Correction des amétropies par lentilles de contact
(Suite)
Cours d'Ophtalmologie
Correction des amétropies
en lentilles rigides
:
Pourquoi choisir un équipement en lentilles rigides ?
Quels en sont
les avantages par rapport à des lentilles souples ?
Les avantages sont les suivants :
– qualité visuelle excellente et stable dans la journée ;
– absence de déshydratation de la lentille dans certaines conditions
environnementales, convenant particulièrement aux patients ayant
une sécrétion lacrymale limite ;
– excellent Dk des matériaux ;
– bonne mouillabilité ;
– bonne tolérance à long terme ;
– très bonne correction visuelle des astigmatismes réguliers ;
– seul moyen de correction efficace des astigmatismes irréguliers.
Par ailleurs, de nombreux cliniciens ont rapporté un effet freinateur
des lentilles rigides sur la myopie chez l’enfant.
Des études en cours
vont pouvoir permettre de vérifier cette notion.
Leur inconvénient par rapport aux lentilles souples est le temps
d’adaptation nécessaire à l’obtention d’un bon confort de port.
Celui-ci est variable en fonction des patients, en sachant que le plus
souvent une quinzaine de jours est largement suffisante pour que la
gêne disparaisse.
Il faut savoir également que le risque de perte est
plus important, amenant à les contre-indiquer lors de la pratique de
sports de contact comme la boxe, le football, etc.
Les atmosphères
poussiéreuses ne sont pas une bonne indication des lentilles rigides,
de par la fréquence, dans ces situations, de passage de corps
étrangers sous la lentille.
La lentille rigide a une situation exclusivement cornéenne.
La règle
de base est d’obtenir une relation complémentaire entre la face
antérieure de la cornée et la face postérieure de la lentille.
A - GÉOMÉTRIE DES LENTILLES RIGIDES :
– Sphéroasphériques.
Actuellement les plus utilisées, la partie centrale de la lentille est
sphérique et la périphérie est asphérique.
La transition de la partie
centrale à la périphérie est une courbe continue d’excentricité
croissante.
– Asphériques.
La surface postérieure est totalement asphérique.
Cependant, la
partie centrale et la périphérie ont deux rayons différents.
– Sphériques.
La partie centrale est sphérique et les dégagements périphériques
sont des segments de sphère de rayon de plus en plus plat.
En
fonction du nombre de dégagements, on parle de lentille bicourbe
(deux dégagements), tricourbe (trois dégagements), tétracourbe
(quatre dégagements).
Les variétés de lentilles sphériques multicourbes sont très importantes, puisque l’on peut faire varier
d’une part la valeur du R1, R2 (par un aplatissement de croissance
variable à partir du R0), et d’autre part la largeur des bandes de
dégagements.
– Toriques antérieures.
Utilisées lors de la correction d’astigmatisme interne, le cylindre est
sur la face antérieure.
– Toriques postérieures
Utilisées lors de la correction d’astigmatisme cornéen régulier
important, le cylindre est sur la face postérieure.
– Bitoriques.
Lors d’astigmatisme cornéen important associé à un astigmatisme
interne, les cylindres sont sur les deux faces de la lentille.
La face postérieure de la lentille rigide est constituée d’une zone
optique centrale postérieure et de la zone périphérique de
dégagements.
La face antérieure est celle de la correction optique et a
habituellement un seul rayon de courbure, sauf dans les fortes
corrections (par exemple : aphaque), où elle est lenticulaire, et dans
les lentilles bitoriques.
Le bord de la lentille est la zone de jonction entre les faces antérieure
et postérieure.
Il conditionne le confort de la lentille et doit
provoquer le minimum d’interférences avec le film lacrymal.
B - PRINCIPES ET ADAPTATION
:
L’examen clinique initial préadaptation est le même que celui réalisé
pour un équipement en lentilles souples.
La mesure de la kératométrie est un élément essentiel puisqu’il
conditionne le choix du rayon de la première lentille d’essai.
Celle-ci
peut être manuelle ou automatique.
Certaines particularités doivent être notées, comme :
– le diamètre cornéen ;
– la largeur de la fente palpébrale ;
– la taille de la pupille.
L’orientation du choix des paramètres de la première lentille d’essai
peut être modulée en fonction d’une variation individuelle
importante d’un de ces trois paramètres.
La première pose d’une lentille rigide est souvent réalisée après
utilisation d’un anesthésique de contact.
Cela n’est pas obligatoire,
mais l’appréhension de ce premier « contact » est ainsi minorée pour
le patient qui ne ressent la lentille que graduellement.
Le taux de
succès d’une adaptation en lentilles rigides est augmenté après
instillation d’un anesthésique.
1- Choix du matériau :
Il est lié au type de port :
– port journalier : Dk moyen à haut (50 à 100) ;
– port permanent : hyper-haut Dk (> 100).
2- Choix de la géométrie :
Les géométries sphéroasphériques sont les plus utilisées en première
intention.
Le recours à des géométries sphériques est souvent lié à
l’existence d’un astigmatisme important, lors de décentrement de la
lentille, ou encore sur des astigmatismes irréguliers type
kératocônes.
3- Choix du rayon de courbure de la lentille :
Il est lié à la kératométrie et à la géométrie de la lentille choisie.
Pour une lentille sphéroasphérique ou asphérique, il est basé sur le
K le plus plat, souvent encore aplati de 0,10 mm.
Pour des lentilles sphériques, il est basé sur la kératométrie moyenne
([K1 + K2] / 2).
Le choix du rayon de la première lentille d’essai est ensuite
éventuellement modifié en fonction de l’image fluorescéinique observée.
4- Choix du diamètre
:
Le diamètre standard des lentilles sphéroasphériques se situe autour
de 9,60 mm, mais il peut varier de 9,00 mm à 12 mm au maximum.
Il est habituel de choisir un diamètre inférieur de 2 à 2,5 mm au
diamètre irien visible.
Le diamètre des lentilles sphériques est généralement plus petit et
peut aller de 7,90 mm à 9,30 mm.
Pour des lentilles de forte puissance, un diamètre total important
améliore la stabilité.
Lors d’astigmatisme régulier important, un diamètre plus petit est
souvent préférable pour diminuer les zones d’appui périphérique
cornéen.
Lors d’ouverture palpébrale peu importante, un petit diamètre est
préféré.
5- Choix de la zone optique de la lentille
:
L’existence d’un grand diamètre pupillaire ou d’une lentille de très
petit diamètre fait préférer une zone optique assez large pour éviter
les phénomènes de halos produits par les turbulences lacrymales
autour des bords de la lentille.
6- Choix de la puissance
:
La lentille d’essai doit être assez proche de la réfraction nécessaire,
plutôt de puissance inférieure dans les corrections myopiques, plutôt
de puissance supérieure dans les corrections hypermétropiques, afin
de minimiser l’accommodation au moment de la surréfraction
réalisée sur la lentille d’essai.
L’existence du ménisque de larmes situé sous la lentille rigide peut
être à l’origine d’erreurs lors de la prescription de la puissance si la
lentille adaptée est trop plate ou bien trop serrée.
Une modification
du rayon de courbure de la lentille de 10/100e de millimètre entraîne
une modification de puissance de 0,50 dioptrie :
– avec myopisation de 0,50 dioptrie si la lentille est trop courbe ;
– avec hypermétropisation de 0,50 dioptrie si la lentille est trop
plate.
7- Évaluation de l’adaptation :
Le premier examen au biomicroscope s’attache à regarder le centrage
de la lentille et sa mobilité lors du clignement : celle-ci est d’environ
1 à 2 mm dans le sens vertical, le bord de la lentille ne doit pas
toucher le limbe.
Une mobilité excessive signe une lentille plate, à
l’inverse une lentille peu mobile, associée à la présence de bulles
captives au niveau central signe une lentille trop serrée.
* Image fluorescéinique :
C’est l’étape essentielle de l’adaptation d’une lentille rigide.
Après instillation d’une goutte et plusieurs clignements afin de
permettre une bonne distribution de la fluorescéine sous la lentille,
l’illumination avec le filtre bleu cobalt permet l’analyse de la couche
des larmes située sous la lentille.
