Cytologie et histologie médullaires normales Cours
d'hématologie
Myélogramme et cytologie médullaire
normale
:
A - PONCTION MÉDULLAIRE
:
La ponction-aspiration (myélogramme) est la technique de choix
pour évaluer la cellularité globale de la moelle osseuse, réaliser une
analyse cytologique des cellules médullaires, en apprécier la
répartition des différentes lignées hématopoïétiques et la maturation
cellulaire au sein de chaque lignée (décompte différentiel).
1-
Siège de la ponction
:
Chez l’adulte, on ponctionne le manubrium sternal, l’épine iliaque antérosupérieure ou de préférence postérosupérieure, l’os y étant
moins résistant.
Chez l’enfant, on préfère l’épine iliaque postérosupérieure ; chez le plus jeune, la ponction peut aussi
intéresser l’apophyse épineuse d’une vertèbre lombaire ou,
exceptionnellement (chez le nourrisson), la tubérosité tibiale
antérieure.
L’épine iliaque postérosupérieure est en général le lieu
de choix pour le prélèvement.
Le lieu de ponction doit être adapté à
certaines circonstances particulières : éviter le sternum chez un sujet
ayant un antécédent de sternotomie, éviter les territoires ayant été
irradiés.
2- Technique de ponction
:
Le myélogramme est habituellement un examen sans danger.
Afin
de le mettre en confiance, il est essentiel que quelques mots
d’explication soient donnés au patient sur la procédure utilisée et
sur ce qu’on attend de cet examen.
Le classique trocart de Mallarmé a laissé la place à des aiguilles à
usage unique type aiguille d’Illinois, de diamètre variable en
fonction de l’âge du patient (15 gauge pour un adulte, 18 gauge
pour un enfant).
Cette aiguille à ponction médullaire est ajustable
en longueur (de 10 à 48 mm) grâce à une butée à vis qui permet de
contrôler la pénétration osseuse.
Cette butée est retirée lorsqu’on
ponctionne l’épine iliaque postérosupérieure d’un patient ayant un
pannicule adipeux d’une certaine épaisseur.
Une anesthésie locale est en principe inutile, car elle ne supprime
pas le moment douloureux de l’aspiration et prolonge l’acte.
Une
analgésie cutanée peut être réalisée par l’application d’une crème lidocaïne-prilocaïne.
La crème doit être appliquée en couche épaisse, sans masser, et recouverte d’un pansement occlusif (Emlatcrème à
5 %, Emlapatcht).
L’anesthésie obtenue est strictement superficielle
et dure en moyenne 2 heures.
Une analgésie au protoxyde d’azote
peut être utilisée chez l’enfant.
Après une large désinfection cutanée et après avoir revêtu des gants
stériles, l’opérateur traverse perpendiculairement les plans cutanés
et la corticale osseuse.
Le mandrin du trocart est retiré et avec une
seringue étanche sèche de 20 mL on réalise une aspiration brève
mais énergique, qui provoque souvent chez le patient une sensation
d’« arrachement ».
L’ensemble trocart-seringue est retiré dès qu’une
goutte de suc médullaire apparaît dans la seringue.
Il est inutile de prélever plus de 1 mL de moelle, sous peine
d’hémodilution.
S’il est nécessaire de faire un prélèvement plus
important pour d’autres examens que le myélogramme, on prélève
plusieurs seringues (d’autant qu’elles doivent alors être héparinées),
le premier échantillon, le moins abondant, étant réservé à la
confection des étalements.
3- Problèmes techniques et incidents :
La ponction peut être blanche : après s’être assuré de la bonne
position du trocart, on le déplace légèrement et on renouvelle
l’aspiration.
En cas de nouvel échec et si le malade a ressenti une
impression d’arrachement au cours de l’aspiration, on retire
l’ensemble et on effectue un ou deux frottis avec la goutte de suc
médullaire présent dans le trocart.
Souvent cet « échec » correspond
à une moelle désertique, fibreuse ou envahie par des métastases.
Chez les sujets âgés ostéoporotiques et surtout dans des cas de
myélome, la friabilité de l’os peut entraîner une incertitude sur la
pénétration dans la cavité médullaire.
