Contusions et plaies de l'abdomen Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
La prise en charge des traumatismes de l’abdomen a considérablement
évolué ces dernières années.
De nouveaux concepts et de nouvelles
techniques ont modifié l’abord thérapeutique initial des patients.
La
première modification découle des situations de guerre : il s’agit de la
chirurgie « abrégée », « écourtée » ou de « contrôle aigu » avec réopération programmée.
Elle n’est pas courante en Europe où les
trauma centers ne sont pas encore développés comme ils le sont aux
États-Unis.
La seconde et profonde modification vient de l’évolution de
la radiologie.
La performance de l’imagerie et les possibilités interventionnelles de ses équipes ont considérablement rapproché le
radiologue du chirurgien.
Les radiologues interventionnels
pratiquent des gestes relevant autrefois exclusivement de la compétence
du chirurgien.
Ainsi, le bilan d’admission et les examens
complémentaires d’un patient traumatisé de l’abdomen tiendront
compte de ces évolutions et des possibilité d’accès à ces techniques nouvelles.
Enfin, la laparoscopie voit son usage se développer et elle se
situe aujourd’hui, dans le contexte de l’urgence traumatique
abdominale, entre l’étape diagnostique et le traitement.
Les plaies et les contusions de l’abdomen sont classiquement
regroupées, pour des raisons didactiques, dans un même chapitre.
Cependant, si les lésions viscérales rencontrées au cours de ces deux
types de traumatismes sont assez semblables, un certain nombre
d’éléments les différencient : le mécanisme lésionnel, la stratégie
diagnostique et thérapeutique, et souvent le pronostic.
D’autres éléments
doivent également être pris en compte lors de l’évaluation des lésions
du patient : l’état général, du fait des tares associées ou du mécanisme
du traumatisme (en particulier l’état de choc), l’unicité ou la multiplicité
des lésions (la distinction en urgence entre les deux étant souvent
difficile, voire impossible) et bien entendu l’expérience et les moyens
pouvant être mis en oeuvre pour la prise en charge du polytraumatisme
par l’équipe d’accueil (anesthésistes-réanimateurs, radiologues,
chirurgiens...).
Pour ces différentes raisons, nous axerons plus précisément notre travail
sur la stratégie diagnostique et thérapeutique la plus appropriée aux
différentes situations cliniques potentielles.
Sans avoir la prétention de
proposer une conduite univoque sur un sujet qui est loin d’être
consensuel, le but de cette démarche est d’éviter une perte de chances
pour des patients souvent jeunes.
Définitions
:
1- Traumatisme abdominal
:
Il se définit comme un traumatisme intéressant la région comprise entre
le diaphragme en haut et le plancher pelvien en bas, quel que soit le point
d’impact.
Celui-ci peut être direct, par traumatisme pénétrant, ou
indirect, par choc ou onde de choc.
Sur le plan anatomique, l’abdomen
remonte très haut, jusqu’à une ligne se projetant au niveau du cinquième
espace intercostal en avant.
2- Traumatisme abdominal pénétrant
:
Il est réalisé par une plaie de la paroi abdominale associée à une
effraction du péritoine pariétal.
Ce traumatisme peut donc être associé à
des lésions viscérales intra-abdominales, ou à une simple atteinte de la
paroi de l’abdomen à distance du point d’entrée.
3- Plaie thoracoabdominale
:
C’est une plaie intéressant de manière concomitante le thorax et
l’abdomen.
Toute plaie en apparence thoracique peut s’accompagner
d’une lésion intra-abdominale par une brèche diaphragmatique.
La
méconnaissance de cette atteinte abdominale est d’autant plus grave que
les plaies thoraciques isolées nécessitent rarement une procédure
chirurgicale : l’absence d’exploration risque de méconnaître une brèche
diaphragmatique et une lésion viscérale sous-jacente.
4- Plaies pelviabdominales
:
Il s’agit de lésions dont le point d’impact initial se situe le plus souvent
dans le pelvis.
Elles sont fréquemment secondaires à un tir d’arme à feu
ou à un empalement.
Leur gravité potentielle est grande : elles
s’accompagnent d’une importante attrition musculaire, de lésions
osseuses avec risque d’ostéite, voire de blessure vésicale, urétrale ou
rectale alors rapidement responsable de gangrène gazeuse.
Elles
s’associent également à des lésions vasculonerveuses : atteinte du nerf
sciatique, lésion de l’artère fessière dont l’hémostase est difficile.
La
constatation d’une rectorragie ou d’une hématurie dans un contexte de
lésion pelvienne doit faire rechercher une lésion abdominale associée.
5- Plaies lomboabdominales
:
Ce sont des lésions à point d’impact postérieur, atteignant l’abdomen
après traversée de l’espace rétropéritonéal.
Ces lésions sont donc
habituellement transfixiantes, et outre les lésions rétropéritonéales
touchant l’appareil urinaire, les glandes surrénales, les gros vaisseaux et
le rachis, des lésions intrapéritonéales par contiguïté doivent
systématiquement être recherchées.
Épidémiologie
:
En Europe, les accidents de la voie publique constituent l’étiologie
principale des traumatismes de l’abdomen.
Ces accidents sont à
l’origine de 80 % des lésions et responsables de 10 à 30 % des décès
observés.
Le port obligatoire de la ceinture de sécurité et, plus
récemment, la présence de coussins gonflables en cas de choc tendent à
diminuer la fréquence de ces lésions.
En cas de choc direct, les
mécanismes lésionnels sont essentiellement les écrasements de
l’abdomen sur le volant ou sur le tableau de bord.
Ils déterminent des
lésions directes. L’écrasement du pancréas sur le billot vertébral en est
un exemple.
La décélération brutale, en cas d’impact du véhicule sur
un obstacle fixe, représente un autre mécanisme à l’origine des
traumatismes abdominaux.
L’énergie « d’arrachement » des organes est
alors proportionnelle à leur masse et au carré de leur vitesse.
Les dégâts
viscéraux peuvent être importants, et les plus graves sont liés aux
arrachements vasculaires, en particulier de l’aorte, de la veine cave par
traction du foie, et des vaisseaux mésentériques par la traction des anses
intestinales.
Les lésions par arme blanche et par arme à feu sont moins
fréquentes dans nos contrées.
Les armes blanches provoquent des
lésions directes des organes touchés.
Il faut retenir que le pronostic
lésionnel ne dépend pas de l’arme utilisée, mais de la façon dont elle est
utilisée. Les lésions par arme à feu sont particulières.
Elles entraînent
des dégâts sur le trajet du projectile mais également à distance en
fonction de leur cinétique.
Ainsi, les armes civiles (cinétique lente) sont
à distinguer des armes de guerre (cinétique rapide).
Enfin, les plaies
faisant suite à des explosions associent les lésions par contusion (effet
blast) et les traumatismes directs par projection d’éclats ou de corps
étrangers.
Les autres étiologies regroupent les accidents sportifs, les
accidents du travail, les tentatives d’autolyse, les catastrophes naturelles
et les attentats.
La répartition en âge et en sexe des traumatisés de l’abdomen reflète
l’origine accidentelle des traumatismes.
La moitié des blessés a moins
de 45 ans, et il s’agit de sujets masculins dans 78 % des cas.
Aux
États-Unis, l’étiologie des traumatismes abdominaux est plus
fréquemment violente, par arme à feu ou par arme blanche (50 % des
cas).
En zone de guerre, la plaie par arme à feu est bien entendu plus
fréquente que la contusion.
Accueil du traumatisé
:
Selon les circonstances et le lieu de l’accident, le ramassage et le triage
des patients traumatisés sont effectués par des équipes différentes
(Samu, pompiers, militaires…).
Nous situerons délibérément dans cet
article la prise en charge des patients au-delà de l’étape préhospitalière.
Une première évaluation rapide et globale du patient traumatisé peut être
effectuée à l’aide de scores prenant en compte des données anatomiques
et physiologiques.
Ceux-ci permettent une évaluation approximative du
type d’hospitalisation nécessaire (Trauma Index), de la probabilité de
survie (Trauma Score) ou du risque de décès (Injury Severity Score).
Enfin, un arbre décisionnel simple peut être proposé (fig 1).
A - Réanimation
:
La réanimation est entreprise dès l’accueil du patient et vise à traiter un
état de choc ou à prévenir un choc latent.
Elle s’attachera au contrôle des
principales fonctions vitales, puis à la recherche de lésions méconnues
ou de complications.
Le maintien de la fonction respiratoire peut nécessiter une ventilation
assistée.
Celle-ci s’impose face à une détresse respiratoire et doit être
envisagée si le patient n’est pas capable d’exécuter un ordre simple, avec
un état hémodynamique instable et/ou une fréquence respiratoire
supérieure à 30 cycles/min.
Le maintien de la fonction cardiocirculatoire passe par la correction d’un
état de choc hypovolémique ou d’une hypovolémie persistante.
L’utilisation d’un pantalon antichoc qui permet une augmentation des
résistances du système vasculaire provoque une élévation tensionnelle permettant dans certains cas d’amener un patient vivant au bloc
opératoire.
La surveillance (pression veineuse centrale [PVC],
diurèse, au besoin cathéter de Swan-Ganz) et la transmission précise des
données de réanimation (volumes transfusés) permettent d’éviter une
surcharge liquidienne par excès de remplissage.
La lutte contre l’hypothermie, définie comme une température centrale
inférieure à 35 °C, est fondamentale.
L’hypothermie est secondaire
aux examens répétés, aux remplissages et transfusions massifs et aux
interventions.
Elle diminue la tension artérielle (TA), la fréquence
cardiaque et est responsable de troubles du rythme en dessous de 32-
30 °C.
Elle diminue le niveau fonctionnel du système nerveux et
perturbe l’hémostase.
Sa correction est un objectif constant du
réanimateur, et sera un des facteurs incitant à limiter les gestes
chirurgicaux à leur strict nécessaire dans un premier temps, quitte à
prévoir d’emblée une réintervention programmée à distance de la phase
critique.
En pratique, deux tableaux doivent être distingués selon l’état
hémodynamique du patient.
1- État de choc hypovolémique
:
Le diagnostic d’un état de choc hypovolémique peut être orienté par la
clinique (pâleur, agitation, sueur, vasoconstriction périphérique,
tachypnée superficielle, tachycardie avec pouls faible et filant, tension
pincée, abaissée, voire effondrée).
Cependant, les paramètres
hémodynamiques d’un blessé à l’arrivée sont souvent perturbés par le
stress, le transport, les lésions associées...