L’interposition d’un filtre jaune
peut encore accentuer la visibilité de la couche des larmes sous la
lentille.
Plus une zone est fluorescente sous une lentille, plus le film lacrymal
est présent en quantité importante sous la lentille.
À l’inverse, une
zone noire sous la lentille témoigne d’un appui de la lentille sur la
cornée, sans l’interposition d’une couche de larmes.
Une bonne adaptation montre une répartition diffuse et homogène
de la fluorescéine du centre vers la périphérie de la lentille.
On analyse toujours la fluorescéine à partir du centre de la lentille
vers la périphérie pour finir par les bords de la lentille.
La
circulation lacrymale doit être suffisante pour être renouvelée au
niveau des bords de la lentille.
Une adaptation trop serrée montre une accumulation de
fluorescéine au centre de la lentille.
Au niveau de la périphérie, il
n’y pas de fluorescence, et cette zone est noire.
Les dégagements de
la lentille montrent qu’il n’y pas de passage des larmes : ils sont
également sombres.
Une adaptation plate montre l’absence de fluorescéine sous la
partie centrale de la lentille : elle apparaît donc en noir.
La fluorescence augmente progressivement en se rapprochant de la
périphérie de la lentille, pour être maximale au niveau des bords.
C - PRESCRIPTION DES LENTILLES RIGIDES ET CONTRÔLE
:
Lors de la délivrance de l’ordonnance des lentilles et du produit
d’entretien au patient, celui-ci a lu et signé le consentement éclairé,
et des informations orales sur les conseils d’entretien, sur le mode
de port et de renouvellement des lentilles lui ont été données.
Les
symptômes devant conduire à l’arrêt du port et exigeant une
consultation rapide en l’absence d’une franche et rapide
amélioration ont également été bien précisés.
Le port des lentilles est progressif lors d’un premier équipement
pour que le patient s’habitue petit à petit au contact de la lentille
sous la paupière.
En 1 semaine, il doit arriver à porter sa lentille
toute la journée.
Le premier contrôle est réalisé quelques jours après la réception de
la lentille définitive et vérifie : l’acuité visuelle, la position de la
lentille, son mouvement et l’image fluorescéinique sous la lentille,
ainsi que le niveau de confort du porteur.
Les contrôles se font classiquement lors d’un premier équipement à
3 mois, 6 mois et 1 an.
Ils sont ensuite annuels, sauf lors de port
permanent ou d’antécédents pathologiques particuliers
(conjonctivite papillaire géante, cicatrices cornéennes…).
L’examen du suivi comporte un interrogatoire :
– sur les conditions de port : nombre d’heures de port par jour,
évaluation du confort, symptomatologie rapportée, nouvel élément
de l’état général, prise récente médicamenteuse ;
– sur la méthodologie de l’entretien et la solution d’entretien
utilisée.
L’examen comporte :
– un contrôle de l’acuité visuelle : surréfraction éventuelle, test
rouge-vert ;
– un examen biomicroscopique, lentille en place, qui vérifie l’état
de surface de celle-ci (dépôts, rayures...), recherche des troubles de
la mouillabilité, contrôle de la position de repos de la lentille sur
l’oeil (les lentilles bloquées sous la paupière supérieure sont souvent
responsables de corneal warpage).
L’état des paupières, de la
conjonctive palpébrale et conjonctivale, du limbe, est apprécié ;
– l’examen avec de la fluorescéine vérifie l’adaptation de la lentille
elle-même et recherche des anomalies épithéliales, un syndrome
3h-9h.
Le renouvellement des lentilles rigides doit être fait au maximum
tous les 2 ans lors de port journalier, tous les ans lors de port
permanent.
D - CORRECTION DE L’ASTIGMATISME
EN LENTILLES RIGIDES :
C’est l’indication de choix des lentilles rigides, surtout lorsque
l’astigmatisme est significatif, mais aussi lorsqu’il est peu important,
car la lentille va le corriger très facilement.
La qualité visuelle
obtenue est excellente, notamment dans les astigmatismes obliques
importants peu faciles à corriger autrement.
1- Différents astigmatismes réguliers et choix
de la lentille rigide
:
Les astigmatismes irréguliers sont traités dans le paragraphe
concernant les cas particuliers en lentilles rigides.
– Astigmatisme cornéen pur.
Il est corrigé facilement par une lentille sphéroaphérique s’il est
inférieur à 2 dioptries.
Au-dessus de 2 à 3 dioptries, l’utilisation de
lentilles sphériques de plus petit diamètre permet souvent une
meilleure adaptation.
Pour des astigmatismes très importants, on
utilise des lentilles rigides toriques postérieures présentant donc
deux rayons de courbure différents perpendiculaires entre eux situés
sur la face postérieure de la lentille.
– Astigmatisme interne.
Il n’est pas corrigé du tout par une lentille rigide de révolution.
Il
faut impérativement utiliser une lentille torique antérieure (deux
rayons de courbure différents à la face antérieure).
Une lentille
torique antérieure a besoin d’un système de stabilisation pour
maintenir l’axe du cylindre au bon endroit ; celui-ci est souvent un
prisme ballast de 0,75 à 1,5 dioptrie.
Parfois, il est réalisé une
troncature associée.
En pratique, on a recours le plus souvent à des
lentilles souples pour le corriger.
– Astigmatisme mixte (cornéen + interne).
Il nécessite une lentille rigide bitorique si l’astigmatisme cornéen
(AC) est important.
Si l’AC est faible, une lentille torique antérieure
est suffisante pour obtenir une bonne correction visuelle.
2- Adaptation d’un astigmatisme régulier
:
Le bilan préadaptation s’attache à bien préciser l’importance de
l’astigmatisme, son origine (astigmatisme cornéen pur ou non) pour
le choix de la géométrie de la lentille d’essai.
À l’image fluorescéinique, l’aspect obtenu sur une cornée astigmate
est différent de celui bien régulier obtenu sur une cornée sphérique.
* Astigmatisme cornéen conforme :
Le méridien vertical est plus cambré que le méridien horizontal.
On
a donc une image en « H », car il n’y a que peu de fluorescence sur
le méridien le plus plat sur lequel la lentille va s’aligner.
Lorsque l’adaptation est trop serrée, les zones d’appui sont sur le
méridien le plus plat, c’est-à-dire horizontal, et sont plus marquées
en moyenne périphérie de la lentille.
Au centre, on note une hyperfluorescence importante.
Lors d’appuis périphériques
importants, la diminution du diamètre est souvent une bonne
solution pour les éviter.
Lorsque l’adaptation est trop plate, la lentille est souvent
instable, en bascule, l’appui au niveau de la partie cornéenne
centrale est trop important et les bords de la lentille ont tendance à
se soulever.
L’importance de l’AC conditionne l’image observée.
* Astigmatisme inverse
:
On obtient une image dite en « os de moelle » ou en « sablier » qui est inverse à celle de l’astigmatisme selon la règle.
3- Kératocône
:
Le traitement du kératocône est l’équipement en lentilles rigides tant
que la cornée reste transparente.
Les lentilles rigides permettent de
donner une nouvelle régularité réfractive sur ces cornées présentant
un astigmatisme irrégulier, redonnant ainsi au patient une
amélioration notable de son acuité visuelle.
* Généralités :
L’incidence du kératocône est difficile à évaluer.
Elle serait de
2/100 000/an, avec une prévalence de 0,015 % dans la population.
Le kératocône est bilatéral dans environ 96 % des cas, d’évolution
asymétrique dans le temps entre les deux yeux.
Il n’y pas de
différence significative d’incidence entre l’oeil droit ou l’oeil gauche,
ni entre les hommes et les femmes.
Il existe une grande fréquence d’allergies associées chez les porteurs
de kératocône : elle est d’environ 50 % dans les séries publiées.
Beaucoup de patients porteurs de kératocône frottent leurs yeux très
vigoureusement, et il semblerait que le kératocône le plus évolué se
situe du côté de la main dominante.
Cependant, la relation de cause
à effet n’a pas été prouvée.
En ce qui concerne l’hérédité, dans 6 à 10% des cas on retrouve une
notion de kératocône dans la famille.
