Complications de la chirurgie restauratrice aorto-iliaque par pontages
(Suite) Cours de Chirurgie
D - Syndrome de défaillance multiviscérale :
Le SDMV se définit par l’association de plusieurs défaillances
d’organes.
Il s’agit d’une entité nosologique récente, conséquence d’une
réponse inflammatoire systémique excessive, secondaire à une maladie
initiale.
Elle complique 7 % des revascularisations aortiques et elle
est habituellement associée à une complication viscérale digestive, mais
elle peut également s’observer dans d’autres cadres (ischémie aiguë de
membre, pneumopathie infectieuse...), voire survenir sans facteur
déclenchant particulier.
Le tableau habituel associe une encéphalopathie, un oedème pulmonaire
lésionnel, un état de choc hémodynamique hyperkinétique, une
insuffisance rénale aiguë, une insuffisance hépatocellulaire avec
cytolyse et des troubles de l’hémostase.
Physiopathologie
:
Au cours du clampage aortique se produit une augmentation de la
perméabilité du tube digestif, avec passage d’endotoxines ou de
bactéries digestives dans la circulation portale (translocation
bactérienne).
Dans les modèles animaux d’ischémies digestives sévères,
l’endotoxinémie portale est précoce, suivie de bactériémies portales, les
bactériémies systémiques étant plus tardives.
Le foie a un probable
rôle de filtre, ce qui explique le délai existant entre bactériémies portales
et systémiques.
Chez l’homme, ces translocations bactériennes ont été
observées après clampage de l’aorte supracoeliaque, même en l’absence
d’ischémie aiguë colorectale. Les lipopolysaccharides bactériens
déclenchent leSDMV.
Leur mode d’action principal est la création d’un
complexe lipopolysaccharide-protéine réceptrice, qui se fixe sur des
glycoprotéines membranaires du macrophage et est à l’origine de
l’activation du système monocytaire macrophagique, et de nombreuses
autres cellules effectrices.
Cette activation induit la sécrétion de grandes
quantités de cytokines.
Ainsi, au cours de la chirurgie aortique, certaines de ces cytokines sont
significativement augmentées, alors qu’elles ne le sont pas lors d’une
chirurgie digestive.
L’action de ces molécules contribue à la synthèse des protéines de l’inflammation et des protéines d’adhésion à
la surface de l’endothélium, sélectines et intrégrines, nécessaires à
l’ancrage des polynucléaires neutrophiles.
Ainsi, le taux de CD11
(sélectine), parallèle à l’activation des neutrophiles, s’élève lors du
clampage aortique de façon proportionnelle à la durée du clampage et
représente un bon marqueur de la survenue ultérieure d’une défaillance
multiviscérale.
Chez l’homme, le clampage aortique est également
responsable d’une altération de la barrière alvéolocapillaire et d’une
augmentation de la perméabilité de celle-ci, pouvant en partie expliquer
la survenue d’oedèmes pulmonaires lésionnels.
De nombreux autres
systèmes sont activés, comme les processus de coagulation et la
synthèse de médiateurs lipidiques, dérivés du métabolisme de l’acide arachidonique.
Les polynucléaires neutrophiles, liés aux cellules
endothéliales, agissent par le biais des protéases et des radicaux libres
d’oxygène qui détruisent les protéines constituant la matrice
extracellulaire et la membrane basale.
On assiste alors à une altération
des espaces cellulaires de l’organisme, responsable d’une
hyperperméabilité capillaire, d’une hypoxie cellulaire relative et d’une
prolifération anarchique des fibroblastes.
La conséquence clinique de
ces anomalies est la défaillance d’organes.
L’ischémie colique, même modérée, survenant lors du clampage
aortique, serait un des éléments majeurs responsables duSDMV, soit par
translocation bactérienne, soit par synthèse directe, par la paroi du tube
digestif elle-même, d’un des médiateurs du SDMV.
D’après Peerless, les meilleurs éléments prédictifs de survenue d’un
SDMV sont, outre le clampage aortique et sa durée, le transport en
oxygène, la survenue précoce d’une insuffisance rénale aiguë et le
volume de transfusion.
La dysfonction hépatique et l’hyperacidité
gastrique seraient des éléments péjoratifs majorant la mortalité.
Le SDMV pourrait être la conséquence d’épisodes d’acidose de la
muqueuse digestive.
Il n’a pas été observé de différence dans l’incidence
des complications postopératoires entre les patients ayant un pHi (point
isoélectrique) gastrique supérieur à 7,35, et ceux ayant un pHi gastrique
inférieur à 7,35 lors du clampage ou du déclampage aortique.
En
revanche, au décours d’une chirurgie pour anévrysme aortique rompu,
une corrélation entre l’évolution du pHi gastrique et la mortalité a été
retrouvée.
E - Complications cardiaques
:
Les complications cardiaques, qu’il s’agisse d’insuffisance coronaire
aiguë, d’insuffisance cardiaque, de troubles de rythme ou de la
coagulation, ne sont plus considérées comme la première cause de
mortalité après chirurgie aortique, à l’exception de rares auteurs.
L’intérêt du dépistage préopératoire de l’insuffisance coronaire est
controversé.
En chirurgie réglée, en l’absence d’antécédent cardiaque
et d’anomalies à l’interrogatoire, à l’examen clinique et à
l’électrocardiogramme de repos, le risque de complication d’une
revascularisation pour lésion occlusive aortique est faible.
Dans les
autres cas, un bilan approfondi est justifié.
Les examens mettant le
myocarde en situation d’effort et permettant de connaître précisément
sa fonction sont plus appropriés.
L’électrocardiogramme d’effort et le
Holter du segment ST fournissent des résultats incomplets.
Les
examens ayant la meilleure sensibilité pour prédire la survenue de
complications cardiaques postopératoires sont l’échographie sous dobutamine et la scintigraphie au technétium sous dobutamine ou sous
Persantinet.
