Concept de l’arc droit de Lawrence Andrews. Principes et évolution
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
L’information dans le bracket ayant été définitivement promue par
Andrews il y a 32 ans, l’« arc droit » est devenu depuis une
technique universellement répandue.
Beaucoup ont pu aujourd’hui apprécier les avantages de ce nouvel
edgewise : simplification des procédures, légèreté des forces, qualités
des résultats acquis...
Toutefois, beaucoup ont pu aussi se rendre compte que l’arc droit,
comme toute technique d’edgewise, a ses exigences :
– rigueur dans le placement des attaches, toute erreur provoquant
des modifications de l’information programmée et donc une finition
aléatoire ;
– respect des principes fondamentaux de biomécanique : la
méconnaissance ou l’oubli de ces principes élémentaires peut
entraîner nombre de déboires qui ne sont pas du fait de l’arc droit ;
– exigence d’une individualisation des informations : cette nécessité
de moduler la programmation des informations en fonction des
schémas morphologiques devient une préoccupation plus actuelle.
Il est certain que la variabilité individuelle des compensations dentoalvéolaires est très large, mais le fait, pour le praticien, d’avoir
à disposition un éventail d’informations variées ou même la
possibilité de prescrire des informations personnalisées devient un
avantage majeur dans l’utilisation des techniques orthodontiques
préinformées.
Cette opportunité oblige toutefois le praticien à une observation plus
méthodique du patient et à l’établissement d’un diagnostic
beaucoup plus poussé, tenant compte du schéma morphologique de
départ, de l’estimation de croissance et des besoins mécaniques à
mettre, de ce fait, en oeuvre.
« Edgewise » d’Angle
:
En fait, la révolution qu’a représenté en edgewise le fait d’incorporer
dans le bracket les informations nécessaires au bon placement d’une
dent était une évolution nécessaire, pour le praticien d’abord.
La technique inaugurée par Angle, puis développée par ses élèves,
Case, Tweed et autres..., avait été à son époque aussi (1930) une
révolution car elle permettait un contrôle tridimensionnel du
déplacement dentaire que ne permettaient ni les appareils amovibles
ni les divers appareils fixes en usage.
Mais cette technique edgewise classique, toujours enseignée et
toujours en usage, est une technique qui reste extrêmement
exigeante.
Comme le fait remarquer Andrews, le bracket d’Angle étant un
bracket simple, uniplot, sans angulation ni inclinaison, nécessite une adaptation particulière de l’arc aux diverses particularités
anatomiques du système dentoalvéolaire :
– les dents, en fonction de leur type, ont toutes un relief vestibulaire
différent.
Avec des brackets d’une épaisseur identique, il est donc nécessaire,
pour adapter le fil aux faces vestibulaires, d’effectuer, sur le chant
de l’arc, des déformations particulières, dites de premier ordre.
L’absence de ces déformations de premier ordre entraîne
obligatoirement des déplacements dentaires parasites ;
– les dents, selon leur fonction et la typologie faciale, ont toutes, par
rapport au plan d’occlusion, une « angulation » différente.
Les brackets d’Angle étant posés perpendiculairement à l’axe de la
dent, il est donc nécessaire, pour adapter l’arc à ces « angulations »
physiologiques, d’effectuer sur le plat de l’arc des déformations
particulières, dites de deuxième ordre.
L’absence des déformations de deuxième ordre élimine, dès le
premier arc, cette position naturelle et entraîne une « verticalisation »
des dents et un parallélisme artificiel des racines.
Ce mouvement parasite est particulièrement marqué au niveau de
la canine supérieure, puisque c’est la dent qui présente
l’« angulation » la plus importante par rapport au plan d’occlusion ;
– les dents, selon leur fonction et la typologie faciale, ont toutes, par
rapport au plan d’occlusion, des inclinaisons différentes.
Les brackets d’Angle étant posés perpendiculairement à la face
vestibulaire de chaque dent, il est donc nécessaire, pour adapter l’arc
à ces inclinaisons, d’effectuer sur le plat de l’arc rectangulaire des
déformations particulières, dites de troisième ordre ou torque.