On ne peut parler d’état de
choc hypovolémique (pression artérielle systolique < 8 mmHg) ou
d’instabilité hémodynamique qu’après avoir perfusé rapidement 1 000 à
1 500 mL de soluté de remplissage (macromolécules, cristalloïdes...)
sans obtenir de gain sur la pression artérielle ou la fréquence cardiaque.
La mise en oeuvre d’une réanimation visant à rétablir (au moins
partiellement) l’hémodynamique s’impose dans les plus brefs délais.
Cette étape est le plus souvent débutée lors de la phase préhospitalière
de la prise en charge du blessé, lors du ramassage ou du transport : mise
en place d’une ou plusieurs voies veineuses de bon calibre, perfusion de
solutés cristalloïdes ou de macromolécules, intubation trachéale et
ventilation assistée si nécessaire dès le ramassage ou pendant le
transport.
En cas d’intervention chirurgicale urgente d’hémostase, un recueil
sanguin précoce pour autotransfusion doit être envisagé.
Toutefois,
les risques infectieux pouvant être liés à une contamination bactérienne
de l’hémopéritoine en limitent l’utilisation.
2- État hémodynamique stable
:
Le bilan lésionnel d’un patient présentant un état hémodynamique stable
doit être réalisé sans retard.
Il doit être le plus complet possible et permet
la prescription des examens complémentaires.
La surveillance neurologique est principalement basée sur l’état de
vigilance, l’orientation temporospatiale, la réflexivité pupillaire, la
recherche de signes de latéralisation, et plus ou moins aidée par les
scores d’évaluation neurologique (Glasgow).
Cet examen doit être
obligatoirement réévalué avant sédation.
La prise en charge des
problèmes métaboliques et hydroélectrolytiques repose sur le bilan
hydrique des entrées et sorties (par 4 heures) afin de maintenir une
diurèse abondante (100 mL/h).
Certains éléments généraux de
thérapeutique doivent être systématiquement envisagés et adaptés en
fonction de la situation : antibioprophylaxie, prophylaxie antitétanique,
prévention de l’hémorragie digestive de stress, prophylaxie
antithrombotique, drogues vasoactives et diurétiques, sédation.
Les
indications de cette dernière sont multiples (confort du patient,
analgésie, état d’agitation, hypertension intracrânienne, hyperthermie,
adaptation au ventilateur), mais ses complications potentielles doivent
être connues (problème de la surveillance neurologique, modification du
tableau clinique, effet dépresseur circulatoire et ventilatoire, diminution
de la cicatrisation et des défenses immunitaires).
B - Bilan clinique initial
:
L’examen clinique initial est indispensable.
Il a un double intérêt :
définir le degré d’urgence et servir d’examen de référence.
Il doit être
considéré avec la plus grande prudence s’il existe des lésions cérébrales
ou médullaires associées ou si le patient est sédaté.
L’interrogatoire d’un patient conscient est orienté dans trois directions :
tester rapidement l’orientation temporospatiale du blessé ; définir le plus
précisément les circonstances de l’accident (où, quand et comment il
s’est produit en interrogeant au besoin les témoins et l’équipe de
« ramassage ») ; et enfin connaître les antécédents médicochirurgicaux
du patient, les éventuels traitements en cours (antiagrégants,
anticoagulants, antidiabétiques...), et une éventuelle grossesse.
Si le
patient est inconscient ou sédaté, les seuls renseignements utilisables
sont ceux fournis par l’équipe de ramassage, l’entourage et les témoins
de l’accident.
L’examen clinique doit être pratiqué chez un patient dévêtu et si possible
réchauffé.
Il nécessite rigueur et méthode et ne doit jamais se limiter
exclusivement à la région qui « semble lésée ».
Selon l’habitude de
l’examinateur, il sera pratiqué par région topographique (crâne, thorax,
abdomen...) ou par fonction (circulatoire, respiratoire, motrice...).
L’inspection recherche des points d’impact (ecchymose, hématome,
plaie...).
La constatation de la marque de la ceinture de sécurité au niveau thoracoabdominal indique un mécanisme de décélération important
faisant craindre les lésions internes en rapport.
En cas de plaie, outre la
topographie, le degré de souillure doit être noté ainsi que tout élément
anatomique (épiploon, intestin...), liquide (sang, urine, matières...) ou
gaz éventuellement extériorisés.
Une plaie potentiellement liée à un
projectile doit faire rechercher minutieusement l’orifice de sortie, ou
d’entrée, le cas échéant.
La palpation est réalisée après réchauffement
des mains de l’examinateur, progressivement en partant des zones
paraissant les moins sensibles, avec méthode.
Un point douloureux, une
défense ou une contracture sont évidemment recherchés, mais l’examen
est le plus souvent difficile en urgence.
La distinction entre une origine
pariétale et une origine profonde est souvent difficile.
L’atteinte des
dernières côtes est soigneusement recherchée, pouvant signer, outre un
traumatisme thoracique associé, une lésion splénique à gauche et une
lésion hépatique à droite.
La percussion peut montrer une matité, signe
d’un épanchement intrapéritonéal abondant.
En revanche, la
constatation d’un tympanisme, de même que la diminution des bruits hydroaériques à l’auscultation, ont peu d’intérêt car la présence d’un
iléus fonctionnel est fréquente après un traumatisme abdominal.
Les
touchers pelviens sont de réalisation systématique face à tout
traumatisme abdominal. Un bombement du cul-de-sac de Douglas, une
douleur élective à sa palpation orientent vers une irritation péritonéale
aiguë.
C - Topographie lésionnelle
:
Le point d’impact lésionnel permettra de suspecter les organes
potentiellement traumatisés : ceci est vrai pour les plaies et chocs
directs, mais peu informatif pour les lésions par décélération ou par effet
de souffle.
– La localisation d’une lésion à l’hypocondre gauche permet
difficilement de distinguer un traumatisme isolé de cette région d’un
traumatisme thoracique, et ce d’autant que l’inhibition respiratoire est
souvent au premier plan et que l’association des deux types de lésions
est fréquente.
L’organe le plus fréquemment atteint dans cette région est
la rate.
D’autres organes peuvent être lésés : le rein gauche, la glande
surrénale gauche, l’angle colique gauche, le pancréas, la coupole
diaphragmatique gauche ou des gros vaisseaux pédiculaires : rénal,
splénique ou colique.
– Un traumatisme épigastrique entraîne une contracture d’emblée en
cas d’atteinte de l’estomac.
Les nausées et vomissements sont
inconstants. Une rupture duodénale peut parfois se manifester à ce
niveau, de même que des atteintes du côlon transverse, du bas oesophage,
du thorax, du foie, du pancréas, des gros vaisseaux.
– Lorsque le traumatisme est localisé au niveau de l’hypocondre droit,
le foie est fréquemment lésé.
On distinguera les lésions dues à un
traumatisme fermé de l’abdomen et celles liées à une plaie.
Toutefois, il
faut souligner que de véritables plaies hépatiques peuvent se rencontrer
au cours de traumatismes fermés de l’abdomen.
Les lésions les plus
graves, car les plus difficiles à diagnostiquer et à traiter, sont liées à une
atteinte des veines hépatiques (plaie ou arrachement).
D’autres organes
peuvent également être lésés : vésicule biliaire, angle colique droit,
duodénum ou pancréas.
– Localisé dans le flanc gauche, le traumatisme peut entraîner une
lésion rénale, surrénalienne, de la rate ou du côlon gauche, des voies
excrétrices gauches ou de l’intestin grêle.
– Un traumatisme ombilical orientera vers l’intestin grêle et le
mésentère, les gros vaisseaux, les vaisseaux épiploïques et le grand
épiploon.
– Au flanc droit, un traumatisme orientera vers le rein droit, la surrénale,
le foie, le côlon droit, les voies excrétrices droites, l’intestin grêle et le duodénopancréas.
– En fosse iliaque gauche, les principaux organes concernés sont le
côlon sigmoïde et son mésocôlon, l’annexe gauche chez la femme et les
vaisseaux iliaques gauches.
– En fosse iliaque droite, ce seront le côlon droit, les annexes droites et
les vaisseaux iliaques droits.
– Au niveau hypogastrique, l’organe principalement atteint est la
vessie.
Les autres organes potentiellement traumatisés dans cette région
anatomique sont le rectum, l’utérus et le vagin chez la femme.
D - Aspects spécifiques selon le terrain
:
1- Femme enceinte
:
La femme enceinte présente un risque particulier pour le déroulement
de sa grossesse.
Deux types de complications sont à redouter : les lésions
liées au traumatisme initial, parmi lesquelles prennent place
l’interruption de grossesse (au cours des deux premiers trimestres) et
l’hématome rétroplacentaire.
L’interruption de grossesse peut se
manifester immédiatement ou après un délai variable.
Les symptômes
les plus fréquents sont les métrorragies et les contractions utérines.
Le
risque vital pour le foetus est d’autant plus grand que la grossesse est
avancée. Bien qu’une rupture utérine soit exceptionnelle, elle peut se
rencontrer, associée dans ce cas à une mort foetale in utero.
L’hématome rétroplacentaire est le plus souvent lié à un traumatisme direct sur
l’abdomen au cours du troisième trimestre de grossesse.
Il se manifeste
cliniquement par une douleur très intense avec contracture utérine, des
signes d’hypovolémie, la diminution ou la disparition des mouvements
foetaux et une accélération du rythme cardiaque foetal.
C’est une
indication de césarienne en urgence.
L’association à des lésions intrapéritonéales n’est pas rare.
Certaines complications iatrogènes sont également spécifiques de la
grossesse associée.
En cas de traumatisme abdominal, une irradiation
doit être évitée, sauf s’il existe un risque vital immédiat pour la mère, ou
si la région incriminée est éloignée de l’utérus et que celui-ci peut être
protégé efficacement.
Par ailleurs, beaucoup de médicaments présentent
un risque tératogène et l’opportunité de tout geste invasif doit être
envisagée à la lumière des intérêts de la mère et de l’enfant.
2- Polytraumatisé
:
Le cas particulier du polytraumatisé ne sera pas abordé dans cet article.
En effet, sa prise en charge, la hiérarchisation des lésions et leur
traitement spécifique doivent faire l’objet d’une prise en charge globale
incluant en plus les orthopédistes et les neurochirurgiens.