Elles ont, en outre, une valeur prédictive négative de
près de 95 %.
Bien que peu spécifiques, ces examens permettent d’isoler
un groupe de malades à risques pour lequel le monitorage périopératoire,
avec l’utilisation d’antiangineux de façon prophylactique, est le plus
indiqué.
La pratique d’une coronarographie, débouchant sur une
éventuelle revascularisation angioplastique ou chirurgicale, est très
discutée, car elle ne semble pas améliorer le pronostic de la chirurgie
aortique, en exposant à sa propre mortalité ; en revanche, elle semble
réduire le risque de complications cardiaques à long terme.
Le traitement de la complication cardiaque périopératoire est avant tout
préventif : absence d’interruption du traitement angineux en
préopératoire, utilisation prophylactique périopératoire de trinitrine et
de diltiazem, contrôle de la volémie, de l’hématocrite, de l’hématose et
de la température centrale, extubation seulement chez un malade dont
les constantes vitales sont revenues à la normale, tous éléments
déterminant directement ou indirectement la consommation d’oxygène
du myocarde.
La qualité de l’analgésie joue également un rôle important
dans la survenue d’épisodes d’ischémie myocardique, mais pas le type
d’analgésie.
L’héparinisation peropératoire semble enfin jouer un
rôle préventif dans la survenue des accidents coronariens aigus
postopératoires.
Les méthodes diagnostiques de complications cardiaques
postopératoires ne se différencient pas des techniques habituelles, et sont
basées sur la clinique, l’analyse continue du segment ST,
l’électrocardiogramme et l’échocardiographie.
Le suivi biologique repose non tant sur les chiffres de créatine phosphokinase (CPK), de CPK-MB (muscle-brain), et de
lacticodéshydrogénase (LDH), que surtout sur ceux de la troponine I,
peptide d’origine cardiaque, qui n’est pas présent dans les muscles striés,
et dont l’élévation significative est pathognomonique d’une nécrose
myocardique.
Des élévations modérées de troponine I peuvent
cependant être observées chez des malades en défaillance
multiviscérale, sous catécholamines, mais à des niveaux habituellement
plus faibles.
F - Complications respiratoires
:
Les troubles de la ventilation postopératoires sont la conséquence d’une
obstruction bronchique par un bouchon muqueux ou d’un épanchement
pleural postopératoire avec atélectasie passive.
Dans ces deux cas, la
kinésithérapie avec spirométrie incitative, associée à une bonne
analgésie postopératoire, permet la reventilation du segment en cause.
Au-delà de 24 heures de non-reventilation, une fibroscopie bronchique
est indiquée pour éviter de laisser cette atélectasie évoluer vers une
pneumopathie infectieuse.
La voie d’abord rétropéritonéale est très
souvent associée à une atélectasie passive du lobe inférieur gauche, en
rapport avec un épanchement pleural, pouvant se voir même en
l’absence d’une brèche pleurale périopératoire, du fait de la pression
négative siégeant dans la cavité pleurale, à proximité d’un épanchement
rétropéritonéal où règne une pression positive.
Là encore, si la qualité
de l’analgésie postopératoire est un élément déterminant dans la
survenue des complications respiratoires, la supériorité de l’analgésie
péridurale n’a été mise en évidence que par des études
rétrospectives.
Le type de voie d’abord, intra- ou rétropéritonéal,
joue également un rôle controversé.
Les pneumopathies infectieuses postopératoires sont des complications
fréquentes et potentiellement létales.
Leur incidence a parfois été
surestimée en raison de critères diagnostiques trop vagues.
Elles doivent
être différenciées des oedèmes pulmonaires lésionnels, des atélectasies,
des épanchements pleuraux et des oedèmes pulmonaires cardiogéniques.
Leur diagnostic repose sur l’association d’une fièvre, d’une
hyperleucocytose et d’une image radiologique d’infiltrats alvéolaires
avec bronchogrammes aériques.
Une antibiothérapie empirique doit être
démarrée dès le diagnostic suspecté, et adaptée aux résultats des
prélèvements distaux protégés (lavage bronchoalvéolaire ou brosse
télescopique protégée).
G - Complications néphro-urologiques
:
1-
Insuffisance rénale aiguë
:
L’insuffisance rénale aiguë postopératoire s’intègre le plus souvent dans
le cadre d’une complication chirurgicale périopératoire : soit
complication artérielle spécifique par oblitération tronculaire d’une ou
des deux artères rénales (par embolie de matériel athéromateux,
dissection ou fracture de plaque lors du clampage aortique), ou par
embolies multiples de cholestérol, soit dans le cadre d’une défaillance
multiviscérale.
Une artériographie en urgence est justifiée en cas
d’insuffisance rénale aiguë qui n’a pas fait sa preuve, afin de dépister une
oblitération tronculaire d’une artère rénale nécessitant une réintervention en urgence.
L’insuffisance rénale aiguë peut survenir en dehors de ces cadres, par
aggravation d’une insuffisance rénale préexistante, favorisée par un clampage aortique sus-rénal, par un clampage aortique prolongé (même
s’il est sous-rénal), par une hypovolémie ou par un bas débit cardiaque.
Différents types de traitements préventifs de cette insuffisance rénale
aiguë ont été proposés : perfusions de mannitol ou d’inhibiteurs
calciques, mais sans démonstration de leur efficacité clinique.
2- Complications urétérales
:
Il peut s’agir d’une plaie urétérale peropératoire méconnue, notamment
en cas de réintervention, ou d’une nécrose urétérale localisée en rapport
avec une dévascularisation étendue, ces deux complications pouvant
être à l’origine d’une fistule.
Le diagnostic, parfois difficile lorsque la
fistule est tardive, repose sur la mesure de la créatinine ou de l’urée
dans la collection, particulièrement volumineuse et d’aspect séreux.
Le prélèvement est obtenu, soit à partir d’un drainage, soit par ponction
percutanée de la collection.
