Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
(Suite) Cours de
réanimation - urgences
Utilisation clinique
et surveillance
:
Sont exclues de l’exposé les techniques de
remplissage vasculaire utilisées en
anesthésie qui font l’objet d’articles
spécifiques : hémodilution normovolémique
périopératoire, circulation extracorporelle,
anesthésies rachidiennes.
A - CHOC HYPOVOLÉMIQUE
:
L’hypovolémie absolue est définie par la
baisse du volume sanguin circulant.
Il faut y
ajouter un déficit hydrique du secteur
interstitiel (ce secteur a compensé
initialement la perte volémique), la
constitution fréquente d’un troisième secteur
(région traumatisée) et une tendance à
l’hyperhydratation intracellulaire.
Le choc
est caractérisé par des apports insuffisants
d’O2 à la cellule avec apparition d’une dette
en O2 : plus le choc se prolonge, plus on est
exposé aux lésions de reperfusion avec
augmentation du risque de syndrome de
défaillance multiviscérale (SDMV).
La situation la plus fréquente est réalisée
par le choc hémorragique : la priorité est la
reconstitution du volume sanguin circulant
qui conditionne le retour veineux, donc le
débit cardiaque et la perfusion tissulaire.
Tout retard au rétablissement de la volémie
aggrave le pronostic et nécessite des
quantités croissantes de solutés du fait de
l’altération de la perméabilité capillaire.
En
cas d’hémorragie, il faut tenir compte de la
persistance ou non du saignement et
prolonger le remplissage du fait de l’action
transitoire des colloïdes artificiels qui sont progressivement éliminés.
Au-delà d’un
certain seuil, l’apport des dérivés
sanguins devient indispensable.
Il est
essentiel de pouvoir évaluer la gravité de
l’hémorragie.
Il convient de
souligner que chez l’enfant, l’hypovolémie
est plus grave et s’installe plus vite que chez
l’adulte. Paradoxalement, la chute de
pression artérielle est beaucoup plus
tardive.
Le traitement du choc hypovolémique vise à
maîtriser l’hémorragie et à compenser la
spoliation en essayant d’améliorer la
microcirculation et l’oxygénation.
L’importance du remplissage vasculaire doit
être évaluée en fonction du type de
traumatisme, du degré de tachycardie et
d’hypotension, de la présence ou non de
signes patents de choc et de la rapidité et
des possibilités avec lesquelles le contrôle
du saignement peut être obtenu.
Dans les
hémorragies dont l’origine du saignement
n’est pas contrôlée, pour tenir compte des
données expérimentales et cliniques
encore fragmentaires, un objectif
intermédiaire serait de remplir pour
maintenir une pression artérielle moyenne
(PAM) compatible avec la perfusion des
organes nobles (de l’ordre de 70-80 mmHg)
sans viser une normalisation qui serait
délétère.
Chez le traumatisé crânien
grave, une PAM à 90 mmHg est souhaitable
mais rarement obtenue en pratique clinique
du fait des lésions associées hémorragiques.
Les solutés qui procurent une expansion volémique importante, comme le sérum salé
hypertonique ou les HEA hyperoncotiques,
risquent d’aggraver encore plus vite
l’hémorragie.
Dans cette situation, le
traitement de la cause doit être le premier
objectif.
La rapidité de la prise en charge du
choc hypovolémique est fondamentale : en
cas de transfusion massive, le taux de
mortalité est de 11 % si le choc est corrigé en
15 à 30 minutes, alors qu’il dépasse 90 % si
le choc persiste plus de 30 minutes.
Près de
50 % des décès avant l’arrivée à l’hôpital,
ainsi qu’une grande part survenant dans les
24 heures suivant l’admission, sont liés à
l’hypovolémie.
Si le terme de golden hour,
dans le choc hémorragique, créé par l’équipe
du Trauma Center de Baltimore, n’a pas de
réelle justification scientifique, celui-ci met
cependant l’accent sur la nécessité de
raccourcir les délais avant l’hémostase
chirurgicale.
Adapté au système médicalisé
français, ceci signifie que le médecin doit
savoir, en cas d’hémorragie non contrôlée,
ne pas perdre de temps et transporter
rapidement le patient vers l’hôpital.
1- Volumes perfusés
:
Le volume à perfuser doit assurer un retour
veineux correct, corriger l’hypotension et
rétablir la perfusion tissulaire : les meilleurs
indices d’efficacité restent la diurèse et la
baisse des lactates.
Le rapport « volume à
compenser/volume perdu » augmente avec
l’importance de l’hémorragie : de 1,4 à 1,5
pour une spoliation volémique de 40 %, il
monte à 2 pour des pertes supérieures à
70 % de la volémie, ce qui correspond pour
les solutés cristalloïdes à des volumes
correspondants de quatre à 12 fois ceux des
pertes.
La quantification de l’effet de
remplissage d’un soluté est difficile : les
résultats sont en effet très dépendants de la
volémie initiale, de la perméabilité capillaire,
des processus d’autorégulation (variables
chez le sujet sain ou chez le sujet en état de
choc mais aussi en cas de sédation ou de
traitement bêtabloquant par exemple).
Enfin,
les techniques de mesure de la volémie
restent peu précises.
On peut conclure que
le débit de perfusion optimal est celui qui
permet une régression rapide des signes du
choc.
2- Choix du soluté
:
La controverse cristalloïdes/colloïdes a
donné lieu à une abondante littérature mais
peu d’études peuvent être retenues (non
prospectives ou non randomisées, contextes
ou patients très différents, thérapeutiques
évaluées différentes d’une étude à l’autre).
Une méta-analyse de 1989 permet de
dégager une différence de mortalité en
faveur des cristalloïdes en traumatologie, en
faveur des colloïdes dans les autres
situations.
Une méta-analyse plus récente
ne rapporte aucune différence en ce qui
concerne la mortalité, l’incidence de
l’oedème pulmonaire et la durée de séjour
hospitalier.
Cependant, il existe une
différence significative en faveur des
cristalloïdes sur la mortalité dans le groupe
des patients traumatisés.
En fait, plusieurs critères interviennent dans
le choix du soluté de remplissage et
expliquent l’intérêt de leur association dans
le temps :
– selon l’étiologie de l’hypovolémie : les
pertes hydroélectrolytiques (pathologie
digestive) relèvent logiquement des
cristalloïdes ;
– selon l’efficacité immédiate et la durée
d’action : le choix va vers les colloïdes en
cas de défaillance circulatoire aiguë avec
hypotension artérielle ;
– selon l’existence d’une altération de la
membrane capillaire, qui diminue l’intérêt
des colloïdes ;
– enfin, les effets secondaires et le coût
doivent toujours être pris en compte.
L’indication qui peut être retenue pour les
cristalloïdes isotoniques est la correction
d’une hypovolémie modérée (£ 1 000 mL)
chez un sujet non dénutri, capable de
mobiliser ses réserves d’albumine. Dans
cette situation, ils sont les seuls à être
indiqués.
Si certaines études contrôlées permettent
de confirmer l’intérêt de l’utilisation du
sérum salé hypertonique, son évaluation
reste encore en cours.
