Conduite à tenir devant un état de choc cardiogénique dans les premières heures Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Le choc cardiogénique est défini comme un
bas débit cardiaque par atteinte primitive et
exclusive de la contractilité myocardique.
Comme tous les états de choc, le choc cardiogénique est responsable d’une
hypoperfusion et d’une hypoxie tissulaires.
Le processus physiopathologique
déclenchant est l’ischémie myocardique.
Initialement, l’ischémie est segmentaire puis
diffuse pour les chocs d’origine ischémique
coronarienne, qui sont les plus fréquents.
L’ischémie myocardique est d’emblée diffuse
pour les myocardites et les myocardiopathies.
C’est le plus souvent au stade de choc
décompensé que le diagnostic est évoqué,
c’est-à-dire entre 6 et 24 heures après
l’apparition des premiers symptômes.
Le choc cardiogénique
complique 7 à 10% des nécroses myocardiques au cours des 24
premières heures.
La mortalité
à 30 jours est élevée, comprise entre 50 et 60 %.
Sa prise en
charge est donc une urgence diagnostique et thérapeutique.
Les objectifs des 24 premières heures de la
prise en charge sont :
– évaluer le retentissement du choc ;
– rechercher une origine ou un facteur
déclenchant ischémique coronarien et
orienter le patient vers une procédure
précoce de désobstruction ou de
revascularisation coronaire ;
– instaurer la surveillance hémodynamique,
l’assistance hémodynamique et ventilatoire, afin de limiter les conséquences de
l’ischémie ;
– mettre en
place une assistance circulatoire, parfois nécessaire en attente
d’un traitement spécifique.
La prise en
charge de ces premières heures conditionne le pronostic du patient.
Elle repose sur une coordination
médicochirurgicale impliquant souvent
plusieurs établissements.
Étape diagnostique
:
Le diagnostic comprend trois parties :
– reconnaître l’état de choc et évoquer son
origine cardiogénique ;
– éliminer les autres causes d’état de choc ;
– distinguer l’origine coronarienne ou non
coronarienne de l’état de choc.
L’étape diagnostique s’effectue pendant la
phase de stabilisation hémodynamique et la
mise en place d’une surveillance
hémodynamique.
A - DIAGNOSTIC POSITIF
:
Le choc cardiogénique est défini comme un
bas débit cardiaque à volume circulant
conservé.
À ce bas débit cardiaque sont
associés des signes précoces d’hypoperfusion
et d’hypoxie tissulaires périphériques.
1- Interrogatoire
:
L’interrogatoire du patient ou de son
entourage permet de réunir les éléments du diagnostic étiologique et du
pronostic :
– en faveur
d’une origine coronaire :
– antécédents d’insuffisance coronarienne
ou cardiaque, d’hypertension artérielle, de
diabète ;
– notion de douleur thoracique prolongée
et datant de moins de 24 heures ;
– en faveur d’une origine non coronarienne :
– cardiomyopathie évoluée connue ;
– maladie systémique connue ou présence
de signes cliniques évocateurs ;
Ces quatre dernières entités cliniques
répondent au terme générique de
myocardites aiguës.
2- Examen clinique
:
Le patient présente les signes évocateurs de
l’état de choc et de son retentissement :
– une hypotension artérielle systolique
inférieure à 90 mmHg (pression artérielle
moyenne inférieure à 65 mmHg) ou bien une
chute au moins égale à 30 % de la pression
artérielle de référence et persistant au moins
1 heure malgré un traitement vasopresseur
;
– un pouls rapide, filant, irrégulier, difficile
à percevoir ;
– des signes traduisant l’hypoperfusion des
organes :
– extrémités froides, marbrées, cyanosées ;
– une oligurie (diurèse inférieure à
20 mL.h-1) ;
– confusion, désorientation, anxiété en
rapport avec l’hypoperfusion cérébrale ;
– des signes de dysfonction ventriculaire :
– soit droite, avec turgescence jugulaire ;
– soit gauche, avec râles crépitants des
deux champs pulmonaires ; les bruits du
coeur sont assourdis, parfois associés à un
souffle de régurgitation mitrale ou de
communication interventriculaire, ce qui
doit faire systématiquement évoquer une
complication mécanique précoce.
3- Électrocardiogramme
:
Réalisé dès l’admission, ou lors de la prise
en charge médicale préhospitalière,
l’électrocardiogramme est l’examen
indispensable à l’orientation diagnostique et
thérapeutique.
Il recherche sur
18 dérivations :
– des troubles de la repolarisation :
– lésion sous-épicardique sus-décalage du
segment ST dans au moins deux
dérivations contiguës. Elle évoque une
occlusion coronaire aiguë par thrombus ;
– lésion sous-endocardique sous-décalage
du segment ST systématisée, retrouvée
dans 30 % des chocs cardiogéniques
d’origine coronaire ;
– bloc de branche gauche récemment
apparu ;
– un trouble du rythme ou de la
conduction :
– tachycardie régulière ;
– tachyarythmie par fibrillation
auriculaire récente.
Celle-ci participe à
l’aggravation de la fonction cardiaque en
réduisant le temps diastolique de
remplissage ventriculaire et la perfusion
coronaire, tout en augmentant la demande
métabolique du myocarde ;
– plus exceptionnels : bradycardie ou bloc auriculoventriculaire.
4- Premiers examens
complémentaires :
L’objectif des premiers examens est de
confirmer le diagnostic clinique de choc cardiogénique et de rechercher une origine
coronarienne éventuelle.
* Échocardiographie transthoracique
ou transoesophagienne :
Méthode non invasive, l’échocardiographiedoppler
remplace de plus en plus souvent le
cathétérisme artériel pulmonaire par sonde
de Swan-Ganz.
En urgence, au lit du patient,
elle est devenue, en pratique, essentielle au
diagnostic de l’état de choc.
Elle permet de distinguer les chocs
extracardiaques des chocs d’origine
cardiaque par atteinte myocardique
ventriculaire ou par atteinte valvulaire.
Elle élimine d’autres causes d’état de choc
comme une hypovolémie ou une vasoplégie.
L’échocardiographie permet également une
approche hémodynamique du choc cardiogénique.
Les atteintes ventriculaires d’origine
coronarienne engendrent une altération des
fonctions systolique et diastolique,
spécifique par son caractère segmentaire,
c’est-à-dire ne concernant que les zones ischémiées et les zones adjacentes.
Ces
atteintes se traduisent par un moindre
épaississement pariétal joint à une
diminution de l’amplitude et de la vitesse
de l’excursion systolique endocardique.
L’échocardiographie permet d’évaluer l’étendue, ainsi que la
topographie de l'ischémie.