La contusion
de l’abdomen n’est qu’un élément du polytraumatisme : seule
l’hémorragie doit alors faire l’objet d’une prise en charge en extrême
urgence et prime sur toute autre lésion dès lors que le risque vital est en
jeu.
E - Aspects selon le mécanisme
:
1- Traumatismes fermés de l’abdomen
:
Les lésions consécutives à un traumatisme fermé dépendent du
mécanisme lésionnel.
Il faut différencier les contusions directes des
lésions liées à un phénomène de décélération.
Lors des contusions directes, il existe le plus souvent une notion
anamnestique ou des signes évocateurs d’un impact (ecchymose,
hématome...).
Il faut se méfier des chocs basithoraciques, qui outre une
possible atteinte intrathoracique se compliquent fréquemment d’une
lésion du foie à droite et de la rate à gauche.
Les lésions de décélération sont torpides, intrapéritonéales, souvent
majeures et multiples. Elles peuvent se situer à tout endroit dans
l’abdomen.
Ces lésions sont essentiellement rencontrées au cours des
accidents de la circulation ou des chutes d’une hauteur élevée.
2- Plaies de l’abdomen
:
Les plaies non pénétrantes posent le problème du diagnostic précis de
leur étendue en profondeur, pouvant conduire à un geste chirurgical (au
mieux aujourd’hui par voie laparoscopique), mais ne présentent pas de
réel problème thérapeutique.
Nous ne les traiterons pas ici.
Les plaies pénétrantes sont, en pratique civile, essentiellement le fait
d’armes blanches ou d’armes à feu.
Elles peuvent être dangereuses par
l’importance de l’hémorragie en cas de lésions vasculaires.
Il n’existe
généralement pas de dévitalisation parenchymateuse sauf en cas
d’atteinte pédiculaire d’un organe : c’est en particulier le cas des plaies
lombaires avec section du pédicule rénal.
Pour les plaies par armes à feu, il faut différencier les atteintes par
projectile classique où le danger provient essentiellement des atteintes
viscérales multiples qui peuvent en découler.
En cas d’atteinte par des
projectiles à haute vélocité, il faut rechercher des lésions vasculaires ou
tissulaires parfois importantes, à distance du trajet du projectile.
Dans
les deux cas, il faut toujours s’efforcer de retrouver les points d’entrée et
de sortie du projectile. S’il s’agit d’un projectile à haute vélocité, voire à
fragmentation, il faut rechercher d’éventuelles lésions d’autres
territoires ou régions anatomiques.
F - Examens complémentaires
:
1- Examens biologiques
:
Le bilan biologique doit être réalisé le plus rapidement possible et
adressé en urgence au laboratoire d’analyses médicales.
Cependant
l’absence des résultats ne doit pas faire retarder un geste chirurgical de
sauvetage dans les cas « désespérés ».
Un échantillon de sang du blessé
est, au mieux, prélevé dès le ramassage et le transport, avant la perfusion
de quantités importantes de solutés macromoléculaires.
* Groupe sanguin et anticorps irréguliers
:
La détermination du groupe et la recherche des anticorps irréguliers est
fondamentale en vue d’une transfusion sanguine.
Cependant en cas de
réelle urgence, si les solutés de remplissage macromoléculaires ne
suffisent pas à maintenir la volémie et l’oxygénation tissulaire du
traumatisé, dans l’attente d’un geste d’hémostase en urgence, le centre
de transfusion sanguine peut délivrer sur prescription médicale
(réanimatoire) des concentrés globulaires O négatif.
Le sang délivré par
la suite sera adapté en fonction de la détermination post-transfusionnelle
du groupe, du rhésus et d’éventuelles agglutinines irrégulières.
* Numération formule sanguine
:
L’hémoglobine et l’hématocrite sont en urgence de mauvais reflets d’un
choc hémorragique.
Une microcytose dans un contexte ethnique
particulier (pourtour méditerranéen), doit faire évoquer une
hémoglobinopathie, potentiellement associée à une augmentation de
volume et à une fragilité de la rate.
Après un traumatisme, il existe de
manière quasi constante une élévation des polynucléaires neutrophiles
liée à un phénomène de démargination.
En cas de traumatisme
abdominal plus ancien, la constatation d’une neutropénie est un élément
de pronostic très défavorable.
Le taux de plaquettes n’est pas à lui seul un bon reflet de l’importance
d’une hémorragie intrapéritonéale.
Les transfusions massives,
dépourvues de plaquettes, induisent une thrombocytopénie.
Elle passe
sous la limite des 100 000/mm3 après 6-8 unités de sang et nécessitera
alors l’administration de 10 à 20 unités de concentrés plaquettaires.
* Hémostase
:
Les perturbations de l’hémostase, classées en coagulopathies de
dilution, de consommation et de lyse sont fréquentes chez le
traumatisé.
Un allongement significatif du temps de céphaline activé
(TCA ou TCK, temps de céphaline-kaolin) en urgence peut être le
témoin d’un traitement héparinique préalable au traumatisme.
Une
diminution patente du taux de prothrombine (TP < 67 %) ou mieux, une
élévation de INR (international normal ratio) peut être liée à une prise
régulière d’antivitamines K (AVK), mais peut également faire partie
d’un trouble majeur de la coagulation type coagulation intravasculaire
disséminée (CIVD) qui est un facteur péjoratif.
Ces deux tests ne
permettent qu’une approche de l’hémostase secondaire, et un taux de thrombocytes normal n’élimine pas un trouble de l’hémostase primaire.
Enfin, en cas de transfusion massive, supérieure à la moitié de la masse
sanguine ou d’hypothermie sévère, il faut compenser la consommation
des facteurs de coagulation par la transfusion de plasma frais et de
facteurs stables.
* Biochimie
L’ionogramme sanguin est souvent normal à l’admission.
Il peut ensuite
révéler une hypokaliémie et une hypernatrémie en cas de troisième
secteur intestinal par iléus réflexe.
Cependant, en cas de traumatisme
majeur, il n’est pas rare d’observer une hyperkaliémie qui peut s’intégrer
dans le cadre d’une rhabdomyolyse (avec élévation concomitante de
créatine phosphokinase [CPK]).
L’élévation précoce de l’urée et de la créatininémie témoigne d’une
insuffisance rénale préexistante, alors que leur augmentation secondaire
signe une insuffisance rénale aiguë, facteur de gravité supplémentaire.
Celle-ci est d’étiologie multiple : choc, rhabdomyolyse, iatrogène...
L’interprétation de l’amylasémie et la lipasémie est difficile en urgence.
Les traumatismes abdominaux sont fréquemment associés à une
élévation modérée et transitoire de ces enzymes.
Bien qu’il n’existe pas
de corrélation entre les taux de ces enzymes et une pancréatite aiguë, des
valeurs supérieures à cinq fois la normale dès l’admission doivent
évoquer ce diagnostic.
Le dosage des enzymes hépatiques est réalisé afin de détecter une hépatopathie préexistante et de servir d’examen de référence en cas de
traumatisme hépatique.
La classique recherche d’une hématurie à la bandelette a peu d’intérêt
dans ce contexte car les lésions urologiques graves se manifestent soit
par une hématurie macroscopique, soit par une anurie.
Une hématurie
microscopique est classique dans la plupart des traumatismes
abdominaux, sans pour autant signer une atteinte urologique.
2- Imagerie des traumatismes abdominaux
:
L’imagerie prend aujourd’hui une place prépondérante dans la prise en
charge des traumatismes de l’abdomen.
Elle répond à deux objectifs
essentiels : détecter et localiser un saignement, dépister les lésions
viscérales nécessitant une prise en charge interventionnelle.
Chez un traumatisé abdominal, l’indication des examens d’imagerie doit
toujours être pondérée par l’état général du patient : en effet, la
réalisation de ces examens ne se conçoit que chez un patient hémodynamiquement stable car leur durée est souvent longue :
30 minutes au minimum dans la plupart des cas.
Un retard à l’acte
chirurgical ne doit pas être justifié par l’attente d’un résultat d’imagerie.
Lorsque l’état général du patient le permet, les examens radiologiques
sont orientés par les données anamnestiques et l’examen clinique.
Il
convient de ne pas examiner exclusivement la région abdominale.
Même si les examens standards gardent une place dans le cadre de
l’urgence (radiographie d’abdomen sans préparation, clichés centrés sur
les coupoles diaphragmatiques, radiographie thoracique, radiographies
osseuses (colonne, bassin et côtes), il faut reconnaître que l’échographie
abdominale et la TDM ont considérablement modifié les données du
problème : la disponibilité de ces examens en urgence est aujourd’hui
impérative dans les centres d’accueil d’urgence.
* Abdomen sans préparation
:
Il comprend classiquement trois incidences : deux clichés de face,
debout et couché, et un cliché centré sur les coupoles diaphragmatiques.
Si l’état du patient ne permet pas sa verticalisation, le cliché de face
debout peut être remplacé par un cliché couché de profil.
Le but de ces
radiographies est de dépister un épanchement gazeux intra- ou rétropéritonéal.
La sensibilité de cet examen est faible : elle permet le
diagnostic de rupture d’un organe creux dans moins de 50 % des cas
(69 % pour les ruptures gastriques ou duodénales, mais 30 % pour les
ruptures de l’intestin grêle).
Ainsi, l’absence d’épanchement gazeux
n’est pas le garant de l’absence de perforation d’un organe creux.
La
présence d’un tel épanchement peut en outre signifier l’existence d’un
pneumothorax ou d’une rupture vésicale après sondage.
Ces clichés
« de débrouillage » permettent, par ailleurs, la localisation d’un éventuel
projectile abdominal et la constatation de signes indirects
d’épanchement intrapéritonéal (grisaille diffuse, espacement
interanse...).
* Radiographie thoracique
:
La radiographie thoracique, dans le cadre d’un traumatisme abdominal,
recherche essentiellement une rupture diaphragmatique et des fractures
des dernières côtes.
Une rupture diaphragmatique survient dans 1 à 7%
des traumatismes abdominaux graves et passe inaperçue dans 66 %des
cas.
La radiographie thoracique recherche, en outre, un
pneumothorax et/ou un hémothorax, une surélévation des coupoles
diaphragmatiques, un corps étranger intrathoracique ou une fracture des
arcs costaux, notamment inférieurs.
* Radiographies osseuses
:
Elles sont orientées par l’examen clinique.
En cas de troubles de la
conscience, certaines équipes pratiquent systématiquement un bilan
« complet » du rachis, du bassin et des membres.
Dans le cas des
traumatismes de l’abdomen, ces radiographies recherchent des
traumatismes costaux bas de la colonne ou du bassin.