Dans le choc
traumatique, le sérum salé à 7,5 % permet
d’obtenir un effet immédiat, bien que
transitoire, équivalant aux effets du dextran
70 à 6 %, mais sans risque immunologique ;
la réanimation préhospitalière trouve là une
indication idéale avec une utilisation en
bolus intraveineux de 50 mL éventuellement
répétée (maximum 6 mL·kg-1) mais
l’hémorragie doit être contrôlée, au besoin
par pantalon antichoc.
Dans la
réanimation du polytraumatisé avec
traumatisme crânien, le sérum salé
hypertonique assure une meilleure
pression de perfusion cérébrale et améliore
les débits régionaux.
L’association avec un
colloïde, type HEA de bas poids moléculaire
à 6 %, réalisant ainsi un soluté hypertonique
et hyperoncotique, a l’intérêt de créer un
effet de remplissage immédiat et
prolongé.
Les gélatines, qui n’ont pas de limitation
quantitative à leur emploi, restent indiquées
pendant la phase de saignement, les
limitations de volume faisant préférer les HEA plus tard pour maintenir l’effet de
remplissage dans le temps.
L’albumine ne garde qu’une place
extrêmement limitée (sujet dénutri, pertes
abondantes) d’autant qu’aucune étude n’a
fait preuve de sa supériorité dans le
traitement de l’hypovolémie.
Insistons sur le peu de valeur de
l’albuminémie dans la phase précoce de la
réanimation volémique, ainsi qu’en cas
d’inflation hydrique avec ou sans
hyponatrémie.
L’hypoalbuminémie n’est pas
dans ces situations une indication de
perfusion d’albumine.
Son utilisation dans
l’hypovolémie de la femme enceinte et de
l’enfant lorsqu’un colloïde est nécessaire
(hypotension artérielle persistante après
élimination d’une compression vasculaire
par l’utérus gravide) fait l’objet d’un
consensus.
Enfin, les habitudes locales
influent encore beaucoup sur ces choix.
Le rétablissement de l’hématocrite ne doit
faire administrer des concentrés globulaires
qu’en deçà de 25 % d’hématocrite ou
7 g·100 mL-1 d’hémoglobine sauf chez le
sujet âgé, le coronarien, l’insuffisant
respiratoire, le traumatisé crânien ou en cas
d’état septique où l’on ne doit pas descendre
en dessous de 30 % d’hématocrite ou
10 g·100 mL-1 d’hémoglobine.
On garde
également à l’esprit la vitesse des
déperditions hémorragiques : en cas
d’hémorragie massive, l’hématocrite a peu
de valeur.
Le maintien de la pression oncotique est
surtout important chez le sujet insuffisant
cardiaque : elle joue un rôle de protection
relatif contre l’oedème pulmonaire lié à
l’augmentation de la pression artérielle
pulmonaire d’occlusion (PAPO) sous
remplissage.
Les colloïdes artificiels étant indosés, l’hypoprotidémie ne signifie pas
hypo-oncocité et seule la mesure de pression
oncotique permet d’authentifier le trouble.
Le développement d’une coagulopathie
constitue une complication fréquente de
l’hémorragie, favorisée par l’existence d’un
traumatisme cérébral, d’un état de choc
et/ou d’une hypothermie, ou l’administration
de quantités importantes de colloïdes
de synthèse.
L’administration des dérivés
sanguins à visée hémostatique doit être
guidée prioritairement par les résultats
biologiques.
Les tests d’hémostase les plus
prédictifs d’un saignement microvasculaire
sont la numération plaquettaire
(< 50 000·mm-3) et un taux de fibrinogène
plasmatique inférieur à 0,5 g·L-1.
Lorsque
les valeurs de temps de Quick et le temps
de céphaline activée sont 1,8 fois la valeur
contrôle, ces résultats deviennent réellement
spécifiques du risque de saignement.
Les facteurs de coagulation, surtout le
facteur V, passent le seuil de 30-35 % à partir
d’un volume de remplacement d’une
volémie et nécessitent alors l’apport de
plasma frais dans le rapport de 1 plasma/
3 concentrés globulaires.
3- Contraintes spécifiques
du remplissage vasculaire rapide
:
Un système de perfusion rapide doit être
sûr, efficace et simple d’emploi, et permettre
un débit de perfusion au moins équivalant à
celui des pertes sanguines, tout en
réchauffant et filtrant le soluté.
Il doit
éviter les traumatismes vasculaires liés aux
surpressions, prévenir l’embolie gazeuse,
éviter la surchauffe des solutés et réduire
l’hémolyse au minimum.
Chez un
adulte, il est habituel de considérer qu’il y a
remplissage rapide à partir de 50 ou plutôt
100 mL·min-1.
En règle générale, des débits
de 400 à 600 mL·min-1 permettent de faire
face à la plupart des situations
hémorragiques.
Un fluide qui s’écoule dans un système de
perfusion est assimilé à un flux laminaire et
obéit à la loi de Poiseuille.
L’amélioration
d’un débit de perfusion dépend donc de
plusieurs facteurs incluant diamètre et
longueur du système de perfusion (tubulure
et cathéter), gradient de pression entre le
soluté et la pression veineuse du patient,
présence de filtres sanguins et réchauffeurs
efficaces et de faible résistance.
* Influence du diamètre et de la longueur
du système de perfusion :
+ Cathéter
:
Le débit est directement proportionnel à la
puissance 4 du rayon du tube.
Un tube de 2 mm de diamètre permet donc d’obtenir un
débit 16 fois plus important qu’un tube de
1 mm de diamètre.
Le débit à travers un
cathéter à introducteur 8 French (F)
(diamètre interne [DI] de 2,20 mm) est
supérieur de 21 % à celui obtenu avec un
cathéter 14 Gauge (G) (DI de 1,55 mm) et
supérieur de 70 % à celui obtenu avec un 16
G (DI de 1,18 mm).
Le débit est
inversement proportionnel à la longueur du
tube.
En pratique, un cathéter de 16 G court
permet un débit deux fois plus important
qu’un cathéter 16 G pour voie centrale.
+ Tubulure
:
Elle est caractérisée de même par son
diamètre interne et sa longueur.
Connectée à
un cathéter 8 F, une tubulure à irrigation
vésicale (DI = 5 mm) permet un débit quatre
fois supérieur à celui obtenu avec une
tubulure standard (DI = 3,2 mm).
Au
contraire, ajouter un prolongateur au
système de perfusion ralentit significativement
le débit.
* Rôle du gradient de pression entre soluté
et patient
:
D’après la loi de Poiseuille, le débit est
directement proportionnel au gradient de
pression.
Le procédé le plus simple est la
gravité par l’élévation du soluté à une
hauteur supérieure à la pression veineuse
du patient : il est inadapté au remplissage
rapide.
Le second moyen est la création
d’une pression, soit par un manchon
entourant un flacon souple, soit par le piston
d’une seringue branchée en dérivation sur
la tubulure par l’intermédiaire d’un robinet
à trois voies, soit par la compression d’une
poire pour transfusion accélérée (Blood
Pumpt), soit par la rotation d’une pompe à
galets.
