Kyste simple et polykystose hépatique de l’adulte. Cystadénome hépatique Cours d'Hépatologie
Kyste simple du foie
:
Le kyste simple du foie, ou kyste hépatique, est une formation
liquidienne de type séreux, ne communiquant pas avec les voies
biliaires.
C’est la plus fréquente des formations kystiques du foie.
L’appellation de kyste biliaire doit être abandonnée, de façon à
établir une distinction nette avec les kystes biliaires authentiques, communiquants, de la maladie de Caroli.
A - ANATOMIE PATHOLOGIQUE
:
Les kystes hépatiques sont de forme arrondie ou ovoïde.
Le plus
souvent, ils sont uniques ; dans environ un quart des cas, ils sont
multiples (habituellement deux ou trois).
Il n’y a aucune localisation
préférentielle. Dans près de 90 % des cas, leur taille est inférieure à
4 cm.
Les kystes de plus de 8 cm, les plus susceptibles de se
compliquer, sont rares.
Ils refoulent le parenchyme adjacent et
peuvent entraîner une atrophie du lobe où ils siègent.
Les pédicules
vasculaires et biliaires du foie impriment alors leur relief sur le kyste
et forment des plis sur sa face interne.
Ces empreintes peuvent
simuler des cloisons, mais les kystes simples ne sont jamais multiloculaires ou cloisonnés.
Les kystes volumineux peuvent
également se développer en dehors du foie et refouler les organes
voisins, voire les comprimer.
La cavité kystique est limitée par un épithélium unicellulaire,
cylindrique ou plat, de type biliaire.
Le liquide intrakystique est
séreux, limpide ou citrin, et ne contient pas de concrétion biliaire.
Sa
composition est proche de celle de la fraction de sécrétion biliaire
indépendante des sels biliaires : concentrations électrolytiques
identiques à celles du sérum, faible concentration en glucose,
présence d’IgA sécrétoires et de gammaglutamyltranspeptidase
(GGT) à des taux supérieurs aux concentrations sériques.
Cette cavité ne communique pas avec les voies biliaires.
Elle est
souvent séparée du parenchyme hépatique adjacent par une coque
scléreuse peu épaisse, contenant parfois des formations canalaires
en amas.
Ces mêmes formations peuvent être trouvées dans des
espaces portes à distance, ou sur des foies exempts de tout kyste.
Ces lésions microscopiques (complexes de von Meyenburg) ou
millimétriques (microhamartomes biliaires) sont faites d’un sac
épithélial biliaire polylobulé et convoluté, qui est en continuité avec
les travées hépatocytaires mais ne communique pas avec les canaux
biliaires.
L’embryologie interprète ces lésions comme des résidus du
bourgeon hépatique qui ne sont pas entrés en connexion avec
l’ébauche biliaire d’origine intestinale.
Ces résidus, soit persistent
en microhamartomes, soit se dilatent pour donner des kystes.
Les
kystes hépatiques sont donc considérés comme des malformations
congénitales.
B - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
La prévalence du kyste hépatique simple, évaluée par l’échographie,
est de 2,5 à 3,8 %.
Elle est légèrement plus élevée chez la femme,
avec un sex-ratio d’environ trois femmes pour deux hommes.
Surtout, la prévalence augmente avec l’âge : alors qu’elle est
inférieure à 1 % avant 50 ans, elle atteint 7 % après 80 ans.
La
raison pour laquelle ces kystes d’origine congénitale n’apparaissent
pas avant l’âge moyen n’est pas connue.
C - MANIFESTATIONS CLINIQUES
:
Dans l’immense majorité des cas, les kystes simples sont
asymptomatiques. Ils ne sont reconnus qu’à l’occasion d’un examen
d’imagerie.
La taille des kystes reste habituellement stable.
Parfois,
une augmentation de volume est constatée lors d’examens
successifs ; elle est généralement lente et limitée (doublement de la
taille du kyste dans moins de 25 % des cas), et ne donne pas lieu à
des symptômes ou à des complications.
Seuls les kystes volumineux, de plus de 8 à 10 cm, peuvent
s’exprimer cliniquement par des douleurs abdominales ou sous la
forme d’une masse de l’épigastre ou de l’hypocondre droit.