L’absence de ces déformations de troisième ordre entraîne, dès la
mise en place du premier arc rectangulaire, des mouvements
parasites et un redressement des dents, surtout marqués au niveau
des molaires mandibulaires qui sont les dents présentant
naturellement la plus forte inclinaison coronolinguale.
Andrews fait aussi remarquer que, dans le système d’Angle, les brackets sont posés à une hauteur identique de 4 mm quelle que soit
la taille de la dent.
Il s’ensuit que la variation de la courbure de la
face vestibulaire oblige le praticien à moduler automatiquement
l’information de troisième ordre qu’il doit mettre en place.
Au total, la simple confection de deux arcs nécessite, pour le
praticien, la confection de 76 déformations primaires de premier,
deuxième et troisième ordres, auxquelles il faut ajouter un certain
nombre de courbures supplémentaires : boucles « oméga », boucles
de fermeture, etc.
Ces déformations sur l’arc doivent de plus être parfaitement
reproduites, d’un arc à l’autre, pour éviter les mouvements de va-etvient
sur les dents, puis progressivement modifiées selon les mêmes
principes, en fonction de la progression du traitement.
Cet exercice
de précision a été et reste encore une base essentielle dans
l’apprentissage du métier d’orthodontiste.
Concept d’Andrews
:
L’ambition d’Andrews a donc été fondamentalement, à l’origine, de
mettre au point un appareil orthodontique apte à soulager le
praticien de ces exercices considérés comme fastidieux.
La même ambition était déjà partagée par d’autres comme Holdaway,
Jarabak, et surtout Ricketts qui avait, dès 1960, proposé un appareil
en grande partie programmé.
D’un autre point de vue, cette simplification des procédures
thérapeutiques trouvait sa justification, auprès du praticien, dans le
développement considérable et universel de la spécialité :
l’orthodontie, jusqu’alors réservée à quelques élus (un orthodontiste
pratiquant l’edgewise aux alentours des années 1930-1940
n’envisageait pas de prendre plus de 100 patients en charge...) a
connu, dès les années 1960-1970, une explosion de la demande de
soins qui explique ce besoin d’allègement des procédures
thérapeutiques.
On peut constater aussi que ce développement des techniques préinformées précédait de peu des innovations tout aussi
révolutionnaires, comme le collage des brackets ou l’apparition des
arcs à mémoire de forme, qui ont elles aussi largement participé au
développement de la spécialité.
Face à ces besoins latents, Lawrence Andrews a eu le mérite
d’aborder le problème d’une façon rationnelle et empirique.
Comme aucun consensus n’existait vraiment à l’époque sur les
valeurs particulières à donner à l’angulation et à l’inclinaison de
chaque dent, ni sur la position idéale du bracket sur la dent, il lui
fallait établir, pour chaque type de dent, des normes de morphologie moyenne à partir d’une localisation précise des attaches, c’est-à-dire
d’une position standardisée, aisément repérable, du bracket sur
l’ensemble des dents.
Comme base de départ, il sélectionne les moulages de 120 dentures
idéales d’adultes n’ayant jamais subi de traitement orthodontique.
Cette sélection n’est pas faite à partir de critères d’âge, de sexe, de
typologies ou autres, mais essentiellement à partir d’un certain
nombre de constantes d’engrènement occlusal statique, faciles à
retrouver à l’examen clinique, qu’il appelle « les six clefs de
l’occlusion optimale ».
– La clef n° 1 précise les relations interarcades : elle comporte sept
points parmi lesquels :
– la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire permanente
vient en occlusion dans le sillon vestibulaire de la première
molaire mandibulaire, entre les cuspides mésiale et médiane ;
– le rebord marginal distal de la première molaire maxillaire vient
au contact du rebord marginal mésial de la seconde molaire
mandibulaire, ce qui impose une position plus distale de la
première molaire maxillaire que celle décrite par Angle ;
– la canine maxillaire a un rapport cuspide-embrasure avec la
canine et la prémolaire mandibulaires, la pointe de la cuspide
étant légèrement mésiale par rapport à l’embrasure, etc.
– La clef n° 2 détermine l’angulation des couronnes : toutes les
couronnes de l’échantillon ont une version mésiale, cette version
étant similaire pour chaque type de dent.