* Rôle de la viscosité du soluté
:
Plus un soluté est visqueux, plus son débit
est faible, sa viscosité dépendant de sa
dilution et de sa température.
À titre
d’exemple, un concentré globulaire dilué par
100 mL de Ringer lactate peut être perfusé
avec un débit deux fois et demie supérieur.
* Nécessité de réchauffer les solutés
et d’utiliser des filtres sanguins :
Le réchauffement des solutés est impératif
lors d’un remplissage massif pour lutter
contre l’hypothermie.
Un réchauffement actif
au cours de la réanimation du choc
hémorragique pourrait prévenir, voire
corriger les troubles de l’hémostase induits,
mais aussi prévenir la dépression
myocardique observée au cours de
l’hypothermie.
Les solutés peuvent être réchauffés au
niveau d’un échangeur thermique inclus
dans le système de perfusion.
L’échange
s’effectue par conduction grâce au contact
du système de perfusion, soit avec des
surfaces métalliques chauffantes (réchauffeur
de type Rangert), soit avec un réchauffeur à
circulation d’eau (Hotline Grasebyt).
L’inconvénient principal du réchauffement
par conduction est l’allongement de la
tubulure et donc une perte de débit de
perfusion.
Parmi les systèmes les plus
performants, du fait de l’association d’un
accélérateur de perfusion, on peut citer le Level 1 System HI025t (Graseby).
Ce dernier
semble particulièrement adapté à la
pédiatrie, compte tenu de son petit volume
d’amorçage (80 mL environ).
Obligatoires lors de toute transfusion, les
filtres dits « standards », formés de fibres
synthétiques, ont des pores de 170 à 230 μm.
Les techniques actuelles de déleucocytation
des concentrés de globules rouges rendent
inutile l’utilisation systématique de
microfiltres.
* Nécessité d’éviter l’hémolyse et l’embolie
gazeuse :
L’hémolyse est la conséquence délétère
principale des techniques de remplissage
vasculaire rapide.
Elle peut cependant être
réduite au minimum par quelques mesures
simples : dilution des poches de concentrés
globulaires, réchauffement correct,
suppression des turbulences en éliminant
raccords et robinets inutiles.
Quant à
l’embolie gazeuse, elle justifie des
précautions draconiennes.
Le contrôle visuel
pour les systèmes transfusionnels classiques
devient automatique sur les appareils
sophistiqués grâce à des alarmes de pression
et des détecteurs ultrasoniques d’air.
L’utilisation de plus en plus fréquente de
solutés contenus dans des poches souples
devrait limiter ce risque.
* Conséquences pratiques
:
Lors du remplissage rapide chez le patient
en choc hypovolémique, la supériorité des
cathéters à introducteur sur les autres
cathéters est unanimement reconnue.
En
revanche, le choix de la meilleure voie
d’abord veineuse reste très débattu.
L’American College
of Surgeons recommande l’utilisation exclusive de veines
périphériques, la voie centrale étant posée secondairement dans
de bonnes conditions d'asepsie et pour le monitorage
hémodynamique.
Les veines médianes du
pli du coude sont habituellement plus
accessibles.
Cependant, la vasoconstriction
périphérique du patient choqué rend parfois
l’accès à une veine périphérique plus difficile
que l’accès à une veine profonde.
Après une
brève tentative de canulation périphérique,
il est donc suggéré la mise en place d’un
désilet dans une veine profonde.
Le choix
du lieu de ponction (veine fémorale,
jugulaire interne ou sous-clavière) dépend
de la localisation du traumatisme.
Rappelons
la règle classique qui consiste à ne pas
perfuser dans le territoire cave inférieur en
cas de lésion intra-abdominale, en raison des
risques de remplissage inefficace et de
clampage peropératoire de la veine cave
inférieure.
La voie fémorale est également
contre-indiquée en cas d’utilisation du
pantalon antichoc. Elle est à privilégier dans
tous les autres cas.
Les avantages,
inconvénients et complications (plus
fréquentes en urgence) des différentes voies
d’abord d’une veine centrale ne font pas
l’objet de cet article.
Un incident mérite
cependant d’être souligné : c’est le risque de coudure du désilet, maximal lorsqu’il est
placé dans la veine sous-clavière par abord
sous-claviculaire.
La conséquence en est un
ralentissement du débit de perfusion,
d’autant plus important que l’angulation du
cathéter est forte et que ce cathéter est
connecté à une tubulure de large calibre.
* Chez l’enfant
:
Chez le nourrisson et l’enfant, tout va plus
vite, tout est plus difficile et tout est plus
grave.
Un des objectifs est de maintenir la
pression artérielle systémique dans la zone
de normalité pour l’âge.
La limite inférieure
(en mmHg) de pression artérielle systolique
peut être évaluée par la formule : 70 + s
(2 × âge en années).
Les voies veineuses
sont difficiles à trouver.
Exceptionnellement,
en cas d’échec répété de ponction veineuse,
la voie intraosseuse doit être envisagée.
La ponction s’effectue par un trocart spécial
(dit de Jamshidi) sous asepsie stricte, soit
dans la partie antérieure du tibia, 2 cm en
dessous de l’épine tibiale, soit au niveau de
la partie antérieure de l’extrémité inférieure
du tibia.
Les risques septiques restent
faibles.
B - CAS PARTICULIERS
:
Chez le traumatisé crânien, l’objectif
prioritaire est de lutter contre toute
hypotension artérielle et de préserver la
pression de perfusion cérébrale.
L’intérêt du
sérum salé hypertonique dans ce cadre a
déjà été évoqué.
Il faut surtout éviter toute
baisse de l’osmolalité plasmatique
(administration intempestive de soluté
glucosé et/ou de Ringer lactate) et corriger
l’hypovolémie relative liée à l’utilisation de
la sédation en recourant aux catécholamines.
Chez le traumatisé médullaire, il faut de la
même manière veiller au maintien de la
pression de perfusion, donc de la pression
artérielle.
À l’hypovolémie absolue liée aux
lésions associées s’ajoute une hypovolémie
relative secondaire à la vasoplégie.
Le
traitement en est le remplissage par solutés
colloïdes associés à l’atropine en cas de
bradycardie symptomatique et aux amines
sympathomimétiques : éphédrine (bolus de
3 mg intraveineux répétés avec relais au
pousse-seringue à une posologie de 0,25 à
1,5 mg·kg- 1·h- 1 ) ou dopamine (5 à
10 μg·kg-1·min-1) maintenant une
pression artérielle systolique (PAS) au moins
supérieure à 100 mmHg, au mieux une PAM
égale à 90 mmHg.
En obstétrique, le risque d’accident anaphylactoïde lié à l’administration de
solutés colloïdaux de synthèse est à l’origine des conclusions des experts préconisant la perfusion de cristalloïdes pour la prévention
des hypotensions maternelles.
Toutefois, ces solutés ne sont pas adaptés à
l’urgence hypovolémique et l’albumine à
4 % garde dans ces conditions une de ses
indications reconnues, du fait des risques
foetaux secondaires à une hypotension
maternelle prolongée.