Les recherches génétiques
moléculaires ont permis de retrouver un gène situé sur le
chromosome 21 (ce qui explique la grande fréquence de kératocônes
dans la trisomie 21).
– Les lentilles stoppent-elles l’évolution du kératocône ?
Non. La pression mécanique induite par une lentille rigide
n’empêche nullement l’évolution d’un kératocône.
En revanche, le
facteur âge semble jouer un rôle important dans l’évolution :
l’évolution est plus rapide chez le jeune que chez le sujet âgé.
– Les lentilles induisent-elles un kératocône ?
La grande fréquence de kératocônes découverts chez des porteurs
de lentilles a été à l’origine de cette interrogation il y a quelques
années.
L’utilisation systématique de la vidéotopographie en
préopératoire de chirurgie réfractive cornéenne a permis de faire le
diagnostic de kératocône chez environ 10 % des candidats à cette
chirurgie, soulignant ainsi le nombre de kératocônes méconnus
équipés de lentilles de myopes.
Les lentilles n’induisent pas de
kératocône.
* Indications d’adaptation en lentilles :
Les indications d’adaptation sont essentiellement d’ordre optique en
matière de kératocône.
En effet, l’acuité visuelle en lunettes plafonne
rapidement avec le développement du kératocône.
Ces indications
d’ordre optique commencent dès le stade 2 de la classification
d’Amsler.
Au stade 1, l’acuité visuelle obtenue par des verres correcteurs peut
s’avérer tout à fait satisfaisante.
Cependant, pour des raisons d’ordre
esthétique, on peut être amené à équiper ces patients.
Il faut éviter
néanmoins de les équiper en lentilles souples, car le passage
ultérieur lors de l’évolution du kératocône à des lentilles rigides
s’avère plus difficile, augmentant le risque de taux d’échec de cet
équipement.
Une proposition d’équipement en lentilles peut être
faite dès le stade 1, notamment si le patient se plaint de troubles
visuels en lunettes à type de photophobie, de halos autour des
lumières, d’asthénopie.
Ces troubles sont souvent minorés en
lentilles.
Le stade 4 est celui de la greffe de cornée, car la cornée a perdu sa
transparence du fait des ruptures multiples de la membrane de Bowmann, et il est impossible alors d’améliorer l’acuité visuelle par
des lentilles.
Dans les kératocônes unilatéraux ou à très grande asymétrie
évolutive, plusieurs séries ont pu montrer que la fréquence d’abandon était beaucoup plus grande si l’équipement était
unilatéral.
Un équipement bilatéral semble donc préférable d’emblée
(l’autre option éventuelle étant d’attendre une baisse d’acuité
visuelle sur le meilleur oeil).
* Diagnostic différentiel :
Il faut bien sûr avoir éliminé ce qui n’est pas un kératocône,
c’est-à-dire :
– un corneal warpage ou syndrome de déformation cornéenne sous
lentilles.
Le bombement cornéen est rarement supérieur à 50
dioptries, l’asymétrie est souvent moins marquée que dans un
kératocône vrai.
Ce type de problème survient chez un patient déjà
porteur de lentilles rigides de faible Dk ou ayant une lentille dont la
position de repos est souvent très décentrée, en supérieur ou en
inférieur.
Un équipement en lentilles à hyper-haut Dk et/ou une
réadaptation centrée permettent la normalisation cornéenne en
quelques semaines ;
– une dégénérescence marginale pellucide ;
– un kératoglobe.
* Principes d’adaptation du kératocône en lentilles rigides :
Il existe trois grands principes d’adaptation des kératocônes en
lentilles de contact, que l’on retrouve dans la littérature mais qui ont
été abandonnés pour certains.
– Technique de l’appui sur l’apex du kératocône ou « apical bearing ».
On utilise pour cela des lentilles de grand diamètre dont le rayon de
courbure choisi est plat.
Si ce principe procure souvent la meilleure
acuité visuelle, il n’est plus utilisé car il induit une très grande
fréquence de kératites à l’apex et favorise les ruptures de la Bowmann, sources de taies définitives.
– Technique de la « clearance apicale » ou d’évitement d’appui sur l’apex.
On utilise des lentilles de petit diamètre (inférieur à 9 mm de petit
rayon de courbure) et on adapte la lentille sur le K le plus serré.
L’adaptation obtenue est bien entendue serrée mais épargne l’apex
du cône sur lequel il n’y a plus alors aucun appui.
Les études comparant le fréquence des opacités en fonction du type
d’adaptation choisi, apical bearing ou « clairance apicale » ont
nettement montré que cette dernière était moins traumatisante et
induisait beaucoup moins de taies.
Cependant, cette technique est
source d’appuis périphériques parfois importants, ou encore de
véritables syndromes de serrage avec ventousage de la lentille.
– Technique du « triple appui ».
Elle consiste à obtenir une distribution plus homogène du poids de
la lentille sur le kératocône.
De plus, l’acuité visuelle obtenue s’avère
supérieure à celle donnée par la technique de la « clairance apicale ».
On recherche donc un appui central très léger, une zone de
fluorescence paracentrale favorisant la circulation lacrymale, puis de
nouveau un léger appui en moyenne périphérie, avant de retrouver
une zone de circulation lacrymale périphérique suffisante avec de
bons dégagements périphériques.
Les lentilles utilisées nécessitent
donc de posséder au moins trois à quatre dégagements assez
ouverts.
Cette technique est la plus utilisée dans les kératocônes
évolués.
* Règles d’adaptation :
Il est impossible de définir une règle d’adaptation unique en lentilles
de kératocône car les cônes ont des formes extrêmement différentes,
une saillie plus ou moins importante, et des sièges différents sur la
cornée (centraux, temporaux inférieurs…).
Nous avons appris à
mieux connaître le kératocône depuis le développement de la vidéotopographie et la variété des images obtenues corrobore
la réalité clinique de cette diversité de kératocônes à équiper.
Les
cartes tangentielles et d’élévation sont celles qui reflètent le mieux
l’aspect réel du cône.
Les lentilles utilisées sont de géométrie sphérique multicourbe (c’està-
dire avec deux, trois, voire quatre dégagements périphériques).
Le diamètre des lentilles utilisées varie avec la largeur de la base du
cône et son décentrement par rapport au centre visuel : celui-ci est
d’autant plus grand que le kératocône est large et décentré.
Les
diamètres sont souvent de l’ordre de 7,50 à 8,50 mm dans les cônes
centrés, pour aller jusqu’à 9,00 mm, voire plus, dans les formes
décentrées.
Il existe des kératocônes extrêmement décentrés pour lesquels on
utilise des diamètres de 10 à 12 mm et où l’on peut, si cela est
nécessaire, décentrer la zone optique de la lentille.
Le choix du rayon de la première lentille d’essai, pour les lentilles
de petit diamètre, est basé sur la kératométrie moyenne.
L’analyse
de l’image fluorescéinique guide alors les modifications nécessaires.
La classique image en « cocarde » recherchée doit avoir :
– un appui central léger ;
– une zone de fluo circulaire ;
– un appui périphérique modéré ;
– des dégagements assez ouverts permettant une bonne circulation
lacrymale.
En cas d’intolérance aux lentilles rigides, on peut proposer un piggy
back, qui consiste à adapter une lentille souple hydrophile
sur laquelle on met une lentille rigide dont le choix a été déterminé
par un essai classique (c’est-à-dire sans la lentille souple et avec
analyse de l’image fluo obtenue).
Le confort en résultant se trouve
ainsi amélioré.
* Surveillance :
Elle est plus régulière que celle requise par un patient porteur de
lentilles rigides habituelles, car le kératocône peut évoluer et la
lentille ne plus convenir (serrage, appui sur l’apex du cône...).
* Complications spécifiques chez le patient porteur de lentilles
pour un kératocône :
– Érosions cornéennes au sommet du cône : elles peuvent être liées à
un temps de port excessif, à une adaptation non satisfaisante ou à
un trouble lacrymal (problème d’étalement des larmes insuffisant au
niveau de l’apex ou insuffisance quantitative).
– Éblouissement : augmenter le diamètre de la zone optique.
– Mauvais centrage : augmenter le diamètre total ou diminuer le
rayon.
– Mauvais confort : bien vérifier que les dégagements périphériques
sont satisfaisants (ni trop larges, ni trop serrés).