Le diagnostic de certitude repose non tant
sur la tomodensitométrie avec injection d’iode, qui peut montrer une
collection périaortique prenant progressivement le contraste, que sur
l’urographie intraveineuse qui objective la fuite du produit opaque.
Le
traitement de la lésion urétérale repose sur :
– la mise en place d’une sonde urétérale en JJ par voie rétrograde, non
toujours possible techniquement ;
– la néphrostomie percutanée.
Ces deux méthodes ont pour inconvénient de laisser en place un liquide
qui a facilement tendance à s’infecter par voie rétrograde et qui peut, par
conséquent, nécessiter une évacuation chirurgicale et/ou un drainage ;
– une urétéro-urétérostomie sous couvert d’une sonde urétérale,
complétée par une épiplooplastie pour séparer l’uretère de la prothèse,
et associée à un drainage externe ;
– la construction d’un uretère iléal ;
– le recours à une néphrectomie de nécessité, qui reste actuellement
exceptionnel.
H - Complications neurologiques
:
Un accident vasculaire cérébral peut compliquer une revascularisation
aortique, rarement au décours immédiat de la chirurgie, habituellement
entre le troisième et le cinquième jour postopératoire.
Il s’agit
habituellement d’une complication en rapport avec une sténose serrée,
négligée ou méconnue, carotidienne ou vertébrale.
Le traitement est
avant tout préventif et repose sur le dépistage de ces lésions par un échodoppler préopératoire et la cure d’une lésion menaçante
préalablement à la chirurgie aortique.
L’ischémie médullaire est une complication exceptionnelle de la
chirurgie aortique réalisée sous clampage sous-rénal.
Dans les rares cas décrits, elle semble avoir été la conséquence, soit
d’embolies distales, soit d’une interruption de la vascularisation des
branches lombosacrées des artères iliaques internes qui assurent la
vascularisation du cône terminal et qui suppléent parfois la
vascularisation de la partie inférieure de la moelle épinière.
Les facteurs
de risque sont représentés par : un clampage sus-rénal, un clampage
aortique prolongé, une occlusion et/ou non-revascularisation de l’artère
mésentérique inférieure et des artères iliaques internes, des
antécédents de colectomie avec interruption de l’arcade de Riolan,
une hypotension artérielle peropératoire, l’absence d’héparinisation
systémique préalablement au clampage, une durée prolongée de
l’intervention et, surtout, une anastomose aortique terminoterminale.
I - Rhabdomyolyse et ischémie pelvienne
:
Une rhabdomyolyse biologique est systématiquement observée au
décours d’une chirurgie aortique, en raison de l’incision et des
décollements des plans de dissection. Les taux de CPK croissent
habituellement jusqu’au troisième jour et peuvent dépasser 2 000 UI/L.
Il ne faut cependant pas méconnaître une ischémie aiguë de membre,
dont le diagnostic clinique est parfois difficile au décours immédiat de
l’intervention, par la palpation systématique des pouls et le recours au
moindre doute à l’échodoppler.
Plus rarement, peut s’observer un syndrome de myonécrose lombaire ou
fessière, associant des douleurs lombaires ou fessières de sévérité
inhabituelle, avec un pic deCPKpouvant dépasser 5 000 UI/L, et parfois
des lésions cutanées, ce qui en facilite le diagnostic qui repose sur la
tomodensitométrie.
Il peut s’agir de thromboses non suppléées par la
circulation collatérale d’artères lombaires ou fessières, ou d’embolies peropératoires.
Les facteurs de risque reconnus sont représentés par
l’obésité, l’hyperlordose peropératoire, le clampage aortique prolongé
et les lésions de l’artère mésentérique inférieure et des artères iliaques
internes.
Ce tableau peut s’intégrer dans le cadre d’une ischémie pelvienne qui
associe, à des degrés variables, des ischémies digestive (colorectale),
vésicale, lombofessière, médullaire, des organes génitaux
externes et musculaires crurales.
Le traitement chirurgical est alors une urgence, pour prévenir l’évolution
fatale par SDMV, et repose sur l’exérèse des tissus nécrosés et, si
possible, la revascularisation, soit de l’artère mésentérique inférieure,
soit d’une artère iliaque interne.
J - Maladie veineuse thromboembolique
:
La chirurgie aortique comporte un risque de thrombose veineuse
profonde des membres inférieurs plus élevé qu’il n’est classique de le
reconnaître, de l’ordre de 5 à 10%, rarement symptomatique, plus
souvent dépisté par un examen par échodoppler systématique.
L’efficacité de la prévention par héparinothérapie standard ou, plus
volontiers, de bas poids moléculaire, est controversée.
K - Autres complications
:
D’autres complications non spécifiques peuvent naturellement se voir
après chirurgie aortique.
Citons particulièrement les risques de
thrombopénie immunoallergique aux héparines, qu’elles soient
standards ou de bas poids moléculaire, qui exposent, d’une part à la
thrombose de la revascularisation, d’autre part aux embolies multiples
distales du membre revascularisé, par migration d’un thrombus
prothétique partiel.
Le diagnostic repose sur une suspicion de principe
et sur les numérations plaquettaires répétées.
L’abstention chirurgicale
est souhaitable lorsque l’ischémie est peu sévère et/ou lorsque le
thrombus n’est que partiellement occlusif, une détersion complète de la
prothèse pouvant être obtenue par un traitement au long cours par antivitamines K.
Complications secondaires
:
A - Occlusions tardives
:
1- Généralités
:
Le taux annuel moyen de thrombose est de 2 à 4%, et tend actuellement
à diminuer grâce à l’amélioration des matériaux et des techniques
chirurgicales ; 50 % des occlusions tardives surviennent dans les
5 premières années suivant l’intervention initiale.