Lorsque l’on ne
dispose pas d’albumine, par exemple en cas
d’hypotension sévère en phase préhospitalière,
l’utilisation des HEA peut être admise.
En effet, ces solutés exposent de manière
moins fréquente au risque anaphylactique.
Des réactions sévères, dont la physiopathologie
reste obscure, ont cependant été
décrites.
Enfin, lorsque apparaît une
baisse de pression artérielle malgré un
remplissage vasculaire correctement conduit,
les vasopresseurs type éphédrine doivent
être utilisés pour restaurer rapidement la
pression artérielle et limiter l’hypoxie
foetale.
B - REMPLISSAGE VASCULAIRE
À LA PHASE AIGUË DES BRÛLURES :
L’utilisation précoce d’un remplissage
vasculaire abondant a radicalement
transformé le pronostic initial des brûlures
étendues.
Tout patient brûlé sur plus de
10 % de la surface corporelle au-delà du
premier degré doit être perfusé
immédiatement.
La phase de choc du brûlé
se prolonge jusqu’à la 72e heure.
En
pratique, seul l e remplissage des
24 premières heures débuté en milieu non
spécialisé est détaillé.
L’hypovolémie initiale
du brûlé est secondaire à l’exsudation
plasmatique intense dans la zone brûlée,
proportionnelle à la surface brûlée, mais
aussi à la constitution des oedèmes et à la
diminution de la masse globulaire par
hémolyse intravasculaire.
La restitution
rapide du volume plasmatique perdu et du
pool sodé déplacé est habituellement basée
sur le pourcentage de surface brûlée ( % SB),
sur le poids du malade et sur la surface
corporelle (SC) chez l’enfant.
Une
cartographie précise de la zone brûlée est
indispensable et doit être consignée sur un
schéma.
1- Volumes perfusés
:
Différentes règles de réanimation hydroélectrolytique ont été proposées pour
les 24 premières heures.
La plus ancienne est le règle d’Evans :
– 1 mL·kg-1· % SB de Ringer lactate ;
– 1 mL·kg-1· % SB de colloïdes (albumine
4 % de préférence) ;
– 2 000 mL de besoins de base (80 mL·kg-1
chez l’enfant).
La règle de Parkland chez l’adulte est celle
actuellement recommandée :
– 4 mL·kg-1· % SB de Ringer lactate.
La formule de Carvajal chez l’enfant :
– 5 000 mL·m-2 SB de Ringer lactate ;
– + 2 000 mL·m-2 SC de besoins de base.
Quelle que soit la formule utilisée, la
précocité du remplissage est capitale : au
minimum, la moitié des volumes prévus sur
24 heures doit être perfusée les 8 premières
heures.
Trois types de patients nécessitent
régulièrement des quantités largement
supérieures :
– les brûlés réanimés trop tardivement ;
– les brûlés par courant électrique à haut
voltage : prévention de la rhabdomyolyse,
justifiant une diurèse horaire alcaline de
2 mL·kg-1 ;
– les brûlés respiratoires, ce qui majore en
moyenne de 30 % les besoins, avec une
marge thérapeutique faible, justifiant
l’intubation nasotrachéale et le recours
précoce à la ventilation artificielle.
2- Utilisation des colloïdes
:
L’utilisation des colloïdes est généralement
proposée systématiquement à partir de la
24e heure.
En cas d’état de choc, l’albumine
doit être utilisée en priorité, à défaut un
colloïde synthétique, de préférence HEA du
fait de sa demi-vie plasmatique, la limite
étant essentiellement les troubles de la crase
sanguine.
Chez l’enfant, les conséquences de
l’hypoalbuminémie et les besoins d’une
supplémentation font l’objet d’une
discussion qui reste d’actualité.
Une étude
récente montre que chez des enfants
présentant des brûlures étendues, une hypoalbuminémie (< 20 g·L-1) pouvait être
bien tolérée.
Avant la 24e heure, l’équipe
de Percy propose l’administration
d’albumine aux alentours de la huitième
heure, ou avant en cas d’hypoprotidémie
majeure :
– Ringer lactate 2 mL· % SB·kg-1 les
8 premières heures ;
– de la huitième à la 24e heure, Ringer
lactate 0,5 mL· % SB·kg-1; albumine 4,5 %
0,5 mL· % SB·kg-1 ;
– le deuxième jour, quantité perfusée moitié
moindre.
Le plasma frais congelé est rarement indiqué
car la coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD) est le plus souvent uniquement
biologique. Les solutés salés hypertoniques
pourraient réduire l’oedème dans la zone
brûlée par restauration du potentiel
transmembranaire, favoriser l’hémodynamique
capillaire et être bénéfiques à
l’inotropisme cardiaque.
Leur utilisation
chez le brûlé n’est cependant pas validée.
Quoi qu’il en soit, la surveillance du
remplissage vasculaire chez le brûlé grave
est essentiellement clinique : diurèse horaire
(> 1 mL·kg-1), fréquence cardiaque, pression
artérielle systolique, hématocrite inférieur à
50 %.
C - CHOC SEPTIQUE
:
La survenue d’un état septique entraîne une hypovolémie dont la correction est un des
facteurs essentiels de la prise en charge.
La
base du traitement est l’éradication du foyer
et l’antibiothérapie.
Le traitement
symptomatique comprend aussi les amines
sympathomimétiques vasoactives et
inotropes.
L’objectif est de rétablir
rapidement et complètement une perfusion
tissulaire et une délivrance d’O2 adaptées
aux besoins.
Il n’y a pas d’intérêt
pronostique démontré pour adopter des
valeurs supranormales.
Le remplissage
vasculaire est le traitement initial du choc
septique.
Le choix du soluté doit tenir compte des
altérations circulatoires associées lors du
choc septique, hypovolémie et augmentation
de la perméabilité capillaire, mais aussi
dysfonction myocardique et modification de
la répartition des débits sanguins
régionaux.
Pour le remplissage vasculaire,
aucun consensus ne se dégage de la
littérature concernant l’usage des
cristalloïdes et des colloïdes.
Aucune étude
comparative ne permet actuellement de
choisir entre les deux classes de solutés.
Les
colloïdes ont été recommandés en 1989, et il
n’y a pas d’argument pour renoncer
actuellement à cette recommandation.
Chez l’enfant, il faut apporter au moins
40 mL·kg-1 d’un colloïde dans la première
heure.
Ce remplissage permet vraisemblablement
d’améliorer la survie initiale sans
accroître le risque d’oedème pulmonaire.
Chez l’adulte, les modalités du remplissage
vasculaire au cours du syndrome septique
sévère sont moins précises. L’administration
d’au moins 500 mL d’un colloïde en
20 minutes permet parfois d’atteindre les
objectifs thérapeutiques.
Si la pression
artérielle est effondrée et que le pronostic
vital est menacé, le recours concomitant et
précoce aux catécholamines s’impose, quel
que soit le niveau de remplissage. Dans les
autres cas, la question se pose en
permanence du choix entre poursuite du
remplissage et/ou adjonction de
catécholamines.
Les patients devant
bénéficier des catécholamines sont ceux qui
ont un niveau de remplissage jugé
satisfaisant, associé à des signes cliniques
d’incompétence circulatoire ou ceux qui ont
une mauvaise tolérance au remplissage.