Elle met en évidence
d’éventuelles complications mécaniques
associées :
– rupture septale ;
– rupture pariétale ;
– rupture du muscle papillaire mitral ;
– thrombus intracavitaire.
Les atteintes myocardiques non coronaires
n’ont pas ce caractère segmentaire, car elles
concernent l’ensemble du myocarde
ventriculaire.
* Gazométrie artérielle
:
L’analyse des gaz du sang artériel évalue la
gravité et l’ancienneté du choc.
Elle
objective :
– une hypoxie ;
– une acidose métabolique de type lactique,
liée à trois mécanismes :
– hypoperfusion tissulaire périphérique ;
– augmentation de la production
tissulaire du lactate ;
– diminution du métabolisme tissulaire
du lactate, en particulier hépatique ;
– plus rarement une hypercapnie, avec une
acidose mixte, en cas d’oedème pulmonaire
asphyxique.
L’acidose aggrave l’altération de la
contractilité myocardique.
Elle est
responsable d’un véritable effet inotrope
négatif et participe ainsi à ce qu’on appelle
« le cercle vicieux du choc cardiogénique ».
* Dosage des marqueurs cardiaques
:
– La troponine Ic demeure à la fois le
marqueur le plus spécifique de la nécrose
myocardique et le moins modifié par l’état
de choc.
– Le brain natriuretic peptid (BNP) ou
peptide natriurétique B, est le témoin à la
fois du développement d’une insuffisance
cardiaque et d’une occlusion coronarienne.
Ce marqueur est produit par les myocytes
de la paroi du ventricule, en réponse à une
élévation de la pression télédiastolique et de
la tension pariétale.
– Une élévation de la fraction myocardique
et de la fraction musculaire des créatines phosphokinases (CPK) est le témoin d’une
rhabdomyolyse, conséquence de l’état de
choc et de la réduction des débits
régionaux.
* Évaluation de la fonction rénale
:
Dans les premières heures de l’évolution, la
survenue précoce d’une insuffisance rénale
est associée à une mortalité plus élevée à
30 jours.
L’insuffisance rénale est définie par
une créatininémie supérieure de 50 % à la
valeur de référence ou bien une clairance de
la créatinine inférieure à 30 mL.kg-1.min-1.
* Radiographie thoracique
:
Le cliché standard reste peu contributif à la
fois pour le diagnostic, le pronostic et pour
l’orientation thérapeutique.
Il est souvent
réalisé à l’admission de façon systématique.
L’image de l’oedème interstitiel associé à une
augmentation de la silhouette cardiaque
peut confirmer l’insuffisance cardiaque
gauche.
B - DIAGNOSTIC HÉMODYNAMIQUE
:
L’exploration hémodynamique, lorsqu’elle
est réalisée au stade précoce de la prise en
charge, se réfère le plus souvent au
cathétérisme artériel pulmonaire.
1- Cathétérisme artériel pulmonaire
:
L’exploration hémodynamique par
cathétérisme artériel pulmonaire renseigne
sur :
– la pression auriculaire droite, estimation
de la précharge ;
– la pression artérielle pulmonaire ;
– la pression artérielle pulmonaire
d’occlusion (PAPO) ou pression capillaire
pulmonaire ;
– le débit cardiaque ;
– les résistances artérielles systémiques ;
– la saturation en oxygène, mesurée au
niveau auriculaire et ventriculaire droit,
recherche une variation brutale ou step-up,
témoin d’une rupture septale;
– la saturation veineuse en oxygène : sa
mesure continue peut être obtenue par des
cathéters à fibres optiques.
Toutes ces mesures peuvent être réalisées en
continu.
L’étude hémodynamique du patient
en état de choc cardiogénique révèle ainsi :
– un index cardiaque inférieur ou égal à
2 L.min-1.m-2 ;
– des résistances artérielles élevées,
supérieures à 1 600 dynes.s-1.cm-2 ;
– une PAPO supérieure à 18 mmHg ;
– en cas de lésion ventriculaire droite : une
élévation de la pression ventriculaire télédiastolique droite avec pression artérielle
pulmonaire d’occlusion normale ou basse ;
– une saturation veineuse en oxygène
basse ; son augmentation reflète l’efficacité
du traitement inotrope sur l’oxygénation
tissulaire.
La fonction cardiaque peut néanmoins être
appréciée, de manière fiable et validée, par
des méthodes non invasives récemment
développées, utilisant le doppler et
l’échographie.
2- Doppler oesophagien
:
Ce mode non invasif d’exploration
hémodynamique permet d’estimer le débit
aortique descendant en mesurant de façon
continue le flux sanguin au niveau de l’aorte
par une sonde placée dans l’oesophage.
La
sonde est positionnée en regard des
cinquième et sixième vertèbres thoraciques
correspondant au troisième espace
intercostal, chez un patient intubé et en
ventilation assistée.
La mesure du débit aortique descendant,
différent du débit cardiaque global, nécessite
l’intégration de deux variables :
– le diamètre aortique, qui peut être, selon
le matériel utilisé, estimé à partir d’abaques,
ou bien mesuré par un capteur échographique
intégré à la sonde doppler ;
– la vélocité sanguine instantanée, qui est
mesurée par la sonde en regard du vaisseau.
Elle est proportionnelle à la différence de
fréquence entre les faisceaux d’ondes émis
et réfléchis et à l’angle entre le vaisseau et le
faisceau doppler pulsé.
Le produit de l’intégrale temps-vélocité
sanguine par la surface de section du
vaisseau permet d’obtenir un volume qui
correspond donc au volume de sang
traversant la section du vaisseau par unité
de temps, soit un débit.
Le profil hémodynamique du patient est
accessible à partir de paramètres qui sont :
– soit mesurés en instantané : ce sont le
volume d’éjection systolique et le débit
aortique descendant, véritable nouveau
paramètre hémodynamique ;
– soit calculés : la fonction systolique, les
résistances vasculaires (ou postcharge), et le
débit cardiaque.
Le débit cardiaque est
estimé à partir du débit aortique descendant
qui représente environ 70 % du débit
cardiaque global (30 % étant distribués aux
troncs supra-aortiques dans les conditions
basales).
Lorsque sont connues à la fois la vitesse
sanguine dans l’aorte et son diamètre, les
paramètres mesurés suivants sont
disponibles en continu :
– le temps d’éjection corrigé du ventricule
gauche ;
– l’accélération maximale du flux aortique ;
– le pic de vélocité.
Ces deux derniers paramètres permettent de
quantifier l’inotropisme, tandis que le temps
d’éjection évalue la précharge ventriculaire.
Le rapport du débit aortique au temps
d’éjection corrigé semble apprécier au mieux
l’inotropisme.
L’obtention d’une mesure du débit
cardiaque par cette méthode est rapide et
peut être enregistrée en continu.