Cela ne
concerne toutefois qu’une minorité d’entre eux, le plus souvent chez
des femmes de plus de 50 ans. Une symptomatologie de douleur ou
d’inconfort abdominal ne peut être attribuée à un kyste simple que
si :
– le kyste est de grande taille ;
– les autres causes de douleurs abdominales ont été éliminées ;
– les douleurs ou l’inconfort régressent après ponction et
affaissement du kyste, et réapparaissent après sa reconstitution.
Lorsque le kyste se présente comme une masse abdominale, il s’agit
d’une tumeur sphérique, lisse, indolore, de consistance souple qui
permet de suspecter sa nature kystique ; il n’y a pas d’altération de
l’état général, et les tests biologiques hépatiques sont normaux.
D - COMPLICATIONS
:
Elles sont très rares et ne concernent pratiquement que les kystes de
plus de 8 à 10 cm.
Il s’agit surtout d’hémorragies intrakystiques et
de compressions des organes de voisinage ; la rupture, l’infection et
la dégénérescence du kyste simple sont exceptionnelles.
1- Hémorragie intrakystique
:
Typiquement, elle se manifeste par la survenue brutale d’une
douleur de l’hypocondre droit, une augmentation de la taille du
kyste qui devient dur et tendu, et une anémie.
Il a été rapporté un
cas d’hémobilie secondaire après fistulisation du kyste dans les voies
biliaires. Mais l’hémorragie n’est pas toujours symptomatique ; la
douleur peut être minime ou même absente.
L’échographie montre
que le kyste renferme un matériel échogène, correspondant aux
caillots, qui est mobile et qui sédimente à sa partie déclive. Parfois,
l’aspect est celui d’une tumeur hétérogène, mais aux contours
toujours parfaitement délimités.
Dans les formes majeures,
l’échographie peut mettre en évidence une augmentation de la taille
du kyste à des examens rapprochés, tandis que l’artériographie
confirme l’hémorragie intrakystique en montrant une fuite de
produit de contraste à partir d’une branche artérielle hépatique.
2- Compression des organes de voisinage
:
Le plus souvent, il s’agit de la compression des voies biliaires extrahépatiques par un kyste de grande taille, presque toujours
supérieur à 12 cm de diamètre, situé au contact du pédicule
hépatique.
Ce kyste est habituellement palpable ou responsable
d’une hépatomégalie.
Dans près de la moitié des cas, un épisode
douloureux de l’hypocondre droit précède l’apparition de l’ictère ;
par ailleurs, cet ictère peut être variable.
Cela suggère que, dans
certains cas au moins, l’augmentation de la taille du kyste et la
compression secondaire des voies biliaires sont la conséquence d’une
hémorragie intrakystique, spontanée ou favorisée par un
traumatisme ou un traitement anticoagulant.
Le diagnostic, suggéré
par les examens d’imagerie, est confirmé par la ponction évacuatrice échoguidée, qui permet une régression rapide de l’ictère.
Une
compression de la veine cave inférieure, avec des oedèmes des
membres inférieurs remontant jusqu’aux lombes, est également
possible.
Un refoulement de l’estomac, du duodénum ou du
côlon par un kyste hépatique simple a été observé, sans signes
d’obstruction digestive associés.
3- Rupture :
La rupture dans la cavité péritonéale se manifeste par une douleur
brutale de l’hypocondre droit se généralisant à tout l’abdomen, une
défense et une matité des flancs.
Le diagnostic peut être évoqué
sur l’imagerie préopératoire devant la diminution de taille d’un
kyste simple connu, une paroi kystique flottante et un épanchement
liquidien intrapéritonéal.
Cette rupture peut être secondaire à
une hémorragie intrakystique, avec constitution d’un hémopéritoine.
La fistulisation d’un kyste simple dans les voies biliaires, dans
le duodénum ou dans la plèvre, est également possible.
4- Infection
:
L’infection d’un kyste simple du foie est exceptionnelle.
Elle est
parfois iatrogène, au décours d’une ponction.
Elle se manifeste par
un tableau d’abcès hépatique.
La ponction échoguidée, suivie d’un
drainage percutané, en assure à la fois le diagnostic et le traitement.