Le
niveau de remplissage satisfaisant peut être
apprécié par la pression veineuse centrale
ou les données de l’échographie cardiaque.
La mauvaise tolérance du remplissage doit
être en permanence recherchée cliniquement
et par le monitorage de la SpO2 ou la mesure
répétée de la PaO2.
Les colloïdes améliorent
plus rapidement l’état de choc que les
cristalloïdes, entraînent une moindre
expansion du secteur interstitiel et
diminuent le risque d’oedème pulmonaire.
L’albumine doit être réservée au
cas où il existe une hypoalbuminémie
franche associée en dehors du contexte
d’urgence hémodynamique ou d’inflation hydrosodée (albuminémie < 20 g·L-1 ou
protidémie < 35 g·L-1) du fait de son coût
et de l’absence de supériorité documentée.
Le plasma frais congelé n’est à utiliser qu’en
cas de troubles de coagulation avérés.
Pour
les colloïdes de synthèse, il n’y a pas de
critères comparatifs permettant d’affirmer
l’intérêt spécifique de l’un d’entre eux.
Les HEA ont été utilisés chez le patient septique
sans augmentation de fréquence des troubles
de l’hémostase ni hémorragie clinique.
Une coagulopathie de consommation évolutive
demeure une contre-indication de ces HEA.
Du fait de leurs propriétés pharmacocinétiques
(demi-vie courte et réversibilité de
leur action), les gélatines pourraient être
intéressantes en présence d’une atteinte
cardiaque.
Elles entraînent en revanche des
accidents anaphylactoïdes plus fréquents.
L’intérêt du sérum salé hypertonique n’a pas
été mis en évidence dans le choc septique.
D - CHOC ANAPHYLACTOÏDE
:
Les premières mesures devant un choc de ce
type concernent l’arrêt de l’administration
de l’agent supposé responsable, la libération
des voies aériennes et la mise en O2 pur, la
surélévation des membres inférieurs.
Le
traitement d’urgence consiste essentiellement
en l’administration d’adrénaline ; le
remplissage vasculaire est assuré par des
solutés cristalloïdes (Ringer lactate ou sérum
salé) car ils n’augmentent pas l’histaminolibération.
Il n’y a pas de consensus sur la
quantité totale à administrer qui est fonction
de la clinique.
En pratique, 10 mL·kg-1 en
15 minutes sont souvent nécessaires pour
obtenir une PAS supérieure ou égale à
90 mmHg, sans dépasser un total de
50 mL·kg-1 de cristalloïdes.
E - SURVEILLANCE DU REMPLISSAGE
VASCULAIRE :
L’objectif thérapeutique devant une situation
d’hypovolémie est d’assurer une
oxygénation périphérique adaptée aux
besoins de chaque organe.
Il convient de
ne pas compromettre la fonction pulmonaire
en réalisant cet objectif.
Habituellement, le
remplissage est débuté sur le volume
présumé nécessaire et l’on surveille la
régression des signes cliniques
d’hypovolémie.
Malheureusement, dans un
certain nombre de cas, on n’observe pas
d’amélioration clinique et il faut alors faire
la part entre l’hypovolémie incomplètement
compensée et la défaillance de la pompe
cardiaque.
Pour y répondre, un certain
nombre d’éléments sont à discuter.
1- Surveillance clinique
:
* Régression des signes d’hypovolémie
:
On s’attache à :
– la régression de la tachycardie ;
– la régression des signes liés à la
vasoconstriction périphérique en particulier :
amélioration de coloration périphérique,
meilleur pouls capillaire, disparition du
pincement de la pression artérielle
différentielle ;
– à la disparition des troubles de vigilance
et du comportement.
* Challenge orthostatique
:
On peut également évaluer la persistance de
l’hypovolémie par le challenge orthostatique
ou tilt test. Exceptionnellement réalisable,
celui-ci est considéré comme positif quand
la fréquence cardiaque augmente de
20 battements/min ou quand la PAS baisse
d’au moins 20 mmHg au passage en position
debout.
On évalue alors le déficit volémique
à 20 %.
Le plus souvent, lorsque seule la
mise en position assise est possible, une
augmentation isolée de la fréquence
cardiaque de 20 battements/min lors du tilt
test traduit une hypovolémie d’au moins
500 mL.
* Reprise de diurèse
:
Parmi les signes cliniques, la reprise de la
diurèse est un signe de grande valeur.
Malheureusement, ce signe est parfois décalé
dans le temps.
Il implique la mise en place
d’une sonde urinaire et son absence peut
relever d’autres causes qu’une hypovolémie
et, inversement, l’utilisation de diurétiques
lui enlève sa valeur.
* Pression veineuse périphérique
:
Elle est facile à réaliser avec un système
intraveineux à débit libre.
Le flacon de
perfusion est placé au niveau où le retour
veineux se produit.
La pression veineuse
périphérique correspond à la hauteur de la
colonne de liquide située au-dessus du
niveau estimé de l’oreillette droite.
Sans
risque, cette méthode représente une
évaluation fiable de la pression veineuse
centrale.
2- Surveillance hémodynamique
:
* Variations cycliques de la pression artérielle
:
Chez le patient ventilé artificiellement, la
diminution de la pression artérielle
systolique au cours de la ventilation
artificielle est supposée traduire la
diminution du retour veineux engendrée par
l’augmentation de pression intrathoracique
lors de l’insufflation.
En clinique, il a été
souligné que ce phénomène est exagéré par
l’hypovolémie.
Si l’on prend la pression
artérielle systolique en fin d’expiration pour
référence, on peut définir un d down
(différence entre pression artérielle
systolique minimale et la référence) et un d
up (différence entre pression artérielle
systolique maximale et la référence).
C’est
essentiellement le d down qui est augmenté
en hypovolémie et ce paramètre est corrélé
aux variations de la masse sanguine et aux
résultats de l’échographie transoesophagienne.
Ce signe est très intéressant mais
reste difficile à utiliser en pratique courante :
il nécessite une mesure invasive de pression
artérielle et surtout, son enregistrement n’est
valable qu’en ventilation mécanique.
* Pressions de remplissage
:
+ Pression veineuse centrale (PVC)
:
La mesure de la PVC a longtemps été
recommandée pour guider le remplissage
vasculaire.
Chez le sujet à coeur sain, il existe
une corrélation entre pression auriculaire
gauche et PVC si aucune surcharge n’est
imposée aux ventricules.
Tant que la PVC
reste inférieure à 7 mmHg (10 cmH2O),
celle-ci est corrélée à la PAPO qui lui est
supérieure de 3 à 4 mmHg.
Quand la PVC
est supérieure à 7 mmHg (10 cm H2O), il
n’existe plus de corrélation avec la pression
de remplissage gauche.
Cette disparité entre
les pressions de remplissage droite et gauche
est aggravée par l’existence d’une
cardiopathie.
Aussi, la mesure de la PVC
n’apporte des renseignements d’interprétation
univoque que dans une seule
circonstance, quand elle est voisine de 0, où
l’on peut affirmer l’absence d’hypervolémie.