– Ventousage de la lentille : lentille trop serrée.
– Allergie aux produits d’entretien : beaucoup plus fréquente sur ces
terrains atopiques.
Le nombre important de lentilles spéciales kératocônes à notre
disposition permet d’équiper toutes les formes de kératocônes de
façon satisfaisante.
Cependant, la tolérance individuelle des patients
porteurs de cette affection se révèle être moins bonne que pour les
patients sans anomalies cornéennes de ce type équipés en lentilles
rigides.
4- Adaptation après chirurgie réfractive :
Ces adaptations ont pour particularité d’être réalisées chez des
patients n’étant plus motivés par le port de lentilles, ne souhaitant
pas vraiment revenir aux lentilles et/ou ayant des échecs contactologiques (mauvaise tolérance, conjonctivite
gigantopapillaire…).
Par ailleurs, la forme cornéenne a été modifiée dans le sens d’un
aplatissement central.
Or, les géométries habituelles des lentilles sont
faites pour des cornées prolates.
Le recours à des formes
particulières de lentilles, et plus particulièrement à une géométrie
dite inverse, peut s’avérer nécessaire.
* Indications :
Elles sont d’ordre optique, le but étant d’améliorer une acuité
visuelle sans correction, jugée insuffisante par le patient et/ou une
gêne visuelle alléguée par ce dernier.
L’évolution des techniques chirurgicales de la myopie, et surtout la
possibilité plus facile des retraitements, ont permis de diminuer le
nombre de réadaptations en lentilles après ce type de chirurgie.
En
effet, après laser in situ kératomileusis (LASIK), la fréquence des
adaptations en lentilles est faible car les patients non satisfaits de
leur résultat réfractif préfèrent dans la grande majorité des cas
l’option d’un nouveau traitement chirurgical.
Les indications essentielles de ces adaptations sont les souscorrections,
les surcorrections, les astigmatismes résiduels, les
astigmatismes induits réguliers ou non induits par les
décentrements, l’anisométropie, la baisse de la meilleure acuité
visuelle corrigée.
Il est sûr que si la correction de l’amétropie postopératoire est très
faible, il vaut mieux proposer une paire de verres correcteurs qui
soit utilisée de façon ponctuelle par le patient plutôt qu’un
équipement en lentilles.
L’utilisation de la vidéotopographie est très utile pour mieux
comprendre les troubles allégués par le patient (notamment dans les
problèmes de décentrement) et pour connaître la forme de la cornée
à équiper.
*
Principes d’adaptation
:
Ils sont liés à la technique chirurgicale utilisée.
Lorsqu’une chirurgie incisionelle a été réalisée (kératotomie radiaire,
incisions arciformes T-cuts), une adaptation en lentilles souples est
contre-indiquée du fait du risque de néovascularisation cornéenne
profonde dans les incisions.
L’utilisation de lentilles rigides gazperméables
est impérative dans ces conditions.
Après PRK, ce risque de néovascularisation n’existe pas et on peut,
en fonction de l’indication d’adaptation, choisir entre lentilles
souples ou rigides.
Les lentilles rigides sont plutôt proposées lors de problèmes de
décentrement de la zone photoablatée.
Après LASIK, lentilles souples ou rigides peuvent être adaptées.
Le
choix est guidé par le trouble réfractif à corriger. Les pertes de la
meilleure acuité visuelle corrigée (plis du capot, centrage imparfait
de la découpe …) bénéficient de lentilles rigides.
Les patients ne
souhaitant pas de retouche chirurgicale pour une sous-correction,
un astigmatisme résiduel par exemple, sont quant à eux plus
facilement équipés en lentilles souples.
Dans tous les cas où la cornée présente un aplatissement central
suite à la technique chirurgicale utilisée, le choix du rayon de
courbure de la lentille n’est pas celui de la kératométrie
postopératoire mesurée, car la lentille serait trop plate.
La lentille
s’alignant sur la périphérie cornéenne qui a été peu modifiée par le
traitement chirurgical, le rayon optimal est compris entre les valeurs kératométriques pré- et postopératoires.
Ainsi après KR, le choix du rayon de la première lentille d’essai
rigide est effectué :
– à partir des mesures kératométriques réalisées en postopératoire :
Km = ([K1 + K2] / 2) - 0,20 mm au minimum ;
– à partir des mesures kératométriques préopératoires si l’on a ces
données : K le plus plat + 0,20 mm.
Après PRK et LASIK, si l’on utilise des lentilles rigides, la règle
d’adaptation est quasiment identique, c’est-à-dire que le rayon de la
lentille est compris entre les mesures kératométriques pré- et
postopératoires cornéennes.
Lors d’utilisation de lentilles souples, après PRK ou LASIK, le rayon
de la lentille d’essai choisie est proche de la kératométrie moyenne
postopératoire + 0,30 mm.
Dans tous les cas, l’utilisation de lentilles rigides de diamètre
suffisamment grand (> 9,60 mm) permet d’améliorer la stabilité de
la lentille.
Sous une lentille de géométrie sphéroasphérique, l’image
fluorescéinique obtenue montre l’existence d’un lac central de
fluorescéine, une légère zone d’appui périphérique avant des
dégagements périphériques plutôt ouverts (par exemple, d’une
bonne adaptation sur KR).
La réfraction postopératoire sur la lentille
rigide choisie donne des valeurs proches de l’amétropie
préopératoire, quelle que soit la réfraction postopératoire du
patient.
Lorsque le lac central se révèle trop important et que ces
dégagements périphériques sont excessivement ouverts malgré des
modifications du rayon de courbure, l’utilisation d’une lentille rigide
à dégagement inverse est nécessaire : celle-ci permet d’éviter cette
flaque centrale de larmes en s’alignant sur la cornée centrale et les
dégagements resserrés par la géométrie de ce type de lentille
s’alignent bien sur la cornée périphérique.
L’adaptation d’une
lentille à dégagement inverse se fait à partir de la kératométrie
postopératoire la plus plate, diminuée de 0,10 mm (soit
Km - 0,10 mm ou Km + 1 dioptrie).
Dans le cas de lentille à dégagement inverse, la réfraction faite sur
la lentille sélectionnée est proche de la réfraction postopératoire du
patient, puisque le ménisque lacrymal central a été supprimé.
5- Adaptation en lentilles après greffe de cornée :
* Indications
:
Un équipement en lentilles de contact est proposé essentiellement :
– lors d’astigmatisme important ;
– lors d’anisométropie ;
– s’il existe une aphaquie associée non corrigée.
En effet, lorsque la correction peut être faite par un verre correcteur,
celle-ci doit être privilégiée.
* Principes d’adaptation :
L’astigmatisme étant en règle générale important, le choix s’oriente
en première intention vers une lentille rigide à très haut Dk sur ces
cornées présentant une densité cellulaire endothéliale faible.
Cependant, en cas d’intolérance et lorsque l’astigmatisme se révèle
être assez régulier, le recours à une lentille souple est possible, sous
réserve d’une surveillance cornéenne plus étroite entachée par un
risque de néovascularisation assez grand sous des lentilles dont le
Dk/e est faible.
Il était classique, autrefois, de proposer des lentilles rigides
sphériques de petit diamètre inférieur à la taille du greffon.
Actuellement, l’évolution des matériaux des lentilles et les progrès
réalisés dans les géométries nous amènent à équiper ces cornées
avec des diamètres largement supérieurs à celui de la greffe (8 mm).
Le confort pour le porteur s’en trouve également amélioré.
Dans ce cas encore, l’utilisation d’une vidéotopographie nous donne
beaucoup d’informations sur l’aspect de l’astigmatisme à équiper,
sur la jonction hôte-receveur et sur les valeurs extrêmes de ces
cornées très modifiées.
Le premier choix est celui d’une lentille rigide à hyper-haut Dk
(> 100), de géométrie sphéroasphérique, pas trop fine pour éviter
une flexion de la lentille sous la paupière qui ne permettrait pas de
corriger totalement l’astigmatisme cornéen.
Le rayon de la lentille d’essai est choisi sur le K le plus plat,
éventuellement légèrement resserré si l’astigmatisme est très fort
(> 5 dioptries).