En cas de pontage aortobifémoral, 80 % des occlusions tardives sont unilatérales,
n’intéressant qu’une branche prothétique. Les taux de perméabilité
couramment retrouvés dans la littérature sont ainsi de 85 % à 5 ans, de
75 %à 10 ans et de 70 %à 15 ans.
Certains facteurs prédisposant à la thrombose tardive ont pu être mis en
évidence : ils sont soit d’ordre technique, soit liés au terrain.
Parmi les facteurs d’ordre technique, citons :
– l’importance de l’anastomose distale.
Il existe anatomiquement
une sténose ostiale de 50 % de l’artère fémorale profonde, lorsque
l’anastomose distale est réalisée sur l’artère fémorale commune et
lorsque l’artère fémorale superficielle est occluse.
Toute évolutivité
lésionnelle et/ou cicatrisation par hyperplasie myo-intimale expose à la
survenue d’une sténose ostiale serrée de l’artère fémorale profonde,
menaçant la perméabilité du pontage.
C’est la raison pour laquelle Nevelsteen souligne l’intérêt d’une angioplastie associée de l’artère
fémorale profonde, pouvant être réalisée de trois façons différentes :
– soit par réalisation de l’anastomose à cheval sur l’artère fémorale
commune et sur l’artère fémorale profonde ;
– soit par implantation de la prothèse sur la fémorale commune,
associée à une angioplastie d’élargissement de l’artère fémorale
profonde, réalisée de préférence à l’aide d’un matériel autogène ;
– soit plutôt par réalisation d’emblée de l’anastomose distale
directement sur l’artère fémorale profonde ;
– le site d’implantation proximal.
Si la nature de l’anastomose, terminoterminale ou terminolatérale, modifie peu le risque d’occlusion
tardive, cette anastomose proximale doit cependant être effectuée
sur l’aorte sous-rénale le plus près des artères rénales, et le corps doit
être taillé le plus court possible, afin d’éviter une plicature à l’origine des branches prothétiques.
Le type de la voie d’abord, intrapéritonéal ou
rétropéritonéal, la nature du matériau prothétique, qu’il
s’agisse de PTFE (polytétrafluoroéthylène) ou de polyester, tissé, tricoté
ou imprégné, et le diamètre des branches prothétiques, pourvu qu’il
soit adapté au diamètre du vaisseau receveur (l’anastomose étant
d’autant plus longue et spatulée qu’il existe une incongruence de calibre
entre la branche prothétique et le vaisseau receveur), n’influencent pas
le risque d’occlusion tardive.
Parmi les facteurs liés au malade, la non-suppression des facteurs de
nuisance constitue naturellement un élément péjoratif.
Les éléments
représentant un risque accru de thrombose tardive sont :
– la poursuite d’une intoxication tabagique ;
– l’âge jeune du malade lors de l’intervention initiale, l’athérome chez
les gens âgés de moins de 50 ans étant une affection virulente,
caractérisée par une progression rapide ;
– la symptomatologie initiale ayant conduit à l’intervention, laquelle
dépend de la qualité du lit d’aval : le risque de thrombose est plus
important si le pontage aortofémoral a été effectué pour ischémie
critique plutôt que pour claudication intermittente, ce qui est logique car
cela traduit l’existence de lésions sous-jacentes plus évoluées, et
notamment à l’étage poplité et au niveau des axes de jambe.
– des erreurs de manipulation de la prothèse : plicature, excès de
longueur, sténose extrinsèque, thrombus pariétal résiduel en rapport
avec une mauvaise purge, ou au contraire traction excessive sur une
branche prothétique...
Les étiologies des occlusions prothétiques tardives sont dominées par la
détérioration du lit d’aval et les sténoses anastomotiques.
La détérioration du lit d’aval se définit par la progression de la maladie
athéromateuse, avant tout au niveau de l’artère fémorale superficielle,
plus rarement au niveau de l’artère fémorale profonde.
Les sténoses anastomotiques peuvent certes résulter de l’aggravation
progressive d’une faute technique initiale : suture sténosante ou
anastomose réalisée au niveau d’une artère encore pathologique ; elles
sont plus souvent dues à une hyperplasie myo-intimale, processus
cicatriciel exubérant au pourtour de la ligne de suture, favorisé par des
turbulences hémodynamiques, des inégalités de compliance et de force
de cisaillement, mais également par d’autres phénomènes plus
complexes, notamment biochimiques, de l’interface vaisseau-éléments
sanguins circulants.
Cette hyperplasie myo-intimale est
habituellement localisée au niveau de la pointe de l’anastomose.
Parfois,
en cas d’anastomose terminolatérale, elle prédomine au talon de
l’anastomose, et progresse à l’intérieur de la prothèse, entraînant une
sténose préanastomotique ;
Les autres étiologies, plus rares, sont représentées par :
– la thrombose aiguë d’un faux anévrysme anastomotique,
habituellement de petit diamètre ;
– l’évolutivité de lésions aortiques en amont de l’implantation
proximale du pontage : évolutivité anévrysmale, thrombus mural,
sténose ou accident thromboembolique à partir d’une plaque ulcérée,
faux anévrysme anastomotique... ;
– la thrombose peut être liée au matériau lui-même : plicature, excès
de longueur, sténose extrinsèque, altération structurale focale (parfois
favorisée par la mise en place d’un clamp à l’origine d’un faux
anévrysme et de thrombus prothétique)...
La sclérose périprothétique
pourrait expliquer certains cas d’occlusion posturale : en cas de flexion
de la hanche, une plicature de la prothèse, engainée dans une dense
sclérose périprothétique, pourrait être à l’origine d’une occlusion aiguë.
Des compressions d’une branche prothétique par le mésocôlon
gauche ou par l’arcade crurale ont également été rapportées ;
– il est important de ne pas méconnaître un facteur déclenchant, qu’il
s’agisse d’un bas débit ou d’un trouble d’hypercoagulabilité.