Elle
pourrait donc être proposée comme le
monitoring de base de tout patient en état
de choc.
Cette méthode fournit un profil
hémodynamique en temps réel ainsi que
l’évolutivité sous traitement.
Elle permet
donc d’évaluer, de suivre, et d’adapter les
thérapeutiques entreprises.
C - SURVEILLANCE HÉMODYNAMIQUE
:
Dès le début de la prise en charge, la
surveillance hémodynamique e s t
systématique.
Elle permet :
– d’évaluer la gravité et le retentissement
du choc ;
– de guider la prise en charge initiale ;
– de surveiller l’impact des thérapeutiques
entreprises.
1- Surveillance de la pression
artérielle
:
La mesure continue de la pression artérielle
par une méthode automatisée non invasive
est habituelle, mais souvent insuffisante.
C’est pourquoi la mise en place d’un
cathéter artériel lors de la prise en charge
d’un état de choc est recommandée.
Elle
présente plusieurs intérêts :
– apprécier en continu la pression artérielle
moyenne, principal déterminant de la
perfusion des organes;
– calculer la pression artérielle pulsée ou
différentielle, différence entre la pression
systolique et la pression diastolique.
Sur un
patient en ventilation assistée avec une
pression expiratoire positive, les variations
respiratoires de la pression artérielle pulsée
(delta PP) reflètent les variations du volume
d’éjection systolique induites par
l’insufflation mécanique et permettent de
prédire la réponse à un éventuel remplissage
vasculaire ;
– connaître la pression artérielle diastolique
qui, rapportée à la pression systolique et à
la pression différentielle, renseigne sur :
– la variation des résistances artérielles
(déterminant de la pression diastolique) ;
– la contractilité myocardique et le
volume d’éjection systolique (déterminants
de la pression systolique).
2- Surveillance électrocardioscopique
:
Dès le début de la prise en charge, celle-ci
permet :
– d’analyser le rythme cardiaque et de
détecter précocement l’apparition de
troubles du rythme ou de la conduction et
leur régression sous traitement ;
– de suivre l’évolution des lésions
ischémiques, dans les syndromes coronaires
aigus.
Ces variations spontanées ou sous
traitement spécifique sont des critères
prédictifs du devenir du patient.
La nonrégression
du sus-décalage du segment ST
au cours de la fibrinolyse est un facteur
supplémentaire pour orienter sans délai le
patient vers un service de cardiologie
interventionnelle immédiatement
disponible.
3- Oxymétrie de pouls
:
Elle présente un double intérêt
diagnostique :
– la valeur de la mesure est le reflet de la
pression partielle artérielle en oxygène ;
– l’altération du signal et sa perte sont les
témoins d’une hypoperfusion
périphérique.
4- Capnographie expirée
:
Ce paramètre obtenu sur un patient intubé
et en ventilation assistée est un reflet indirect
du débit cardiaque, en normothermie.
La
chute du débit cardiaque induit une baisse
du débit de CO2 et de l’ETCO2 par deux
mécanismes :
– réduction du nombre d’alvéoles perfusées
et de la surface d’échange gazeux ;
– diminution du transport vers les poumons
du CO2 produit par le métabolisme
tissulaire.
Cette valeur abaissée de l’ETCO2 traduit
l’augmentation du gradient veinoartériel du
CO2.
L’ETCO2 suit les variations de ce
gradient comme un marqueur de l’efficacité
du traitement inotrope.
D - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
:
L’anamnèse, les antécédents du patient et
l’examen clinique éliminent :
– les collapsus par hypertonie vagale :
l’absence de retentissement sur la perfusion
périphérique et la bradycardie les distingue
du choc cardiogénique ;
– les autres causes d’état de choc dits
« quantitatifs » :
– par diminution du débit et du transport
en oxygène (TO2) ;
– par diminution du contenu en oxygène,
diminution du transporteur d’oxygène,
diminution de la capacité de fixation de
l’oxygène ;
– les chocs distributifs, type septique, par
altération de la capacité d’extraction de
l’oxygène ;
– les chocs d’origine extracardiaque, de type
obstructif, car liés à un obstacle situé à
proximité de la pompe cardiaque qui retentit
sur la fonction contractile du myocarde,
comme l’embolie pulmonaire.
Chacun de ces chocs peut s’accompagner
secondairement d’un choc d’allure cardiogénique : le retentissement du choc
initial sur la circulation coronaire peut être
responsable d’une ischémie myocardique
par hypoxie ou anémie.
E - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
:
Les décompensations cardiaques aiguës non
coronariennes sont les causes les plus rares
de choc cardiogénique.
On
distingue ainsi :
– les myocardites auto-immunes,
médicamenteuses ou infectieuses syndrome
de l’immunodéficience acquise : sida, qui se
manifestent par une dysfonction systolique biventriculaire identifiée à l’échocardiographie
;
– les décompensations aiguës de valvulopathie (endocardite ou dissection
aortique) : le ventricule gauche est incapable
de s’adapter à une augmentation brutale du
volume télédiastolique ;
– les épisodes d’insuffisance cardiaque
aiguë, survenant au cours de l’évolution
d’une cardiomyopathie dilatée au stade
ultime.
Ils sont favorisés par des événements
ischémiques ou bien des troubles du rythme
cardiaque.
L’insuffisance coronarienne représente la
principale cause de choc cardiogénique :
– par dysfonction ventriculaire gauche, dans
78 % des cas ;
– par dysfonction ventriculaire droite (3 %
des patients).
Le courant de lésion en V4R
est le signe d’une ischémie isolée du
ventricule droit ;
– par complications mécaniques (19 % des
patients), survenant le plus souvent au-delà
des 24 premières heures, et engendrant un
détournement d’une fraction du volume
d’éjection systolique :
– rupture d’un muscle papillaire mitral ;
– rupture septale ;
– rupture pariétale avec tamponnade.
La reconnaissance précoce de l’origine
ischémique du choc cardiogénique permet
d’orienter le patient vers une stratégie de
prise en charge agressive dont l’objectif est
la restauration rapide de la perfusion
coronaire.
L’ischémie myocardique aiguë résulte d’une
occlusion coronaire qui peut avoir deux
origines :
– soit un thrombus, 70 % des cas ; elle se
traduit par une lésion sous-épicardique
localisée ;
– soit une rupture de plaque athéromateuse
sur une lésion sténosante engendrant une
agrégation plaquettaire dans 30 % des cas ;
elle se traduit par une lésion sous-endocardique.
Ces ischémies répondent aux dénominations
actuelles d’infarctus avec ou sans susdécalage
du segment ST, correspondant à
des processus physiopathologiques distincts.
Cette distinction est à l’origine de stratégies
différentes de désobstruction coronaire.
