Complications vasculaires de la transplantation rénale Cours de Chirurgie
Traitement endovasculaire des complications de la transplantation rénale :
Introduction
:
Depuis 1989, date à laquelle nous avions écrit dans cet ouvrage
l’article sur les complications vasculaires de la transplantation
rénale, les techniques de traitement endovasculaire percutané
n’ont pas cessé de se développer (utilisation de plus en plus
fréquente de stent, miniaturisation des matériaux, augmentation des
indications).
Une mise au point paraît donc légitime afin de définir
la place actuelle de ces nouvelles techniques pour traiter les
complications vasculaires de la transplantation rénale.
Au cours de ces 12 dernières années, les conditions de la
transplantation rénale ont également évolué :
– la diminution du nombre de donneurs a conduit à effectuer des
prélèvements sur des sujets en coma dépassé, de plus en plus âgés,
dont l’état artériel parfois médiocre expose à des complications
vasculaires plus fréquentes ;
– l’âge moyen des receveurs ne cesse d’augmenter, de même que le
temps moyen de prise en charge en hémodialyse avant la
transplantation ; ces facteurs, aggravant l’état vasculaire, en
particulier artériel, des receveurs, entraînent des complications
spécifiques plus fréquentes.
L’ensemble de ces données explique la persistance d’un taux
quasiment inchangé de complications vasculaires au cours de la
dernière décennie par rapport aux 10 années précédentes.
Ces complications peuvent être séparées en deux grands groupes :
les complications précoces qui mettent en jeu la vitalité du greffon à
court terme et les complications secondaires qui participent à la dégradation des fonctions du rein greffé.
Certaines complications,
en particulier postopératoires immédiates, relèvent le plus souvent
d’un traitement chirurgical conventionnel dont les techniques n’ont
pas évolué de façon significative depuis 10 ans.
Cependant, les
techniques endovasculaires permettent, dans des cas de plus en plus
nombreux, d’éviter une nouvelle intervention.
Ces traitements endovasculaires nécessitent des moyens de guidage performants,
essentiellement les rayons X, et une bonne connaissance des
modalités techniques de la transplantation et de la physiopathologie
des complications.
Cet additif a pour but d’insister sur la place actuelle des traitements endovasculaires dans cette pathologie, sans revenir sur les éléments
anatomiques et physiopathologiques qui sont traités par ailleurs.
Complications précoces
:
Il est possible de séparer ces complications en quatre chapitres
distincts : les thromboses artérielles aiguës, les ruptures artérielles,
les thromboses veineuses et les fistules.
A - THROMBOSE ARTÉRIELLE AIGUË
:
C’est la complication la plus redoutable pour la vitalité du greffon.
Sa fréquence est faible et reste constante, entre 1 et 2 %, même sur
les séries les plus récentes.
Pour espérer conserver le rein greffé,
le diagnostic doit être fait en extrême urgence et une réintervention
chirurgicale reste la règle.
Ce diagnostic est suspecté cliniquement
devant l’apparition d’une anurie si le rein était autonomisé et s’il
existait une diurèse résiduelle.
Dans le cas contraire, la
symptomatologie est beaucoup plus fruste (douleurs locales,
hématurie transitoire, fébricule).
Devant de tels signes, l’échodoppler
en urgence peut confirmer le diagnostic.
Un traitement endovasculaire par fibrinolyse ou thromboaspiration
est rarement possible car son efficacité n’est pas assez rapide.
En effet, le rein, qui ne présente aucune vascularisation collatérale,
s’infarcit très rapidement après thrombose artérielle.
La
revascularisation du rein doit pouvoir être réalisée dans les 40
minutes.
En outre, le traitement endovasculaire ne permet pas de
juger de la vitalité du greffon qui présente souvent, au moment du
diagnostic, des zones d’infarcissement irréversible pouvant conduire
à réaliser d’emblée une transplantectomie.
Malgré tout, Zajko et al avaient publié, en 1982, le traitement
d’une thrombose de l’artère rénale survenue 3 semaines après la
transplantation par une dilatation anastomotique et l’instillation de
streptokinase pendant 40 heures.
La vitalité du greffon avait ainsi
été conservée.
Ces traitements, tout à fait exceptionnels, ne peuvent
pas être retenus comme la règle devant une thrombose artérielle
aiguë en postopératoire immédiat.
B - RUPTURE ARTÉRIELLE
:
Elle est habituellement de cause septique et concerne l’anastomose.
Elle impose un traitement chirurgical en extrême urgence afin de
pouvoir contrôler l’hémorragie secondaire à la rupture et de
proposer la meilleure réparation possible.
C - THROMBOSE VEINEUSE PRÉCOCE
:
Elle est tout aussi redoutable que la thrombose artérielle, avec une
fréquence comparable (environ 1 % des cas).