5- Dégénérescence maligne
:
Elle est exceptionnelle : moins d’une vingtaine de cas ont été
rapportés dans la littérature.
Le plus souvent, il s’agissait d’un
carcinome épidermoïde développé sur une métaplasie malpighienne
de l’épithélium cylindrique initial.
E -
DIAGNOSTIC :
Dans sa forme habituelle, typique, le kyste simple du foie est affirmé
par l’échographie.
Le diagnostic repose sur trois critères :
– image ronde ou ovalaire ;
– contenu anéchogène
;
– contours nets,
sans paroi décelable, avec un renforcement postérieur important
caractéristique d’une interface liquide/solide.
Toutefois, le renforcement postérieur manque quand il n’y pas de
parenchyme hépatique en arrière du kyste.
Il n’y a jamais de
cloisons, d’images endokystiques ou de calcifications.
La découverte
concomitante d’un ou plusieurs kystes rénaux est banale et sans
signification.
Les autres moyens d’imagerie, tomodensitométrie
(TDM) et imagerie par résonance magnétique (IRM), fournissent des
images plus lisibles mais sans valeur diagnostique ajoutée.
En TDM, le kyste
simple se présente comme une image arrondie, bien limitée, de
densité homogène inférieure à celle du parenchyme hépatique, ne se
rehaussant pas après injection de produit de contraste.
En IRM, il s’agit d’une image homogène, hypo-intense en
séquences pondérées T1 et hyperintense en séquences pondérées T2.
Le seul diagnostic différentiel est le kyste hydatique dans sa très
rare forme liquidienne pure.
Si l’interrogatoire retrouve la notion
d’un séjour en zone d’endémie hydatique ou de contact avec des
animaux (chiens, moutons), une sérologie de l’hydatidose est
justifiée pour éliminer cette parasitose.
En cas d’hémorragie intrakystique, le kyste simple perd son aspect
échographique caractéristique : la paroi peut être épaisse et
irrégulière ; des cloisons, un contenu échogène, voire un aspect
solide hétérogène, peuvent être observés.
Lorsqu’il existe
un niveau liquide/solide, le diagnostic d’hémorragie intrakystique
est facilement envisagé.
Par ailleurs, la présence d’autres kystes
d’aspect typique suggère fortement que l’image kystique atypique
correspond à un kyste simple compliqué.
Dans les cas difficiles, l’IRM apporte des arguments diagnostiques importants : le kyste
devient hyperintense en séquences pondérées T1 comme sur les
séquences pondérées T2.
Mais le diagnostic de kyste simple
compliqué ne peut être retenu qu’après élimination des autres
étiologies d’images kystiques intrahépatiques :
– le kyste hydatique, évoqué chez un sujet ayant séjourné en zone
d’endémie devant un dédoublement de la paroi, l’existence d’échos
internes et de calcifications, et confirmé par la sérologie ;
– les tumeurs pseudokystiques du foie, bénignes ou malignes,
primitives ou secondaires ; deux signes échographiques ont une
grande valeur : le caractère épais de la paroi et l’existence de
formations nodulaires sur cette paroi ; la TDM et l’IRM peuvent
préciser ces images, mais c’est la ponction, avec cytologie et dosage
des marqueurs tumoraux dans le liquide, qui apporte le plus
souvent des arguments déterminants pour le diagnostic ;
– le cystadénome et le cystadénocarcinome hépatobiliaire, dont les
caractères cliniques et l’imagerie sont développés plus loin ;
– un hématome ou un bilome ;
– exceptionnellement, un kyste à épithélium cilié, un kyste endométriosique, un pseudokyste d’origine pancréatique
intrahépatique.
F - TRAITEMENT
:
Les kystes simples de petite taille, de découverte fortuite, ne
justifient ni traitement ni surveillance.
Seuls les kystes
symptomatiques, compliqués ou posant des problèmes
diagnostiques, sont des indications thérapeutiques.
La conduite à
tenir devant un kyste de grande taille (> 8 à 10 cm) asymptomatique
doit être discutée en fonction du contexte et du risque de
complication.
La simple ponction évacuatrice permet de soulager temporairement
des douleurs ou une compression, mais la récidive est quasi
constante en quelques semaines ou mois.