F - DIAGNOSTIC DE GRAVITÉ
:
Au terme des premières investigations, une
évaluation de la gravité du choc cardiogénique et du pronostic propre au
patient est réalisée.
Certains critères cliniques sont corrélés à une
plus grande mortalité à 30 jours.
La
reconnaissance de ces critères identifie des
patients à très haut risque :
– l’âge supérieur à 75 ans ;
– l’état hémodynamique, en particulier une
valeur de pression artérielle systolique à
l’admission inférieure à 100 mmHg ;
– le retentissement hémodynamique sur les
organes périphériques ;
– la survenue tardive du choc ;
– les antécédents de coronaropathie, angor
simple ou infarctus ;
– l’existence d’un diabète ;
– l’étendue, l’amplitude des courants de
lésion ischémique ;
– le délai de mise en route d’un traitement
spécifique de désobstruction coronaire.
Ces critères peuvent être intégrés dans
différents scores de gravité dont les objectifs
sont :
– l’évaluation du pronostic d’un patient en
état de choc cardiogénique ;
– la stratification du risque des patients afin
de choisir la thérapeutique adaptée.
Ces mêmes critères permettent, à la phase
aiguë d’une souffrance myocardique, de
reconnaître les patients susceptibles de
développer un choc cardiogénique.
Moyens thérapeutiques
:
Rétablir le plus rapidement possible des
conditions hémodynamiques assurant la
perfusion et l’oxygénation du myocarde et
des organes périphériques est prioritaire,
quelle que soit l’origine du choc cardiogénique.
L’ischémie est plus délétère
que l’hypoxie.
A - TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
:
Les objectifs du traitement symptomatique
sont :
– corriger la dysfonction ventriculaire et
élever le débit cardiaque en améliorant la
contractilité myocardique et en optimisant
les conditions de charge, par les amines vasopressives ;
– limiter le déséquilibre entre les besoins et
les apports en oxygène par l’oxygénothérapie
et la ventilation assistée.
Ces moyens thérapeutiques ne permettent
pas d’améliorer le pronostic vital des chocs
d’origine coronarienne en l’absence de
stratégie de désobstruction.
Cependant, la
stabilisation hémodynamique, obtenue par
assistance circulatoire, conditionne le succès
de ces procédures en limitant les effets
délétères de l’ischémie.
Pour ces mêmes
raisons, elle représente l’étape essentielle du
traitement des chocs d’origine non
coronarienne en attente d’une éventuelle
transplantation cardiaque.
1- Oxygénothérapie
:
Indispensable pour limiter le déséquilibre
entre les apports et les besoins en oxygène,
elle est initialement assurée par inhalation à
haut débit en ventilation spontanée
(concentration de l’oxygène dans l’air
inspiré : FiO2 comprise entre 0,3 et 0,5).
2- Ventilation mécanique assistée
en pression positive
:
Contrairement à la ventilation spontanée qui
génère des pressions intrathoraciques
négatives, susceptibles d’aggraver les
conditions de charge du ventricule gauche
et de réduire l’éjection ventriculaire, la
ventilation mécanique assistée en pression
positive induit une réduction de la
postcharge ventriculaire gauche et une
élévation du volume d’éjection systolique et
du débit cardiaque.
L’instauration de la ventilation mécanique
est aussi indiquée afin de corriger l’hypoxie
et l’éventuelle hypercapnie, au cours de
l’état de choc cardiogénique :
– amélioration des échanges gazeux : la
réduction du shunt corrige les troubles de
l’hématose et participe au rétablissement de
l’équilibre acidobasique ;
– limitation de la consommation en oxygène
par la suppléance du travail respiratoire ;
– augmentation du transport en oxygène.
Les effets favorables de la ventilation en
pression positive ne sont observés qu’en
présence de pressions de remplissage
ventriculaire conservées (loi de Starling),
lorsque la PAPO est supérieure à 18 mmHg.
En pratique, l’application d’une pression
positive expiratoire est débutée
progressivement (+ 5 cmH2O) en association
à une épreuve de remplissage effectuée sous
contrôle hémodynamique (PAPO,
échocardiographie, doppler, delta PP).
La
ventilation assistée, avec pression positive
expiratoire, peut être réalisée :
– soit selon un mode non invasif par
masque facial : ce mode est réservé au
patient encore coopérant ; il est contreindiqué
dès l’apparition des signes
d’épuisement ;
– soit selon un mode invasif, après
intubation orotrachéale, devant l’apparition
de troubles de la conscience, de signes
d’épuisement respiratoire cliniques et
gazométriques.
L’intubation nécessite
une induction à séquence rapide, utilisant
un curare de court délai d’action associé à
un hypnotique à faible pouvoir dépresseur
myocardique.
En pratique, l’association
de l’étomidate (0,3-0,6 mg.kg-1,) à la
célocurine (1 mg.kg-1) est couramment
employée.
Ce mode ventilatoire a démontré un effet
bénéfique sur le pronostic des patients en
conjonction avec les traitements spécifiques
comme la contre-pulsion aortique.
3- Expansion volémique
:
Bien que les pressions de remplissage
ventriculaires sont habituellement normales
ou élevées (PAPO supérieure ou égale à
18 mmHg), un test de remplissage (soluté
cristalloïde, 200 mL en 15 minutes) associé aux catécholamines participe au
« sauvetage » initial de l’hémodynamique.
Cette expansion volémique n’est indiquée
qu’en l’absence de signe congestif
pulmonaire.
Les effets hémodynamiques
attendus sont une élévation parallèle du
volume d’éjection systolique et de la
pression auriculaire droite.
La réponse hémodynamique au remplissage
peut être prédite par l’appréciation des
variations respiratoires de la pression
artérielle pulsée (delta PP), reflet des
variations respiratoires du volume d’éjection
systolique.
Chez les patients intubés et
ventilés avec une pression expiratoire
positive, une corrélation entre la pression
artérielle pulsée et l’augmentation du débit
cardiaque par élévation du volume
d’éjection systolique en réponse à une
expansion volémique a été démontrée.
Ce remplissage vasculaire est notamment
recommandé en cas de défaillance du
ventricule droit afin de maintenir la précharge ventriculaire droite, sans
compromettre la fonction ventriculaire
gauche.
4- Agents inotropes et vasopresseurs
:
Les catécholamines et autres agents inotropes participent à la correction de la
dysfonction ventriculaire en améliorant la
contractilité myocardique et les conditions
de charge ventriculaire.
La restauration du
débit cardiaque, en s’opposant aux effets
délétères de l’ischémie, conditionne le succès
du traitement étiologique.
Deux catégories d’agents inotropes, dont les
modes d’action diffèrent, peuvent être
utilisés dans le traitement du choc
cardiogénique :
– les sympathomimétiques catécholaminergiques
: dobutamine, dopamine, adrénaline,
noradrénaline, qui agissent sur les
récepteurs a1, a2, b1, b2 ;
– les inhibiteurs de la phosphodiestérase :
amrinone, milrinone, enoximone.