En revanche, son utilisation doit rester large
dans le cadre de l’épreuve de remplissage.
+ Pression artérielle pulmonaire d’occlusion
:
Elle est nécessaire en cas de dysfonction
ventriculaire gauche (insuffisance
coronarienne, hypertension artérielle [HTA]
sévère, état septique grave, médicaments
dépresseurs myocardiques, etc).
Toutefois, la PAPO peut surestimer la pression
télédiastolique du ventricule gauche
(PTDVG) quand la fréquence cardiaque est
supérieure à 120-130 battements/min ou en
cas de pathologie mitrale.
À l’inverse, la PAPO peut sous-estimer la PTDVG en cas
de surcharge barométrique aiguë du
ventricule gauche ou dans l’ischémie
myocardique.
Quoi qu’il en soit, la PAPO n’apprécie
qu’indirectement la précharge du ventricule
gauche (volume télédiastolique).
Il convient
de rappeler que la relation pression-volume
du ventricule gauche est curvilinéaire.
Chez
le sujet normal, une diminution importante
de la précharge du ventricule gauche peut
n’être associée qu’à une faible diminution
de la PAPO (reflet de la PTDVG).
À
l’inverse, chez l’insuffisant cardiaque dont la compliance ventriculaire gauche est altérée,
une faible modification de la PAPO n’est
associée qu’à de très faibles variations du
volume télédiastolique.
Ceci permet
d’insister sur la nécessité de mesurer la PAPO et le débit cardiaque pour évaluer au
mieux la précharge du ventricule gauche.
L’échocardiographie transoesophagienne
donne une meilleure évaluation de la
précharge et de la fonction ventriculaire
gauche, mais son coût et sa technicité
limitent encore actuellement son usage.
* Épreuve de remplissage
:
Toute situation d’hypovolémie doit conduire
à une épreuve de remplissage vasculaire.
Certains ont proposé de la réaliser par le
biais de manoeuvres de posture ou de
gonflement du pantalon antichoc.
En
pratique, le protocole de Weil et Henning est souvent utilisé, associé avec la
surveillance de l’évolution des paramètres
cliniques précédemment décrits.
Ce
protocole peut utiliser la PVC (règle des 5-
2 cmH20) ou la PAPO (règle des 7-3 mmHg)
avec des modalités pratiques identiques.
Dans ce dernier cas, l’évolution du débit
cardiaque lors de l’épreuve de remplissage
est très informative.
En pratique, quelle surveillance ?
On peut schématiquement opposer :
– le patient jeune sans pathologie cardiaque
antérieure :
– s’il s’agit d’une hémorragie peu
importante ou d’un choc modéré, la
surveillance du remplissage doit rester
simple : régression des signes cliniques,
surveillance non invasive de la pression
artérielle et électrocardioscopique
(correction progressive de la tachycardie) ;
– si l’hémorragie est plus abondante et
durable, il convient alors de débuter
précocement un monitorage plus invasif :
pression artérielle sanglante, diurèse
horaire.
Si l’origine de l’hémorragie est
contrôlée, l’amélioration clinique avec
reprise de diurèse est obtenue le plus
souvent sans élévation de la PVC à plus
de 7 mmHg (10 cmH2O) ;
– le patient aux antécédents de cardiopathie
ou présentant un état de choc sévère et
prolongé.
Dans ce cas, il convient
d’envisager les moyens précédents plus, si
possible, la mise en place d’une sonde de Swan-Ganz (PAPO, débit cardiaque).
Il s’agit
du type de patient qui bénéficierait le plus
d’une surveillance échographique répétée. Si
le cathétérisme cardiaque droit n’est pas
possible, on utilise l’épreuve de remplissage.
F - ACCIDENTS DU REMPLISSAGE
VASCULAIRE
:
1- Accidents de surcharge
:
Le remplissage vasculaire peut être source
d’extravasation dans l’espace interstitiel, en
particulier au niveau pulmonaire, à la source
d’oedème pulmonaire avec hypoxémie
augmentant la morbidité et la mortalité.
Le
risque d’oedème pulmonaire est faible en
dehors d’une lésion de la membrane alvéolocapillaire ou d’une élévation marquée
de la PAPO.
Il apparaît pour un gradient
pression oncotique-PAPO inférieur à
4 mmHg, surtout en cas d’élévation de la
PAPO ; dans ce cas, le maintien d’une
pression oncotique plasmatique protégerait
le poumon.
Les facteurs de risque sont les
suivants : insuffisance ventriculaire gauche,
hypothermie, hypocalcémie (transfusion
massive), traitement par bêtabloquants,
syndrome de détresse respiratoire aiguë
(SDRA)...
L’utilisation d’un accélérateur de
perfusion expose plus particulièrement à
une surcharge absolue. Le risque d’oedème
pulmonaire doit être prévenu par une
surveillance clinique et paraclinique
rigoureuse et des indications larges de
ventilation artificielle.
2- Accidents anaphylactoïdes
:
Une enquête prospective française (1991-
1992) a porté sur 19 593 patients et a
recensé 43 accidents anaphylactoïdes
(0,219 %).
La fréquence actuelle des
accidents est donc de 1/456 patients.
Le
risque avec les amidons est six fois moindre
qu’avec les gélatines et proche de celui de
l’albumine.
Les facteurs de risque à l’origine
de la réaction anaphylactoïde ont été
évalués.
Leur risque relatif (odd ratio)
confirme l’importance de ces facteurs : le
risque relatif est de 5 quand des gélatines
sont administrées, de 4 après dextrans, de 3
si le patient a une allergie médicamenteuse.
Il est presque doublé si le patient est un
homme.
Il convient de rappeler la nécessité
non seulement d’arrêter la perfusion mais
également de changer la tubulure en cas
d’accident aux substituts plasmatiques.
Autres techniques
de correction volémique :
A -
AUTOTRANSFUSION
:
L’autotransfusion est actuellement largement
utilisée en per- et postopératoire, même dans
le cadre d’intervention d’urgence.
Il est
alors recommandé d’utiliser les techniques
de récupération sanguine avec lavage qui
améliorent la qualité du produit récupéré en
vue d’une autotransfusion.
De plus, pour les
hémorragies abondantes et/ou brutales, la
technique avec lavage apporte une plus
grande sécurité : absence de limite aux
volumes récupérés, automatisation des
systèmes.
En ce qui concerne la période préopératoire, préhospitalière ou en médecine de guerre
ou de catastrophe, l’autotransfusion des
hémothorax peut être envisagée.
En
particulier, l’hémothorax par blessure de
gros vaisseaux intrathoraciques ou du coeur
s’accompagne d’un débit hémorragique très
important.
En l’absence d’hémostase
chirurgicale immédiate, la seule solution
thérapeutique est l’autotransfusion avec un
système élémentaire simple et facile à
utiliser.
Le recueil du sang et sa
réinjection se font par simple gravité.
Le
traitement du sang consiste seulement en
une double filtration, en amont de la poche
de transfert et sur la tubulure de réinjection.
Un certain nombre de systèmes sont
commercialisés : Solcotranst (FH France),
Pleur-Evact (Deknatel) Receptalt (Abbott
France).