Elles peuvent
révéler ou confirmer la gravité du traumatisme.
La topographie des
lésions peut parfois orienter vers une lésion abdominale : le foie ou la
rate atteints par des fractures des dernières côtes respectivement à droite
et à gauche ; des lésions de la moelle épinière, des lésions nerveuses ou
des fractures rénales parfois liées à des fractures des dernières vertèbres
dorsales ou des premières vertèbres lombaires.
Enfin, la vessie ou
l’urètre postérieur peuvent être lésés par une fracture ou une disjonction
pubienne.
* Échographie abdominopelvienne
:
C’est actuellement l’examen de première ligne après l’examen clinique.
Elle est recommandée dans l’examen initial de tout traumatisé
abdominal, en particulier lors de traumatisme fermé.
L’échographie est
non invasive, ne nécessite aucune préparation ni injection et peut être
réalisée au lit du blessé alors que les premiers soins sont apportés au
patient.
Sa sensibilité pour la décision d’une intervention est de 88 à
93 % et sa spécificité de 90 à 99 %.
Les limites de cet examen en
urgence sont liées au matériel disponible ou accessible en urgence, dont
la qualité n’est pas toujours optimale, à l’opérateur souvent peu aguerri
à la réalisation d’examens en conditions difficiles, en urgence chez des
malades parfois agités, et enfin au malade lui-même : hémopéritoine,
iléus réflexe, emphysème sous-cutané et obésité peuvent gêner la
réalisation et l’interprétation de l’examen.
De plus, en raison de leur
densité tissulaire, certaines lésions « hémorragiques » peuvent être
difficiles à déceler au cours d’une échographie réalisée précocement
après le traumatisme (jusqu’à la 24e heure).
Le rôle essentiel de cet
examen est la recherche d’un épanchement intrapéritonéal dont l’origine
est d’abord hémorragique.
De petite abondance, cet épanchement est le
plus souvent retrouvé dans les zones déclives (cul-de-sac de Douglas, récessus de Morrison, gouttières pariétocoliques), mais il peut
également se concentrer autour des organes lésés.
Toutefois, la
localisation de l’épanchement à l’échographie n’a pas valeur
d’orientation topographique.
L’échographie participe également à
l’inventaire des lésions parenchymateuses : lésion hépatique, splénique
ou rénale.
Le bloc duodénopancréatique (hématome sous-capsulaire,
hématome interne, contusion, rupture) et le mésentère sont mal explorés.
Les lésions d’organes creux tels que la vésicule biliaire, le duodénum,
l’intestin grêle ou le côlon sont imparfaitement décelées:
l’échographie ne détecte pas de façon fiable le pneumopéritoine.
L’échographie couplée au doppler, pulsé et/ou couleurs, permet un
examen vasculaire de qualité, en particulier à la recherche de lésions
vasculaires rénales et mésentériques.
Outre son intérêt immédiat (dont la fiabilité doit toujours être relativisée
en fonction de l’état clinique du blessé et de l’expérience de l’opérateur),
l’échographie a un intérêt indéniable dans le suivi évolutif.
Cependant,
une échographie réalisée très précocement, même par un opérateur
entraîné, peut être prise en défaut et il faut savoir répéter l’examen à
distance, voire réaliser uneTDMrapidement s’il existe une discordance
entre la clinique et l’imagerie.
* Tomodensitométrie abdominopelvienne
:
La TDM abdominopelvienne est aujourd’hui la méthode d’imagerie de
choix pour l’exploration de l’abdomen en urgence.
Elle est utilisée aussi
bien pour les abdomens aigus non pénétrants que pour certains
traumatismes ouverts, et détecte la plupart des lésions intra- et extrapéritonéales.
L’exploration, si possible réalisée sans et avec injection de produit de contraste intraveineux (en l’absence
d’insuffisance rénale, d’allergie et de la prise de certains antidiabétiques
oraux) intéresse toute la cavité abdominale, des coupoles au pelvis.
Ainsi, la perfusion des organes peut être contrôlée et l’excrétion rénale
observée par un urogramme.
L’administration d’un produit de contraste
hydrosoluble dilué à 1-2,5 %est réalisée par ingestion ou par une sonde nasogastrique en cas de patient comateux ou non coopérant, alors après
intubation trachéale : elle facilite l’interprétation des clichés et peut
identifier un hématome ou retrouver une brèche gastrique, duodénale ou
grêle.
Un lavement rectal recherche une éventuelle plaie du rectum
ou du côlon gauche.
Enfin, un remplissage vésical par un produit de
contraste dilué à 2 %permet de préciser le siège, sous- ou intrapéritonéal
d’une rupture vésicale.
La réalisation de coupes avec une « fenêtre
osseuse » permet de réaliser un bilan lésionnel de la colonne vertébrale
dans le même temps.
Cet examen est moins opérateur-dépendant que l’échographie et permet
d’obtenir des images interprétables par un médecin qui n’a pas réalisé
lui-même l’examen.
Il permet de visualiser aussi bien la cavité
péritonéale que les espaces anatomiques contigus (thorax, rétropéritoine, paroi, petit bassin et pelvis).
Cet examen est plus
performant que l’échographie pour la recherche d’un pneumopéritoine,
d’un hématome intramural d’une portion du tube digestif, d’une lésion
pancréatique, de certaines lésions vasculaires.
La TDM peut toutefois
être prise en défaut pour le diagnostic de certaines lésions
duodénopancréatiques et grêles.
Si la spécificité et la sensibilité de cet
examen, quels que soient l’opérateur et la machine, n’atteignent jamais
100 %, uneTDM« normale » constitue un argument important en faveur
de l’absence de lésion significative.
* Imagerie par résonance magnétique
:
La réalisation de cet examen ne fait pas partie de l’arsenal conventionnel
utilisé en urgence devant un traumatisme abdominal.
Son bénéfice par
rapport à l’examen TDM est faible.
Sa principale indication est la
recherche d’une rupture diaphragmatique lorsque la radiographie
thoracique est équivoque.
Il permet alors de mettre en évidence la poche
et le contenu herniaire.
* Artériographie
:
Si son rôle diagnostique exclusif tend à diminuer, l’artériographie prend
aujourd’hui une place de plus en plus importante dans le cadre de
l’urgence en raison de son potentiel thérapeutique.
Les progrès de la
radiologie interventionnelle ainsi que la disponibilité du matériel et des
opérateurs dans les grands centres ont permis de multiplier les
indications de cette technique initialement réalisée devant une instailité
hémodynamique.
Récemment, des embolisations artérielles sélectives
ont été décrites : spléniques dans un but de conservation d’une rate
traumatique avec 88 % de succès, hépatiques et mésentériques dans
un but hémostatique.
La mise en place de prothèses expansives endovasculaires (stents) pour ponter une rupture artérielle est une voie
thérapeutique en cours d’évaluation.
Le traitement conservateur d’une
lésion hépatique grave avec embolisation artérielle et stent en regard
d’une plaie de la veine cave a également été réalisé avec succès.
* Autres examens
:
En fonction du contexte clinique, d’autres examens peuvent être
exceptionnellement demandés.
Le bilan urologique comprend souvent
une urographie intraveineuse ou une cystographie rétrograde selon la
localisation du traumatisme.
Il s’agit alors d’examens de seconde
intention envisageables chez des patients hémodynamiquement stables.
3- Ponction-lavage du péritoine (PLP)
:
La pratique de la PLP est actuellement remise en cause dans de
nombreux centres.
En fait, son intérêt est grandement dépendant du
plateau technique disponible en urgence et de l’habitude des équipes.
Depuis l’avènement de l’échographie et du scanner, les équipes
bénéficiant en urgence du matériel et du concours de radiologues
entraînés ont peu recours à la PLP : les renseignements fournis par ces
deux examens d’imagerie apportent le plus souvent un nombre
d’informations supérieur à la PLP.
Cependant, en l’absence de plateau
technique adéquat ou disponible, la PLP reste un examen relativement
performant en urgence pour les traumatismes abdominaux.
Elle garde
alors, dans ce contexte de dénuement clinique, la valeur qu’elle avait à
son origine.
La PLP se pratique chez un blessé en décubitus dorsal dont la vessie a
été si possible préalablement vidée.
Sous anesthésie locale, une courte
incision médiane sous-ombilicale est pratiquée de manière aseptique.
Un cathéter est introduit dans la cavité péritonéale et dirigé vers le cul-de-sac de Douglas.
Cinq cents à 1 000 mL de sérum physiologique ou
de solution de Ringer sont perfusés.
Ce liquide est ensuite recueilli par
simple déclivité. Un minimum de 500 mL de liquide est nécessaire pour
le comptage des globules rouges et blancs.
En cas d’épanchement
abdominal, du liquide est recueilli avant instillation.
Les critères de
positivité de la PLP ont été définis en 1970 et sont toujours
d’actualité : aspiration initiale de plus de 5 mL de sang, compte de
globules rouges supérieur à 100 000/mm3, compte de globules blancs
supérieur à 500/mm3, présence d’autres produits (matières fécales,
germes ou pus, bile, urine...).
L’opérateur peut ainsi évaluer l’existence
d’une complication. Des prélèvements peuvent également être réalisés
pour dosage de l’amylase ou examen bactériologique.
Bien réalisée, la PLP a une sensibilité de 90 à 99 % et une spécificité supérieure à
85 %. Ses complications propres sont exceptionnelles.
Le risque de faux positif est important en cas d’hématome souspéritonéal
ou de fracture du bassin.
Le principal reproche de la
technique est de ne donner aucune information sur l’organe lésé et le
volume de l’hémopéritoine.
Elle entraîne donc un nombre non
négligeable de laparotomies inutiles, d’autant que le traitement
conservateur des lésions hépatiques et spléniques, souvent à l’origine de
l’hémopéritoine, est de plus en plus souvent réalisé.
Elle détecte
rapidement les hémorragies, mais doit être répétée car une lésion
d’organe creux ne peut se traduire par une infection péritonéale qu’après
un délai de quelques heures.
Un délai de 3 à 5 heures est nécessaire pour
qu’une élévation significative des leucocytes permette de suspecter une
plaie d’organe creux.
L’utilisation de la PLP dépend donc de l’environnement médical et
technique.
On lui préférera dans la majorité des cas un examen ultrasonographique, rapidement complété par un examen TDM ou une
laparoscopie exploratrice en cas de doute.