* Agents
sympathomimétiques :
+ Dobutamine
:
Il s’agit d’un agoniste des récepteurs b1
adrénergiques, également doté d’effets a1
myocardiques.
Ses principaux effets
hémodynamiques sont :
– une élévation du volume d’éjection
systolique et du débit cardiaque résultant
d’un effet inotrope positif direct sans
accélération de la fréquence cardiaque ni de
la consommation en oxygène du myocarde ;
– une réduction des pressions de
remplissage ;
– une augmentation de la perfusion
coronaire ;
– une augmentation de la perfusion des
zones péri-ischémiques.
Ces deux derniers effets participent à la
limitation de l’extension de la nécrose
myocardique.
Les effets b2 agonistes de la dobutamine
entraînent un abaissement des résistances
systémiques et donc de la postcharge.
Cette
action sur le tonus vasomoteur est aussi
responsable d’une baisse des résistances
vasculaires périphériques.
Son emploi est donc limité aux états de choc
modérés avec pression artérielle systolique
supérieure ou égale à 80 mmHg.
Au total, la dobutamine améliore la fonction
systolique sans modifier les conditions de
charge ventriculaire gauche.
Elle s’emploie
seule ou plus souvent en association avec
les autres catécholamines à des posologies
comprises entre 5 μg.kg-1.min- 1 et
20 μg.kg-1.min-1, graduellement adaptées
selon les effets hémodynamiques obtenus.
+ Dopamine
:
Précurseur métabolique naturel de la
noradrénaline et agoniste b1 adrénergique,
elle possède des effets dose-dépendants sur
les récepteurs adrénergiques a1, a2, b1, b2
et dopaminergiques d :
– à très faibles doses, inférieures à
5 μg.kg-1.min-1 : elle n’a qu’un effet sur le
flux plasmatique rénal et mésentérique, et
favorise une diurèse hydrosodée ;
– aux posologies comprises entre 5 et
10 μg.kg-1.min-1 : l’effet inotrope positif est
prédominant ; elle augmente le volume
d’éjection systolique, la pression artérielle et
le débit cardiaque, avec un risque de
majoration des pressions de remplissage
ventriculaire ;
– aux posologies supérieures : l’effet
vasopresseur est prépondérant.
En revanche, cet agent inotrope est
susceptible de favoriser l’extension de la
nécrose en augmentant la fréquence
cardiaque et la consommation en oxygène,
ainsi que les risques d’arythmies.
La dopamine apparaît donc indiquée dans
les chocs cardiogéniques avec hypotension
inférieure à 80 mmHg et oligurie, en
association avec la dobutamine afin
d’atténuer ses effets délétères sur la
fréquence cardiaque et la consommation
d’oxygène.
+ Noradrénaline
:
Précurseur naturel de l’adrénaline, elle
possède des effets a1, a2 et b1 mais est
dépourvue d’effets b2.
Son action
vasoconstrictrice artériolaire limite son
emploi.
Cet agent reste néanmoins indiqué
dans les chocs réfractaires aux thérapeutiques
précédemment décrites.
Initialement
débutée à la posologie de 0,02 μg.kg-1.min-1
puis progressivement augmentée de façon à
rétablir une pression artérielle moyenne
supérieure ou égale à 65 mmHg, elle
restaure une pression de perfusion coronaire
en élevant la pression aortique diastolique.
La noradrénaline possède un effet
vasoconstricteur puissant ; elle augmente
donc la postcharge ventriculaire gauche. Son
association à la dobutamine est alors
bénéfique.
Cependant, la noradrénaline augmente aussi
les besoins métaboliques du myocarde.
+ Adrénaline
:
Catécholamine naturelle, l’adrénaline ne
diffère de la noradrénaline que par l’ajout
d’un groupement méthyle.
Elle agit sur les récepteurs adrénergiques a1,
a2, b1 et b2.
Son action est dosedépendante
:
– à faible dose, les effets b2 vasodilatateurs
prédominent ;
– à plus forte dose, les effets a vasoconstricteurs
sont prépondérants.
Son indication est peu documentée dans le
choc cardiogénique en raison de ses effets
délétères arythmogènes et métaboliques.
Néanmoins, dans les états de choc
prolongés, lorsque survient le phénomène de
désensibilisation des récepteurs b (down regulation), son association à la dobutamine
apparaît bénéfique.
* Inhibiteurs de la phosphodiestérase
:
Ils diffèrent des catécholamines à la fois dans
leur structure biochimique et dans leur
mode d’action.
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase combinent un effet
inotrope positif à un effet vasodilatateur
puissant avec des effets chronotrope et
arythmogène réduits.
Le site d’action est intracellulaire et les effets
sont doubles :
– au niveau de la cellule myocardique : la
contractilité myocardique est renforcée par
inhibition de la dégradation de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc)
intramyocytaire, indépendamment de la
stimulation adrénergique ;
– au niveau de la fibre musculaire lisse
vasculaire : effet vasodilatateur à la fois
veineux et artériel, avec baisse de la postcharge.
L’élévation
du débit cardiaque résulte donc de cette double action.
Elle est
indépendante d’une stimulation adrénergique et n’induit donc pas
d'accroissement de la
consommation en oxygène du myocarde.
L’action intrinsèque de ces molécules
potentialise celle des agents inotropes
catécholaminergiques.
La longue durée d’action de ces agents rend
leur maniement difficile.
La baisse du
transport en oxygène par augmentation du
shunt intrapulmonaire observée avec ces
produits limite également leur emploi.
En
outre, une surmortalité à long terme est
retrouvée chez les patients traités par les
inhibiteurs de la phosphodiestérase.
* Vasodilatateurs purs
:
Leur principal effet est la réduction de la postcharge ; cependant, cet effet peut être
fatal à la phase initiale du choc en aggravant
l’hypotension et l’hypoperfusion tissulaire,
en particulier myocardique, et donc
l’ischémie. Ils ne peuvent donc être
employés q u'après stabilisation
hémodynamique.
Les dérivés nitrés ont une
action veinodilatatrice prédominante.
Ils
réduisent la pression capillaire pulmonaire
d’occlusion.
Ils n’exposent pas au risque de
« vol » coronarien (redistribution du flux
vers les zones saines aux dépens des zones
ischémiques), à la différence des
vasodilatateurs artériels comme le
nitroprussiate de sodium.
Dans l’état de choc secondaire à une rupture
du muscle papillaire mitral, les agents
vasodilatateurs sont indiqués, en association
aux catécholamines et à la contre-pulsion
intra-aortique pour tenter de maintenir la
fraction d’éjection et le débit cardiaque en
réduisant la fraction régurgitée dans l’attente
d’un remplacement valvulaire chirurgical
d’urgence.