Le diamètre de la lentille doit être grand pour que celle-ci garde une
position centrée sur la cornée.
On débute par exemple par un
diamètre de l’ordre de 11 mm pour une cornée dont le diamètre total
est de 12,5 mm.
On peut observer une répartition irrégulière de la fluorescéine sous
la lentille.
Il faut s’attacher notamment à vérifier l’absence
de zones d’appui franches pouvant être sources de kératite.
Le décentrement de ce type de lentille sur le limbe ou l’existence
d’appuis trop importants peuvent conduire à modifier la géométrie
et à utiliser des lentilles à dégagement inverse.
* Surveillance :
En l’absence de sutures cornéennes, la surveillance est habituelle
chez ces patients.
La présence de sutures en place impose une surveillance beaucoup
plus régulière :
– ablation d’un fil lâche car il va attirer les sécrétions et peut être à
l’origine d’une complication infectieuse grave ;
– surveillance de l’apparition d’une néovascularisation le long d’une
suture.
Il n’a pas par ailleurs été démontré la survenue d’un plus grand
nombre de rejets de greffe chez les patients équipés en lentilles.
6- Adaptation en lentilles après plaie de cornée
:
* Indications
:
La principale indication est l’astigmatisme irrégulier important ne
pouvant être corrigé par un verre correcteur.
Dans certains cas, des
dégâts associés du segment antérieur peuvent aussi justifier cette
adaptation : aphaquie traumatique non implantable, aniridie
partielle ou totale source de photophobie majeure.
* Principes d’adaptation :
La correction d’un astigmatisme irrégulier impose le choix d’une
lentille rigide pour optimiser le résultat visuel.
On choisit de
préférence des lentilles rigides gaz-perméables à très haut Dk sur
ces cornées traumatisées.
En cas d’intolérance, on peut avoir recours
à des lentilles souples toriques, notamment s’il existe une aphaquie
associée, en sachant que le gain d’acuité visuelle n’est pas aussi
optimal qu’après un équipement en lentilles rigides.
On reste
vigilant dans ces cas sur la possibilité de survenue d’une néovascularisation lorsque la cicatrice cornéenne est proche du
limbe.
Dès l’ablation des sutures cornéennes, l’équipement peut être réalisé.
Il nécessite, dans la plupart des cas, des lentilles rigides de grand
diamètre pour obtenir un bon centrage et des géométries sphéroasphériques qui permettent un bon alignement sur la cornée
périphérique.
Dans les cas d’aniridie traumatique, on peut proposer des lentilles
souples hydrophiles à iris peint si la photophobie constitue l’élément
le plus gênant.
* Adaptation :
Le choix du rayon de la première lentille d’essai rigide est basé sur
la kératométrie la plus plate.
Le diamètre choisi est proche de 10,
voire 11 mm. Le rayon de courbure de la lentille est proche de la kératométrie la plus plate.
L’image fluorescéinique obtenue est inhomogène sur ces cornées
déformées et l’on s’attache à éviter des zones d’appui de la
lentille sur les cicatrices pouvant être sources de kératite à ce niveau.
La réfraction est faite à partir de la lentille d’essai sélectionnée.
Dans
le cas d’une aphaquie associée, et si l’acuité visuelle obtenue est satisfaisante, on peut proposer une lentille rigide progressive.
En
effet, le port d’une correction de près pour l’oeil aphaque n’est que
rarement utilisé par ces patients.
7- Adaptation des aphaques :
Le nombre d’aphaques équipés en lentilles rigides est actuellement
faible et il s’agit de patients très âgés opérés il y a de nombreuses
années de cataracte, lorsque les implants intraoculaires n’étaient pas
utilisés.
Les lentilles sont souvent portées en port permanent du fait
de problème de manipulation.
Le diamètre de la lentille utilisée est
grand (11 mm), de façon à éviter la luxation conjonctivale nocturne
possible.
La diminution de la sécrétion lacrymale chez ces patients
est source d’une moins bonne tolérance dans le temps, et
d’encrassement de la lentille par des dépôts protéiques importants.
Les autres aphakies équipées en lentilles rigides sont d’origine posttraumatique
ou postchirurgicale, après chirurgie des
cataractes congénitales chez des enfants.
8- Adaptation des enfants :
* Indications :
– Du nourrisson à l’âge de 2 ans : cataracte congénitale opérée
unilatérale (c’est le seul moyen de correction optique), cataracte
congénitale bilatérale opérée (les lentilles peuvent permettre une
amélioration de l’acuité visuelle et la vision périphérique est mieux
stimulée), aphaquie post-traumatique.
– Chez l’enfant de 2 à 7 ans : anisométropie avec amblyopie relative,
myopie forte congénitale (supérieure à 8 dioptries), hypermétropies
fortes associées à des désordres oculomoteurs.
– Chez l’enfant de 8 à 15 ans : les indications optiques sont souvent
associées à des indications cosmétiques.
Les indications optiques
sont l’anisométropie amblyogène, les myopies fortes et évolutives,
les hypermétropies fortes, les strabismes accommodatifs notamment
avec incomitances loin-près, les nystagmus (ils peuvent trouver une
position de blocage plus satisfaisante par l’agrandissement du
champ visuel donné par les lentilles).
* Adaptation
:
Les adaptations du très jeune enfant étaient classiquement réalisées
en lentilles souples.
Actuellement, la préférence est donnée aux
lentilles rigides en première intention car la tolérance se révèle être
très bonne, les pertes de lentilles moins fréquentes qu’en lentilles
souples, la qualité de l’image obtenue est meilleure et les
manipulations plus simples.
L’adaptation sur le plan technique ne diffère pas de celle réalisée
chez un adulte.
Cependant, on préfère souvent utiliser un diamètre
relativement grand (9,60 mm) chez les petits enfants pour améliorer
la stabilité de la lentille et diminuer les risques de perte.
E - PRESBYTIE ET LENTILLES RIGIDES :
Les toutes premières lentilles pour corriger la presbytie datent de
1938 (Feinbloom).
Bifocales en matériau rigide, elles n’ont été que
des prototypes, vite remplacés par toute une série de lentilles
concentriques puis à segments.
Les résultats peu encourageants ne
leur ont pas permis une diffusion importante.
Récemment, de
nouvelles lentilles, de géométrie différente, en matériau très
perméable à l’oxygène, ont permis d’équiper avec succès de
nombreux patients.
1- Géométrie des lentilles :
Toutes les nouvelles lentilles rigides fonctionnent selon le principe
de la vision alternée.
La discrimination est volontaire.
La mobilité
de ces lentilles est propice à une translation efficace nécessaire pour
alterner devant la pupille la zone de vision de loin ou celle de vision
de près.
Il existe :
– les lentilles bifocales à segments, qui sont les plus anciennes.
Elles
sont constituées comme un verre à double foyer, un segment
supérieur pour la vision de loin, un segment inférieur pour celle de
près.
Un prisme ballast et une troncature qui repose sur le bord de
la paupière inférieure assurent la stabilité.
La paupière supérieure
assure pour l’essentiel la mobilité de la lentille sur la cornée.
Sa
tonicité est un facteur déterminant dans la réussite ou l’échec de
l’équipement.
Trop tonique, elle va capturer la lentille en haut et
l’empêche de redescendre suffisamment vite pour revenir en vision
de loin.
Trop laxe, la lentille ne remonte pas suffisamment pour
assurer une bonne vision de près.
Bien que bifocales, elles ne
semblent pas entraîner de problème majeur en vision intermédiaire.
Mais elles se révèlent un peu inconfortables pour un premier
porteur.
Le prisme ballast est le principal responsable de cet
inconfort ;
– les lentilles concentriques à vision centrale de loin bifocales ou
progressives.
En regard primaire la zone centrale se trouve en face
de la pupille et assure la vision de loin. Dans le regard vers le bas la
lentille remonte et, associée à la convergence, la zone de vision de
près se trouve face à la pupille.
Ces lentilles n’ont pas besoin de
système de stabilisation et le confort est bon ;
– les lentilles concentriques à vision centrale de près bifocales ou
progressives existent toujours.
Elles fonctionnent en vision
simultanée mais sont trop mobile et en perte de vitesse.