Le traitement anticoagulant ou antiagrégant, les troubles de
l’hémostase ou la thrombopénie ne sont pas une contre-indication
au myélogramme.
Le saignement qui peut se produire est minimisé
par une pression directe sur le site de ponction.
Le risque de blessure des vaisseaux rétrosternaux au cours d’une
ponction sternale est naturellement prévenu si on ne ponctionne que
le manubrium et non le corps du sternum.
4- Confection des frottis :
Le suc médullaire coagule vite et les étalements doivent être réalisés
rapidement.
Le suc prélevé est expulsé sur une ou plusieurs lames
de verre.
Les grumeaux médullaires sont isolés par inclinaison de la
lame ou réaspiration du sang le diluant.
Les étalements sont
effectués à partir des grumeaux médullaires transférés sur le bord
d’une lame rodée, en poussant (et non en tirant) la petite quantité
de suc médullaire prélevé avec le bord de la lame, le long d’une
autre lame parfaitement propre et dégraissée.
Les frottis
doivent être fins (couche monocellulaire) et nombreux (une dizaine),
permettant si nécessaire la réalisation de techniques cytochimiques
ou immunocytochimiques. Ils sont séchés à l’air.
Une partie d’entre
eux (quatre ou cinq) est colorée au May Grünwald-Giemsa.
La
coloration de Wright, utilisée dans les pays anglo-saxons, donne des
résultats semblables.
Les lames non colorées peuvent être utilisées
pour des réactions cytochimiques, colorées dans un second temps
(recherche de métastases, lymphocytose hétérogène...), ou congelées
pour des réactions immunocytochimiques.
Si les techniques immunocytochimiques peuvent être directement effectuées sur les
frottis non colorés récents, ou après congélation, il est cependant
préférable d’avoir recours à un autre prélèvement, anticoagulé, de
manière à pouvoir l’enrichir en cellules à tester, par centrifugation
ou par séparation sur gradient de sédimentation.
On effectue alors
secondairement des frottis en nombre adapté au nombre d’anticorps
à tester.
Certains utilisent la technique du « grumeau écrasé ».
Après
prélèvement d’un grumeau médullaire à l’aide d’un coin de lame,
celui-ci est écrasé entre deux lames qui sont ensuite séparées par
traction délicate en sens opposés.
Cette technique donne une
meilleure idée de la cellularité médullaire et permet plus facilement
le dépistage de cellules anormales, mais rend l’analyse de la
morphologie cellulaire plus difficile.
B - MYÉLOGRAMME NORMAL :
1- Méthode d’observation
:
Toutes les lames colorées d’un même myélogramme doivent être
examinées.
* Examen au faible grossissement :
L’observation est d’abord effectuée à un faible grossissement de
manière à dépister des éléments cellulaires anormaux et à apprécier
la richesse cellulaire.
Ce temps d’étude quantitative est important,
car c’est en fonction de la richesse médullaire globale que sont
interprétés les pourcentages respectifs de chaque lignée.
La moelle est « normalement riche » (normocellulaire) lorsque les
frottis montrent une surface d’hématies à peu près égale à celle
recouverte par les cellules nucléées.
Cette richesse peut être
augmentée en cas d’hyperplasie médullaire globale ou prédominant
sur une lignée, ou très augmentée dans les proliférations
médullaires, réalisant alors une nappe de cellules nucléées entre
lesquelles il n’y a pas de place pour les hématies. Inversement, les
frottis peuvent être hypocellulaires, un décompte devenant alors
impossible à établir lorsqu’ils sont trop pauvres, voire désertiques.
Dans ces derniers cas d’hypocellularité, le cytologiste doit éliminer
la cause d’erreur la plus importante de l’appréciation de la richesse
médullaire que représente la dilution du suc médullaire par des
éléments d’origine sanguine (cellularité constituée par une majorité
de polynucléaires et de lymphocytes).
Toujours au faible grossissement, on apprécie la richesse des frottis
en mégacaryocytes, en les recherchant préférentiellement en queue
de frottis.
On en dénombre à l’état normal de 8 à 20 par lame.
Ils
peuvent être, selon l’activité de cette lignée, plus ou moins
nombreux, voire absents.
Ici encore, leur raréfaction n’est
interprétable qu’en l’absence d’hémodilution.