L’alcoolisation percutanée, proposée en 1985
comme une alternative efficace à la chirurgie, est devenue le
traitement de référence.
Elle vise à tarir la sécrétion du kyste par destruction
de l’épithélium de revêtement.
Une kystographie est réalisée dans
un premier temps, après évacuation du kyste, pour vérifier l’absence
de communication avec les voies biliaires.
Puis de l’alcool à 95° est
injecté (25 % du volume retiré) et laissé en place pendant 20 minutes,
avant d’être complètement réaspiré.
Le patient doit être mobilisé
dans différentes positions afin que l’alcool se répande sur toute la
surface du kyste.
L’injection d’alcool s’accompagne parfois de
douleurs modérées ou de fièvre, mais la survenue de complications
sévères est rare.
Le taux d’échec est très faible.
Cette technique est
contre-indiquée dans les kystes à contenu hémorragique et en cas
de communication avec les voies biliaires.
Il a été récemment proposé de remplacer l’alcool par de la
tétracycline.
La procédure s’en trouve simplifiée et peut être
réalisée en ambulatoire : après aspiration de la moitié du contenu
du kyste, 100 à 500 mg de chlorhydrate de minocycline ou 1 g de
chlorydrate de tétracycline, dilués dans du sérum salé, sont injectés
dans le kyste et laissés en place.
Les résultats sont comparables à
ceux obtenus avec l’alcoolisation.
Le traitement chirurgical n’est plus proposé qu’en cas de kyste
récidivant, de kyste compliqué ou d’incertitude diagnostique.
La
résection de la partie saillante est le plus souvent suffisante, avec un
taux de récidive pratiquement nul.
Elle peut être réalisée par
chirurgie coelioscopique, avec une morbidité très réduite.
Ses
limites sont les localisations kystiques postérieures et les kystes
compliqués à paroi remaniée.
La kystectomie totale est justifiée en
cas de doute diagnostique avec un cystadénome.
La résection
hépatique réglée emportant le kyste n’est indiquée qu’en cas de
nodules intrakystiques, d’hémorragie intrakystique massive et dans les kystes volumineux du lobe gauche.
Les kystes centrohépatiques posent des problèmes thérapeutiques difficiles
(simple drainage ou résection hépatique).
Polykystose hépatique
:
Les polykystoses hépatiques sont définies par l’existence de
multiples kystes au sein du parenchyme hépatique et/ou des
glandes péribiliaires.
ORIGINE.
A - ANATOMIE PATHOLOGIQUE
:
Il s’agit d’affections le plus souvent transmises sur un mode
autosomique dominant, isolément ou dans le cadre d’une polykystose rénale autosomique dominante de l’adulte (PKRAD),
impliquant différents gènes.
Plus rarement, des polykystoses
hépatiques isolées sont observées en l’absence de tout contexte
familial.
Les polykystoses
hépatiques sont probablement congénitales.
Les kystes
pourraient résulter d’anomalies du développement embryonnaire des
canaux biliaires.
Certaines ébauches de canaux biliaires évolueraient en kystes ne
communiquant pas avec les voies biliaires.
Ces kystes ne sont pas
différents des kystes simples sur le plan anatomopathologique.
Ils
sont fréquemment associés à des kystes rénaux et, plus rarement, à
des kystes pancréatiques, spléniques et pulmonaires.
B - ÉPIDÉMIOLOGIE. HISTOIRE NATURELLE
:
La prévalence des polykystoses hépatiques dans les séries
autopsiques est de 0,13 %.
Au cours de la PKRAD, la prévalence
des kystes hépatiques est de 60 % ; elle est liée à l’âge et à la durée
de l’insuffisance rénale.
Elle semble plus élevée chez les femmes.
L’histoire naturelle des polykystoses hépatiques non associées à une
polykystose rénale n’est pas connue.
En revanche, l’histoire naturelle
des kystes hépatiques associés à une PKRAD a été bien précisée par
deux études récentes.
Au cours de cette affection, le nombre de
kystes augmente avec l’âge.
Le sexe et l’état hormonal ont une
influence importante.
Les femmes ont plus souvent une polykystose
hépatique massive.
Il existe une corrélation entre la présence de
kystes et le nombre de grossesses.