2- Indications
:
– Corrections des astigmatismes cornéens jusqu’à 3 dioptries.
– Nécessité d’une vision optimale, sans compromis, sans perte de
contrastes.
– Possibilité d’équiper les patients dont le film lacrymal est
médiocre ou insuffisant.
– Possibilité de pratiquer un port prolongé grâce au DK/e très
élevé.
Mais il existe des limites :
– communes à toutes les lentilles rigides : difficulté d’équiper les
paupières hypersensibles ; pas de correction possible des
astigmatismes mixtes ; nécessité d’un port régulier ;
– propres aux lentilles multifocales : suvenue de difficultés lorsqu’il
existe une ouverture palpébrale ou une tonicité des paupières
anormales ; non-obtention de la vision de près dans toutes les
directions du regard, d’où la nécessité d’un apprentissage du
mouvement de tête.
3- Adaptation :
– Choisir un R0 proche du K le plus plat ou légèrement plus serré
en fonction de la toricité.
– Après avoir pratiqué une réfraction par la méthode du brouillard,
placer la correction trouvée majorée de - 0,25 à - 0,50 pour les
lentilles à vision de loin centrale asphériques progressives.
– S’en tenir à l’addition des lunettes pour la vision de près.
– Apprentissage du mouvement de tête.
– Position de la lentille centrée ou en position légèrement haute,
mais toujours mobile verticalement (d’où la nécessité de rajouter des
verres négatifs pour conserver la vision de loin).
En cas de lentille
trop haute, il faut diminuer le diamètre et resserrer le R0.
En cas de
lentille trop basse, il faut appliquer la procédure inverse. Les
résultats en vision de loin sont immédiats. L’apprentissage n’est
nécessaire que pour optimiser la vision de près.
Complications liées au port
de lentilles
:
Les complications induites par le port de lentilles de contact sont de
différents ordres et de gravité extrêmement variable.
On a l’habitude d’isoler les complications infectieuses, car si elles ne
sont pas fréquentes (2 à 20 cas/10 000 porteurs/an), elles
représentent une véritable urgence thérapeutique et sont graves de
par les séquelles qu’elles peuvent entraîner.
Les autres types de complications peuvent être classées en fonction
de leur mécanisme étiopathogénique et l’on différencie ainsi celles
d’origines allergiques, hypoxiques, mécaniques.
A - COMPLICATIONS INFECTIEUSES :
Dans le monde occidental, on évalue le nombre de kératites
infectieuses liées au port de lentilles de contact comme étant
responsable de 40 à 70 % des infections cornéennes.
Des études multicentriques incluant de grandes cohortes de patients
ont été nécessaires afin de préciser l’incidence de ce risque qui reste
faible.
L’incidence des complications infectieuses est faible, mais c’est le
risque le plus grave lié au port de lentilles de par l’agressivité des
germes pathogènes en cause.
Il existe des facteurs de risque mieux
connus et l’on retient parmi ceux-ci le port permanent en lentilles
souples hydrophiles, le non-respect des consignes d’hygiène,
d’entretien et de renouvellement des lentilles, des facteurs généraux
favorisants comme le diabète, la prise de corticoïdes et des facteurs
locaux oculaires comme l’oeil sec, l’hypoesthésie cornéenne, la
blépharite chronique.
1- Infections bactériennes :
Du fait de l’inversion de la flore conjonctivale saprophyte chez le
porteur de lentilles, les infections à germes à Gram négatif sont le
plus souvent en cause et représentent plus de 60 % des cas
(Pseudomonas aeruginosa, Serratias, Moraxellas...).
S’il s’agit de germes à Gram positif, Staphylococcus aureus,
Staphylococcus epidermidis, Streptococcus pneumoniae sont les plus
souvent isolés.
Le début de l’infection est brutal, douloureux et il existe des
sécrétions mucopurulentes.
L’ulcère cornéen s’accompagne
d’infiltrat sous-jacent et peut être associé à un hypopion.
Dans le cas
d’une infection par pyocyanique, il existe un risque perforatif assez
rapide en raison de la libération d’endotoxines et d’enzymes
protéolytiques.
Ces abcès sous lentilles sont des urgences thérapeutiques médicales
nécessitant la réalisation de prélèvements cornéens et conjonctivaux
avant la mise en route d’une antibiothérapie intensive à large
spectre.
Étuis des lentilles, lentilles et solutions d’entretien doivent
être récupérés et expédiés au laboratoire, comme les prélèvements,
pour examen direct, mise en culture sur milieux spécifiques à la
recherche de bactéries mais aussi d’amibes et de champignons.
L’antibiothérapie est locale, administrée toutes les heures les
premiers jours de l’infection et l’on utilise soit des collyres fortifiés
en association pour être actif sur les germes à Gram positif et les
germes à Gram négatif, soit des quinolones.
Elle est bien sûr
secondairement adaptée en fonction des résultats du germe isolé et
de l’antibiogramme.
2- Infections amibiennes
:
Décrites pour la première fois par Jones en 1974, ces infections dues
à une amibe libre de type Acanthamoeba sont particulièrement
graves.
Elles surviennent plus fréquemment chez les porteurs de
lentilles et des facteurs de risque de contamination ont pu être
reconnus, comme l’utilisation d’eau du robinet pour le rinçage des
lentilles ou le port des lentilles en piscine.
L’Acanthamoeba présente un cycle évolutif particulier avec des
trophozoïtes mobiles, actifs et des kystes quiescents ; cette
particularité explique l’allure évolutive chronique de cette affection
faite de poussées et de rémissions.
Sur le plan clinique, le premier stade est épithélial et dure de
plusieurs jours à plusieurs semaines.
Il est caractérisé par
l’importance des douleurs ressenties par le patient, qui contraste
avec la pauvreté des signes épithéliaux souvent réduits, à un aspect
de pseudodendrite, de lignes épithéliales surélevées. L’existence
d’une kératonévrite radiaire est très évocatrice de l’infestation par
ce parasite et de son neurotropisme.
Au stade stromal de l’affection,
l’aspect en anneau de l’infiltrat est un signe pathognomonique de
l’infection : à ce stade, le pronostic est sévère.
La difficulté thérapeutique de l’infection amibienne est due à la
résistance des kystes aux différentes molécules et à la possibilité des trophozoïtes de s’enkyster lors de conditions défavorables.
Les
traitements les plus actifs sont les antiseptiques cationiques comme
le polyhexaméthyl biguanide (PHMB) à 0,02 % ou la chlorhexidine
à 0,02 % associés à des diamines aromatiques comme l’iséthionate
de propamidine à 0,1 % (ou Brolènet) ou l’hexamidine.
Le
traitement institué doit être poursuivi plusieurs semaines afin que
les kystes soient détruits.
3- Infections fongiques :
Leur fréquence est moins grande et est évaluée à 4 % des infections
survenant chez les porteurs de lentilles.
Elles ont pour
caractéristiques de survenir volontiers chez les patients équipés en
lentilles thérapeutiques et chez les patients ayant un terrain
immunodéprimé ou des facteurs favorisants comme l’alcoolisme, le
diabète.
Sur le plan clinique, l’existence de foyers de petite taille, multiples,
profonds, d’évolution lente, est évocatrice. Les champignons isolés
sont par ordre de fréquence : Candida albicans, Fusarium solanii et
Aspergillus niger.
En l’absence d’immunodépression, le traitement antimycotique est local utilisant des collyres préparés
d’amphotéricine B à 0,15 %, de miconazole à 0,1 % ou de natamycine
à 5%.
L’éducation des porteurs de lentilles et leur sensibilisation aux
facteurs de risques devraient permettre de pouvoir diminuer ce
risque.
L’arrêt du port de lentilles au moindre symptôme anormal
suivi d’une consultation en l’absence d’une amélioration franche et
rapide permet une prise en charge thérapeutique limitant les
séquelles.
B - COMPLICATIONS ALLERGIQUES :
1- Conjonctivite papillaire géante :
Cette conjonctivite allergique est très spécifique du porteur de
lentilles de contact, bien qu’elle ait été également rapportée chez les
porteurs de prothèses oculaires.
La symptomatologie est celle d’une intolérance progressive des
lentilles de contact en rapport avec le stade évolutif de l’affection.