Les mégacaryocytes
habituellement identifiés sont des mégacaryocytes granuleux
(grandes cellules de 40-60 µm à noyau multilobé et cytoplasme
acidophile granulaire) et des mégacaryocytes plaquettogènes
(noyau pycnotique et cytoplasme intensément acidophile libérant
des plaquettes).
Occasionnellement, on peut identifier
quelques mégacaryocytes basophiles, voire des mégacaryoblastes.
Cette appréciation de la richesse en mégacaryocytes est semiquantitative
et ceux-ci qualifiés de « nombreux ou très nombreux »,
ou au contraire de « peu nombreux, rares ou très rares ».
Le faible grossissement permet aussi de dépister des éléments
normaux mais présents en petit nombre et de grande taille :
ostéoblastes, ostéoclastes, histiocytes-macrophages.
En pathologie,
c’est au faible grossissement que sont décelés des groupements de
cellules métastatiques ou de volumineuses cellules de surcharge.
Enfin, le faible grossissement permet de choisir les zones les plus
riches et les mieux étalées pour l’observation au fort grossissement.
* Examen au fort grossissement
:
Le fort grossissement (X 40 à X 100 à immersion) permet d’abord
une analyse cytologique, à la recherche d’anomalies
morphologiques.
La suite de l’examen établit le pourcentage des
différents éléments de chaque lignée myéloïde (à l’exception de la
lignée mégacaryocytaire) et de la lignée lymphoïde.
Le pourcentage
est établi après décompte de 100 à 300 éléments distribués dans des
champs contigus, en éliminant les cellules en mitose, les cellules
écrasées, mal ou non identifiables.
Ce décompte de chaque catégorie cellulaire permet d’apprécier une
maturation harmonieuse normale caractérisée par une distribution
pyramidale avec peu de cellules jeunes et davantage de cellules
matures.
Le pourcentage global de chaque lignée permet de mettre en
évidence un éventuel déséquilibre dans leur répartition (hyper- ou
hypoplasie érythroblastique ou granuleuse).
Une conclusion synthétique est donnée par le cytologiste, en
fonction des données quantitatives et qualitatives, après avoir pris
connaissance de l’âge du sujet et de sa présentation clinique et
biologique.
2- Artefacts
:
Certaines cellules, sans être écrasées, peuvent être aplaties : leur
cytoplasme est déformé, déplacé à un pôle de la cellule, constituant des
appendices, et leur noyau comporte une chromatine un peu «
vermiculée ».
Certaines cellules peuvent être réduites à un aspect de noyaux nus
avec la présence de quelques mottes basophiles correspondant à des
fragments de cytoplasme.
Les lymphocytes sont des cellules très fragiles : leur cytoplasme et
leur noyau peuvent être lésés, réduits à l’état d’ombre nucléaire.
Une épaisseur excessive des frottis entraîne une réduction de la taille
des cellules qui sont alors très ramassées ; leur identification peut
être erronée et ces zones épaisses sont à éviter.
La superposition de certains éléments peut donner de fausses
images de phagocytose.
Cependant, la présence d’éléments
cellulaires dans le cytoplasme d’un mégacaryocyte peut
correspondre à une image dynamique (phénomène d’empéripolèse).
La présence de ponts intercellulaires ou interchromatiniens dus à
un rinçage trop énergique des frottis est un artefact éliminé par les
colorateurs automatiques.
3- Cellules extrahématopoïétiques :
Il est possible de rencontrer sur des frottis de moelle normale des
cellules appartenant aux plans cutanés et sous-cutanés : cellules
épidermiques, cellules épithéliales des glandes sébacées et
sudoripares, cellules graisseuses.
Les cellules vasculaires
endothéliales réalisent des axes ou des amas de cellules aplaties,
fusiformes, à ne pas confondre avec des cellules étrangères
tumorales ayant envahi la moelle.
Des cellules de grande taille de l’épithélium buccal contenant des
bactéries peuvent souiller les frottis à la suite de projection de salive
sur les lames.
Des cellules proprement osseuses peuvent se rencontrer sur un
myélogramme, surtout chez l’enfant ou chez les sujets porteurs de
remaniements osseux pathologiques.