Enfin, il a été observé une
augmentation du volume du foie chez des femmes ayant une PKRAD et recevant un traitement oestrogène substitutif de la
ménopause. Après traitement par fenestration et résection hépatique,
l’augmentation de volume du foie est liée au développement des
kystes laissés en place plutôt qu’au développement de nouveaux
kystes.
C - MANIFESTATIONS CLINIQUES. COMPLICATIONS
:
Les polykystoses hépatiques sont habituellement asymptomatiques.
Cependant, 10 à 15 % des patients développent des symptômes
invalidants, en règle liés à l’augmentation de taille du foie et à la
compression des organes de voisinage : douleurs abdominales,
masse abdominale, satiété précoce, oedèmes des membres inférieurs,
troubles de la libido.
Dans les formes les plus sévères, les
douleurs abdominales sont constantes, la réduction de l’activité
physique peut être majeure et une évolution vers la cachexie est
possible.
Ces polykystoses hépatiques très symptomatiques sont
presque exclusivement observées chez des femmes après la
quatrième décennie.
Les tests hépatiques sont en règle normaux.
Une augmentation de
l’activité sérique des aminotransférases et de la GGT est observée
dans, respectivement, 30 % et 60 % des cas.
Dans les formes sévères, un ictère et une hypertension portale
peuvent être observés. L’ictère peut relever de deux mécanismes :
– compression des voies biliaires intra- et/ou extrahépatiques, avec
dilatation d’amont, susceptible de bénéficier d’un traitement
radiologique ou endoscopique ;
– étirement des canalicules biliaires, sans dilatation des voies
biliaires, imposant un traitement chirurgical.
La survenue d’une hypertension portale peut relever de trois
mécanismes :
– cirrhose associée, en particulier posthépatique B ou C chez les
patients hémodialysés ;
– association à une fibrose hépatique congénitale ;
– obstacle à l’écoulement du sang, avec ou sans thrombose des
veines et des veinules hépatiques, évoqué devant une
hépatomégalie récemment douloureuse et l’apparition d’une ascite
riche en protides.
Une quinzaine de cas d’obstruction et/ou de
compression des veines hépatiques ont été rapportés.
Lorsqu’il était
réalisé, le bilan à la recherche d’une maladie thrombogène était
négatif.
Le diagnostic repose sur les données de l’imagerie
(échodoppler hépatique, veinographie sus-hépatique).
L’examen
anatomopathologique du foie montre des lésions de dilatation
sinusoïdale et de nécrose centrolobulaire.
Le traitement est
chirurgical.
En dehors de cas avec cirrhose associée, la survenue d’une
insuffisance hépatocellulaire n’a pas été documentée.
De fait, le
volume de parenchyme hépatique fonctionnel, évalué par TDM
quantitative, est normal au cours des polykystoses hépatiques, ce
qui autorise des résections hépatiques larges.
Les polykystoses hépatiques partagent avec les kystes simples le
risque de survenue de rupture, d’hémorragie et d’infection d’un
kyste.
Le risque d’infection est cependant augmenté chez les
patients avec PKRAD en hémodialyse ou transplantés rénaux.
Malgré l’existence d’une influence hormonale sur l’évolution des polykystoses
hépatiques, la survenue de complications au cours de la grossesse a
été rarement signalée.
D -
DIAGNOSTIC :
Sur le plan
morphologique, on peut distinguer des formes à gros kystes, à petits
kystes ou présentant l’association des deux.
La présence de calcifications dans la paroi des kystes a
été rapportée chez des malades ayant une PKRAD ; elle pourrait
être en rapport avec un hyperparathyroïdisme secondaire.
La coalescence de plusieurs kystes intrahépatiques peut faire
discuter un diagnostic de kyste hydatique, d’échinococcose
alvéolaire, de cystadénome hépatique ou de métastases kystiques
de tumeurs ovariennes, utérines ou pancréatiques notamment.
Le
contexte clinique, le résultat des sérologies et des marqueurs
tumoraux, et l’existence de kystes rénaux, permettent en règle de
trancher.