– La clef n° 3 détermine l’inclinaison des couronnes (improprement
appelée torque).
Andrews fait les constatations suivantes :
– l’inclinaison est positive sur la plupart des incisives maxillaires,
c’est-à-dire qu’elles présentent un torque coronovestibulaire ;
– l’inclinaison est légèrement négative sur les incisives
mandibulaires, c’est-à-dire qu’elles présentent un torque coronolingual ;
– l’inclinaison est négative sur les secteurs latéraux supérieurs,
légèrement plus marquée sur les premières et deuxièmes molaires
maxillaires ;
– au niveau des dents postérieures mandibulaires, l’inclinaison
est négative, progressivement plus marquée de la canine à la
seconde molaire.
– La clef n° 4, c’est l’absence de rotations.
– La clef n° 5, c’est l’absence de diastèmes s’il n’y a pas de
dysharmonie dentodentaire.
– La clef n° 6, c’est une courbe de Spee plate ou légèrement concave.
C’est à partir de cet échantillon qu’Andrews va ensuite effectuer ses
mesures selon un protocole d’examen comportant :
– l’établissement de l’axe vestibulaire de chaque couronne clinique
qu’il appelle facial axis of the clinical crown (FACC) ;
– l’établissement du point facial axis (FA), point médian sur cet axe
coronaire ;
– l’établissement d’un plan d’occlusion passant par l’ensemble des
points FA.
Sur l’ensemble des moulages, il mesure :
– l’épaisseur et la particularité des reliefs vestibulaires à partir d’une
ligne idéale joignant les points de contact ;
– l’ « angulation » des couronnes de chaque type de dent ;
– l’inclinaison (ou torque) des couronnes.
Il établit des moyennes pour chaque type de dent.
Ces moyennes déterminèrent les normes qui lui servirent à la mise
au point de son nouvel appareil qu’il appele le Straight-wire
appliance.
Pour Andrews, l’étude de son échantillon révèle de grandes
similitudes au niveau de la forme et du relief vestibulaire de chaque
type de dent, ainsi qu’au niveau des angulations et des inclinaisons,
sauf au niveau de l’inclinaison des incisives où il note des variations.
Ces variations incisives étant liées aux disharmonies interarcades ; il
fallait donc relier ces valeurs d’inclinaison à la variation des schémas
squelettiques pour, en quelque sorte, un début d’individualisation.
Avantages du système
:
À partir des valeurs moyennes ainsi établies, il devenait donc en
principe possible de mettre en place, dans une grande variété de
cas, des arcs exempts de déformations, avec l’avantage d’une
information éminemment reproductible, sans ajustements aléatoires
d’un arc à l’autre.
L’information étant maintenant dans le bracket, le Straight-wire
permettait et permet toujours de soulager considérablement le
praticien dans la confection de ses arcs, les ajustements parfois
nécessaires pour une meilleure individualisation étant grandement
facilités puisque réalisés sur un arc plat sans déformations
préalables.
Au niveau du premier ordre, l’information programmée dans le bracket permet d’effectuer une grande partie du traitement sans
déformations de l’arc.
Au niveau du deuxième ordre, l’angulation des dents est
directement programmée et rapidement mise en place dès les
premiers arcs.
L’information moyenne ainsi incorporée permet en principe de
conserver l’angulation physiologique de la dent, même pendant les
mouvements de translation.
Pour respecter cette angulation, l’axe du bracket doit être
parfaitement superposé à l’axe de la couronne clinique.
Toute erreur
de placement entraîne une modification de l’angulation
programmée.
Au niveau du troisième ordre, l’inclinaison des dents est fixée par
une information programmée qui est lue progressivement par
l’augmentation du calibre des arcs.