Les ostéoblastes sont des
cellules ovoïdes, au cytoplasme abondant, basophile, comportant
une zone claire éloignée du noyau, qui est excentré, à chromatine
fine et nucléolée.
Ils sont souvent groupés en petits îlots et sont à
différencier des plasmocytes et d’amas de cellules
métastatiques.
Les ostéoclastes, cellules géantes multinucléées,
au cytoplasme étendu contenant des granulations, sont à différencier
des mégacaryocytes.
4- Décompte d’un myélogramme normal
:
Après évaluation de la richesse médullaire et de la richesse en
mégacaryocytes, les valeurs relatives de chaque lignée sont
déterminées.
Chez l’adulte, la lignée granuleuse représente entre 60 et 70 % des
éléments nucléés, la lignée érythroblastique de 15 à 30 %, les
lymphocytes de 5 à 15%, les plasmocytes de 0 à 3 % et les
monocytes de 0 à 2%.
La maturation des précurseurs granuleux permet d’identifier quatre
stades morphologiques :
– le myéloblaste (10 µm) a un volumineux noyau à chromatine fine
et nucléolée, un cytoplasme réduit, basophile, avec quelques
granulations azurophiles ;
– le promyélocyte (de 15 à 20 µm) a un noyau excentré, à
chromatine fine mais sans nucléole, un cytoplasme étendu,
basophile, contenant de nombreuses granulations azurophiles et une
zone claire juxtanucléaire ;
– le myélocyte est plus petit, à chromatine légèrement acidophile
contenant quelques granulations azurophiles et surtout des
granulations neutrophiles ;
– le métamyélocyte a un noyau incurvé en fer à cheval et une
chromatine plus condensée ; ce noyau se segmente en plusieurs
lobes au stade de polynucléaire ;
– quelques éosinophiles peuvent être identifiés à partir du stade
myélocyte.
La maturation des précurseurs érythroblastiques permet de reconnaître
quatre stades morphologiques :
– le proérythroblaste (de 20 à 25 µm) est une cellule arrondie à
noyau volumineux et à chromatine fine, « perlée », comportant un ou deux nucléoles ; le cytoplasme, très basophile et dépourvu de
granulations, entoure complètement le noyau ;
– l’érythroblaste basophile (de 15 à 18 µm) est aussi arrondi, mais
son noyau est moins volumineux et sans nucléole ; le cytoplasme est
toujours basophile, un peu plus étendu ;
– l’érythroblaste polychromatophile (de 12 à 15 µm) a un noyau plus
petit et une chromatique épaisse ; le cytoplasme est violacé ;
– l’érythroblaste acidophile (de 9 à 10µm) a un petit noyau très
dense et un cytoplasme proche de celui du globule rouge.
5- Variations physiologiques :
La richesse de la moelle et les pourcentages des différentes lignées
varient entre la naissance et l’âge adulte.
À la naissance, la moelle est très riche.
Cette richesse diminue dès le
septième jour pour se normaliser entre le premier et le troisième
mois.
À la naissance, il existe une hyperplasie physiologique de la lignée érythroblastique (de 30 à 45 %), suivie au huitième jour par une
érythroblastopénie (de 8 à 12%).
La valeur adulte est atteinte vers
2 à 3 mois.
Le pourcentage des lymphocytes médullaires est nettement
augmenté chez le jeune enfant : de 20 à 30 % dès le septième jour et
jusqu’au sixième mois.
Cette lymphocytose s’accompagne de
précurseurs lymphoïdes (hématogones), en général inférieurs à 10 %
et variant selon les territoires médullaires examinés.
6- Réserves médullaires en fer :
Une coloration de Perls (au bleu de Prusse) met en évidence de 20 à
40 % de sidéroblastes de type 1 sous forme d’érythroblastes
contenant, dispersés dans leur cytoplasme, de un à cinq grains de
fer (ferritine et micelles d’hémosidérine), à la limite de la visibilité.
Quelques grains de fer sont aussi visibles dans les macrophages.
La
présence de sidéroblastes de type 2 (nombreux grains de fer très
visibles) ou a fortiori de type 3 (sidéroblastes en couronnes) traduit
une surcharge pathologique en fer des érythroblastes.
7- Valeur diagnostique du myélogramme
:
Ce sont les anomalies de l’hémogramme qui conditionnent en
premier lieu les indications du myélogramme et donc les résultats
que l’on peut en attendre.