Les causes sont le plus
souvent mécaniques, qu’il s’agisse d’une faute technique ou d’une
compression veineuse par une collection de voisinage (hématome,
lymphocèle).
Le diagnostic positif reste difficile sur des arguments
cliniques peu spécifiques de douleurs de la fosse iliaque et de mise
en tension du greffon.
L’échodoppler couleur, qui doit être réalisé
au moindre doute, peut malheureusement être pris en défaut car la
veine rénale est volontiers masquée par des structures adjacentes.
L’association de la thrombose de la veine du greffon et de l’axe iliocave n’est pas exceptionnelle, faisant courir au patient un risque
d’embolie pulmonaire.
La phlébographie peut, en cas de doute,
apporter des éléments diagnostiques supplémentaires.
Sur le plan thérapeutique, si le diagnostic est fait précocement, une réintervention paraît toujours être la meilleure attitude selon les
modalités déjà décrites.
La fibrinolyse a été proposée dans
quelques cas.
Elle paraît difficilement utilisable dans les 10 premiers
jours suivant la transplantation en raison du risque hémorragique
de ce traitement.
Plus à distance, elle semble avoir donné, dans des
cas très limités, des résultats satisfaisants.
La thromboaspiration
a également été proposée lorsque la thrombose est limitée à la
veine du greffon.
Cependant, la thrombose, qui est souvent
secondaire à un problème technique, expose à un risque de récidive
si le traitement se limite à la simple thromboaspiration.
En ce qui concerne les thromboses veineuses iliofémorales, le plus
souvent secondaires à une compression extrinsèque, des résultats
favorables ont été rapportés après thrombectomie veineuse.
D - FISTULES
:
Ce sont des complications toujours iatrogènes, secondaires à une
ponction-biopsie percutanée du greffon.
Elles recouvrent trois
formes de gravité croissante :
– les fistules artérioveineuses, souvent de petite taille, avec un
souffle systolodiastolique à l’auscultation assez facile à visualiser en
échodoppler, sans hématurie associée, sont souvent bien supportées
et se ferment alors spontanément en quelques semaines ;
– les fistules artério-veino-urinaires se manifestent par une
hématurie plus ou moins abondante et sont associées à un souffle
systolodiastolique ;
– les fistules artério-urinaires ou artériopyéliques sont responsables
d’une hématurie souvent massive et sont associées à un simple
souffle systolique.
L’hématurie peut survenir dans 5 à 7% des cas après biopsie du
greffon.
Lorsque l’hématurie est abondante ou si elle persiste, il
faut savoir ne pas trop attendre pour éviter les complications des
pertes de sang avec transfusion trop importante.
Dans ces cas,
l’artériographie permet de confirmer le diagnostic, de préciser le
type et l’importance de la fistule afin de proposer un traitement
immédiat par embolisation.
Les fistules à débit rapide ne
nécessitent pas un cathétérisme très sélectif car le matériel
d’embolisation (fragment de Gelita résorba) est aspiré par la fistule
permettant son obstruction. Les fistules à débit modéré imposent
l’utilisation d’un cathéter coaxial et la mise en place d’un matériel
d’embolisation de type microcoil, d’un diamètre adapté à celui de la
fistule.
Il s’agit d’une technique souvent assez simple dont les échecs sont
rares si l’on a pris la précaution de décailloter la vessie par
cystoscopie.
Les complications à type d’infarctus rénal segmentaire,
de spasme artériel avec nécrose corticale ou d’embolie pulmonaire
par migration du matériel d’embolisation sont devenues très rares.
La place de la chirurgie conventionnelle dans ces complications est
maintenant très réduite.
Dans certains cas et surtout lorsque le diagnostic et le traitement ont
été retardés, on peut se trouver confronté à l’existence d’un faux
anévrisme artérioveineux dont le traitement par embolisation est également le plus souvent possible.
Une quantité de matériel
d’embolisation plus importante est alors utilisée.
Complications secondaires
:
La sténose de l’artère rénale du greffon représente la principale
complication secondaire.
En outre, cette complication représente à
elle seule 75 % des complications vasculaires après transplantation
rénale.
Son incidence varie entre 3 et 25 % avec une moyenne de
8,5 %.
Dans notre expérience, l’incidence des sténoses
secondaires de l’artère rénale a été de 3,1 %.
Ce taux est resté
inchangé dans les périodes 1980-1990 et 1990-2000.
Si, au début de
la pratique de la transplantation rénale, ces sténoses étaient
attribuées à des problèmes techniques, actuellement la cause est
dans presque tous les cas d’ordre immunologique ou toxique,
secondaire à l’utilisation des immunosuppresseurs.