Intervention chirurgicale
:
La fréquence des interventions chirurgicales pour traumatisme
abdominal tend à diminuer ces dernières années, l’évolution se faisant
vers une attitude de plus en plus conservatrice.
Bien entendu, la chirurgie
en urgence reste la règle chez le traumatisé dont l’hémodynamique est
instable ou en cas de lésion d’organe creux.
Le problème se pose
différemment selon qu’il s’agit d’une contusion abdominale ou d’une
plaie abdominale.
Il y a encore peu de temps, face à une plaie pénétrante abdominale, le
« dogme » était celui de l’exploration chirurgicale systématique.
Cette
attitude, considérée comme classique par la plupart des équipes
européennes tend à être battue en brèche par les grandes séries
américaines des traumacenters.
En effet, pour des raisons tenant au
nombre de patients à traiter (nombre de plaies par arme blanche et par
arme à feu ne permettant pas la prise en charge opératoire en urgence de
tous les patients) et donc à des arguments économiques, ces équipes
d’urgence ont une attitude beaucoup moins interventionniste avec des
résultats satisfaisants en termes de mortalité et de morbidité.
En
effet, 10 % des plaies pénétrantes de l’abdomen ne s’accompagnent
d’aucune lésion viscérale, et le résultat du traitement chirurgical en
urgence de certaines lésions ne s’avère pas bénéfique.
La décision opératoire sera prise après avis de tous les membres de
l’équipe intervenante : le réanimateur, le chirurgien et le radiologue.
Cependant, le chirurgien reste seul juge de l’attitude pratique à adopter
qui dépend de son expérience et des moyens techniques à sa disposition.
L’exploration locale de l’orifice de pénétration et du trajet d’une plaie
abdominale est impérative.
La laparotomie exploratrice n’est plus
systématiquement réalisée et la laparoscopie peut aujourd’hui en être
une alternative.
En fait, de plus en plus de lésions sont l’objet d’une
« surveillance chirurgicale armée », au besoin en réanimation.
C’est le
cas pour certaines lésions hépatiques, spléniques, rénales, pancréatiques
ou certains hématomes, et ce d’autant plus qu’ils sont rétropéritonéaux.
En cas de contusion abdominale, un geste chirurgical en urgence n’est
systématiquement réalisé que face à des lésions intrapéritonéales
imposant un geste chirurgical.
Les moyens diagnostiques actuels
d’imagerie permettent une bonne évaluation lésionnelle et évitent le
recours à l’exploration chirurgicale de principe.
En pratique, dans la plupart des centres européens, les indications de
laparotomie exploratrices en urgence restent de mise en cas de doute
diagnostique, et le taux de laparotomie exploratrice « blanche »
(laparotomie ne révélant aucune lésion abdominale) avoisine les 30 %.
A - Indications opératoires formelles
:
1- Choc hypovolémique
:
Le choc hypovolémique ou la persistance d’un état hémodynamique
instable chez un patient correctement réanimé, en dehors d’une autre
cause de spoliation sanguine, doit inciter à une intervention chirurgicale
en urgence, sous couvert d’une réanimation et de transfusions adéquates.
Dans ce cas précis, les examens complémentaires sont le plus souvent
synonymes de perte de temps et donc de chance pour le patient.
Seul un
inventaire lésionnel extra-abdominal rapide, thoracique et neurologique,
permet d’éliminer une autre étiologie au choc chez le polytraumatisé.
L’exploration consiste en une laparotomie permettant l’exploration de
toute la cavité péritonéale à la recherche d’une lésion qui est le plus
souvent parenchymateuse ou vasculaire.
2- Péritonite
:
Dans le cadre d’un traumatisme abdominal, en l’absence d’hémorragie
évidente et de contexte ascitique, tout épanchement intrapéritonéal
abondant doit faire suspecter une perforation d’organe creux.
Celle-ci
est d’autant plus probable qu’un pneumopéritoine est associé et que,
cliniquement, le patient présente des signes de péritonite (défense
généralisée ou contracture abdominale).
Dans ce contexte, il est souvent
possible de retarder quelque peu la chirurgie afin de conditionner au
mieux le blessé en vue de l’intervention : réanimation hydroélectrolytique,
aspiration gastrique, sondage vésical, administration
d’antibiotiques.
3- Plaies avec extériorisation
:
Qu’il s’agisse d’une éviscération (épiploon, intestin grêle...) ou de
l’extériorisation du liquide digestif, l’indication opératoire est formelle.
Comme dans le cas précédent, un court délai peut être mis à profit pour
le conditionnement optimal du blessé.
B - Indications opératoires relatives
:
La notion de relativité dans l’indication opératoire est plus le fait de
l’évolution des tendances dans la prise en charge des traumatismes
abdominaux que de la pathologie rencontrée.
Cette évolution est liée à
la moindre agressivité recherchée dans tous les domaines de la chirurgie.
Elle dépend donc de l’équipe médicochirurgicale qui accueille le patient.
Un chirurgien exerçant seul, dans un centre dont les moyens disponibles
sont limités, sera amené à avoir une conduite plus agressive et réalisera
une laparotomie exploratrice chez un patient dont l’examen n’élimine
pas de façon formelle une lésion viscérale.
Il ne peut se permettre une
surveillance rapprochée qui se prolongera éventuellement plusieurs
jours.
À l’inverse, un centre disposant de plusieurs équipes à même de
prendre en charge un traumatisé pourra voir plusieurs membres de
chaque spécialité (anesthésiste-réanimateur, chirurgien, radiologue) se
relayer et assurer un suivi attentif du patient.
Ainsi, une plaie potentiellement non pénétrante pourra faire l’objet
d’une surveillance rigoureuse avec examen clinique et radiologique
répété.
Un épanchement intrapéritonéal de faible abondance et/ou de
nature indéterminée, une lésion rétropéritonéale, certaines lésions
d’organes pleins, une incertitude diagnostique associée à un « abdomen
chirurgical » pourront parfois être surveillés en milieu de soins intensifs.
C -
Laparoscopie :
La laparoscopie exploratrice de l’abdomen est réalisée depuis plusieurs
décennies, même au lit du patient traumatisé dans certains cas,
et son intérêt en urgence pour une équipe entraînée est certain.
Cependant, il faut attendre le développement de la chirurgie laparoscopique viscérale, et son évolution technologique (caméras
CCD, lumières froides, instrumentation) pour voir la laparoscopie
d’urgence prendre son essor.
Depuis 1992, de nombreuses équipes font
état de leur expérience tant pour l’exploration et le triage
que le
traitement des traumatismes abdominaux en urgence : plaies par arme
blanche ou par arme à feu, lésions spléniques ou
diaphragmatiques.
Cette nouvelle approche n’est pas encore
consensuelle, mais elle semble inéluctable et doit aujourd’hui faire
partie des gestes envisagés dans la prise en charge des traumatismes
abdominaux.
La laparoscopie doit être considérée comme un moyen et non comme
une fin en soi.
Il faut cependant reconnaître qu’une exploration
abdominale laparoscopique dans le but de juger du caractère pénétrant
ou non d’une plaie est beaucoup moins agressive qu’une laparotomie.
Pour les équipes les plus entraînées à cette chirurgie laparoscopique,
certains gestes thérapeutiques peuvent également être réalisés : suture
de plaie viscérale, splénectomie ou mise en place de filet périsplénique,
hémostase, toilette péritonéale...
Les contre-indications de laparoscopie exploratrice sont aujourd’hui
bien cernées : ce sont tout d’abord l’instabilité hémodynamique ou le
choc cardiocirculatoire.
En effet, l’hyperpression intra-abdominale
diminue le retour veineux central en augmentant les résistances
périphériques, et fait chuter l’index cardiaque.
Ensuite, les troubles
de l’hémostase non corrigés, l’hypertension intracrânienne ou la
présence d’une valve de Le Veen sont les plus classiques.
Un trouble de
conscience non étiqueté ou la suspicion d’un hématome intracérébral
seront également considérés comme des contre-indications.
Toutefois,
le contexte de l’urgence en lui-même n’est pas une contre-indication.
Les indications opératoires de la laparoscopie recouvrent tous les
champs d’application de la chirurgie exploratrice devant un
traumatisme.
Ainsi, elle évalue l’étiologie et la gravité d’un hémopéritoine, recherche l’origine d’un syndrome septique et juge de la
nécessité d’un geste opératoire complémentaire.
En cas de doute lors de
l’exploration par laparoscopie sur une lésion ou un organe, ou en cas
d’impossibilité d’explorer de façon satisfaisante une partie de la cavité
abdominale en raison de l’hématome ou de l’occlusion réflexe, la
démarche diagnostique doit être poursuivie jusqu’à son terme et de ce
fait une conversion en laparotomie est de mise.
Les limites de la technique peuvent être liées au matériel.
Pour permettre
une exploration de bonne qualité, un matériel adéquat est requis : caméra tri-CCD, seule à même de faire la distinction entre des couleurs proches
(intestin viable ou nécrosé, aspect de caillots), lumière de forte puissance
et optiques de bonne qualité.
Le personnel médical doit également avoir
une bonne expérience de cette chirurgie qui nécessite une parfaite
collaboration entre le chirurgien et l’anesthésiste.
Dans ces conditions,
la laparoscopie apporte un bénéfice certain au patient en limitant les
conséquences pariétales et souvent les complications respiratoires ou
septiques d’une laparotomie inutile.
D - Minilaparotomie
:
La minilaparotomie représente l’alternative entre l’exploration par une
laparotomie classique et la laparoscopie.
Elle n’est plus de mise avec
cette dernière. Elle est souvent complémentaire de la PLP en permettant
une exploration limitée de la cavité abdominale mais elle est un geste
chirurgical à part entière.
La minilaparotomie n’est plus indiquée si le
patient présente des signes imposant une exploration abdominale, qui
doit alors être de bonne qualité et complète, par laparoscopie ou par
laparotomie.
Un examen négatif risquerait de faussement rassurer
l’équipe médicochirurgicale et de retarder la prise en charge d’une lésion
majeure.
E - Laparotomie
:
La laparotomie par voie médiane est préférable en urgence aux autres
voies d’abord.
Elle permet une exploration systématique de l’ensemble
de la cavité abdominale, peut être élargie vers le thorax en cas de
nécessité.
Elle permet le traitement des lésions rencontrées et des lésions
associées méconnues en préopératoire.
Elle est indiquée de première
intention, avant tout examen complémentaire risquant de retarder la
chirurgie en cas de syndrome hémorragique persistant malgré une
réanimation bien conduite.