Les kystes péribiliaires sont habituellement de petite taille (quelques
millimètres à 5 cm) et peuvent avoir trois aspects :
– unique, dont les caractéristiques sont celles d’un kyste simple,
observé dans 75 % des cas ;
– en « collier de perles », dans 15 % des cas ;
– tubulaire, dans 10 % des cas.
Ils peuvent faire discuter une dilatation localisée ou diffuse des voies
biliaires, des diverticules digestifs ou une circulation collatérale périportale. L’échodoppler permet le plus souvent de résoudre
ces problèmes diagnostiques.
E - TRAITEMENT
:
En dehors des cas où les symptômes sont dus à un ou quelques
kystes prédominants susceptibles d’être traités par injection intrakystique d’alcool, le traitement des formes symptomatiques
est chirurgical.
La fenestration des kystes, selon la technique de Lin, consiste en
une résection du dôme saillant des kystes superficiels, associée à la
mise en communication de ces kystes superficiels avec les kystes
profonds.
Elle est souvent associée à une résection hépatique (résection-fenestration).
Les suites opératoires sont souvent
marquées par l’apparition d’une ascite pauvre en protides,
habituellement transitoire mais souvent massive.
En cas
d’insuffisance rénale sévère, cette ascite peut devenir chronique et
entraîner le décès du patient par dénutrition.
Une fenestration
extensive des kystes postérieurs expose au risque de syndrome de Budd-Chiari postopératoire mortel par bascule du foie ; ce
risque semble atténué par la réalisation d’une hépatectomie frontale
transverse.
La mortalité globale de la résection-fenestration est
de 4 % et la morbidité de 32 %.
Les résultats à moyen terme sont
bons puisque 80 % des patients sont indemnes de récidive des
symptômes après un suivi médian de 3 ans.
La résectionfenestration
par voie coelioscopique donne des résultats inconstants.
Un abord par laparotomie doit être préféré en cas de kystes
multiples et/ou postérieurs.
Le type d’intervention chirurgicale, sa réalisation par laparotomie
ou par coelioscopie, la discussion d’une transplantation hépatique,
dépendent de :
– la présentation morphologique : gros kystes compressifs ou
multiples petits kystes disséminés à l’ensemble du foie ;
– l’existence ou non d’une polykystose rénale : environ un tiers des
patients ayant une polykystose hépatique symptomatique n’ont pas
de PKRAD associée et ne sont donc pas exposés au risque
d’apparition d’une insuffisance rénale.
En revanche, en cas de PKRAD, le degré d’insuffisance rénale, un traitement par
hémodialyse en cours ou prévisible à moyen terme, une indication
de transplantation rénale, sont des éléments importants à prendre
en compte.
En cas de polykystose à gros kystes et en l’absence d’insuffisance
rénale importante, une fenestration ou une résection-fenestration
peuvent être envisagées.
En cas de polykystose à petits kystes
multiples disséminés à l’ensemble du foie, de syndrome de Budd-
Chiari secondaire à la polykystose ou d’insuffisance rénale sévère,
une transplantation hépatique isolée ou associée à une
transplantation rénale doit être discutée.
Cystadénome du foie
:
Le cystadénome du foie est une tumeur kystique rare, à potentiel
malin.
A - ANATOMOPATHOLOGIE
:
Les cystadénomes du foie sont des tumeurs volumineuses, uniques,
dont le diamètre varie de 7 à 25 cm.
Ce sont des masses
multiloculaires à la coupe, contenant un liquide mucineux.
Les
logettes sont limitées par une couche unicellulaire de cellules
cuboïdes ou en « colonnes », mucosécrétantes, à contenu PAS (acide
périodique Schiff) et bleu alcian positif, reposant sur une membrane
basale.
Par endroits, cet épithélium présente des formations polypoïdes ou papillaires.
Sous l’épithélium, on trouve dans 90 %
des cas un tissu mésenchymateux dense et cellulaire, rappelant le
stroma ovarien.
Le CA 19-9 peut être détecté dans les cellules
tumorales et retrouvé à un taux élevé dans le sérum. L’existence
d’une assise pluricellulaire et/ou d’anomalies nucléocytoplasmiques
doit faire rechercher un cystadénocarcinome.
Dans 80 % des cas, leur siège est intrahépatique.