5- Traitements adjuvants
:
* Diurétiques
:
Dans le traitement de l’oedème pulmonaire
hypoxémique, ils ne sont indiqués qu’après
restauration de l’hémodynamique.
* Antalgiques
:
La morphine s’oppose à l’élévation de la
consommation d’oxygène induite par la
stimulation adrénergique liée à la douleur,
en particulier dans les syndromes coronaires
aigus.
Elle abaisse l a postcharge
ventriculaire.
* Traitements antiarythmiques
:
Ils participent au rétablissement du débit
cardiaque en restaurant :
– la précharge ventriculaire : en cas de
fibrillation auriculaire, le temps de relaxation
diastolique ventriculaire est réduit ;
– la perfusion coronaire : la tachycardie, en
raccourcissant la diastole, réduit le temps de
perfusion coronaire.
L’amiodarone apparaît comme le meilleur
agent antiarythmique devant une
dysrythmie compliquant un choc
cardiogénique d’origine coronarienne.
La correction des troubles hydroélectrolytiques
et acidobasiques est aussi nécessaire
pour éviter l’abaissement du seuil de
survenue des dysrythmies.
6- Assistance circulatoire
:
L’assistance mécanique permet de restaurer
à la fois le débit cardiaque et la perfusion du
myocarde.
La fonction cardiaque étant
stabilisée, le traitement spécifique de la
cause du choc peut alors être entrepris :
– désobstruction coronaire par thrombolyse,
angioplastie ou revascularisation
chirurgicale ;
– cure chirurgicale d’une rupture septale,
pariétale ou mitrale ;
– transplantation cardiaque en urgence.
* Assistance mécanique par contre-pulsion
aortique
:
Son principe repose sur l’inflation cyclique
d’un ballonnet introduit par voie percutanée
fémorale ou humérale et monté dans l’aorte
descendante immédiatement en aval de
l’ostium de l’artère sous-clavière gauche.
L’inflation et la déflation du ballonnet sont
les déterminants des effets
hémodynamiques :
– la déflation du ballonnet entraîne une
réduction brutale de la postcharge ce qui a
pour effet d’élever le volume d’éjection
systolique et le débit cardiaque ;
– l’inflation du ballonnet augmente la
pression aortique diastolique et les pressions
de perfusion coronaire et aussi cérébrale.
Ces effets sont obtenus sans accroître la dette
en oxygène du myocarde, donc sans risquer
d’aggraver l’ischémie.
L’effet bénéfique de
la contre-pulsion n’est retrouvé que si le
traitement de la cause est simultanément
entrepris.
L’étude de la
mortalité et de la morbidité, à court et à
long terme, montre que la contre-pulsion
améliore la survie par le maintien de
l’hémodynamique et par la réduction des
réocclusions coronaires.
Elle préserve
également la fonctionnalité du myocarde en
état de sidération.
La contre-pulsion aortique est principalement
indiquée pour trois types de
patients :
– les patients réfractaires au traitement
hémodynamique symptomatique ;
– les patients dont l’hémodynamique
instable nécessite un support afin d’accéder
au traitement chirurgical ou de cardiologie interventionnelle ;
– les patients présentant une ischémie et un
choc persistant malgré un traitement
symptomatique et spécifique bien conduit.
Ces patients deviennent souvent dépendants
de la contre-pulsion.
Les effets secondaires de cette technique sont
peu nombreux pour un opérateur entraîné
et se résument principalement aux accidents
ischémiques transitoires distaux et aux
accidents hémorragiques qui sont réduits
par l’emploi de cathéters de plus faible
calibre.
La contre-pulsion intraaortique
est actuellement sous-employée
dans la prise en charge précoce du patient
en état de choc cardiogénique d’origine
coronaire.
* Autres modes d’assistance circulatoire
:
L’hémopompe, les systèmes implantables
type « Jarvik » et le système «cardiopulmonary
support » sur le principe de la
circulation extracorporelle, ne sont que des
dispositifs transitoires dans l’attente d’un
greffon en vue d’une transplantation.
Les chocs cardiogéniques d’origine non
coronarienne , cardiomyopathies
décompensées et myocardites aiguës,
représentent l’indication privilégiée de cette
attitude thérapeutique.
B - THÉRAPEUTIQUES
DE DÉSOBSTRUCTION CORONAIRE
:
Le rétablissement du flux coronaire est un
facteur déterminant de la récupération de la
contractilité globale du myocarde et la
fonction ventriculaire.
Elle conditionne la
survie des patients.
La restauration du flux coronaire n’est pas
immédiatement suivie de la normalisation
de la contractilité myocardique, en raison du
phénomène de sidération myocardique ou stunning.
1- Traitement thrombolytique
:
L’intérêt de la thrombolyse intraveineuse
repose sur le concept de la présence d’une
thrombose occlusive comme facteur
déclenchant de l’ischémie.
Les arguments en
faveur du traitement fibrinolytique à la
phase aiguë de la souffrance myocardique
sont :
– la limitation de l’étendue et de l’extension
de la nécrose ;
– l’amélioration de la fonction ventriculaire
gauche ;
– la prévention de la survenue d’un état de
choc secondaire ;
– la diminution de la mortalité à 30 jours,
lorsque la fibrinolyse est efficace.
Les syndromes coronariens aigus avec susdécalage
du segment ST dans les 6 premières
heures représentent l’indication privilégiée
de la thrombolyse intraveineuse.
La
thrombolyse peut être débutée en l’absence
d’un plateau technique de cardiologie interventionnelle.
C’est le moyen de
désobstruction coronaire le plus rapidement
disponible.
La thrombolyse intraveineuse est
donc particulièrement adaptée à la prise en
charge de la souffrance myocardique dès la
phase préhospitalière ou bien dans un centre
hospitalier dépourvu de plateau technique.
La non-régression du sus-décalage
et l’absence d’amélioration de l'état
hémodynamique au-delà de 60 minutes de
traitement témoignent de l’absence
d’efficacité de la thrombolyse intraveineuse.
L’orientation secondaire du patient vers une
angioplastie de sauvetage ou une
revascularisation chirurgicale est alors
recommandée.
Le transfert doit, si
l’hémodynamique le nécessite, s’effectuer
sous contre-pulsion intra-aortique.
L’association du traitement thrombolytique
au maintien du débit cardiaque par contrepulsion
concourt à la réduction de la
mortalité à 30 jours.
Cette association
favorise également la reperméabilisation
coronaire obtenue par angioplastie ou
revascularisation chirurgicale.