L’état hémodynamique du blessé est donc le
premier argument de décision du geste chirurgical.
Une laparotomie est
bien entendu indiquée en cas de positivité de la PLP ou d’échec ou
d’insuffisance de la laparoscopie.
Lors d’une plaie par arme blanche ou à feu, les lésions abdominales sont
directement dépendantes du mécanisme traumatique.
À l’inverse, dans les contusions de l’abdomen, les lésions sont secondaires au choc direct
ou aux phénomènes de décélération ou de surpression.
Les plus
fréquemment touchés sont le foie et la rate.
F - Principes du traitement chirurgical
:
Le premier principe de prise en charge d’un traumatisé abdominal est
avant tout de ne pas sous-estimer la gravité potentielle des lésions.
Dans
le même ordre d’idées, les lésions multiples (crâne, rachis, membres...)
et/ou les lésions des régions anatomiques voisines (thorax, périnée, rétropéritoine...) doivent être systématiquement recherchées.
Certains
auteurs proposent des critères d’alerte traumatique orientant vers un
traitement chirurgical.
Il est plus difficile de poser une « bonne » indication chirurgicale, que de
décider de la voie d’abord (laparotomie médiane ou autre, laparoscopie).
Ce point technique dépendant de l’expérience de l’opérateur et de ses
habitudes sera envisagé organe par organe.
Lors de l’exploration
chirurgicale de la cavité péritonéale, une certaine méthodologie doit être
respectée : la priorité est le contrôle d’une hémorragie s’il y a lieu, puis
un examen visuel systématique de tous les organes est réalisé en y
associant la palpation et en se méfiant d’une lésion de la « face cachée »
difficile à mettre en évidence.
Enfin, tout liquide intrapéritonéal anormal
sera prélevé pour examen bactériologique.
Les grands principes de traitement des lésions viscérales, rappelés
organe par organe, n’ont pas pour but de préciser le détail du bilan et du
traitement de chaque lésion rencontrée. Notre intention est de rappeler
les grandes lignes de leur prise en charge en tenant compte de l’évolution
récente des lignes de conduite.
1- Lésions vasculaires
:
Les plaies des mésos (mésentère, mésocôlon et mésorectum) doivent
être recherchées systématiquement.
Certaines dilacérations ou plaies
avec arrachement vasculaire peuvent nécessiter des résections
intestinales, coliques ou grêles.
Les atteintes des vaisseaux pelviens provoquent le plus souvent un
hématome rétropéritonéal qui, en l’absence de signes hémodynamiques
alarmants, doit être traité par surveillance simple.
Si toutefois un geste
s’avère nécessaire, il faut préférer une embolisation sous contrôle
angiographique lorsque cela est possible à une hémostase par abord
chirurgical direct dont la morbimortalité n’est pas négligeable.
Les plaies de l’aorte ou de ses collatérales nécessitent un clampage en
urgence, plus rarement la mise en place d’une sonde à ballonnet
occlusive, et une réparation par un chirurgien si possible entraîné à
ce type de chirurgie.
Les plaies de la veine cave ou de ses branches, comme toutes les plaies
veineuses, sont de réparation difficile. Une compression hémostatique
doit être réalisée en urgence.
La réparation, d’indication et de réalisation
compliquées, doit être confiée à un chirurgien entraîné à ce type de
chirurgie.
2- Lésions de la rate
:
La prise en charge des traumatismes spléniques a considérablement
évolué ces dernières années.
Le dogme de la résection splénique
systématique devant un traumatisme a évolué et les conservations, avec
ou sans mise en place de filet, les résections partielles et les embolisations, font partie des options thérapeutiques à la disposition des
opérateurs.
Ici encore, l’habitude, la disponibilité des équipes sont des
éléments importants de ce choix.
Du fait d’infections potentiellement
mortelles après splénectomie, les indications d’un geste radical ont été
revues à la baisse, tout particulièrement chez l’enfant.
Avant l’âge de
4 ans, le risque d’infection gravissime est tel qu’une splénectomie ne
doit être envisagée qu’en dernier recours.
Le traitement est bien entendu
conditionné par la gravité des lésions et l’état général du patient.
Les
traumatismes spléniques peuvent être classés en fonction de leur lésion
anatomique ou échographique.
Toutefois, le geste chirurgical dépend
de la clinique. Des tableaux de gravité variable peuvent être rencontrés :
ce seront une vague gêne ou douleur de l’hypocondre gauche, une
douleur irradiant à l’épaule homolatérale. Un état de choc d’emblée, ou
des signes généraux apparaissant de manière retardée après un intervalle
libre de quelques heures, signent généralement la rupture d’un
hématome sous-capsulaire.
En cas d’hémopéritoine massif avec
collapsus cardiovasculaire, véritable urgence vitale, il y a souvent une
nécessité de pratiquer une splénectomie d’hémostase.
La voie d’abord
la plus classique reste l’incision abdominale médiane plutôt susombilicale.
Certaines équipes préfèrent la voie sous-costale qui, si elle
n’est réalisée que sur la partie gauche de l’abdomen, expose à une
difficulté majeure pour le bilan et le traitement d’éventuelles lésions
abdominales associées.
Devant un tableau d’hémopéritoine nécessitant
une transfusion sanguine, l’abstention chirurgicale n’est pas appropriée.
Différentes options sont possibles.
Si le patient est stable hémodynamiquement, une laparoscopie peut être
envisagée en fonction de l’expérience de l’équipe chirurgicale.
Du point
de vue thérapeutique, les différentes options possibles selon les lésions
retrouvées, l’expérience et les habitudes vont du simple décaillotage,
avec ou sans drainage, à la splénectomie, totale ou partielle, et dans
certains cas la réalisation de sutures, mécaniques ou manuelles
(éventuellement appuyées sur matériel prothétique), l’emploi des filets
résorbables périspléniques, les splénorraphies, les produits
hémostatiques locaux (collagènes, celluloses) et les colles biologiques.
Un traitement conservateur est actuellement possible dans plus de 50 %
des cas avec un faible taux de récidive hémorragique (2 % pour Feliciano et al).
En cas de contusion simple et d’hémopéritoine ne nécessitant pas de
transfusion, l’attitude actuelle est la surveillance « armée » et constante,
en milieu chirurgical ou de réanimation (unité de soins intensifs).
Des
critères d’indication du geste chirurgical sont proposés : patient hémodynamiquement instable (TA systolique < 90 mmHg, pouls >
110/min) après réanimation avec 2 Lde liquide ; âge supérieur à 55 ans ;
traumatisme crânien associé (sauf enfant de moins de 15 ans) ;
importance des lésions à l’examen ultrasonographique ou TDM ;
apparition de signes péritonéaux (lésions associées) ou chute du taux
d’hémoglobine nécessitant une transfusion sanguine.
La présence ou
l’apparition de l’un de ces éléments doit faire réévaluer l’indication
thérapeutique et conduit le plus souvent à une option chirurgicale.
Le risque de rupture splénique en deux temps doit rester à l’esprit : il
n’est pas négligeable, 1 à 20% selon les séries, et responsable d’une
importante mortalité (5 à 15 %).
Les suites opératoires après splénectomie totale nécessitent une
surveillance de la numération des plaquettes qui s’élèvent classiquement
dans les 10 jours suivant l’intervention, pouvant dépasser 800 000 à
1 million d’éléments/mm3, et imposant, pour certains, un traitement
antiagrégant.
Le risque d’infection postopératoire précoce et tardif,
essentiellement à pneumocoque, justifie une vaccination antipneumococcique
et, pour certains, une antibioprophylaxie.
3- Lésions du foie
:
Les traumatismes hépatiques restent graves, bien que leur pronostic se
soit largement amélioré.
Leur traitement est aujourd’hui, autant que
possible, conservateur.
La classification de Moore permet de décrire
les différents types de lésions.
Les hématomes souscapsulaires
du foie nécessitent exceptionnellement une intervention
chirurgicale.
Il en est de même des hémopéritoines périhépatiques
discrets chez un patient hémodynamiquement stable.
Cette notion de
stabilité hémodynamique est le principal argument permettant de
surseoir à un abord chirurgical en cas de lésion hépatique.
Lorsque ces
lésions sont de découverte peropératoire, il n’y a pas de traitement
codifié : les éraillures et petites fractures du parenchyme hépatique
sont traitées par électrocoagulation, tamponnement transitoire, sutures
plus ou moins appuyées, colles biologiques...
Plus rarement des
résections hépatiques peuvent être réalisées à la demande, mais
uniquement à type de régularisation des plaies hépatiques.
Dans les faits, il n’existe pratiquement aucune indication de résection
hépatique « réglée » dans le cadre de l’urgence du fait de la très lourde
morbidité et mortalité de ces interventions dans ce contexte.
De la même
façon, la réalisation de gros points de rapprochement hépatiques, source
d’hématome et d’infection, ne doit plus être pratiquée.
On leur préfère,
en urgence, le « packing hépatique ».
Il s’agit d’un tamponnement périhépatique (et non intrahépatique) qui permet de contrôler la grande
majorité des hémorragies d’origine hépatique en tassant autour du foie
des champs abdominaux et/ou des grandes compresses.
Ceci a pour but
de comprimer le foie en haut et en arrière, permettant ainsi une
hémostase transitoire des plaies et une meilleure exposition ultérieure.
La fermeture abdominale se fait champs en place et le patient est confié
aux réanimateurs. Une seconde intervention est réalisée de manière semi-réglée entre la 24e et la 72e heure afin d’ôter ces champs et de
réaliser un geste d’hémostase complémentaire si cela s’avère nécessaire.
Ce principe de chirurgie de guerre a permis de modifier
considérablement le pronostic des traumatismes graves du foie.
Dans
certains cas, un geste endovasculaire (embolisation ou stent vasculaire)
va permettre de compléter le geste chirurgical.
Il a en outre l’avantage
d’être rapide, de limiter les risques d’hypothermie et les conséquences
de l’enchaînement transfusion-hypothermie-acidose-troubles de
l’hémostase rapidement à l’origine de complications vitales chez ces
patients.
Un geste chirurgical a minima permet en outre le transfert du
patient, si besoin, vers un centre spécialisé.
4- Lésions duodénopancréatiques
:
Les traumatismes duodénopancréatiques sont, dans la plupart des cas,
secondaires à des accidents de la circulation.
Ils peuvent être classés en
fonction de l’atteinte concomitante du bloc duodénopancréatique.