La position de l’incisive centrale supérieure, par exemple, est
déterminée géométriquement :
– l’angle entre le grand axe de l’incisive centrale et une ligne
tangente à la face vestibulaire (FACC) au point médian (FA) est,
pour Andrews, de 18° ;
– si nous admettons que l’axe de l’incisive centrale d’un adulte fait
en moyenne, par rapport au plan d’occlusion, un angle de 65°, il
s’ensuit que l’axe de cette incisive fait un angle de 25° par rapport à
la perpendiculaire abaissée au plan d’occlusion ;
– nécessairement, la valeur de l’inclinaison (troisième ordre)
incorporée dans le bracket doit être de : 90° - (65° + 18°) = 7°, pour
que la gorge du bracket soit parallèle au plan d’occlusion et que
l’inclinaison de la dent soit respectée.
Pour une incisive centrale mandibulaire, l’angle entre le grand axe
de l’incisive centrale et la tangente à la face vestibulaire (FACC) au
point médian (FA) est, pour Andrews, de 16° :
– si l’axe de l’incisive centrale inférieure d’un patient adulte fait en
moyenne, par rapport au plan d’occlusion, un angle de 75°, l’axe de
cette incisive doit faire un angle de 15° par rapport à la
perpendiculaire abaissée au plan d’occlusion ;
– nécessairement, la valeur de l’inclinaison (troisième ordre)
incorporée dans le bracket doit être de : 90° - (75° + 16°) = - 1°, pour
que la gorge du bracket soit parallèle au plan d’occlusion et que
l’arc puisse être mis en place « edgewise » (par le côté), à plat, sans
déformation.
Un autre avantage de l’arc droit est que, quelle que soit la taille de
la couronne, la valeur de l’inclinaison reste identique si le bracket
est correctement placé au point FA.
Pour plus de rigueur dans la valeur de l’information programmée,
Andrews définit aussi le principe du « torque dans la base », qui
consiste à aligner sur le même plan médian le centre de la gorge du bracket, le centre de la base du bracket et le centre de la couronne
clinique (point FA).
Inconvénients du système original
d’Andrews :
Ce nouveau concept et ce nouvel appareil ont donc été à l’époque
très favorablement accueillis.
Les premiers résultats furent cependant relativement décevants car
ce premier Straight-wire se révéla mal adapté aux contraintes
thérapeutiques.
La démarche initiale d’Andrews présentait en effet un certain
nombre d’inconvénients.
– Difficulté d’un placement précis pour conserver la valeur des
informations programmées, et en particulier du torque.
En effet,
comme toujours en edgewise, la valeur de l’information de troisième
ordre est déterminée par la face vestibulaire, c’est-à-dire par l’angle
que fait le grand axe de la dent avec la tangente à cette face
vestibulaire.
Toute modification de cet angle en fonction de la
hauteur de placement du bracket ou de la courbure de la face
vestibulaire entraîne une modification de la valeur effective du
torque incorporé.
La même constatation peut être faite pour toutes les dents, avec pour
certaines des différences d’informations potentielles considérables.
Comme l’ont montré Germane ou Vardimon, la hauteur de
placement de l’attache a donc une influence directe sur la valeur
effective de l’inclinaison de la dent mais, à cause de la différence de
signe du torque incorporé, la réaction n’est pas identique selon le
secteur dentaire concerné.
– Les moulages collectés par Andrews et à partir desquels il
définissait ses informations étaient essentiellement des moulages
d’adultes, sélectionnés uniquement sur des critères d’occlusion
statique (les six clefs), sans tenir compte d’autres critères tels que la
typologie faciale, l’âge, etc.
Or on sait, par exemple, comme l’a fait remarquer Björk, que
l’inclinaison des incisives est beaucoup plus marquée chez les enfants que chez les adultes et que les incisives se redressent avec
l’âge.
Pour le traitement d’un enfant de 12 ans, par exemple, 7° d’inclinaison
sur l’incisive centrale étaient donc insuffisants, surtout pendant les
phases dynamiques du traitement où la perte d’information de torque
est importante à cause du phénomène du jeu.
D’autre part, le torque négatif important sur les secteurs latéraux
supérieurs, en particulier sur les canines, créait quelquefois des
problèmes occlusaux à cause d’un verrouillage latéral trop important.
– Pendant les étapes de fermeture d’espaces ou la mise en oeuvre
de mécaniques interarcades, les dents des secteurs latéraux qui
présentaient une angulation positive et étaient donc en situation de
mésioversion ne constituaient pas un ancrage très valable.