Ce facteur
déclenchant peut décompenser une sténose critique ou serrée
préexistante, mais peut également parfois être le seul facteur en cause,
sans anomalie anatomique sous-jacente.
La gravité d’une thrombose tardive de prothèse est fonction de
l’étiologie, de l’étendue des lésions artérielles, et du mode de réalisation
du pontage initial. Il est fréquent que la symptomatologie soit plus
sévère qu’elle ne l’était avant la réalisation du pontage.
En effet, un
pontage exclut progressivement toute circulation collatérale de la zone
pontée, d’autant plus volontiers qu’une endartériectomie a été effectuée
et/ou que les anastomoses ont été réalisées terminoterminales.
L’occlusion du pontage peut alors être responsable d’une ischémie
aiguë.
Une ischémie sensitivomotrice sévère bilatérale comporte
d’emblée un danger vital et un risque majeur d’amputation.
Pourtant, toute occlusion prothétique doit faire l’objet d’un bilan pour
déterminer l’étendue des lésions et, si possible, l’étiologie de
l’occlusion.
Un doppler pulsé avec échotomographie peut
systématiquement être réalisé, et fournir, dans la grande majorité des
cas, un bilan suffisant, notamment au niveau proximal.
En revanche,
l’appréciation du lit artériel d’aval, notamment à l’échelon poplité et au
niveau des axes de jambes, peut être insuffisante.
Un bilan artériographique doit être réalisé chaque fois que possible. Il
peut poser des problèmes de voie d’abord.
L’artériographie par voie translombaire a été totalement abandonnée.
La méthode de Seldinger
par ponction d’une branche prothétique encore perméable
comporte un faible risque d’hémorragie au point de ponction,
d’occlusion par dissection de la pseudo-intima, ou de migration
embolique ; plus important est le risque de thrombose aiguë lors de la
compression hémostatique, surtout s’il existe du matériel thrombotique
à l’intérieur de la branche prothétique, et/ou une sténose anastomotique
serrée, ces lésions devant être dépistées par l’échodoppler, et devant
alors faire récuser cette voie d’abord.
Le plus souvent, l’artériographie
est effectuée par un Seldinger huméral, dont le côté, droit ou gauche, est
choisi en fonction des données de l’échodoppler.
Un examen tomodensitométrique de l’aorte est un examen utile pour
l’analyse précise de la paroi aortique de part et d’autre de l’anastomose,
surtout lorsque aucune étiologie n’a été décelée pour expliquer
l’occlusion de la prothèse, et à condition que la symptomatologie
modérée autorise à différer l’intervention de quelques jours.
2- Techniques de revascularisation
:
Le traitement d’une occlusion prothétique repose sur deux éléments : le
traitement de la thrombose et le traitement de l’étiologie.
Le traitement
de la prothèse thrombosée peut faire appel, soit à un traitement
thrombolytique, soit à une thrombectomie chirurgicale, soit à une
revascularisation par pontage extra-anatomique, soit à un changement
prothétique complet.
* Traitement fibrinolytique
:
Plusieurs auteurs ont souligné la plus grande efficacité du traitement
fibrinolytique à l’échelon aortofémoral qu’à l’échelon fémoropoplité.
Plus de 80 % de reperméabilisations peuvent être espérées, notamment
grâce aux progrès récents concernant la nature des agents
thrombolytiques utilisés, et l’amélioration du matériel de thrombolyse
avec utilisation de guides hydrophiles, de cathéters multifenêtrés
coaxiaux, voire à double ballonnet... permettant ainsi de réduire la durée
de la procédure.
La thrombolyse peut être associée à une thromboaspiration percutanée
préalable, ce qui permet de réduire la quantité d’agents thrombolytiques
utilisée, ou à une thrombolyse mécanique.
En pratique, ses indications sont cependant rares, compte tenu d’une part
de la nécessité d’un traitement chirurgical secondaire, pour traitement
de l’étiologie de la thrombose, d’autre part d’un nombre élevé d’échecs
techniques ou de complications, parmi lesquelles les hématomes au
point de ponction, nécessitant fréquemment une évacuation
chirurgicale, ou encore le développement de faux anévrysmes, la
migration d’emboles distales, les hémorragies à distance du foyer fibrinolysé, cérébrales, digestives...
La principale indication serait
représentée par la survenue d’une thrombose prothétique avec un lit
d’aval très dégradé, n’autorisant pas une chirurgie de revascularisation
conventionnelle.
Dans ce cas, le risque de rethrombose, malgré une
reperméabilisation satisfaisante après traitement thrombolytique, reste
élevé.
* Thrombectomie de la prothèse
:
Par un abord du Scarpa reprenant l’ancienne incision, la face antérieure
de la prothèse, entourée de sa capsule externe, est facilement isolée sur
3-4 cm.
Elle doit être contrôlée de façon circonférentielle, afin de
faciliter le clampage prothétique.
La prothèse est disséquée jusqu’à
l’anastomose distale, et l’artère au-delà de l’anastomose doit être
également contrôlée sur ses premiers centimètres, ainsi que toutes ses
branches collatérales.
À l’ouverture transversale de la prothèse, préconisée par Cohn, la
plupart des auteurs préfèrent une ouverture longitudinale de la spatule
anastomotique distale, ce qui permet la réalisation ultérieure, si
nécessaire, d’une angioplastie.
La spatule anastomotique est explorée et
la surface de l’ancienne ligne de suture détergée d’un thrombus
volontiers adhérent. Les reflux des différentes branches sont testés.
La thrombectomie d’amont est ensuite réalisée à l’aide d’une sonde de
Fogarty.
Si le thrombus est adhérent à la paroi de la prothèse, ancien et
organisé, l’utilisation d’anneaux de Vollmar est alors justifiée, le
contrôle d’amont étant assuré par une sonde de Fogarty occlusive.
Ces manoeuvres sont effectuées sous couvert d’une compression
manuelle de l’artère fémorale du côté opposé, afin de prévenir la
migration d’un embole controlatéral.