Ici encore, le traitement est essentiellement
conservateur, associant une mise au repos de la glande pancréatique par
aspiration gastrique et éventuellement traitement médical par
somatostatine.
L’exploration de l’ensemble du pancréas et du duodénum
impose un décollement splénopancréatique et un décollement
duodénopancréatique.
La chirurgie sera « minimaliste », dans la mesure
du possible, avec excision simple des foyers d’attrition pancréatique et
drainage de contact. Une atteinte duodénale est rarement isolée et une
dérivation sur une anse rarement indiquée en urgence.
Une plaie
duodénale doit être traitée par exclusion duodénale (suture du pylore,
vagotomie et gastroentéroanastomose) et drainage de la plaie duodénale
avec ou sans suture de celle-ci. Un geste d’exérèse pancréatique est
nécessaire lorsqu’il existe une section du canal de Wirsung, en général
par rupture de l’isthme de la glande.
Un geste de suture simple expose à
un risque majeur de fistule pancréatique. Une plaie isthmique ou caudale
du pancréas doit être traitée par splénopancréatectomie caudale, sans
céder ici à la tentation d’un geste conservateur.
Un traumatisme
profond de la tête du pancréas, ou son éclatement, impose une duodénopancréatectomie céphalique en urgence.
Ce geste, rare, est
grevé d’une lourde mortalité et morbidité.
Un drainage abdominal large
est recommandé par tous les auteurs.
Il doit être déclive et proche des
sutures digestives.
Une jéjunostomie d’alimentation est très largement
recommandée dans ce contexte, permettant une hyperalimentation
précoce et simple du patient en l’absence de lésions digestives d’aval.
5- Lésions épiploïques
:
Les lésions épiploïques sont le plus souvent hémorragiques,
responsables de volumineux hématomes disséquants rendant le bilan
lésionnel difficile.
Leur traitement est essentiellement une résection
permettant d’obtenir une hémostase rapide et complète.
6- Lésions rénales
:
La découverte d’un hématome rétropéritonéal, en l’absence de
saignement évolutif, ne doit pas entraîner son exploration systématique.
En effet, un tel hématome est souvent contrôlé spontanément.
L’exploration des reins n’est, de ce fait, pas systématique non plus.
Les
lésions rénales sont habituellement classées en quatre types.
Si les lésions de type I et II ne nécessitent pas de traitement,
il est aujourd’hui admis que les lésions de type III peuvent, elles aussi,
bénéficier d’un traitement différé ce qui permettrait de sauver le rein
dans un nombre non négligeable de cas.
Les décès observés sont le plus
souvent liés aux lésions associées.
La seule indication chirurgicale urgente concerne l’atteinte du pédicule
rénal.
Il peut s’agir d’une rupture ou d’une thrombose artérielle.
Le
pronostic pour le rein est alors grave et la néphrectomie en urgence
souvent requise. Une thrombose bilatérale entraîne le plus souvent la
perte des reins.
7- Lésions des organes creux
:
Les traumatismes de l’intestin grêle et du côlon arrivent respectivement
en 3e et 4e position des lésions viscérales observées lors des
traumatismes abdominaux, après les lésions de rate ou de foie.
Le
classique pneumopéritoine est présent radiologiquement dans moins de
25 % de ces perforations.
Il est souvent tardif, accompagnant les signes
péritonéaux.
La TDM est légèrement plus performante dans ce contexte
avec environ 50 % de ruptures intestinales diagnostiquées.
Le
traitement chirurgical fait systématiquement appel, outre le traitement
du segment lésé, à une toilette péritonéale au sérum, un drainage large
(classiquement des quatre cadrants) et une antibiothérapie à spectre
large (germes à Gram négatifs et anaérobies essentiellement)
secondairement adaptée en fonction des résultats bactériologiques des
prélèvements peropératoires.
* Lésions de l’intestin grêle
:
L’exploration de tout l’intestin grêle avec contrôle sur toutes ses faces
est un impératif absolu.
Si une brèche minime peut éventuellement être
suturée sans résection lorsque les tissus avoisinants sont sains, la règle
impose une résection de la partie traumatisée et une suture terminoterminale, non protégée.
Il est exceptionnel, même en contexte
de péritonite, d’avoir recours à une jéjunostomie ou une iléostomie.
* Lésions du côlon et du rectum
:
Il est exceptionnel de réaliser, dans un contexte d’urgence (donc à côlon
non préparé), la suture simple d’une plaie colique.
Les rares cas où ce
geste peut être envisagé sont les plaies minimes, datant de moins de
6 heures, et non souillées.
Lorsque la plaie se situe sur un segment
mobile du côlon, celui-ci peut être monté à la peau sur baguette avec
extériorisation de la plaie, réalisant une colostomie temporaire de
dérivation.
Ce cas idéal se rencontre rarement. Habituellement, on est
en face d’une lésion plus importante avec une contamination
péritonéale.
Une colectomie segmentaire classique est alors le geste le
plus approprié (sigmoïdectomie, colectomie gauche, colectomie droite).
Le rétablissement de la continuité est effectué d’emblée, par anastomose terminoterminale, ou latérolatérale, manuelle ou mécanique (agrafeuse linéaire de type GIA).
Cette anastomose est protégée par une colostomie
d’amont sur baguette en cas de péritonite associée.
Dans certains cas, en
présence d’une lésion sigmoïdienne importante ou d’une lésion du haut
rectum, une colostomie terminale temporaire avec fermeture du segment
d’aval selon Hartmann peut être discutée.
En cas de colectomie droite,
l’attitude la plus classique est le rétablissement d’emblée, iléocolique
transverse, non protégé.
Les lésions rectales basses, sousdouglassiennes,
sont de traitement plus difficile : une anastomose en
urgence n’est pas envisageable et le traitement consiste en une
colostomie iliaque gauche associée à un drainage simple.
Dans tous les cas, un lavage avec drainage large de la cavité péritonéale
est réalisé.
* Lésions gastriques
:
Les plaies, perforations ou dilacérations gastriques, sont traitées le plus
souvent par avivement des berges et sutures muqueuse puis séreuse en
deux plans, protégées par une aspiration gastrique à double courant
(liquide/air).
Dans de très rares cas, si l’atteinte gastrique est trop
importante, une gastrectomie partielle, voire totale, est nécessaire.
Il faut
noter qu’une perforation gastrique sur une face de l’estomac (le plus
souvent antérieure) doit toujours faire rechercher une lésion sur le
versant opposé de l’organe (plaie transfixiante ou écrasement gastrique
avec répercussions antérieure et postérieure).
Ce type de lésion
postérieure est souvent associé à une lésion pancréatique.
* Lésions vésicales
:
Deux tableaux cliniques peuvent marquer une rupture vésicale.
La
rupture intrapéritonéale de vessie est une rupture du dôme vésical par
traumatisme sur vessie pleine.
Cliniquement, le patient présente des
douleurs abdominales progressivement croissantes, sans miction ni
sensation de réplétion vésicale et surtout sans globe vésical.
Selon les
équipes un sondage sera réalisé ou non.
Atraumatique, il sera au mieux
pratiqué par un urologue, afin de ne pas aggraver une lésion urétrale
associée.
Il ne ramène pas ou très peu d’urine. L’échographie et le
scanner abdominopelvien peuvent orienter le diagnostic, mais le
meilleur examen dans ce cas est la cystographie rétrograde.
Cette
dernière permet dans le même temps le bilan d’une éventuelle lésion
urétrale associée.
Le second tableau observé est celui d’une rupture sous-péritonéale de vessie : le mécanisme le plus fréquent est le
cisaillement ou l’embrochage vésical au cours d’une fracture du bassin
et/ou d’une disjonction pubienne.
La douleur hypogastrique prédomine.
Cette dernière n’est généralement pas associée à des signes péritonéaux.
La miction est conservée avec hématurie associée.
Au toucher rectal, il
existe une sensation d’empâtement pelvien.
Comme pour la rupture intrapéritonéale, le meilleur examen est la cystographie rétrograde qui
permet le bilan d’une éventuelle lésion urétrale associée et montre
l’extravasation du produit de contraste.
Il s’y associe fréquemment un
important hématome pelvien.
Les plaies intrapéritonéales de vessie sont
traitées par suture simple en un ou deux plans, selon les équipes. Une
sonde vésicale de protection est laissée en place pour une durée de 10 à
15 jours.
Le traitement initial des ruptures sous-péritonéales de vessie
se résume le plus souvent à un drainage vésical.
8- Lésions pariétales
:
* Diaphragme
:
Les lésions de la paroi abdominale peuvent concerner le diaphragme.
Les ruptures du diaphragme surviennent dans 1 à 2 %des traumatismes thoracoabdominaux sévères, à gauche dans 90 % des cas.
Elles sont souvent méconnues.
En cas de plaie par arme blanche ou arme
à feu, tous les types de lésion peuvent se rencontrer. Les lésions
diaphragmatiques sont parfois d’expression retardée, de quelques
heures à quelques jours.
Le diagnostic est évoqué devant une détresse
respiratoire avec anomalies auscultatoires de la base pulmonaire et en
particulier la présence de bruits hydroaériques.
La radiographie simple
du thorax confirme le diagnostic en ne retrouvant pas le contour normal
de la coupole diaphragmatique, mais la présence de clartés digestives
dans le thorax, le plus souvent gastrique.
Le diagnostic différentiel doit
être fait avec un pneumothorax ; c’est l’une des raisons pour lesquelles
il est conseillé en urgence de ne drainer un pneumothorax (sauf
pneumothorax suffocant) qu’après avoir mis en place une sonde nasogastrique.
Les ruptures diaphragmatiques sont parfois
diagnostiquées de manière « fortuite » à distance du traumatisme causal.
Les lésions qui sont des ruptures de coupole, des désinsertions ou des
ruptures centrales paravertébrales doivent faire l’objet d’une réparation
anatomique.
Celle-ci est réalisée au fil simple à points séparés, la mise
en place de prothèse étant réservée aux ruptures traitées tardivement
lorsque l’étoffe s’est rétractée et ne permet plus de réparation idéale.
Enfin, la fermeture d’une brèche diaphragmatique doit toujours être
associée à un drainage pleural.
La mortalité des lésions diaphragmatiques
est élevée, de l’ordre de 20 à 30 %, souvent due aux lésions
associées.
* Paroi abdominale
:
Le problème de la paroi abdominale est double : celle-ci peut présenter
une perte de substance en cas de traumatisme par arme, ou poser un
problème de réintégration des anses lié à l’oedème traumatique et à
l’iléus réflexe.