Le sang autotransfusé est pauvre en plaquettes, en facteurs de coagulation et
en fibrinogène, et par conséquent
l’anticoagulation n’est pas nécessaire.
Cette
technique permet de limiter l’hémodilution
de patients en état de choc hémorragique
grave et donc d’améliorer le transport en
O2 ; elle améliorerait la survie de ces blessés
graves du thorax.
B - POSTURE ET PRÉCAUTIONS
DE MOBILISATION
:
La surélévation des membres inférieurs ou
la position de Trendelenburg permet la
mobilisation immédiate de 500 à 1 000 mL
de sang du système veineux capacitif des
membres inférieurs vers le compartiment
central.
Cette augmentation de la précharge
est plus ou moins marquée selon l’état
vasomoteur préalable.
À la phase initiale
d’un choc hypovolémique, il existe déjà une
vasoconstriction qui limite l’effet de la
posture.
À l’inverse, tout obstacle au retour veineux
peut avoir des conséquences néfastes sur le
patient hypovolémique : brutale mise en
position proclive lors d’un brancardage,
pose de matériel lourd sur l’abdomen,
accélération et/ou décélération brusque lors
du transport.
C - PANTALON ANTICHOC
:
Les premières utilisations du pantalon
antichoc (PAC) ou medical anti shock trousers
(MAST) remontent à la guerre du Viêt Nam
où il fut utilisé pour le transfert des blessés.
Il est dérivé de la tenue de vol des pilotes
de l’armée de l’air.
L’utilisation du PAC en préhospitalier est un
moyen controversé.
Plusieurs
études cliniques ont montré une utilité
clinique limitée.
Les indications d’utilisation
du PAC ont fortement diminué ces dernières
années.
1- Description. Mise en place
:
Le matériel utilisé pour le PAC est du
polyvinyle enduit de polyuréthane.
Celui-ci
est ainsi radiotransparent, lavable et
relativement résistant.
Il existe une taille
adulte et une taille pédiatrique.
Il comporte trois éléments distincts raccordés
chacun à un manomètre de pression
permettant le gonflage séparé : deux
compartiments enveloppant les membres
inférieurs, du pubis aux chevilles et un
compartiment abdominal allant du rebord
costal inférieur jusqu’au pubis.
+ Installation
:
La mise en place est rapide avec ou sans
gonflage ultérieur, environ 3 à 5 minutes
pour une équipe entraînée.
Le pantalon est
déplié puis glissé sous le patient, les attaches Velcrot sont rabattues sur les membres puis
sur l’abdomen par dessus le rabat antérieur.
Il faut veiller à ce que le compartiment
abdominal ne gêne pas l’expansion des
dernières côtes.
L’accès au périnée est laissé
libre, ainsi que les pieds permettant de
palper les pouls pédieux.
·
+ Modalités de gonflage
:
Le gonflage doit impérativement se faire par
paliers.
On distingue deux niveaux de
gonflage : le gonflage à basse pression et le
gonflage à haute pression. Le gonflage à
basse pression est représenté par des
niveaux de pression inférieurs à 40 mmHg.
Le gonflage à haute pression est défini par
une pression de 70-80 mmHg au niveau des
membres inférieurs et de 40-60 mmHg au
niveau de l’abdomen.
+ Modalités de dégonflage
:
Le dégonflage doit impérativement se faire
par paliers progressifs en débutant par le
compartiment abdominal sous remplissage
vasculaire accéléré, idéalement en salle
d’opération avec un chirurgien prêt à
intervenir.
Le risque d’arrêt cardiaque par
désamorçage est maximal lors du
dégonflage, même lent, en cas d’hypovolémie
sévère.
2- Principaux effets et inconvénients
:
Le PAC réalise une compression
pneumatique, circonférentielle, externe et sous-diaphragmatique.
Il permet
l’application d’une pression uniforme au
niveau de la moitié inférieure du corps.
Chez le polytraumatisé, le PAC a une triple
action : hémodynamique, hémostatique, contensive.
* Effets hémodynamiques
:
Selon le niveau de gonflage, on décrit deux
effets hémodynamiques du PAC :
– un effet veineux capacitif, décrit chez
l’homme normotendu, résulte de la
mobilisation du sang des territoires veineux
sous-diaphragmatiques. Cet effet, observé
pour de faibles pressions de gonflage
(pressions inférieures à 40 mmHg) est
intéressant dans les hématomes
rétropéritonéaux et les saignements pelviens
d’origine veineuse ;
– un effet artériel résistif, mode essentiel
d’action du PAC dans le maintien de la
pression artérielle lors d’une hémorragie
majeure avec élévation progressive des
résistances artérielles systémiques, s’observe
lors de l’application de fortes pressions de
gonflage.
Il est responsable d’une
augmentation de la pression artérielle ainsi
que d’une bradycardie baroréflexe.
* Effet
hémostatique :
L’effet
mécanique facilite l’arrêt des saignements par diminution des
flux sanguins régionaux, diminution de la surface des brèches
vasculaires et diminution du débit d’écoulement à travers les
plaies vasculaires.
* Effet de
contention :
Installé au
niveau des fractures osseuses, le PAC réalise une véritable
attelle pneumatique.
* Effets
secondaires :
+ Ventilatoires
:
Le PAC entraîne une diminution de la
ventilation alvéolaire par limitation de la
participation abdominale dans la mécanique
ventilatoire et par l’ascension des coupoles
diaphragmatiques.
Ces troubles
s’observent dès que la pression de gonflage
du compartiment abdominal est supérieure
à 25 mmHg.
De plus, il existe un risque
majeur de reflux gastro-oesophagien et
d’inhalation chez les patients présentant un
trouble de la conscience.
Ainsi, l’utilisation
du PAC à pression abdominale efficace
nécessite généralement l’intubation trachéale
et une ventilation mécanique du patient.
+ Douleur :
Les pressions élevées ou efficaces sont
souvent mal tolérées, surtout si le foyer
hémorragique est abdominal.
Une analgésie
et une sédation sont alors indispensables,
sous ventilation mécanique contrôlée.
+ Acidose respiratoire
:
Elle est due à une hypoventilation alvéolaire.
Elle peut s’associer à l’acidose métabolique
du choc hémorragique.
L’acidose
respiratoire est corrigée par la ventilation
assistée.
+ Ischémie des membres inférieurs
:
Lors de l’utilisation du PAC, le risque
d’ischémie des membres inférieurs est
important.
Pour prévenir ou limiter ce
risque, il importe de maintenir des pressions
prolongées le minimum de temps ; ainsi,
60 minutes d’application de pressions
efficaces semblent être un maximum
admissible.
Une surveillance régulière de la coloration
et des pouls pédieux à la recherche de signes
évocateurs d’ischémie des membres
inférieurs est nécessaire.
+ Hernie diaphragmatique
:
En cas de rupture diaphragmatique, le PAC
peut faciliter une hernie intrathoracique
d’organes abdominaux.
+ Autres
:
La survenue d’un oedème pulmonaire et de
lésions cutanées a été décrite.
3- Indications
:
Dans les pays anglo-saxons, le comité
scientifique américain (NAEMSP) a analysé
et classé les indications d’utilisation du PAC
en 1997.