A - DIAGNOSTIC DES STÉNOSES SECONDAIRES
DU GREFFON :
Hormis la découverte fortuite sur un contrôle échodoppler
systématique, les sténoses artérielles sur rein greffé sont le plus
souvent décelées dans deux circonstances, l’hypertension artérielle
(HTA) ou l’insuffisance rénale.
Il existe le plus souvent une HTA, soit d’apparition récente, soit
ancienne et d’aggravation progressive.
Malgré tout, l’HTA retrouvée
chez 50 % des greffés n’est pas du tout spécifique d’une pathologie
de l’artère rénale.
La dégradation de la fonction rénale est parfois due à une sténose
artérielle.
Les causes de dégradation de la fonction rénale sont
multiples (rejet aigu, chronique, atteinte tubulaire, syndrome
infectieux, atteinte urinaire...) et souvent intriquées.
Ainsi, des examens complémentaires sont toujours indispensables
lorsque la fonction du rein est mise en jeu pour pouvoir dépister
une sténose de l’artère rénale dont le traitement est souvent simple
et efficace.
B - EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
:
Ces examens sont indispensables pour dépister les sténoses de
l’artère du greffon et évaluer la gravité de cette sténose.
L’échodoppler est l’examen de base.
Sa sensibilité (de 87 à 94 %) et
sa spécificité (de 86 à 100 %) sont actuellement excellentes pour le
dépistage des sténoses de l’artère du greffon.
Cet examen non
invasif est facilement reproductible. Ses performances ne cessent
d’augmenter grâce à l’amélioration de la qualité du matériel et à la
possibilité de l’utilisation de produit de contraste spécifique non néphrotoxique.
La sténose est souvent facile à analyser et sa gravité
peut être évaluée avec précision dans la grande majorité des cas.
L’imagerie par résonance magnétique peut être proposée pour
diagnostiquer les sténoses de l’artère rénale.
L’absence de
l’utilisation de produit de contraste néphrotoxique représente
également son principal intérêt.
Elle permet, avec des appareils
récents et performants, d’obtenir une imagerie de bonne qualité
confirmant la présence d’une sténose.
Malgré tout, cette imagerie ne
permet pas, dans la plupart des cas, d’évaluer le degré de la sténose,
ce d’autant que l’utilisation de clip au cours de la transplantation
est responsable d’artefacts qui ne favorisent pas son interprétation.
L’artériographie permet de confirmer avec certitude le diagnostic
mais cet examen n’est réalisé qu’après le ou les examens précédents
permettant dans le même temps, le plus souvent, un traitement endovasculaire.
C - INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
:
Ces indications n’ont pas évolué de façon notable au cours des 10
dernières années.
Elles sont basées sur les circonstances cliniques et
biologiques (HTA et dégradation de la fonction rénale) et la gravité
anatomique et hémodynamique de la sténose.
Les préthromboses
(sténose supérieure à 80 %) doivent être traitées dans tous les cas.
Une HTA rebelle justifie un traitement si la sténose est supérieure à
50 ou 60 %.
De même, une dégradation de la fonction rénale associée
à une sténose supérieure à 50 % doit être traitée et ce d’autant plus
que la sténose est située sur le tronc de l’artère rénale.
Les sténoses entre 50 et 80 % sans conséquence sur la pression
artérielle ou la fonction rénale sont le plus souvent surveillées par échodoppler.
D - TECHNIQUES D’ANGIOPLASTIE
:
En raison de sa faible morbidité, d’un coût relativement modeste et
de son efficacité, le traitement des sténoses des artères rénales après
transplantation est le plus souvent du ressort de l’angioplastie de
première intention.
Voie d’abord
:
Dans la très grande majorité des cas, il s’agit d’une ponction
artérielle percutanée de la fémorale commune homo- ou
controlatérale.
Le côté ponctionné varie en fonction du type
d’anastomose qui a été réalisé et également de l’angle qui existe
entre l’axe iliaque et l’artère du greffon.
Le compte rendu opératoire
et les imageries non invasives (échodoppler et imagerie par
résonance magnétique) permettent de choisir le côté le mieux
adapté.
S’il s’agit d’une anastomose terminolatérale entre l’artère du
greffon et l’artère iliaque primitive ou iliaque externe, une ponction
de l’artère fémorale commune homolatérale est la solution la plus
simple.
Une injection de produit de contraste permet de repérer la
sténose ainsi que l’angle entre l’axe iliaque et l’artère du greffon.
Cet
angle est le plus souvent ouvert, permettant un cathétérisme facile
de l’artère du greffon. Parfois, au contraire, cet angle peut être très
aigu et un abord controlatéral est alors préférable.
Si l’anastomose artérielle a été réalisée en terminoterminal entre
l’hypogastrique et l’artère du greffon, un abord controlatéral est
alors préférable d’emblée.