Elle survient le plus souvent après plusieurs années de port de
lentilles sans problèmes.
Sa fréquence est plus grande chez le
porteur de lentilles souples que chez le porteur de lentilles rigides.
Au début, le patient se plaint d’une irritation légère survenant en
fin de journée associée à quelques sécrétions blanchâtres, puis les signes augmentent, l’obligeant à retirer ses lentilles de plus en plus
tôt au cours de la journée, l’arrêt du port entraînant la cédation de
la symptomatologie.
Le diagnostic clinique est facile : à l’éversion de la paupière
supérieure, les papilles sont bien visibles et leur taille permet de
bien classifier le stade de l’affection :
– à un stade 1, on note une légère hyperhémie ;
– au stade 2, les papilles sont présentes, de petite taille, inférieure
ou égale à 0,5 mm ; l’hyperhémie est nette ;
– au stade 3, les papilles atteignent une taille de 1 mm, l’oedème de
la conjonctive palpébrale est manifeste et l’on note la présence de
mucus.
Le mécanisme immunologique de cette conjonctivite associerait une
hypersensibilité de type I (immédiate) mais aussi de type IV
(retardée).
Les allergènes invoqués selon différents auteurs seraient les dépôts
protéiniques dénaturés à la surface des lentilles, une sensibilisation
aux produits d’entretien avec certainement une participation
mécanique induite par les frottements répétés de la lentille sur la
conjonctive lors du clignement.
Le traitement est donc orienté dans plusieurs directions du fait des
causes plurifactorielles invoquées.
On associe le plus souvent un
traitement médical par collyres antiallergiques à une modification
du type de lentilles portées (lentilles à remplacement fréquent,
lentilles jetables journalières) et/ou à un changement de famille
chimique du produit d’entretien utilisé.
2- Allergie aux produits d’entretien :
Il peut s’agir d’allergie aux conservateurs et plus particulièrement
d’allergie aux dérivés mercuriels, d’allergie aux antiseptiques
constituant le produit d’entretien, ou encore d’allergie aux enzymes
utilisés lors de la déprotéinisation.
L’interrogatoire du patient permet de bien préciser le ou les produits
utilisés (pour la décontamination, le rinçage...) et de les classer dans
une famille chimique.
En effet, la découverte d’une allergie au
chlorure de benzalkonium, par exemple, qui fait partie des
ammoniums quaternaires, fait alors préférer l’utilisation d’une
molécule de la famille des biguanides.
Sur le plan symptomatologique, le patient rapporte une irritation,
une gêne à la pose de la lentille, avec majoration des signes dans le
temps.
À l’examen, l’hyperhémie conjonctivale est manifeste et il
peut exister des infiltrats cornéens de siège le plus souvent
supérieur.
Un test épicutané allergologique spécifique des composants des
solutions d’entretien peut être réalisé et aider à confirmer le
diagnostic.
Le traitement est celui de l’éviction de l’allergène et l’utilisation de
systèmes de décontamination les moins allergisants possible.
Un
entretien avec du peroxyde d’hydrogène est alors souvent préconisé.
Les lentilles jetables journalières trouvent également toute leur place
dans ce type d’allergies, supprimant ainsi toute utilisation de
produit.
Par ailleurs, chez des sujets aux antécédents atopiques et/ou
présentant une conjonctivite allergique, la possibilité de survenue
de ces allergies est plus grande.
3- Infiltrats stériles :
Il faut reconnaître que la physiopathologie des infiltrats cornéens
stériles n’est pas parfaitement connue.
Il semblerait que leur
présence signe le résultat d’une cascade de mécanismes de défense
cornéenne (on retrouve seulement des éléments leucocytaires lors
de leur biopsie).
Ils ne représentent donc qu’un symptôme à des
étiologies variées.
Parmi les étiologies suspectées, sont évoqués un mécanisme de
toxicité ou d’hypersensibilité aux conservateurs, aux solutions
d’entretien, une réaction immunologique à la toxine d’un germe
pathogène (bien connue lors de méibomiite associée par exemple
avec libération des différentes toxines du staphylocoque, on pourrait
imaginer, lors de la présence d’une bactérie adhérente sur la lentille,
le même mécanisme).
Certains ont même évoqué une possibilité de
réaction immunologique au matériau même de la lentille (fréquence
beaucoup plus grande avec les matériaux contenant de l’hydrogel,
nature absorbante des polymères ?).
L’hypoxie a également été
évoquée comme mécanisme, or le développement des silicohydrogels, avec leur très haute perméabilité à l’oxygène,
contredit cette hypothèse puisque des infiltrats stériles sont
également rapportés.
Les éléments d’orientation sont essentiellement cliniques comme : le
nombre d’infiltrats (multiples : plutôt stériles) ; leur taille (> 1, voire
> 2 mm, plutôt infectieux) ; leur siège (plutôt périphérique dans les
formes stériles) ; l’état épithélial au-dessus de l’infiltrat (intact, fluonégatif
: stériles), en sachant que dans quelques cas rares, des
infiltrats infectieux peuvent se développer sous un épithélium sain.
L’existence d’éléments associés comme la douleur, une réaction de
chambre antérieure, des sécrétions mucopurulentes sont en désaccord avec une
étiologie stérile et constituent des arguments de présomption
infectieuse de ces lésions.
L’arrêt du port des lentilles et un traitement local par corticoïdes
permettent la guérison. De plus en plus d’auteurs préconisent une
couverture antibiotique associée de sécurité.
4- Kératoconjonctivite limbique supérieure
:
Elle est actuellement beaucoup plus rare, depuis que l’utilisation de thimérosal pour l’entretien des lentilles a été abandonné.
Il s’agit
d’une réaction d’hypersensibilité en général à un composant du
produit d’entretien.
Elle se manifeste par une injection intense de la
conjonctive bulbaire supérieure, avec présence au niveau de la
cornée supérieure d’opacités épithéliales et sous-épithéliales.
Il existe
une vascularisation cornéenne superficielle supérieure associée avec
une tendance évolutive de ces lésions en forme de « V ».
Il faut la différencier de la kératoconjonctivite supérieure
idiopathique de Théodore qui survient chez la femme d’âge moyen
présentant une pathologie thyroïdienne associée et une kératite
filamenteuse dans 35 à 50 % des cas.
C - COMPLICATIONS MÉCANIQUES :
1- Syndrome 3h-9h
:
Il est spécifique des lentilles rigides et son incidence est variable
selon les séries : de 17 % à 45 %, il est plus fréquent en port
permanent.
En fonction de son importance, on peut le classer en quatre stades :
– KPS à 3h et 9h, sans coalescence des lésions ;
– KPS avec coalescence mais sans diffusion de fluorescéine dans les
couches profondes ;
– KPS dense localisée ;
– opacification ou néovascularisation localisée.
Les causes peuvent être plus ou moins associées :
– mauvais clignement ;
– sécheresse lacrymale relative ;
– mauvaise géométrie de la lentille qui appuie excessivement au
niveau du bord.
Les options thérapeutiques sont :
– une modification de la géométrie de la lentille : utiliser plutôt une
forme sphéroasphérique, choisir une excentricité supérieure (proche
de 0,8) de lentille ;
– modifier le rayon dans le sens d’un aplatissement ;
– modifier le diamètre : plus grand ou plus petit.
2- Complications mécaniques liées à une détérioration
de la lentille :
Il est facile d’imaginer l’inconfort et l’intolérance qu’elles peuvent
induire, qu’il s’agisse d’un coup d’ongle, d’une encoche du bord,
voire une véritable déchirure de lentille.
Dans d’autres cas, c’est
l’état de surface qui peut être responsable des symptômes : trouble
visuel en rapport avec un film protéique dense sur une lentille trop
âgée ou en rapport avec des dépôts importants, diminution du
confort et du temps de port chez un porteur de lentilles souples ne
les ayant pas renouvelées depuis plus de 18 mois.
D - COMPLICATIONS HYPOXIQUES :
Elles témoignent d’un insuffisant Dk/e de la lentille pouvant être lié au
matériau lui-même, à une épaisseur trop importante de la lentille, à
un temps de port trop long (port permanent), auxquels un facteur
individuel de tolérance cornéenne s’ajoute.