En dehors de la présence dans la moelle
de cellules anormales, le myélogramme peut montrer des anomalies
quantitatives dans la répartition des différentes lignées, ou des
altérations qualitatives des éléments cellulaires, globales ou portant
électivement sur une lignée myéloïde.
Devant une cytopénie, le
myélogramme permet d’éliminer une origine centrale et il est de ce
fait normal dans les cytopénies de cause périphérique.
En dehors de toute anomalie de l’hémogramme, le myélogramme
est aussi pratiqué au cours du bilan d’extension de certaines
affections malignes : lymphome, maladie de Hodgkin, cancers.
Il est
souvent normal dans ces cas ; il peut même être normal en présence
d’une localisation hodgkinienne ou d’une métastase de cancer
lorsque celles-ci sont entourées de fibrose et ne sont pas aspirées à
la ponction.
Elles ne sont alors détectables qu’en histologie et la
biopsie médullaire est plus appropriée que le myélogramme dans
cette indication.
Biopsie médullaire et histologie
médullaire normale :
A - BIOPSIE MÉDULLAIRE :
En permettant l’analyse de 10 à 20 espaces médullaires, la biopsie
médullaire fournit des données quantitatives plus précises que le
myélogramme qui peut sous-estimer la richesse médullaire.
Elle
permet l’étude du stroma médullaire, inaccessible à la ponction.
Elle
a une meilleure sensibilité que le myélogramme pour la détection
de cellules tumorales.
Ainsi, la biopsie médullaire trouve son
indication lorsque la ponction-aspiration ramène une moelle peu
cellulaire et qu’il faille soit confirmer une hypoplasie, soit démontrer
une fibrose.
Elle est aussi réalisée dans le cadre du bilan d’extension
d’un lymphome, d’une maladie de Hodgkin, d’une tumeur solide.
L’identification des populations cellulaires est cependant plus
difficile sur coupes histologiques que sur les frottis d’un
myélogramme.
B - TECHNIQUE DE PRÉLÈVEMENT :
On utilise habituellement un trocart de Jamshidi à usage
unique de diamètre 11 gauge.
Le trocart snarecoil de Goldenberg est
semi-automatique, évitant les mouvements de rotation et réduisant
le traumatisme du fragment médullaire.
Son coût est cependant
beaucoup plus élevé.
La biopsie est réalisée en épine iliaque antérosupérieure ou le plus
souvent postérosupérieure. Un territoire précédemment irradié est
évité.
Le sujet est en décubitus ventral ou latéral.
Après désinfection
locale large avec un antiseptique iodé, la zone à ponctionner centrée
par un champ troué, les mains de l’opérateur protégées par des
gants stériles, l’opérateur réalise une anesthésie locale allant
jusqu’au périoste avec (selon l’épaisseur des tissus) de 10 à 20 mL
de lidocaïne à 1 % ou mieux à 2 %.
Le trocart est introduit par voie percutanée.
Après contact osseux, il
est introduit perpendiculairement à l’os sur 5 mm, jusqu’à traversée
de la corticale.
Le trocart reste alors fiché dans l’os ; le mandrin est
retiré et le trocart est enfoncé sur 2 cm environ dans la cavité
médullaire par des mouvements de rotation alternatifs du poignet.
L’attache inférieure du cylindre biopsié est rompue en effectuant des
rotations dans un sens puis dans l’autre.
Le trocart est retiré en
tournant dans un seul sens et la « carotte » est chassée dans le
liquide de fixation avec un stylet introduit par la partie distale du
trocart.
Un pansement compressif est mis en place et laissé
48 heures.
Lorsqu’une étude cytologique est nécessaire en même temps que
l’étude histologique médullaire, un myélogramme doit être réalisé
aussitôt après l’anesthésie et avant la biopsie.
La technique de
l’« empreinte » sur lames de la carotte biopsiée est déconseillée, car
toujours de cellularité réduite et de médiocre qualité.
C - PRÉPARATION DE LA BIOPSIE :
Le fragment médullaire prélevé doit être fixé dans du liquide de
Bouin ou du B5 (fixateur de Dubosq, à base de mercure).