Les pertes sanguines peuvent être
importantes, faisant discuter l’utilisation d’un récupérateur de sang.
La
fermeture de la prothétotomie est assurée par un surjet de monofilament
6-0 avec une aiguille de 9 mm.
La qualité de la désobstruction peut être
effectuée, soit par une angioscopie, qui explore cependant difficilement
l’origine de la branche prothétique désobstruée, zone à haut risque de
lésion résiduelle, soit plutôt par une artériographie.
Cette artériographie
est effectuée par ponction directe de la branche prothétique, au-dessus
de la précédente prothétotomie, et mise en place d’un introducteur 5F.
L’artériographie a pour but de contrôler la qualité de la désobstruction
de la branche prothétique, l’opacification étant effectuée, soit par la
montée d’une sonde, soit par voie rétrograde, en comprimant lors de
l’injection la branche prothétique controlatérale.
Elle permet en outre
d’explorer l’anastomose distale et le lit d’aval, afin de juger de la
nécessité d’un geste chirurgical complémentaire.
Il existe peu de contre-indications techniques à la réalisation d’une thrombectomie.
L’absence d’opacification, sur l’artériographie
préopératoire, de l’origine de la branche prothétique occluse peut
représenter une contre-indication relative, car alors le risque de
migration embolique controlatérale lors de la thrombectomie est
important.
Les mesures préventives sont : la compression du trépied fémoral
controlatéral, les manipulations prudentes et répétées de la sonde de Fogarty et des anneaux de Vollmar (indispensables pour libérer
totalement l’origine de la branche prothétique), l’artériographie de
contrôle systématique, non seulement du membre désobstrué, mais
également du trépied fémoral controlatéral.
L’ancienneté de l’occlusion
n’est pas non plus une contre-indication absolue, des thrombectomies
ayant pu être effectuées avec succès plusieurs mois après la thrombose.
Les véritables contre-indications sont davantage sous la dépendance de
la cause de la thrombose : en effet, si cette thrombose est liée à une
évolutivité de l’aorte au-dessus de l’implantation prothétique, ou à une
dégradation de la prothèse, il est alors préférable d’effectuer son
remplacement complet.
L’échec de la thrombectomie est rare, inférieur à 10 %, mais n’empêche
pas la réalisation d’un autre type de revascularisation.
À long terme, la
perméabilité est tout à fait satisfaisante, de l’ordre de 75 % à 5 ans,
d’autant meilleure qu’à la thrombectomie a été associée une chirurgie
du trépied fémoral et/ou fémoropoplité.
En cas de rethrombose, une nouvelle thrombectomie peut être réalisée, mais ses
résultats à long terme seront nettement inférieurs, avec un taux de
rethrombose de l’ordre de 50 %.
* Correction de l’étiologie de la thrombose
:
Il peut s’agir :
– de la correction d’un faux anévrysme anastomotique par pontage
complémentaire ;
– de la correction d’une sténose anastomotique, soit par angioplastie
d’élargissement, soit par pontage complémentaire ;
– de l’amélioration du lit d’aval par réalisation d’un pontage
complémentaire fémoropoplité, voire jambier.
L’indication d’une telle
revascularisation est difficile à poser, et Brewster a proposé de la
réserver aux cas où l’artère fémorale profonde en aval a un calibre ne
permettant pas le passage d’une bougie de 4 mm de diamètre, et lorsque
le cathéter ne peut pas progresser en aval au-delà de 20 cm.
* Pontage croisé fémorofémoral
:
Il s’agit d’une méthode de traitement très logique des oblitérations
tardives des branches prothétiques lorsque la branche prothétique restée
perméable est sans anomalie morphologique.
Elle permet de traiter en
même temps la thrombose de la branche prothétique et l’étiologie, qu’il
s’agisse de la dégradation du lit d’aval, d’une sténose anastomotique, ou
d’une anomalie de la branche prothétique elle-même.
Dans les rares cas où il existe des lésions étagées de l’artère fémorale
profonde, la revascularisation peut porter d’emblée sur l’artère poplitée
haute, voire sur un axe artériel sous-gonal.
La technique de revascularisation, proposée par Crawford, est
systématique pour certains auteurs, et réservée aux échecs ou contreindications
des thrombectomies pour d’autres.
Le risque d’un abord itératif du trépied fémoral controlatéral peut faire
préférer un abord de la branche prothétique perméable dans l’espace de Bogros par une courte voie d’abord sous-péritonéale, le pontage croisé
étant alors tunnellisé dans l’espace de Retzius, rétropubien et
prévésical.
À condition de respecter les contre-indications que représentent les
occlusions septiques, les lésions aortiques sus-jacentes et les lésions de la branche prothétique encore perméable, la perméabilité primaire à
5 ans est satisfaisante, de l’ordre de 60 %, cependant inférieure à la
perméabilité primaire de pontages croisés réalisés de première
intention.
* Changement prothétique complet
:
En dehors des occlusions septiques de prothèses qui seront étudiées
ultérieurement, un changement prothétique complet peut être nécessaire
lorsque l’occlusion est en rapport avec une évolutivité de l’aorte au dessus
de l’anastomose, ou du corps prothétique, ou encore avec une
dégradation de la prothèse elle-même.
Afin de limiter au maximum les risques liés à la redissection d’anciens
foyers opératoires, duodénal, colique, et surtout urétéral,
l’intervention se fera :
– en modifiant, si possible, la voie d’abord ;
– en privilégiant les revascularisations à partir de l’aorte sous-rénale en
cas d’occlusion d’un pontage bas situé sur l’aorte terminale ou l’axe
iliaque, et les revascularisations extra-anatomiques à partir de l’aorte
coeliaque, de l’aorte ascendante, ou surtout de l’aorte thoracique, lorsque
l’aorte sous-rénale a été préalablement disséquée ;
– en évitant de réaborder l’ancienne prothèse thrombosée, et en limitant
la résection de celle-ci dans les zones de dissection communes, c’est-àdire
notamment au niveau du triangle de Scarpa.