1- Néovascularisation cornéenne
:
Les causes responsables d’une néovascularisation cornéenne
dépendent de plusieurs facteurs.
L’hypoxie est considérée comme
un stimulus majeur de la vascularisation par l’augmentation de
l’acide lactique qu’elle induit ; l’épithélium cornéen, lui-même en
état d’hypoxie, serait capable de libérer des substances qui par le
biais des larmes vont stimuler la dilatation des vaisseaux limbiques.
Une adaptation en lentilles souples hydrophiles (LSH) trop serrée
peut également déclencher, par la pression chronique qu’elle exerce
sur les veines limbiques, une dilatation des petits vaisseaux
limbiques.
Un facteur inflammatoire peut également être à l’origine
d’une néovascularisation : il s’agit plus volontiers d’une
inflammation chronique infraclinique.
L’accumulation de cellules
épithéliales desquamées sous la lentille en quantité importante lors
de port permanent pourrait en être responsable.
Parmi les autres
facteurs admis capables d’induire une néovascularisation, on
incrimine les microtraumatismes répétés du bord de la lentille sur le
limbe et la toxicité des solutions d’entretien des lentilles.
Il faut
reconnaître de toute façon qu’il existe des variations
interindividuelles importantes de réponse à ces différents stimuli.
Une néovascularisation cornéenne peut s’observer en port
permanent, mais aussi en port journalier.
Elle est beaucoup plus
fréquente chez les porteurs de lentilles en hydrogels.
Les vaisseaux se développent à partir des arcades limbiques, sont le
plus souvent superficiels et forment des boucles vasculaires plus
marquées en supérieur du fait de la présence de la paupière
supérieure qui majore encore l’hypoxie.
Cette néovascularisation
superficielle est présente chez 9 à 17%des porteurs.
Il est important
de bien noter son importance en millimètres et sa situation dans les
différents quadrants cornéens pour en apprécier l’évolution.
Le
traitement consiste à changer de lentilles pour des lentilles plus fines
et à Dk/e plus grand, à changer les modalités de port (passage à un
port journalier), ou à rééquiper en lentilles rigides gaz-perméables.
On obtient ainsi une régression de la néovascularisation. Les
vascularisations profondes sont rares, prennent un aspect radiaire
en pinceau et évoluent vers le centre cornéen.
Elles imposent l’arrêt du port et parfois une corticothérapie locale
pour favoriser leur régression, laissant alors une image de
vaisseaux « fantômes ».
2- OEdème cornéen
:
Il est actuellement rare de voir un patient porteur de lentilles
consulter pour une vision trouble au réveil en rapport avec un
oedème cornéen, alors qu’il y a une vingtaine d’années, cela était
loin d’être exceptionnel chez les patients porteurs de lentilles en PMMA qui venaient consulter en urgence avec un oedème cornéen
central et une kératite ponctuée superficielle diffuse.
Cependant, on
peut encore actuellement observer des épisodes aigus d’oedème avec
plis descemétiques chez les patients ayant oublié d’enlever leurs
lentilles la nuit et dont le Dk du matériau est faible.
Des plis descemétiques verticaux peuvent être observés à partir d’une
augmentation de l’épaisseur cornéenne de 6 à 7%.
3- Microkystes :
Ils n’ont été observés que lors de port permanent de lentilles et ils
surviennent plus volontiers chez les porteurs de lentilles souples que
chez les porteurs de lentilles rigides.
Ils apparaissent après 2 à 3
mois de port permanent en général.
Ils sont asymptomatiques et
visibles uniquement à fort grossissement en rétro-illumination.
Situés dans les couches profondes épithéliales, ils tendent à migrer
vers la superficie.
Ils contiennent des débris cellulaires, sont de petite
taille (15 à 50 μm) situés plus volontiers en moyenne périphérie de
la cornée.
Leur présence en grand nombre (supérieur à 50) impose
l’arrêt du port.
Leur disparition est longue et dure de 6 à 8 semaines.
Un rééquipement en port journalier est alors effectué.
4- Fragilité épithéliale cornéenne et kératites ponctuées
superficielles :
L’hypoxie sous la lentille peut être responsable de lésions
épithéliales superficielles souvent diffuses. Lors d’hypoxie
importante, un oedème cornéen est souvent associé.
Il faut les
différencier :
– des KPS liées à une insuffisance de sécrétion lacrymale chronique
ou à des circonstances particulières source d’une évaporation des
larmes aiguë (air climatisé, conditions climatiques extrêmes),
notamment chez le porteur de lentilles souples ;
– des KPS d’origine mécanique par passage sous la lentille d’un
corps étranger, par détérioration du bord de la lentille ou déchirure,
par difficulté de manipulation lors de la pose ou du retrait de la
lentille ;
– des KPS toxiques par mauvaise utilisation d’un produit
d’entretien (non-respect de neutralisation d’une solution oxydante,
mauvais rinçage après déprotéinisation…).
E - INCONFORTS LIÉS AU PORT DES LENTILLES :
Il ne s’agit pas de complications véritables mais plutôt de
symptômes survenant spécifiquement chez un porteur de lentilles.
1- Inconfort par hyposécrétion lacrymale :
Il est assez fréquent, et le reconnaître est relativement facile car le
porteur de lentilles va spontanément décrire une sensation de
« sécheresse » maximale en fin de journée ou survenant dans des
conditions particulières : travail sur écran où la raréfaction du
clignement majore les signes, lieu climatisé …
L’examen peut retrouver, outre une diminution du Schirmer et du
BUT, de minimes lésions épithéliales sous la lentille prenant parfois
un aspect arciforme inférieur.
Il est important de préciser l’étiologie de cette hyposécrétion :
essentielle ou secondaire.
Une hyposécrétion lacrymale chez un porteur de lentilles présentant
des lésions épithéliales doit conduire à l’arrêt du port car le risque
infectieux est majoré.
L’existence d’une sensation de sécheresse
oculaire survenant lors de certaines situations, non accompagnée de
lésions cornéennes épithéliales, ne constitue pas une contreindication
au port et dans ce cas, l’utilisation ponctuelle de collyres
mouillants sans conservateurs permet une amélioration du confort.
2- Autres inconforts lors du port de lentilles
:
* Inconfort visuel
:
La gêne ressentie peut être importante, avec impression de
brouillard, mauvaise vision de près, céphalées, etc, tous ces signes
s’aggravant en fin de journée ou après des épisodes de fixation.
Il est donc important de vérifier la réfraction à la recherche d’une surcorrection myopique, d’une sous-correction hypermétropique, en
s’aidant dans certains cas d’une cycloplégie.
Il faut également rechercher un astigmatisme mal corrigé ou
résiduel.
Une correction approximative s’avère relativement bien
tolérée en lunettes, ce qui n’est pas le cas en lentilles.
Une presbytie débutante ou une presbytie mal corrigée par des
lentilles peuvent également être source d’inconfort.
*
Inconfort par décompensation d’un trouble phorique préexistant
:
Il survient le plus souvent chez un porteur équipé pour la première
fois en lentilles.
Chez un nouveau porteur, l’existence d’une
hétérophorie préalable faiblement symptomatique se trouve
décompensée avec apparition de tout le cortège des signes liés à
l’asthénopie.
Les amétropies fortes sont le plus souvent concernées
par ces problèmes, avec insuffisance de convergence et exophorie
chez le myope et ésophorie chez l’hypermétrope.
Une rééducation de la vision binoculaire améliore rapidement les
conditions de confort visuel.
* Inconfort par mauvaise adaptation
:
Une lentille souple hydrophile trop plate, trop mobile, est source
d’inconfort.
À l’inverse, une lentille trop serrée peut également être
source d’inconfort survenant plutôt en fin de journée et peut parfois
provoquer un syndrome de serrage avec douleur et cercle périkératique.
Chez un porteur de lentilles rigides, l’existence d’un confort modéré
en tout début de port est souvent la règle.
Cependant, il faut vérifier
avec de la fluorescéine que la géométrie retenue de la lentille soit
bien en adéquation avec la forme cornéenne du patient équipé sans
appuis témoins d’un serrage et sans décollement des bords signant
une adaptation plate.