Le formol
est déconseillé, sauf s’il s’agit d’un formol en solution isotonique
neutralisée.
La fixation optimale est de 5 heures environ, mais peut
se prolonger plusieurs jours sans inconvénient.
Le prélèvement subit
ensuite une décalcification à l’acide nitrique à 5 % pendant
12 heures).
L’inclusion se fait habituellement en paraffine, permettant de réaliser
des coupes de 5 µm.
L’inclusion en résine plastique permet des
coupes semi-fines de 2 à 3 µm et une bien meilleure définition des
structures cellulaires.
Les colorations utilisées sont le May-Grunwald-Giemsa, l’hématéineéosine-
safran et une coloration argentique pour révéler la trame de
réticuline.
D - MÉTHODE D’OBSERVATION :
Une biopsie médullaire représentative doit être suffisamment
profonde, et l’échantillon doit comporter au moins dix espaces
médullaires et être dépourvu d’artefacts.
À un faible grossissement, on apprécie le caractère représentatif de
la biopsie en nombre d’espaces médullaires analysables.
On évalue
la richesse cellulaire et le caractère homogène ou hétérogène de la
répartition des cellules myéloïdes.
À un plus fort grossissement, on apprécie le nombre des
mégacaryocytes par espace médullaire, le pourcentage appoximatif
des cellules granuleuses et érythroblastiques.
L’analyse cytologique
se fait conjointement avec l’étude du myélogramme, plus riche en
détails cellulaires, et l’interprétation finale est donnée en tenant
compte du contexte clinicobiologique.
E - ARTEFACTS :
Les biopsies tangentielles à la crête iliaque ne permettent d’analyser
que de petits espaces sous-corticaux, qui sont souvent en involution
adipeuse chez le sujet âgé.
Une infiltration sérohématique du tissu myéloïde peut soit expulser
totalement les cellules, soit les dissocier, rendant impossible
l’appréciation exacte de la richesse médullaire.
Les logettes médullaires peuvent être artificiellement vidées de leur
contenu lorsque le cylindre osseux biopsié est, à tort, expulsé en
force par le stylet introduit par l’extrémité proximale du trocart.
Des lamelles osseuses, artificiellement déplacées par la coupe d’un
bloc d’inclusion, entraînent avec elles des fibres réticuliniques qui
s’orientent en faisceaux parallèles faussement densifiés sous la
direction du déplacement.
La préparation technique doit être parfaite : des coupes trop épaisses
et/ou imparfaitement colorées ou surcolorées peuvent amener à des
erreurs d’identification des cellules.
F - HISTOLOGIE MÉDULLAIRE NORMALE :
La moelle osseuse est faite de plusieurs compartiments anatomiques
et fonctionnels contenus à l’intérieur d’une structure osseuse : un
réseau vasculaire, des cellules conjonctives associées à des
glycoprotéines matricielles constituant un tissu de soutien ou
stroma, et des cellules hématopoïétiques.
1- Richesse médullaire
:
Elle s’apprécie semi-quantitativement en tenant compte de la
proportion entre cellules hématopoïétiques et adipocytes.
Chez
l’adulte entre 20 et 60 ans, la proportion indiquant une richesse
cellulaire normale est de 50 %.
Il faut tenir compte des
variations de la répartition des cellules à l’intérieur d’un espace ou
d’un groupe d’espaces où peuvent voisiner des zones de cellularités
différentes.
La richesse cellulaire varie avec l’âge.
L’involution adipeuse
physiologique débute dès l’enfance et progresse avec l’âge.
Les
vésicules adipeuses représentent à 20 ans 35 % de la moelle osseuse.
Ce pourcentage augmente modérément jusqu’à 40 ans. À partir de
70 ans, les vésicules adipeuses représentent 70 % du tissu médullaire
total.
2- Structure osseuse :
Le tissu hématopoïétique est contenu dans des espaces médullaires
délimités par un réseau labyrinthique de lamelles osseuses
anastomosées entre elles.
Les lamelles osseuses enserrant les
ostéocytes sont bordées par une lame conjonctive, l’endoste,
contenant les ostéoblastes (d’origine conjonctive) et les ostéoclastes
(d’origine histiocytaire).
L’endoste représente une zone d’échange
entre l’os et le tissu myéloïde.