Dans 20 % des cas,
ils se développent en partie ou en totalité dans les voies biliaires extrahépatiques.
Quelques cas de cystadénomes de la vésicule
biliaire, ainsi qu’un cas de cystadénome développé dans le ligament
hépatoduodénal, ont été rapportés.
B - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
Environ 200 cas de cystadénome et une cinquantaine de cas de
cystadénocarcinome ont été publiés.
Leur fréquence est cent à
mille fois plus faible que celle des kystes simples.
Les tumeurs
atteignent huit fois sur dix des femmes après la quarantaine.
Un
seul cas a été rapporté chez l’enfant.
Il ne semble pas exister de
lien avec la prise d’oestroprogestatifs.
La pathogénie du cystadénome est inconnue.
La présence de canaux biliaires
anormaux à proximité de la tumeur et l’association à des
anomalies du système porte suggèrent une origine congénitale.
C - MANIFESTATIONS CLINIQUES
:
1- Présentation
:
Les principaux symptômes sont des douleurs abdominales, un
inconfort digestif, une anorexie, des nausées et un gonflement de
l’abdomen.
Chez les patients ayant un cystadénome de petite
taille, la maladie est habituellement asymptomatique.
La
prévalence de l’ictère est de 30 % dans les cystadénomes
intrahépatiques et de 86 % dans les cystadénomes développés
dans les voies biliaires extrahépatiques.
Les tests biologiques
hépatiques sont en règle normaux ; néanmoins, une élévation de
l’activité sérique de la GGT et des phosphatases alcalines est notée
dans environ 20 % des cas.
Une élévation du taux sérique de CA
19-9 peut être observée indépendamment de l’existence d’une cholestase et de la nature bénigne ou maligne de la lésion.
2- Mécanismes de l’ictère
:
Plusieurs mécanismes peuvent rendre compte de la survenue d’un
ictère : compression du confluent biliaire supérieur ou de la voie
biliaire principale par un cystadénome hépatique ou,
exceptionnellement, de la vésicule biliaire ; protrusion d’un
cystadénome hépatique dans les voies biliaires extrahépatiques
pouvant simuler un kyste hydatique compliqué ; développement de
la tumeur dans les voies biliaires extrahépatiques ; communication
avec les voies biliaires avec passage de bouchons mucineux
(mucobilie).
D - ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS
:
L’évolution du cystadénome peut être compliquée d’infection
bactérienne, de rupture, de compression du confluent biliaire
supérieur ou d’hémorragie intrakystique.
Dans ce dernier cas,
l’IRM peut montrer un niveau interne liquide, liquide correspondant
à la séparation du contenu mucineux (en haut) et du sang (en bas).
Quelques cas de compression de la veine cave inférieure ou des
veines hépatiques, compliqués d’oedèmes des membres inférieurs
et/ou de l’apparition d’une ascite d’hypertension portale, ont été
rapportés. Un cas de cirrhose biliaire secondaire témoignant de la
lenteur d’évolution de cette tumeur a été également signalé.
La complication principale est la transformation en cystadénocarcinome.
Le cystadénocarcinome du foie se développe
presque exclusivement sur un cystadénome préexistant.
Du point
de vue histologique, l’épithélium malin est formé de plusieurs
couches cellulaires avec des formations papillaires nombreuses.
Ces
anomalies peuvent être visibles dans toute la tumeur ou, plus
souvent, n’affecter qu’une partie du cystadénome.
L’imagerie ne
permet pas de préciser formellement le caractère bénin ou malin de
ces tumeurs.
Cependant, la transformation maligne peut être
suspectée en échographie et/ou au scanner lorsqu’on retrouve des
nodules muraux de grande taille dans la lumière des logettes
et/ou des calcifications au niveau des cloisons.
Le cystadénocarcinome
s’étend progressivement au foie ; des métastases
péritonéales et/ou à distance sont possibles.
L’examen cytologique
du sédiment et le dosage de l’antigène carcinoembryonnaire dans le
liquide intrakystique donnent à la ponction une sensibilité de 100 %
et une spécificité de 94 % pour le diagnostic de cystadénocarcinome.
Du tissu néoplasique peut également être prélevé
par biopsie échoguidée, mais avec un risque de dissémination
néoplasique : de ce fait, certains estiment que la biopsie doit être
évitée.