Les différents produits thrombolytiques se
distinguent par leurs propriétés
pharmacocinétiques et les modalités
d’administration :
– l’altéplase (Actilyset) est le produit de
référence administré en perfusion accélérée
sur 90 minutes;
– la ténectéplase (Métalyset), produit dérivé
de l’altéplase se distingue par une meilleure
fibrinospécificité, par une plus grande
résistance à l’inhibiteur de l’activateur
tissulaire du plasminogène et une demi-vie
plasmatique plus longue autorisant son
administration en bolus unique.
Ces deux produits thrombolytiques
principaux présentent une efficacité
équivalente et peuvent donc être
recommandés pour le traitement dans les 6
premières heures des syndromes coronariens
aigus avec sus-décalage du segment ST
compliqués de choc cardiogénique.
Au-delà
de ce délai, le bénéfice et le risque
hémorragique doivent être appréciés et
rapportés à la proximité et à la disponibilité
d’un service de cardiologie interventionnelle.
Le traitement thrombolytique intraveineux
est souvent opposé à la stratégie invasive,
préférée par certains, pour les patients
considérés comme « à haut risque ».
Cependant, ces deux techniques, en termes
de survie à 30 jours, pour un même délai de
mise en oeuvre, restent équivalentes.
2- Angioplastie ou désobstruction
coronaire mécanique :
L’angioplastie percutanée permet de réouvrir mécaniquement la ou les artères du
territoire ischémié, tentant ainsi de récupérer
une contractilité optimale.
Elle concerne
donc à la fois les lésions occlusives avec ou
sans thrombus et les lésions sténosantes.
Son
efficacité à restaurer une perméabilité
coronaire complète (flux TIMI grade 3) à 80-
90 % versus 60 % pour la thrombolyse a été
démontrée.
L’angioplastie s’adresse donc aux patients
présentant un état de choc cardiogénique
primaire compliquant une ischémie
myocardique avec ou sans sus-décalage du
segment ST.
Cette angioplastie peut être
pratiquée au décours d’une thrombolyse
intraveineuse.
Le succès de la procédure d’angioplastie
coronaire et le pronostic des patients en état
de choc cardiogénique, en termes de
mortalité à 30 jours, dépendent du nombre
d’artères coronaires atteintes :
– 33 % de décés en cas de lésions
monotronculaires ;
– 50 % de décès en cas de lésions pluritronculaires ;
– plus de 70 % de décès pour les lésions du
tronc commun ou des greffons veineux
(pontages).
La mortalité à 30 jours de ces patients en
choc cardiogénique est aussi corrélée au
degré de perméabilité coronaire restaurée et
de son maintien selon le concept de l’
« artère ouverte » :
– 33 % si la perméabilité est complète ;
– 50 % si elle est partielle ;
– supérieure à 80 % en cas d’échec de la
procédure.
Ainsi, comme lors des traitements thrombolytiques, le devenir du patient est
dépendant de la restauration de la
perméabilité coronaire.
La restauration d’un
flux coronaire normal (TIMI 3) associé à une
absence de sténose significative (inférieure à
50 %) après la procédure est corrélée au plus
faible taux de décès à 30 jours.
Des
traitements adjuvants, antiplaquettaires, stents, visent à maintenir
la perméabilité coronaire ou à optimiser la
performance de l’angioplastie, notamment
en cas d’échec de la procédure ou de résultat
incomplet.
3- Antiplaquettaires
:
Les agents antiplaquettaires sont les
adjuvants indispensables de toute
thérapeutique de désobstruction coronaire.
Différents types d’agent
antiplaquettaire sont désormais connus :
– l’aspirine, dont le bénéfice en terme de
mortalité à 30 jours est démontré dans
l’étude ISIS 2, est recommandée à la phase
initiale des syndromes coronariens aigus,
avec ou sans sus-décalage du segment ST,
en complément de la thrombolyse ou de
l’angioplastie ; des résistances à son
action ont été décrites ;
– les thiénopyridines (clopidogrel ou
ticlopidine), également recommandées à la
phase aiguë de l’ischémie myocardique, sont
particulièrement indiquées en cas d’allergie
ou de résistance à l’aspirine ainsi qu’en
prévention de thrombose sur stent ;
– les inhibiteurs du récepteur à la
glycoprotéine IIb/IIIa plaquettaire
(anti-GPIIbIIIa) :
– les agents de courte durée d’action (4-6
heures) : épifibatide et tirofiban ;
– les agents à durée d’action prolongée
au-delà de 6 heures (jusqu’à 24-48 heures) : abciximab.
Les anti-GPIIbIIIa ont été évalués en
complément d’une désobstruction coronaire
mécanique.
Ils préviennent les rethromboses
précoces sur stent et les récidives
d’ischémies par diffusion de microthrombi
au décours immédiat d’une angioplastie.
Leur emploi a démontré un effet bénéfique
sur le devenir à court et moyen terme des
patients, y compris en cas de choc cardiogénique.
Le bénéfice, jugé sur la reperméabilisation coronaire, la fonction
ventriculaire et le devenir à 6 mois, rapporté
au risque hémorragique, apparaît en faveur
de l’emploi de ces agents.
Leurs conditions d’administration sont
encore discutées.
L’association des anti-GPIIbIIIa au
traitement thrombolytique a fait l’objet de
plusieurs études ; les complications
hémorragiques majeures apparaissent
augmentées par rapport au schéma
thérapeutique de référence.
L’emploi de ces
antiplaquettaires, en complément de
l’angioplastie de sauvetage après traitement thrombolytique, doit être évalué.
4- Revascularisation coronaire
chirurgicale
:
Plusieurs arguments sont en faveur du
traitement par revascularisation chirurgicale
précoce des patients en état de choc cardiogénique sur ischémie myocardique :
– les lésions pluritronculaires ou des lésions
du tronc commun sont fréquemment
retrouvées dans la pathogénie du choc
primaire ;
– le geste chirurgical élimine le risque
d’extension secondaire de la nécrose par dissémination de microthrombi en aval
encouru lors de l’angioplastie ;
– la récupération d’une meilleure
contractilité du myocarde est favorisée par
la restauration de la vascularisation dans les
zones ischémiques non infarcies.
Cependant, ce traitement est trop rarement
discuté et entrepris en urgence du fait :
– des taux élevés de mortalité périopératoire
(44 % en moyenne), en raison notamment de
l’âge, et des comorbidités ;
– des impératifs logistiques ;
– des délais impartis à la mise en oeuvre de
ce traitement.
Néanmoins, certaines études (non
randomisées, non contrôlées) ont mis en
évidence un effet bénéfique de la
revascularisation coronaire chirurgicale sur
le devenir de ces patients, en particulier
en association avec la contre-pulsion
aortique comme support hémodynamique
d’attente.