De même, les molaires mandibulaires, sollicitées pendant les phases
de rétraction intra- ou interarcades, n’étaient pas soutenues par un
système d’antirotation.
Le système d’Andrews eut donc très vite la réputation d’être un
« dévoreur d’ancrage »...
Cette première approche, grâce à ses insuffisances, allait cependant
permettre une prise de conscience plus nette des besoins
thérapeutiques au niveau des informations.
Évolution des systèmes
de préprogrammation vers
le renforcement des propriétés
mécaniques
:
Dans l’évolution des techniques préprogrammées, la deuxième étape
a donc consisté à modifier les informations moyennes originales
d’Andrews vers un renforcement de ces informations permettant
une amélioration des capacités mécaniques du système.
C’est Ronald Roth qui, en 1974, propose un système d’attaches
lui aussi entièrement programmé mais mieux adapté aux contraintes
thérapeutiques.
Roth fondait ses prescriptions sur un certain nombre de
constatations concernant les phénomènes de récidive, la régularité
de ces phénomènes l’amenant à concevoir un appareil « universel »,
permettant en quelque sorte d’anticiper, en cours de traitement, cette
récidive.
Son système comporte donc des informations de surcorrection
systématique dans les trois sens de l’espace : augmentation des
valeurs d’angulation, d’inclinaison et de contre-rotation.
Ce système apporte aussi un meilleur contrôle de la partie antérieure
de l’arcade maxillaire (le torque sur l’incisive centrale supérieure
passant par exemple de + 7° à + 12°) et un renfort d’ancrage
généralisé que ne comportait pas le système original d’Andrews.
Il assure virtuellement que les dents vont s’installer dans une
position « idéale », non orthodontique, après la dépose de l’appareil
et la phase de récidive.
À la suite de Roth, d’autres chefs d’école se sont manifestés et ont
proposé des systèmes d’informations plus spécifiquement adaptés à
leurs propres conceptions thérapeutiques.
Parmi les plus connus, on peut citer le système de Terell Root.
Terell Root, ancien Président de la fondation Tweed, présentait en
1981 le Level anchorage, système permettant de programmer, dans l’esprit de la thérapeutique tweediste, deux types de préparation
d’ancrage : ancrage moyen (ou regular) et ancrage maximal (major).
On peut citer aussi le système d’Alexander, le système de Bennett
et McLaughlin, les systèmes de Ricketts ou de Hilgers, etc.
De son côté, Andrews, conscient des difficultés rencontrées avec
son premier système, a voulu relever le défi d’une « préinformation
totale », en proposant une gamme nouvelle de brackets et de tubes
portant des informations différentes en fonction des besoins
mécaniques de chaque traitement.
Ce nouveau système, qu’il a appelé Fully programmed translation
brackets, comporte des informations adaptées aux nécessités
mécaniques de 12 protocoles thérapeutiques particuliers : avec
extractions, sans extractions, avec ou sans repositionnement incisif,
etc.
Admettons par exemple qu’après une extraction de première
prémolaire supérieure, nous appliquions une force de rétraction à la
canine ; cette force induit des mouvements parasites tels qu’une distoversion et une rotation distopalatine de la dent.
Ces
mouvements parasites sont d’autant plus marqués que le recul de la
canine est plus important, en fonction de l’encombrement antérieur
et/ou de la rétraction incisive souhaitée.
Pour contrebalancer ces mouvements parasites, il faut donc
augmenter proportionnellement, en fonction du déplacement
envisagé de la canine, l’angulation et la contre-rotation programmées
dans le bracket.
La même démarche s’applique à l’ancrage postérieur : plus le
praticien souhaite reculer le bloc antérieur, plus il a besoin de
renforcer l’ancrage postérieur par des moyens mécaniques et par
des informations adéquates sur les molaires et prémolaires.
C’est ainsi qu’en fonction du plan de traitement établi, le praticien
peut dorénavant disposer d’attaches comportant des valeurs
d’angulation, de torque et d’antirotation variant en fonction des
besoins nécessaires de l’ancrage intra-arcades et donc mieux
adaptées à la mécanique du traitement.