E - DIAGNOSTIC
:
Le diagnostic de cystadénome du foie repose principalement sur
l’échographie et la TDM.
L’échographie affirme le caractère
kystique en montrant une masse anéchogène de grande taille, à contenu liquidien
avec renforcement postérieur, et aux contours réguliers.
Elle est plus sensible que la TDM pour apprécier
l’architecture interne de la tumeur, faite de cloisons et de formations
papillaires développées à partir des parois.
Cependant, ce
caractère multiloculaire peut manquer en cas de tumeur de petite
taille et rendre le diagnostic très difficile.
La TDM montre une
image de densité inférieure à 30 UH, comportant des cloisons et des
nodules muraux.
Un cystadénome
typique a une paroi épaisse et des septums, qui se rehaussent après
injection de produit de contraste.
Cet aspect manque dans les cystadénomes
uniloculaires de petite taille.
Des différences de densité d’une
logette à l’autre peuvent être observées en raison d’une composition
variable du matériel endokystique.
Des calcifications septales ou
pariétales sont possibles, mais rares.
La TDM détermine mieux
que l’échographie la taille, le siège et les rapports de la lésion avec
le parenchyme hépatique adjacent. Peu de cystadénomes ont été
étudiés en IRM. Le signal en T1 et T2 est comparable à celui
d’un kyste simple.
Les autres méthodes d’imagerie ont peu
d’intérêt.
L’artériographie montre un refoulement des vaisseaux
normaux par une tumeur avasculaire. Une fine opacification de la
paroi des nodules muraux est parfois visible.
La cholangiographie
rétrograde endoscopique peut être utile au diagnostic de
cystadénome des voies biliaires extrahépatiques en montrant une
image développée sur une seule face de la paroi cholédocienne, ne
communiquant pas avec les voies biliaires.
Le diagnostic différentiel du cystadénome est celui des formations
kystiques intrahépatiques.
L’accolement de plusieurs kystes biliaires
simples peut simuler un cystadénome, mais il n’y a pas de
nodules muraux, de projections papillaires et de paroi épaisse.
Le
kyste simple compliqué peut donner des aspects trompeurs, le pus
ou les caillots prenant l’aspect de végétations ; le diagnostic
repose alors sur l’existence d’une paroi fine, l’association éventuelle
à des kystes simples typiques, et sur l’hypersignal en T1 et en T2
caractéristique des kystes hémorragiques en IRM.
Le problème
diagnostique le plus difficile est posé par les kystes hydatiques avec
sérologie négative (5 à 15 % des cas), en particulier de type III
(lésions kystiques contenant des septums) et de type IV (lésions
hétérogènes à parois irrégulières).
Une membrane flottante, des
calcifications pariétales, l’absence de rehaussement de la paroi et des
cloisons après injection du produit de contraste en TDM, sont en
faveur du kyste hydatique.
Le diagnostic peut se poser enfin avec
certaines métastases hépatiques, en particulier de cystadénocarcinomes d’origine ovarienne ou pancréatique
indiscernables de cystadénocarcinomes hépatiques primitifs.
Ce
diagnostic doit être suspecté lorsqu’il existe plusieurs localisations
hépatiques.
Le diagnostic peut bénéficier dans certains cas de la ponction-aspiration percutanée avec recherche de mucines et
dosage du CA 19-9 dans le liquide kystique.
La concentration intrakystique de CA 19-9 est souvent très élevée en cas de
cystadénome ou de cystadénocarcinome, alors qu’elle est toujours
inférieure à 500 000 UI/L dans les autres tumeurs bénignes du
foie.
F - TRAITEMENT
:
Le traitement du cystadénome est chirurgical.
La tumeur doit
être enlevée en totalité, d’une part parce que peuvent coexister au
sein d’une même tumeur des zones de cystadénome et des zones de
cystadénocarcinome et, d’autre part, en raison du risque de récidive
après exérèse partielle et d’évolution vers un cystadénocarcinome.
Une résection complète ou une énucléation de la tumeur sont
généralement possibles en raison d’un plan de clivage avec le
parenchyme avoisinant.
Le pronostic des tumeurs enlevées en
totalité est bon.