Les indications privilégiées de la
revascularisation chirurgicale en urgence
sont :
– l’échec de la procédure de désobstruction
coronaire mécanique ;
– les lésions coronaires tritronculaires
ou du tronc commun, y compris au décours immédiat d’une
thrombolyse intraveineuse malgré un surcroît de mortalité
(nécrose extensive souvent hémorragique) ;
–
l’occlusion des greffons veineux de pontages antérieurs ;
–
l’association de complications mécaniques précoces.
Orientation diagnostique et stratégies de prise en charge :
A -
PREMIÈRE ÉTAPE
DE LA PRISE EN CHARGE
:
Elle associe le traitement symptomatique et
les examens d’orientation diagnostique.
Le
traitement symptomatique ou de soutien
hémodynamique repose sur la séquence
suivante :
– oxygénothérapie ;
– catécholamines ;
– ventilation assistée non invasive, ou bien
dès l’apparition des signes d’épuisement,
ventilation assistée en presssion positive
après intubation.
L’induction à séquence
rapide est associée au traitement de soutien
hémodynamique par catécholamines.
Le choix de la stratégie thérapeutique
spécifique dépend de l’orientation
diagnostique.
B - RECONNAISSANCE D’UNE ORIGINE
ISCHÉMIQUE CORONARIENNE
:
Elle impose :
– l’orientation du patient vers une structure
hospitalière disposant d’un service de
cardiologie interventionnelle disponible 24
heures/24 et d’une contre-pulsion
intra-aortique ;
– une stratégie de reperfusion de type
« agressif ».
L’étude de cohorte SHOCK Trial Registry a montré que le schéma thérapeutique
qui s’accompagne du meilleur pronostic à
30 jours, 6 mois, et 1 an correspond à une
stratégie dite « agressive ».
Cette stratégie
correspond à la combinaison :
– d’une prise en charge active hémodynamique
et ventilatoire ;
– d’une assistance circulatoire par contrepulsion
aortique en complément ;
– d’une
désobstruction coronaire précoce par thrombolyse intraveineuse
ou par angioplastie première ou de sauvetage, suivie par une
revascularisation chirurgicale d’urgence (24 premières heures)
en cas d'échec ou dans les indication s
spécifiques.
Cette stratégie s’oppose à un traitement
médical dit « conservateur », se limitant à
l’association thrombolyse et soutien
hémodynamique.
La réduction de la
mortalité à 30 jours du choc cardiogénique
obtenue par traitement médical ou par
traitement invasif est équivalente.
Cependant, la mortalité à 6 mois et 1 an des
patients ayant bénéficié précocement d’une
coronarographie suivie d’une angioplastie
est significativement réduite par rapport au
traitement médical conservateur.
C - CHOIX DE LA THÉRAPEUTIQUE
DE DÉSOBSTRUCTION CORONAIRE :
Il est également dépendant du type
d’ischémie myocardique.
Deux situations
cliniques peuvent être distinguées :
– l’ischémie myocardique avec sus-décalage
du segment ST : le traitement thrombolytique
est indiqué, dans un délai de 6 heures
après le début des symptômes, en l’absence
de contre-indication et de structure de
cardiologie interventionnelle immédiatement
disponible ;
– l’ischémie myocardique sans sus-décalage
du segment ST : le traitement fibrinolytique
n’est pas indiqué ; le patient doit être
dirigé sous assistance circulatoire et ventilatoire vers une structure de cardiologie interventionnelle en vue d’une coronarographie
diagnostique, suivie d’une
angioplastie dans un délai inférieur à
12 heures après le début des symptômes ;
– en cas d’échec ou de découverte de lésions tritronculaires ou du tronc commun, la
décision de revascularisation chirurgicale en
urgence permet seule d’améliorer le
pronostic du patient ; l’assistance
hémodynamique, circulatoire et ventilatoire
est alors poursuivie.
D - EN L’ABSENCE D’ISCHÉMIE
MYOCARDIQUE IDENTIFIÉE :
Le diagnostic de dysfonction ventriculaire
globale à l’échocardiographie oriente le
diagnostic :
– soit vers une myocardite aiguë, dans un
contexte infectieux viral ou bactérien, ou traumatique, ou bien encore dans le cadre
d’une maladie systémique inflammatoire ;
– soit vers une cardiomyopathie au stade
ultime de l’évolution.
Une ischémie
d’origine coronarienne doit être recherchée
comme facteur déclenchant.
La stratégie thérapeutique se limite à la
restauration du débit cardiaque.
Le
traitement hémodynamique symptomatique
complété par l’assistance circulatoire,
entrepris dans une structure de réanimation,
soit cardiologique, soit polyvalente, à
proximité d’un service de chirurgie
cardiaque, permet de maintenir en vie le
patient, dans l’attente :
– soit de l’élimination d’un toxique ;
– soit de la mise en route d’un traitement
antiviral ou bactérien efficace ;
– ou éventuellement dans l’attente d’un
greffon en vue d’une transplantation
cardiaque.
Conclusion
:
Le choc cardiogénique
complique 7 à 10% des nécroses myocardiques au cours des 24
premières heures.
La mortalité à 30 jours est
élevée, comprise entre 50 et 60 %.
La prise
en charge des premières heures conditionne le
pronostic du patient.
Elle repose sur une
coordination médicochirurgicale.
L’étape
diagnostique s’effectue pendant la phase de
stabilisation hémodynamique et la mise en
place d’une surveillance hémodynamique.
En
urgence, au lit du patient, l’échocardiographie
est devenue en pratique indispensable au
diagnostic de l’état de choc.
L’insuffisance coronarienne représente la
principale cause de choc cardiogénique.
La reconnaissance précoce de l’origine
ischémique du choc cardiogénique permet
d’orienter le patient vers une stratégie
agressive de prise en charge dont l’objectif est
la restauration rapide de la perfusion
coronaire.
Rétablir, le plus rapidement possible, des
conditions hémodynamiques assurant la
perfusion et l’oxygénation du myocarde et des
organes périphériques est prioritaire, quelle
que soit l’origine du choc cardiogénique.
L’ischémie est plus délétère que l’hypoxie.
La reconnaissance d’une origine ischémique
coronarienne impose : l’orientation du patient
vers une structure hospitalière disposant d’un
service de cardiologie interventionnelle
disponible 24 heures/24 et d’une contrepulsion
intra-aortique ; une stratégie de
reperfusion de type « agressif » qui correspond
à la combinaison d’une prise en charge active
hémodynamique et ventilatoire, d’une
assistance circulatoire par contre-pulsion
aortique en complément, d’une désobstruction
coronaire précoce par thrombolyse intraveineuse
ou par angioplastie première ou de
sauvetage suivie d’une revascularisation
chirurgicale en urgence (24 premières heures)
en cas d ’échec ou dans certaines indications
spécifiques.