Les études
anatomopathologiques et bactériologiques de ce fragment de prothèse thrombosée sont systématiquement réalisées.
Enfin, la revascularisation peut être effectuée par un pontage axillo-uniou
bifémoral, lorsque le terrain n’autorise pas un abord itératif
abdominal ou thoracique, et si l’état de l’axe iliaque controlatéral ne
permet pas la réalisation d’un pontage croisé interfémoral.
B - Faux anévrysme anastomotique
:
1- Étiologie et anatomopathologie
:
Le faux anévrysme anastomotique se définit comme la rupture couverte
d’une anastomose, la paroi du faux anévrysme étant constituée par les
tissus de voisinage.
La rupture peut intéresser la prothèse elle-même
(dégradation tardive), l’artère elle-même, ou, le plus souvent,
l’anastomose entre la prothèse et l’artère.
On rapproche de ces faux anévrysmes les dilatations anastomotiques
sans véritable rupture d’un des constituants de l’anastomose, en rapport
avec la dilatation anévrysmale de l’artère au niveau de l’anastomose.
Les complications évolutives sont en effet les mêmes.
L’étiologie de ce faux anévrysme est habituellement multifactorielle :
– la rupture du fil de surjet est actuellement exceptionnelle, les sutures
au fil de soie, biodégradable, ayant été abandonnées. Les ruptures de monofilament peuvent cependant s’observer, notamment dans le cadre
de sepsis à germes de faible virulence ;
– la dégénérescence du matériau prothétique est possible, concernant
certains types de prothèses en polyester ;
– la dégénérescence artérielle est le fait habituel : le surjet coupe la paroi
artérielle, qui se désinsère de la prothèse.
Cet affaiblissement de la
paroi artérielle peut être la conséquence d’une évolutivité artérielle, et
serait favorisé par des interventions antérieures, par une poursuite de
l’intoxication tabagique, par une hypertension artérielle et par des
facteurs techniques : prise trop fine de la berge artérielle qui se déchire
en « timbre-poste », implantation prothétique sur une paroi artérielle
fragilisée par une thromboendartériectomie préalable trop externe,
anastomose terminolatérale responsable de turbulences, ainsi que par
des complications périopératoires empêchant l’organisation de la
capsule fibreuse périanastomotique : lymphocèle ou hématome
périanastomotique, troubles de la cicatrisation pariétale, anastomose
sous tension (en particulier en cas de traction excessive de la prothèse),
anastomose trop large avec plicature... ;
– les rôles respectifs d’une dystrophie artérielle, d’une prédisposition
génétique et d’une infection par un germe à faible virulence, telles les
infections à biofilm par des staphylocoques à coagulase négative ou par
des Candida, sont diversement appréciés par les différents auteurs pour
expliquer la multiplicité de faux anévrysmes au niveau des trois
anastomoses, et les récidives itératives.
Le délai de survenue d’un faux anévrysme est très variable, allant de
quelques mois à plusieurs années.
La survenue précoce inférieure à
5 ans serait plus fréquente lorsque l’intervention initiale a été émaillée
d’une complication postopératoire, soit locale, soit générale
(insuffisance respiratoire, insuffisance rénale, syndrome septique...) et
lorsque le malade a été opéré en urgence.
Pour certains auteurs, le délai moyen de survenue d’un faux anévrysme
serait actuellement nettement plus tardif, de l’ordre de 10 ans, qu’il y a
une ou deux décennies.
La fréquence des faux anévrysmes est également très difficile à
apprécier, car ils restent longtemps asymptomatiques.
Van den
Akker a évalué à 15 ans les risques de faux anévrysme à 10 % au
niveau de l’anastomose aortique, à 15 %au niveau d’une anastomose
iliaque, et à 25 % au niveau d’une anastomose fémorale.
Toutes les
séries retrouvent une incidence accrue de faux anévrysmes au triangle
de Scarpa, en raison de la plus grande fréquence des problèmes
cicatriciels, de l’évolutivité artérielle plus importante et des contraintes
mécaniques que subit l’anastomose à ce niveau, favorisées par la
fixation (et l’éventuelle compression) de la prothèse au niveau de
l’arcade crurale et par la cicatrisation fibreuse, qui empêchent tout
glissement de la prothèse lors des mouvements de flexion-extension
permanents de la cuisse, en opposition avec l’axe artériel mobile.
L’histoire naturelle des faux anévrysmes est dominée par leur croissance
qui peut être progressive ou au contraire brutale.
Le type de
complications dépend également de la localisation de la lésion :
– compression des éléments de voisinage et notamment des nerfs ou des
axes veineux ;
– thrombose aiguë, apanage des petits anévrysmes ;
– embolisation, responsable de tableaux cliniques variés selon qu’il
s’agit de microembolies à l’origine du syndrome des « orteils bleus » ou
d’embolies tronculaires parfois responsables d’ischémie aiguë, mais
pouvant également être asymptomatiques, responsables d’une
dégradation progressive du lit d’aval ;
– rupture enfin, rare à l’échelon fémoral, plus fréquente à l’échelon
aortique, pouvant être à l’origine d’une fistule prothétodigestive.
Quel que soit le mode de découverte d’un faux anévrysme, un bilan
complet est indispensable à la recherche de faux anévrysmes associés,
ce qui est fréquent : 25 % des faux anévrysmes aortiques ont un faux
anévrysme associé d’au moins une anastomose fémorale ; 15 %des faux
anévrysmes du Scarpa ont un faux anévrysme associé aortique.
2- Traitement
:
Le traitement préventif a surtout été dirigé vis-à-vis des faux anévrysmes
fémoraux qui sont les plus fréquents.