3- Réseau vasculaire médullaire
:
Le réseau vasculaire est représenté sur les biopsies par des
capillaires, prolongés par les sinusoïdes.
Leur lumière est vide ou contient quelques globules rouges et de rares polynucléaires.
Leur
basale réticulinique est tapissée de cellules endothéliales et sur leur
surface externe s’observent des macrophages.
La vascularisation est l’un des éléments essentiels de la
microstructure médullaire.
Les artères nourricières de l’os donnent
des ramifications satellites, puis des artérioles se divisant en
capillaires. Les sinusoïdes qui les prolongent réalisent un réseau
anastomotique de « sinus contournés ».
Ils sont collectés dans les
sinusoïdes droits aboutissant aux sinus centraux qui rejoignent les
veines émergeant de l’os.
Un réseau de filets nerveux double ce réseau vasculaire ; il est doté
de fonctions vasomotrices favorisant les migrations cellulaires.
La paroi des sinus est une zone d’échange entre le sang circulant et
les territoires hématopoïétiques extravasculaires.
La paroi comporte
des cellules endothéliales tapissant la face interne des capillaires
sinusoïdes. Le revêtement est continu, mince, renforcé dans la zone
du noyau.
Les cellules sont jointives et se recouvrent à leurs
extrémités par juxtaposition.
Cet endothélium permet le passage des
cellules souches sanguines vers les niches d’hématopoïèse (homing)
et le passage vers le sang circulant des cellules myéloïdes parvenues
à maturation (diabase).
La basale des sinus a une structure singulière, différente des basales
des autres vaisseaux dans l’organisme.
Elle présente un aspect de
condensation fibrillaire discontinue.
Le passage des cellules est transendothélial, au travers d’orifices temporaires se créant dans le
cytoplasme des cellules endothéliales, au contact des cellules prêtes
à la migration.
Ces orifices sont situés à distance du noyau, à
proximité des jonctions interendothéliales.
4- Stroma médullaire
:
Le stroma conjonctif est révélé par la coloration argentique.
Il se présente sous l’aspect d’un réseau grillagé de courtes fibres
colorées en noir, sous-tendant les massifs cellulaires, entourant les
cellules adipeuses et renforçant les basales des vaisseaux. Celles-ci
sont renforcées par du collagène adulte coloré par le trichrome de
Masson.
Ce stroma est constitué de cellules, de fibrilles de collagène et de
macromolécules glycoprotéiques.
Les cellules du stroma sont d’origine conjonctive. Elles dérivent
d’une cellule souche colony forming unit-fibroblastic, différente de la
cellule souche hématopoïétique.
Elle a la capacité de se différencier
en divers types cellulaires : cellules réticulaires fibroblastiques,
cellules endothéliales, adipocytes, ostéoblastes.
Le contact entre ces éléments et les cellules myéloïdes est direct,
mettant en jeu des molécules d’adhésion dont les récepteurs
homologues sont portés par les cellules myéloïdes.
* Cellules réticulaires fibroblastiques :
Ces cellules sont aussi désignées par les termes de fibroblastes, myofibroblastes, cellules réticulaires stromales, cellules
adventicielles.
Ces cellules à noyau ovalaire présentent des expansions
cytoplasmiques filamenteuses anastomosées en réseaux
tridimensionnels.
Elles bordent la paroi externe des sinusoïdes.
Elles
n’expriment pas les marqueurs endothéliaux ni les marqueurs
histiocytaires.
Elles n’ont pas d’activité phagocytaire.
Elles sont spécialisées dans la synthèse de fibres glycoprotéiques
(précollagène ou réticuline) qui constituent le stroma fibrillaire
réticulinique de la moelle.
* Macrophages
:
Ils sont abondants dans la moelle et se situent en position adventicielle autour des sinusoïdes ou au centre des îlots
érythroblastiques.
Ils phagocytent les noyaux des érythroblastes
mûrs et les cellules apoptotiques.
* Adipocytes :
Les adipocytes sont des cellules à cytoplasme pratiquement vide, à
noyau refoulé en périphérie.
Ils forment de grandes vacuoles
arrondies. Leur nombre est inversement proportionnel à la richesse
en cellules hématopoïétiques.