Dans ce cas, après mise en place d’un
introducteur, un cathéter angulé (Side winder, cobra, mammaire
interne, pig tail…) est utilisé pour cathétériser l’axe iliaque
controlatéral puis l’hypogastrique.
Après avoir visualisé la sténose, le premier geste de l’angioplastie
consiste à franchir la lésion à l’aide d’un guide.
Son diamètre est
adapté au type de ballon que l’on souhaite utiliser pour la dilatation.
L’extrémité souple du guide doit être courte et très radio-opaque
pour pouvoir contrôler en permanence sa position et éviter ainsi de
traumatiser les artérioles du greffon.
Lorsque le guide est en place,
un ballon plutôt court (2 cm), d’un diamètre adapté à celui de
l’artère du greffon, est acheminé jusqu’à la sténose.
Les pressions
d’inflation nécessaires à la dilatation sont le plus souvent élevées
car ces sténoses sont généralement fibreuses.
La principale cause d’échec immédiat est due aux difficultés
possibles de franchissement de la sténose si celle-ci est très serrée.
Pour éviter cet écueil, on utilise préférentiellement des guides et des
ballons de petit calibre, comparables au matériel monorail utilisé
pour l’angioplastie coronaire.
Après la dilatation, une artériographie est réalisée, permettant de
contrôler le résultat.
Les injections de produit de contraste sont
limitées au minimum pour ne pas aggraver l’état fonctionnel du
rein.
En fonction du résultat obtenu, la mise en place d’une endoprothèse
(stent) peut être justifiée si le degré de sténose résiduelle est
supérieur à 30 % ou s’il existe une dissection sténosante de l’artère.
La mise en place systématique d’un stent n’est pas justifiée en
dehors de ces cas, car son bénéfice sur le risque de resténose n’est
pas prouvé.
E - RÉSULTATS
:
L’amélioration de la fonction rénale et/ou la baisse de la tension
artérielle sont le plus souvent obtenues dans les 24 ou 48 heures
après le traitement.
L’incidence des complications de la dilatation
est faible, inférieure aux complications du traitement chirurgical
conventionnel.
En outre, l’angioplastie en cas d’échec n’empêche pas
une intervention chirurgicale.
Le taux de complication immédiate est évalué entre 0 et 8 %,
équivalent aux risques de complication après la dilatation d’une
autre artère.
Viron et al ont rapporté un cas d’occlusion artérielle
après angioplastie en rapport avec une dissection étendue de
l’artère, responsable de la perte du rein.
L’utilisation d’endoprothèse permet maintenant, dans la majorité des cas, de traiter ce type de
complication.
D’autres complications ont été rapportées : embolisation distale ; perforation artérielle ; rupture artérielle ou
thrombose aiguë de l’artère.
Cette dernière complication peut être
traitée par l’utilisation de thrombolytique puis, si nécessaire, par
la mise en place d’une endoprothèse.
En outre, le risque de
thrombose artérielle après dilatation peut être diminué par
l’utilisation d’anticoagulants (généralement 5 000 UI d’héparine),
d’antiagrégants plaquettaires (250 mg d’aspirine) et éventuellement
d’un vasodilatateur pour éviter un spasme artériel.
Le taux de resténose après angioplastie semble, à moyen terme,
supérieur à 20 %.
En 1994, Reynaud et al ont rapporté leur
expérience de 195 angioplasties avec un suivi de 5 ans en moyenne.
Un succès initial a été obtenu dans 80 % des cas avec un taux de resténose de 30 % qui, le plus souvent, était accessible à un nouveau
geste d’angioplastie.
Ainsi, la perméabilité secondaire a été, dans
cette expérience, de 85 % à 5 ans.
L’utilisation d’un stent en
cas de résultat immédiat insuffisant semble bien améliorer les
résultats à distance de l’angioplastie en diminuant le taux de
resténose.
En revanche, l’attitude de certaines équipes allant
jusqu’à proposer cinq angioplasties sur le même rein semble
excessive quand on connaît la stabilité dans le temps des résultats
de la chirurgie conventionnelle.
Ainsi, Benoit et al ont comparé, chez 138 patients, le traitement
médical (50 cas), la chirurgie conventionnelle (39 cas) et
l’angioplastie (49 cas) pour traiter l’HTA après transplantation.
Ces
auteurs ont montré une meilleure efficacité de la chirurgie par
rapport à l’angioplastie.
Ils rapportent un taux de succès immédiat
de 92,1 % et 69 % et de succès à long terme de 81,5 % et 40,8 %
respectivement pour la chirurgie et l’angioplastie.
Ainsi, si
l’angioplastie paraît justifiée dans la majorité des cas du fait de sa
faible morbidité, la chirurgie conserve une place de choix, surtout
en seconde intention.