Il repose sur :
– la réalisation d’une anastomose terminoterminale plutôt que
terminolatérale, lorsqu’il n’est pas nécessaire de conserver un flux
rétrograde dans l’axe iliaque externe ;
– le contrôle des facteurs de risque, et notamment de l’hypertension
artérielle et de l’intoxication tabagique ;
– la réalisation de l’anastomose à distance de l’arcade crurale, et
notamment au niveau de l’artère fémorale profonde ;
– la section de la portion fibreuse de l’arcade crurale et la mise en place
d’une greffe libre d’épiploon, proposée par Courbier.
Le traitement chirurgical des faux anévrysmes fémoraux a été étudié
dans le fascicule correspondant.
Le traitement chirurgical d’un faux anévrysme aortique peut être réalisé
par voie intrapéritonéale ou par voie rétropéritonéale, à condition d’être
certain de l’absence de fistule associée prothétodigestive.
Lorsque la prothèse a été implantée en terminolatérale sur l’aorte sousrénale,
le contrôle de l’aorte sous-rénale, à distance du faux anévrysme,
est effectué en premier.
Le corps de la prothèse et l’origine des deux branches prothétiques ne
sont contrôlés, après incison de la capsule externe, que s’il s’agit d’un
faux anévrysme par dilatation anévrysmale de l’aorte juxtaanastomotique.
Dans le cas contraire, et notamment s’il existe une rupture de la ligne
anastomotique, il est préférable d’éviter toute dissection et d’effectuer,
sous couvert d’un clampage de l’aorte immédiatement sous-rénale,
l’incision de la capsule externe au niveau de la coque du faux anévrysme
et de contrôler le reflux par l’aorte distale, soit par une compression
manuelle, soit par un ballonnet.
La prothèse est ensuite totalement désinsérée de l’aorte et clampée au niveau des deux branches
prothétiques qui sont aisément disséquées.
L’hémostase obtenue, le
moignon aortique distal est lié par un surjet aller-retour de monofilament
2 ou 3-0, et le rétablissement de la continuité est effectué par un tube
prothétique complémentaire implanté sur l’aorte sous-rénale et sur le
corps de l’ancienne prothèse.
Parfois, quand il n’existe pas
suffisamment d’étoffe au niveau du corps de l’ancienne prothèse, une
nouvelle prothèse, bifurquée, est utilisée, dont les branches prothétiques
sont anastomosées aux anciennes branches prothétiques.
Lorsque le faux anévrysme complique une anastomose terminoterminale,
le contrôle de l’aorte immédiatement sous-rénale est plus
délicat et peut nécessiter, soit un clampage de l’aorte supracoeliaque ou
sus-rénale, soit un clampage par un ballonnet occlusif introduit dans
l’aorte viscérale à partir d’une ponction du corps de l’ancienne prothèse.
Lorsqu’il n’existe pas suffisamment d’étoffe aortique de bonne qualité
pour implanter le corps d’une nouvelle prothèse sur l’aorte sous-rénale,
il faut alors contrôler l’aorte coeliaque et implanter la prothèse :
– soit sur l’aorte interrénale, refendue longitudinalement sur sa face
antérieure, entre les ostia des deux artères rénales, la prothèse étant
implantée en biseau sur cette aortotomie ;
– soit sur l’aorte coeliaque, après ligature d’exclusion du moignon
aortique sous-rénal.
Un remplacement prothétique complet n’est indispensable que lorsqu’il
existe d’importantes dégradations anatomiques de branche prothétique.
En cas de faux anévrysmes associés des trépieds fémoraux, leur cure
chirurgicale peut être remise à un temps ultérieur, en fonction du terrain
et des difficultés rencontrées pour la cure du faux anévrysme aortique.
Une alternative thérapeutique particulièrement attractive, compte tenu
de la morbimortalité élevée de la chirurgie directe, est représentée par
la mise en place d’une endoprothèse couverte, introduite par un abord
chirurgical d’une branche prothétique.
La mise en place d’une telle endoprothèse couverte nécessite
cependant des conditions anatomiques favorables : existence d’un collet
supérieur (distance entre l’artère rénale la plus basse et le pôle supérieur
de l’anévrysme) de plus de 20 mm de longueur et indemne de toute
polydystrophie anévrysmale, en raison des risques de récidive de faux anévrysme,
et longueur suffisante du corps de l’ancienne prothèse (ce
qui n’est pas fréquent lorsque le corps prothétique a été taillé
obliquement près de sa bifurcation, en cas d’anastomose terminolatérale).
Le traitement chirurgical des faux anévrysmes iliaques dépend de leur
siège par rapport à l’artère iliaque interne.
Chaque fois que le faux anévrysme s’étend jusqu’à la bifurcation
iliaque, que l’artère iliaque interne est indemne de lésions (occlusives
ou anévrysmales) et que sa conservation est indispensable, le traitement
repose sur la mise à plat du faux anévrysme, avec rétablissement de la
continuité par une nouvelle prothèse, implantée sur l’ancienne branche
prothétique, et revascularisant à la fois l’artère iliaque externe et l’artère
iliaque interne.
Lorsque l’artère iliaque interne est occluse ou le siège de
lésions étagées, occlusives ou anévrysmales, et que sa conservation n’est
pas indispensable, le traitement endovasculaire du faux anévrysme est
alors particulièrement indiqué, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un
faux anévrysme septique.
Ce traitement endovasculaire comporte deux
phases :
– un premier temps d’embolisation de toutes les branches efférentes du
faux anévrysme, et notamment de l’artère iliaque interne.
Cette embolisation peut être effectuée à l’aide de ballonnets largables, mais
l’utilisation de coils est préférable ;
– un deuxième temps d’exclusion du faux anévrysme par une endoprothèse couverte.
Il s’agit d’une technique de traitement particulièrement élégante des
faux anévrysmes, dénuée de toute morbidité, dont les résultats à court et
moyen termes sont excellents, mais qui manque de recul à long terme.