Ces cellules forment un tissu de remplissage qui entre dans la
constitution du stroma médullaire.
Leur abondance est inversement
proportionnelle à la densité cellulaire myéloïde, disparaissant quand
la moelle est hyperplasique ou occupant les espaces médullaires
quand l’hématopoïèse diminue.
Ils sont différents des adipocytes constituant la graisse dans
l’organisme.
Ils sont plus petits, riches en acides gras polyinsaturés,
indiquant une fonction de réserve lipidique beaucoup moins
importante.
Ils dérivent des cellules réticulaires fibroblastiques
capables d’accumuler rapidement des acides gras et d’acquérir une
activité enzymatique de type lipoprotéine lipase.
* Composant fibrillaire :
Le stroma réticulinique est constitué de fibres de précollagène de
type III ; il souligne le contour des adipocytes et réalise un réseau
de mailles sur lequel reposent les massifs de cellules myéloïdes.
Les membranes basales vasculaires des gros vaisseaux sont
constituées de fibres de collagène adulte de type I.
La propriété argentaffine du précollagène permet de révéler ce
stroma par les colorations argentiques.
5- Compartiment cellulaire :
À l’intérieur des espaces médullaires limités par les lamelles
osseuses, les cellules myéloïdes sont regroupées en massifs dans les interstices des adipocytes, reposant sur le stroma
médullaire.
L’agencement des cellules est périvasculaire et réalise
des unités élémentaires dont la juxtaposition constitue la structure
générale de la moelle osseuse.
Les différents types de cellules myéloïdes sont mêlés, sans
sectorisation très apparente et généralement sans rapport fixe avec
les différentes structures anatomiques.
On observe cependant des
localisations préférentielles.
De plus, on peut distinguer un compartiment prolifératif riche en
précurseurs, se situant au contact de l’endoste et autour des axes
vasculaires.
À l’inverse, la moelle située au centre des espaces
médullaires représente plutôt un compartiment de maturation riche
en cellules les plus matures.
Les cellules lymphoïdes sont réparties de façon interstitielle parmi
les cellules myéloïdes ou se regroupent en îlots.
Les plasmocytes
ont souvent une disposition périvasculaire.
6- Répartition des différentes lignées hématopoïétiques :
Les mégacaryocytes se rencontrent souvent au contact des
sinusoïdes, les précurseurs granuleux contre l’endoste, les
érythroblastes plutôt au centre des logettes médullaires.
On
dénombre de cinq à sept mégacaryocytes par logette.
Les érythroblastes sont aisément reconnaissables du fait de leur
groupement leur donnant un aspect en grappe.
Les cellules le plus
facilement identifiables sont les érythroblastes polychromatophiles
et acidophiles du fait de l’aspect homogène, dense et
hyperchromatique de leur noyau.
Les érythroblastes représentent
25 % des cellules myéloïdes.
Les cellules granuleuses sont dispersées de manière hétérogène, tous
stades de maturation mêlés, sauf pour les plus immatures plus
souvent disposées près de l’endoste.
Les métamyélocytes et les
polynucléaires sont les cellules le plus facilement identifiables.
Leurs
précurseurs sont plus difficiles à reconnaître du fait de la difficulté
de mise en évidence des granulations.
Les lymphocytes se présentent toujours regroupés en agrégats.
Ils
peuvent parfois former un nodule, bien délimité par rapport au tissu
myéloïde, mesurant environ 300 µm.
De tels nodules sont peu
fréquents dans la moelle normale (jamais plus d’un par plan de
coupe), toujours situés au centre d’un espace médullaire ; ils sont
constitués de petits lymphocytes ou parfois comportent un centre
germinatif.
Les plasmocytes sont disposés le plus souvent le long des vaisseaux.
Les monocytes ne sont pas identifiables.
Les mastocytes sont situés près des vaisseaux.
Au sein des îlots myéloïdes, on observe des cellules dites
« réticulaires ».
Elles sont très peu nombreuses, mesurant 25 µm
environ. Leur noyau est ovoïde, à chromatine très fine comportant
un nucléole pâle.
Elles n’ont pas d’activité macrophagique (elles
élaborent les fibres de réticuline).
Les macrophages hémosidériniques sont observés dans les massifs myéloïdes et sont
peu nombreux dans une moelle normale.