Si l’on fait un bilan rapide des divers systèmes d’informations que
nous avons cités, on constate qu’au niveau des incisives, l’évolution
s’est faite vers une augmentation progressive du torque, et
essentiellement à l’arcade supérieure.
On est en effet passé de 7°
d’Andrews à 17° ou 21° chez Bennett et Hilgers, puisque c’est
effectivement au niveau du torque que la perte d’information est la
plus importante à cause du « jeu » existant entre l’arc et la gorge du
bracket.
Si l’on compare les angulations canines, bien que la perte
d’informations soit moins importante au niveau de l’« angulation »,
le bilan est nettement plus confus.
Il semble qu’il persiste toujours
un manque évident de consensus entre les différentes
« philosophies » concernant la fonction canine....
De tous les systèmes proposés, c’est de toute façon le système de
Roth qui a connu le succès le plus universel et qui reste encore le
plus diffusé actuellement dans le monde entier.
En fait, la plupart de ces différentes techniques, même s’il existe
quelques variantes, n’utilisent généralement qu’un seul jeu de brackets,
essentiellement adapté aux besoins mécaniques de chacune.
Le principe de « moyenne » aboutit ainsi, dans notre domaine orthodontique, à une sorte d’uniformisation et de « standardisation »
des informations.
C’est là qu’une approche uniquement mécaniste, même si elle est
utile, montre nécessairement ses limites car elle n’intègre pas
l’adaptation des informations à la typologie du patient.
Pour résumer, on peut dire que le patient moyen n’existe pas, seuls
existent des individus.
« Le concept, un seul appareil pour tous, défie la variation biologique
normale entre les patients en orthodontie ».
Évolution des systèmes
de préprogrammation vers
l’individualisation des informations
:
Cette nécessité d’individualisation des informations a déjà été
ressentie par différents auteurs.
Creekmore en particulier a
très bien justifié cette nécessité de personnalisation de informations
que l’on retrouve par exemple dans le système d’informations
Synergy, d’inspiration rickettiste, où pour la première fois, la
référence est faite aux types faciaux : ici, les informations changent
non plus en fonction des besoins mécaniques, mais en fonction du
type morphologique : dolichofacial, normofacial, brachyfacial.
Quelle que soit la technique utilisée, edgewise classique ou edgewise
préprogrammé, il est nécessaire, pour déterminer l’information à
mettre en place, de comprendre la relation existant entre un schéma
squelettique et les compensations dentoalvéolaires qui
l’accompagnent.
Cette relation dépend de deux facteurs qui sont la
morphologie squelettique et l’environnement fonctionnel.
Normalement, le système dentoalvéolaire est une structure
adaptative qui s’adapte au mieux aux décalages squelettiques
verticaux, sagittaux et transversaux.
L’environnement fonctionnel
vient la plupart du temps accompagner et quelquefois déranger cette
mise en place naturelle.
Cependant, le fait d’avoir une sorte de guide
de référence de la relation entre un schéma squelettique donné et les
compensations permet de mieux appréhender la part du fonctionnel
dans la situation dentoalvéolaire existante.
La simple observation clinique ou une analyse céphalométrique
classique mettent facilement cette relation en évidence et l’on sait donc
depuis toujours, et surtout depuis Steiner, que les incisives adoptent
des inclinaisons différentes selon le décalage sagittal.
Il est possible qu’Andrews trouve, dans l’échantillon homogène qu’il
a sélectionné, une similitude dans les angulations, les inclinaisons,
la forme et le relief vestibulaire de chaque type de dent, sauf au
niveau de l’inclinaison des incisives.
Mais, dans la réalité, cette adaptation s’arrête-t-elle aux incisives ?
Une observation plus attentive montre qu’en fait c’est l’ensemble du
système dentoalvéolaire qui participe à ce phénomène d’adaptation.
Si l’on compare ces deux jeunes femmes « normales », la première,
avec un schéma squelettique classe II, présente une occlusion
« optimale » avec des compensations dentoalvéolaires adaptées,
dans les trois sens de l’espace, à ses relations squelettiques.
