les liaisons entre deux domaines D, ce qui donne naissance à de nombreuses variétés de produits de dégradation de la fibrine stabilisée contenant les domaines D-D, d’où le nom de D-dimères.

Des anticorps monoclonaux spécifiques du motif D-D permettent de doser les D-dimères.

Antoine Elias : Praticien hospitalier.

Bernard Boneu : Professeur d’hématologie, praticien hospitalier. Service de médecine vasculaire, CHU Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31403 Toulouse cedex 4, France.

Principe des méthodes de dosage :

Il en existe plusieurs.

Les plus anciens sont les tests d’agglutination sur lame de particules de latex recouvertes d’anticorps spécifiques.

Ces tests ont une sensibilité insuffisante pour être utilisés en pratique.

Les tests de référence font appel à des méthodes de type enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) sur plaque.

Ces méthodes ne sont pas adaptées à l’urgence.

Il existe maintenant de nombreuses autres méthodes sensibles, unitaires, dont le résultat peut être obtenu rapidement.

Les plus utilisées en France sont la méthode VIDAS-Biomérieuxt (technique Elisa automatisée) et la méthode Liatest Stagot (technique turbidimétrique d’agglutination de microparticules de latex recouvertes d’anticorps).

Les résultats sont exprimés en unité D-dimères ou en unité de fibrinogène équivalente.

La limite supérieure du taux normal varie selon la méthode de dosage et les réactifs utilisés qu’il est indispensable de connaître. Pour qu’un test soit acceptable avant de le comparer à une méthode de référence, sa reproductibilité doit être excellente et le coefficient de variation faible.

Performances des tests :

Une revue de la littérature des résultats d’études comparant les D-dimères à une méthode diagnostique de référence montre une sensibilité et une valeur prédictive négative qui rendent ces tests potentiellement utiles pour la pratique.

Cette sensibilité est meilleure pour les tests Elisa conventionnels (97 à 98 %) et pour les tests Elisa rapides (98 à 100 %), que pour les tests d’agglutination au latex sur plasma (83 à 92 %) ou sur sang total (82 à 97 %).

Une comparaison directe pour le diagnostic d’exclusion de l’embolie pulmonaire confirme cet écart de sensibilité : 97 % pour le VIDASt et 73 % pour le SimpliRedt (test sur sang total).

Le taux des D-dimères reste élevé longtemps après l’initiation du traitement anticoagulant, alors que les autres marqueurs d’activation de la coagulation (fragments 1-2 de la prothrombine ou les complexes thrombine-antithrombine) se normalisent rapidement.

Ceci confère une robustesse à la sensibilité du test.

Cependant, de faux négatifs indépendants de la technique existent : il s’agit essentiellement de thromboses veineuses de faible étendue, souvent distales et dont la signification clinique est discutée.

La spécificité de dosage des D-dimères est faible. Elle n’est que de 20 à 40 %.

Une augmentation de dosage du taux des D-dimères peut se rencontrer effectivement dans différentes circonstances autres que la thrombose : âge avancé, grossesse, post-partum, période postopératoire, traumatisme, hématome, état inflammatoire ou infectieux, cancer, pathologie artérielle thrombotique aiguë.

La spécificité est donc faible, en particulier chez les malades hospitalisés atteints de pathologies complexes, mais s’améliore modérément chez les sujets jeunes non hospitalisés.

Place des D-dimères dans le diagnostic de la maladie thromboembolique :

La sensibilité et la valeur prédictive négative excellentes pour certains tests ont permis de les inclure dans des stratégies de diagnostic de la thrombose ou de l’embolie en les faisant intervenir comme éléments de diagnostic d’exclusion de la maladie.

La sécurité d’utilisation des D-dimères est ainsi jugée sur la très faible incidence d’événements thromboemboliques en l’absence de traitement anticoagulant chez les patients testés négatifs suivis sur 3 mois au moins. Cette évaluation d’efficacité pratique permet ainsi de démontrer l’utilité du test ou de la stratégie.

Une analyse coûtefficacité des différentes prises en charge diagnostiques permet le choix de la stratégie la plus efficiente au plan médicoéconomique.

Pour le moment, cinq études cliniques ont démontré une valeur prédictive négative acceptable pour les D-dimères : suspicion de thrombose veineuse, d’embolie pulmonaire, ou des deux. Seule la dernière étude a inclus le dosage des D-dimères (test VIDASt) en première intention.

Pour pouvoir l’utiliser ainsi, la sensibilité du test doit être proche de 100 % et la prévalence de la maladie relativement faible (23 à 24 % dans cette étude), afin d’assurer une excellente valeur prédictive négative.

Dans cette cohorte de patients externes, la proportion de D-dimères négatifs est d’environ 30 %. Cette étude a inclus deux groupes de patients.

– Dans le sous-groupe de patients ayant une suspicion de thrombose veineuse, la stratégie utilise aussi les ultrasons, la probabilité clinique a priori et, dans moins de 1 %, la phlébographie.

Le risque thromboembolique sur 3 mois avec intervalle de confiance à 95 % est de 2,6 % (1,2-4,9).

Comparativement, dans l’autre approche diagnostique des thromboses veineuses symptomatiques qui consiste à utiliser d’abord les ultrasons puis les D-dimères avec le test Instant-IAt, et si nécessaire à répéter les ultrasons (9 % des cas), le risque thromboembolique est de 0,4 % (0-0,9).

– Dans le sous-groupe de patients avec suspicion d’embolie pulmonaire, la stratégie utilise aussi les ultrasons, la scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion, la probabilité clinique a priori et dans moins de 5 % l’angiographie pulmonaire ; le risque thromboembolique est de 0,9 % (0,2 – 2,7).

Il existe d’autres indications possibles de l’utilisation des D-dimères qui nécessitent d’être plus évaluées, et en particulier le dépistage des thromboses veineuses profondes asymptomatiques, le diagnostic des récidives, l’aide à la décision d’arrêter le traitement anticoagulant.

Conclusion :

Pour qu’un test D-dimère puisse être utilisé, il doit être reproductible, sensible et son utilité pratique doit avoir été démontrée dans une étude de suivi clinique.

Son intégration dans le schéma diagnostique doit être appliquée à l’algorithme utilisé.

Si les conditions cliniques de validation du test sont comparables à celles où il est utilisé en pratique, en cas de probabilité clinique faible ou intermédiaire, un D-dimère négatif suffit pour exclure le diagnostic ; en cas de forte probabilité, la poursuite des investigations est nécessaire.

Par ailleurs, pour assurer une bonne rentabilité, le test doit avoir une spécificité acceptable.

Les patients externes réunissent les deux conditions qui améliorent à la fois l’efficacité et la rentabilité : une faible prévalence et une comorbidité associée rare.

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