Le but était de servir de
recommandations de pratique clinique et
d’encourager à faire des études futures dans
les domaines où les données cliniques sont
incomplètes.
Les études cliniques publiées permettent de
classer les indications en plusieurs
catégories.
Dans les hypotensions artérielles liées à une
rupture d’un anévrisme de l’aorte
abdominale, le PAC est généralement
indiqué et son efficacité clinique est
démontrée avec l’utilisation de fortes
pressions de gonflage.
Dans les hypotensions artérielles par
fracture du bassin, les hémorragies des
membres inférieurs non contrôlées, le choc
anaphylactique ne répondant pas au
traitement standard, le PAC peut être
efficace même à faibles pressions de
gonflage.
L’efficacité du PAC est incertaine
chez le sujet âgé, dans les hémorragies
urologiques, gynécologiques ou des
membres inférieurs sans répercussions
hémodynamiques.
Cependant, le PAC peut avoir un effet
délétère le contre-indiquant chez les patients
présentant une hémorragie sus-diaphragmatique (hémothorax,
hémomédiastin, rupture aortique, plaie
cardiaque...), une rupture diaphragmatique,
un traumatisme pénétrant thoracique, une
éviscération abdominale et chez les
traumatisés crâniens.
Le PAC n’est pas
indiqué pour les patients présentant une
défaillance cardiaque par tamponnade
cardiaque ou infarctus du myocarde.
D - TRAITEMENTS ASSOCIÉS
:
1- Catécholamines
:
Dans le choc hémorragique, l’adaptation du
système vasculaire se fait grâce à la mise en
jeu d’une vasoconstriction intense,
essentiellement par le biais du système
nerveux sympathique.
Il en résulte une
redistribution vasculaire tendant à préserver
les organes privilégiés, cerveau et coeur, aux
dépens des circulations cutanée,
splanchnique et rénale.
Si la prescription de catécholamines est
susceptible d’augmenter la pression
artérielle, c’est au prix d’une vasoconstriction
accrue et de toute manière sans
augmentation de la perfusion tissulaire.
De
plus, la contractilité myocardique est
normale ou modérément élevée lors de la
phase initiale du choc hémorragique.
Les
catécholamines occupent donc une place
restreinte dans la réanimation du choc
hémorragique : elles représentent un
traitement symptomatique utile pour passer
un cap difficile, en association au
remplissage et au traitement de la cause.
Certaines circonstances doivent y faire
recourir :
– chez le patient traité par des substances
bloquant totalement ou partiellement la
réponse sympathique (bêtabloquants, amiodarone...) ou interférant avec les
réponses physiologiques (inhibiteurs de
l’enzyme de conversion, inhibiteurs
calciques) ;
– lors des hypovolémies relatives liées à une
sympathoplégie : traumatisme médullaire,
anesthésies locorégionales rachidiennes ;
– dans le choc hémorragique évolué où une
défaillance ventriculaire nécessite un soutien inotrope pour tolérer le remplissage ;
– lors de l’arrêt circulatoire par désamorçage
où l’utilisation d’adrénaline est d’efficacité
immédiate, améliorant les chances de succès
des manoeuvres de réanimation en attendant
l’effet du remplissage vasculaire massif qui
reste toujours la pierre angulaire du
traitement ;
– lors de l’induction d’une sédation chez un
patient en choc hémorragique qui
s’accompagne d’une chute de l’activité
sympathique et des concentrations
plasmatiques de catécholamines ;
– chez le traumatisé crânien grave où la
pression de perfusion cérébrale doit à tout
prix être préservée ; le cas du traumatisé
médullaire est analogue.
Les catécholamines sont bien adaptées pour
traiter les situations aiguës du fait d’une
demi-vie courte qui les rend très maniables,
avec une posologie qui peut être adaptée de
manière précise.
Le choix va porter sur :
– l’adrénaline qui possède un effet a et b,
avec un effet vasopresseur nettement
prédominant.
Cependant, elle augmente
plus la consommation d’O2 du myocarde
que la contractilité, diminue le débit
splanchnique et rénal et élève dangereusement
la postcharge chez le coronarien ;
– la noradrénaline s’en approche avec un
effet a quasi exclusif ;
– la dopamine montre des effets a, b, mais
aussi dopaminergiques, variables selon la
posologie ; son effet protecteur sur le risque
d’insuffisance rénale hémodynamique n’est
cependant pas étayé ;
– la dobutamine, par un effet b1
prédominant, est utile en cas de défaillance
ventriculaire et bien qu’augmentant la
demande d’O2 du myocarde, elle garde une
résultante favorable; ses effets
vasodilatateurs nécessitent une optimisation
préalable du remplissage ;
– l’éphédrine, sympathicomimétique direct
et indirect, affiche un effet vasopresseur
franc et prolongé (cinq fois plus long que les
amines précédentes).
Elle est de ce fait
utilisable en bolus pour redresser en urgence
une situation tensionnelle compromise.
2- Alcalinisation
:
Elle a longtemps été proposée comme une
thérapeutique complémentaire nécessaire et
presque systématique dans l’état de choc.
En
fait, il a été démontré qu’elle avait au
contraire des effets délétères puisqu’elle
augmente la lactacidémie et l’acidose
paradoxale intracellulaire.
3- Oxygénothérapie et ventilation controlée
:
Dans le cadre d’une hypovolémie grave,
l’oxygénothérapie est indispensable et permet
d’améliorer le transport en O2 en évitant la
chute du contenu artériel en O2.
La
ventilation contrôlée, en prenant en charge
le travail ventilatoire, économise la
consommation d’O2 des muscles respiratoires
et s’oppose à l’apparition de l’oedème
pulmonaire de surcharge.
Elle a cependant,
chez le patient hypovolémique, un
retentissement hémodynamique important du
fait de la diminution du retour veineux.
Certaines indications de ventilation sont
impératives : PAC gonflé à haute pression,
trouble grave de la conscience, état de choc
sévère, prévision d’une intervention
chirurgicale urgente.
Conclusion
:
La correction rapide et durable de la volémie
constitue la base de la thérapeutique de l’état
de choc et en conditionne le pronostic.
Le choix
du soluté de remplissage doit être fonction des
effets pharmacologiques qui sont attendus en
ampleur et en durée, en mettant toujours en
balance les effets délétères de chaque soluté et
en les détectant par une surveillance
rigoureuse à la recherche des signes de
surcharge, de rechute et des premières
manifestations anaphylactoïdes.
La place des produits sanguins est toujours
bien précisée : il est probable que les recherches
actuellement en cours aboutissent à une
prescription encore plus restreinte avec
l’avènement de l’albumine et des fractions
coagulantes issues du génie génétique ou de
solutions capables de transporter l’O2, comme
les solutions d’hémoglobine ou de fluorocarbone.
Enfin, le remplissage et les techniques
complémentaires ne sont qu’un traitement
symptomatique qui ne doit pas occulter la
nécessité du traitement étiologique urgent de
l’état de choc comme, par exemple, un geste
chirurgical d’hémostase en cas de choc
hémorragique.