La seconde, avec un schéma squelettique tendance classe III,
présente aussi une occlusion « optimale » et des compensations
dentoalvéolaires adaptées, dans les trois sens de l’espace, à ses
relations squelettiques.
Si on compare les images de ces deux cas en vue frontale, on
constate très nettement les différences de position des dents en
fonction des rapports squelettiques transversaux :
– sur le schéma classe II, l’angulation positive des incisives est très
marquée, alors que l’inclinaison (torque) des dents des secteurs
latéraux est fortement négative ;
– sur le schéma tendance classe III, l’angulation des incisives est
nettement moins marquée, sinon positive, alors que l’inclinaison
(torque) des dents des secteurs latéraux est fortement positive.
En vue sagittale, les différences selon les typologies entre les
inclinaisons incisives et les angulations des secteurs latéraux
deviennent ici aussi évidentes :
– sur le schéma classe II, on peut constater l’adaptation des incisives
au décalage sagittal et vertical (linguoversion des incisives supérieures, vestibuloversion des incisives inférieures, supraclusion
incisive...).
Les canines supérieures sont très verticales alors que les canines
inférieures sont sensiblement mésioversées ;
– sur le schéma normodivergent tendance classe III, on peut
constater en revanche que l’adaptation des incisives au décalage
sagittal et vertical est très différente (vestibuloversion des incisives
supérieures, linguoversion des incisives inférieures, etc).
Les canines supérieures sont très angulées alors que les canines
inférieures sont plutôt verticales, etc.
Peut-on penser qu’un set de brackets « moyens » type Andrews peut
être appliqué sans risques à deux typologies aussi différentes ?
L’occlusion « optimale » d’Andrews, pour être réalisée, nécessite :
– une inclinaison suffisante du bloc incisif ;
– une angulation suffisante de la canine ;
– une angulation suffisante des secteurs latéraux.
Sans un torque suffisant sur les incisives et sans une angulation
suffisante des secteurs latéraux, il est difficile de réaliser cette
occlusion « optimale ».
En fait, cette occlusion « optimale » ne peut s’installer que si le cadre
squelettique et fonctionnel est lui aussi « optimal » ou rendu
« optimal » par la croissance, par des extractions ou par la chirurgie.
La première nécessité est donc de reconnaître la typologie du patient
et, si possible, son schéma de croissance.
Par exemple, voici les photographies de deux classe II division 2
dentaire et les portraits des deux patientes correspondantes :
même si les compensations dentoalvéolaires sont identiques, les
typologies faciales sont totalement différentes.
En rapport
avec la forme du visage, les formes d’arcades sont évidemment
différentes.
De la même façon que ces deux arcades sont
différentes et nécessitent des formes d’arc différentes, les nécessités
thérapeutiques, liées aux schémas de croissance sont différentes.
Conclusion
:
Quelle que soit la technique utilisée, edgewise standard ou edgewise
préinformé, cette adaptation à la typologie du patient est indispensable.
En edgewise standard, elle peut être dès maintenant réalisée par la
modulation, sur l’arc, des déformations de premier, deuxième ou
troisième ordre.
En technique préinformée, il faut disposer
d’informations personnalisées à la place d’un jeu d’informations
standard et universel.
Les technologies informatiques actuelles de
reconnaissance de forme et de reconstruction 3D vont probablement
apporter rapidement une solution à ce problème.
Dès maintenant, il est
possible de scanner deux arcades et de réaliser des montages virtuels de l’occlusion finale envisagée, à partir desquels il est possible de faire
tailler par une machine couplée à l’ordinateur des attaches parfaitement
individualisées.
Il n’en reste pas moins que c’est le praticien qui doit
garder la maîtrise de l’objectif de fin de traitement, en fonction de toutes
ses compétences diagnostiques.
Il peut y être aidé par le développement
des méthodes de diagnostic radiologique en 3D.
À titre d’exemple, nous pouvons voir ici des images (dues au Dr Treil de
Toulouse), d’un patient « optimal » présentant des rapports
squelettiques harmonieux et des compensations dentoalvéolaires
« optimales ».
Le logiciel permet de mettre en évidence et de mesurer le
parfait équilibre du système dentoalvéolaire dans les trois sens de
l’espace.