Lors de la prise en charge d’une plaie, il est nécessaire d’exciser les
berges, en particulier en cas de plaie par arme à feu.
Le parage doit être
complet, incluant les muscles et le péritoine.
La peau est laissée ouverte
ou grossièrement rapprochée et drainée. Habituellement, la paroi est
refermée après une laparotomie.
Exceptionnellement, la fermeture
pariétale ne peut être réalisée de première intention et certains auteurs
proposent alors la mise en place de sac de protection irrigué avec
fermeture secondaire, après disparition de l’oedème lié à la réanimation
et à l’ischémie.
Certains auteurs proposent l’utilisation de filets, mais
ceux-ci semblent responsables de fistules digestives.
9- Traitement de cas particuliers
:
* Polytraumatisé
:
La contusion abdominale est un élément fréquemment associé à un polytraumatisme.
Le pronostic de chaque lésion prise isolément n’est
alors pas significatif du pronostic global du patient.
Le diagnostic de
lésion intra-abdominale est difficile, notamment lorsqu’il existe des
troubles de conscience dès le ramassage du patient.
La survenue de
complications postopératoires est la particularité la plus fréquente chez
ces patients, résultante combinée des gestes chirurgicaux et de la
réanimation.
Une laparotomie reste indiquée chez tout polytraumatisé en état de choc
non contrôlé et sans facteur hémorragique identifié.
* Place de la laparotomie « écourtée » ou « abrégée »
:
La laparotomie écourtée trouve son origine dans la chirurgie de guerre.
Initialement, le but était de pouvoir assurer un geste hémostatique de
sauvetage chez un patient intransportable, afin de permettre le plus
rapidement possible le transfert du blessé vers une base arrière moins
exposée et mieux équipée.
Cette technique a été particulièrement utilisée
par les Américains lors de la guerre du Viêt Nam.
Ces derniers ont alors
constaté que, contre toute attente, la mortalité et la morbidité des patients traités de la sorte étaient inférieures à celles des patients pour lesquels
un traitement « radical » était tenté d’emblée.
L’intérêt principal de la
laparotomie écourtée est, après avoir réalisé en extrême urgence un geste
d’hémostase indispensable, l’agrafage d’une perforation digestive, le
drainage de la cavité péritonéale... et un très rapide bilan lésionnel, de
pouvoir bénéficier d’une prise en charge réanimatoire immédiate visant
à corriger les troubles hydroélectrolytiques, les troubles de la crase, les
déficits de thermorégulation, ces derniers jouant d’ailleurs un rôle
délétère fondamental sur les précédents.
Une intervention réglée,
éventuellement après transfert, permettra dans un deuxième temps
d’effectuer un geste « radical » chez un patient déchoqué, dans des
conditions opératoires et réanimatoires optimales.
Ce traitement ne s’adresse évidemment qu’aux patients les plus graves
ne pouvant supporter, dans de bonnes conditions, un geste chirurgical
immédiat de longue durée.
Il faut noter que l’indication d’une
laparotomie écourtée est difficile à poser et doit être décidée avant
l’installation des troubles précités.
D’autre part, elle peut parfois
apparaître comme contraire à la « logique » classique de l’urgence.
Son
indication n’est souvent correctement envisagée que par des équipes
chirurgicales rompues à la prise en charge des polytraumatisés.
Elle
constitue un des plus grands progrès thérapeutiques en termes de
chirurgie d’urgence, en particulier hépatique.
G - Complications
:
Les complications de la chirurgie peuvent être liées à l’évolution du
traumatisme et à sa prise en charge chirurgicale.
Certaines de ces
complications ne sont pas spécifiques.
Ce sont les complications
respiratoires, secondaires à un pneumothorax, un hémothorax, une
surinfection pulmonaire, un syndrome de détresse respiratoire aigu
(SDRA) de l’adulte avec ses conséquences cérébrales liées à
l’hypoxémie, des embolies pulmonaires.
Ce sont également les
complications cardiocirculatoires, secondaires à un choc
hypovolémique, un choc toxi-infectieux, ou des ischémies prolongées.
Ces complications non spécifiques sont encore infectieuses, imposant la
recherche d’une porte d’entrée méconnue, ou rénales.
Une insuffisance
rénale fonctionnelle apparaît dans les suites d’une hypovolémie.
L’insuffisance peut être organique par obstacle, ou terminale, entrant
dans le cadre des défaillances polyviscérales.
Des complications
métaboliques, liées à la réanimation, ne sont pas rares.
Enfin, les
complications abdominales doivent être recherchées systématiquement.
Elles sont hémorragiques, septiques et pariétales.
1- Complications hémorragiques
:
L’hémorragie postopératoire peut poser un problème majeur dans la
détermination de son étiologie et de la conduite à tenir.
En effet, si une
hémorragie brutale, avec ou sans extériorisation de sang, se produit au
décours d’une splénectomie et s’accompagne d’une distension
abdominale et d’un collapsus cardiovasculaire, la reprise chirurgicale
s’impose.
Aucun bilan complémentaire, biologique ou d’imagerie n’est
nécessaire.
À l’inverse, une déglobulisation progressive et constante
avec chute de l’hématocrite et éventuellement extériorisation
progressive mais lente de sang chez un traumatisé grave, pose le
problème de l’indication de reprise chirurgicale.
L’association des zones
de suffusion hémorragique dans le foyer lésionnel à des troubles de la
crase secondaires au remplissage massif, aux transfusions abondantes
et à une hypothermie associée, ne permet pas toujours de trancher en
faveur de la reprise ou de l’abstention.
Une concertation rapprochée
entre les différentes équipes médicales et chirurgicales assurant la prise
en charge du patient et possédant l’expérience de ces traumatismes
permet seule de trancher.
Les examens complémentaires, radiologie et TDM plus que échographie, apporteront leur contribution à cette
discussion.
En outre, il faut toujours rechercher une hémorragie liée au
stress, se manifestant par des ulcères gastroduodénaux, en réalisant une
gastroduodénoscopie.
Les critères de reprise chirurgicale sont la mauvaise tolérance de
l’hémorragie en l’absence de troubles majeurs de la crase, et l’origine
des lésions susceptibles de saigner (rate, foie, gros vaisseaux).
Il ne faut
pas oublier qu’une hémorragie minime est aggravée par les troubles de
la crase, qu’un caillot peut être responsable de troubles de la crase par
fibrinolyse locale, mais à l’inverse qu’une laparotomie inutile peut
aggraver l’état d’un patient en situation précaire.
2- Complications septiques
:
Le risque septique majeur chez le traumatisé abdominal est la gangrène
gazeuse qui risque de se développer sur un terrain altéré.
Sa mise en
évidence repose sur une surveillance rigoureuse des pansements et de
l’état général du patient.
Son traitement fait appel à un débridement
chirurgical large et à l’oxygénothérapie hyperbare.
Des complications septiques classiques peuvent apparaître au décours
de l’intervention : infection péritonéale liée à un épanchement mal
drainé ou à un hématome postopératoire.
L’examen du patient
(altération de l’état général), la biologie (syndrome inflammatoire) et
une hyperthermie amènent l’équipe médicochirurgicale à rechercher un
foyer septique.
Outre l’examen des téguments et cicatrices à la recherche
d’un abcès pariétal, un examenTDMrecherche une collection profonde.
Bien limitée, elle est le plus souvent traitée de façon conservatoire par
ponction et drainage percutané, au mieux sous contrôle échographique
ou TDM.
En cas de péritonite diffuse, une reprise chirurgicale s’impose.
Une péritonite sans fistule impose un lavage-drainage de la cavité
péritonéale avec éventuelle exérèse de débris nécrotiques résiduels.
La
prise en charge d’une fistule digestive est plus compliquée.
Responsable
d’une péritonite, elle impose son extériorisation.
Lorsqu’elle est
d’origine sus-mésocolique, la fistule est simplement dirigée à la peau.
Lorsque la fistule est sous-mésocolique, la réalisation d’une colostomie
doit être tentée.
Une fois extériorisée, la fistule sera appareillée et traitée
dans un deuxième temps.
Les péritonites postopératoires sont toutefois
grevées d’une mortalité avoisinant les 50 %.
3- Complications pariétales
:
Des complications pariétales peuvent survenir à la suite de contusions
majeures accompagnées de nécrose tissulaire.
Elles peuvent être
secondaires à un problème septique précoce : une intervention en milieu
de péritonite en urgence, ou un geste de sauvetage peuvent
s’accompagner de problèmes d’asepsie peropératoire.
Ces interventions
se compliquent alors d’un abcès pariétal.
Dans le meilleur des cas, cet
abcès peut être traité par une mise à plat et des soins locaux qui
permettent sa guérison sans séquelles.
Une éventration secondaire
complique toutefois ce problème dans 2,5 à 11 %des cas.
Dans les
cas les moins favorables, en particulier en cas de dénutrition et de
troubles métaboliques associés liés à une intubation prolongée et à une
réanimation intensive, un abcès pariétal peut se compliquer d’une
éviscération imposant une reprise chirurgicale en urgence.
Il existe alors
en outre un risque accru de fistule digestive, en particulier du grêle ou du
côlon.
La prise en charge des traumatisés de l’abdomen doit être
réalisée par une équipe pluridisciplinaire disposant d’un
maximum de moyens : association médicochirurgicale disposant
d’un plateau technique accessible (échographie, TDM,
artériographie).
Ceci permet une prise en charge optimale des
patients.
En cas de moyens limités, le chirurgien doit prendre la
décision d’une intervention pour sauver son patient.
Le geste
réalisé tient compte de l’évolution des possibilités thérapeutiques
et est limité à la prise en charge palliative des lésions les plus
urgentes.
Le « packing » périhépatique contrôlant une hémorragie
et permettant le transfert du patient et son traitement dans les
meilleures conditions en est un bon exemple.
Le but du traitement
initial est de ne pas induire de « perte de chance » pour le patient,
en se réservant la possibilité d’actes médicaux et chirurgicaux
ultérieurs.
Dans les centres équipés et préparés à l’accueil de ces
blessés, le traitement « définitif » en un temps des lésions n’est
plus un impératif.
Il faut lui préférer le traitement pas à pas des
urgences : contrôle de l’hémorragie et réanimation étant les
seules urgences absolues.
L’aspect de plus en plus conservateur
et mini-invasif de la prise en charge de ces traumatisés représente
la plus importante évolution de ces dernières années.