La colostomie est l’abouchement du côlon à la peau afin de donner
issue au contenu intestinal.
Cet abouchement peut être temporaire
ou définitif.
Un certain nombre d’impératifs techniques doivent être
respectés : la colostomie doit être d’exécution facile et ne pas
comporter de morbidité propre, elle doit dériver la totalité des
matières et être facilement appareillable par le patient lui-même.
Nous envisageons successivement :
– les colostomies latérales et la cæcostomie ;
– les colostomies terminales ;
– l’abord coelioscopique ;
– les colostomies continentes.
Colostomies latérales
:
A - COLOSTOMIE LATÉRALE SUR BAGUETTE ILIAQUE
OU TRANSVERSE
:
L’extériorisation du côlon sans interruption de sa continuité n’est
possible que sur un segment mobile, non accolé.
Les colostomies
latérales sont donc transverses ou sigmoïdiennes.
Elles sont le
plus souvent provisoires.
Le choix du siège de la colostomie dépend de la pathologie en cause
et de la séquence chirurgicale dans laquelle s’insère la dérivation
colique.
Le principe d’établir la colostomie au plus près de la lésion intestinale doit être nuancé.
Cela a été discuté pour les cancers
en occlusion dans un autre article.
Cela est vrai aussi pour les
maladies inflammatoires.
Il y a relativement peu d’indications pour les colostomies transverses
gauches, qui risquent d’interférer dans la succession des gestes, en
gênant ou en empêchant une mobilisation du côlon gauche.
1- Voies d’abord
:
La voie d’abord nécessaire à la confection d’une colostomie latérale
est la même, que celle-ci soit faite isolément par un abord électif,
soit qu’elle prenne place dans un acte chirurgical complexe
comportant, par exemple, un temps d’exérèse mené par médiane.
Trois voies d’abord peuvent être utilisées : iliaque gauche, transverse
droite et transverse gauche.
L’incision cutanée est le temps le plus important de cette voie
d’abord : c’est elle qui conditionne le siège de la colostomie et ses
facilités d’appareillage.
Elle doit donc ne pas être trop importante,
être à distance d’un relief osseux (rebord chondral ou crête iliaque),
et ne pas gêner une éventuelle incision médiane. Sa longueur est
variable avec la morphologie de l’opéré.
Ces incisions se font au bord externe de la gaine des droits : une fois
traversés les plans cellulograisseux sous-cutanés, on ouvre donc le
feuillet antérieur de la gaine du droit et l’aponévrose du grand
oblique.
Il nous paraît important, afin de diminuer le risque d’éventration
postopératoire, de ne pas sectionner le muscle droit mais d’en
récliner le corps charnu, au besoin après avoir libéré ses fibres de la
gaine.
Cette façon de procéder a en outre l’intérêt, dans les
localisations transverses droites et iliaques gauches, d’entraîner un
refoulement de l’anse efférente par le muscle qui renforce l’effet
d’éperon.
Le feuillet postérieur de la gaine est ensuite incisé avec le péritoine
qui est immédiatement repéré par quatre points.
2- Extériorisation du côlon
:
En cas d’abord électif par une voie limitée, le repérage du côlon est
plus ou moins aisé selon les circonstances, et l’identification du
segment colique aperçu doit être certaine.
On reconnaît le sigmoïde
à ses appendices épiploïques, et le transverse à l’insertion du grand
épiploon.
Si l’on intervient pour occlusion, la distension colique peut faire
obstacle à l’extériorisation : il faut donc d’abord affaisser l’intestin.
Cette évacuation préalable ne concerne que les gaz.
Elle peut
nécessiter une ponction : une petite bourse est faite sur le côlon au
point choisi pour son extériorisation, et l’on ponctionne en son
centre à l’aide d’un trocart (si possible à l’aide d’un trocart à prise
d’air latérale, type trocart de Potain).
Une fois les gaz intestinaux
évacués, la bourse est serrée, obturant le point de ponction qui est
au sommet de la boucle extériorisée.
Tout ce temps doit se faire en
isolant le champ opératoire du reste de la cavité abdominale par des
compresses ou des mèches.
L’intestin est extériorisé avec une pince atraumatique type Duval.
Un drain ou une baguette plastique est ensuite passé à travers le mésocôlon.
En cas d’extériorisation transverse, il peut être nécessaire
de décoller partiellement l’épiploon du segment extériorisé.
3- Fixation colique
:
Ce temps nous paraît essentiel afin de prévenir les rétractions de stomie et les éviscérations parastomiales.
Le côlon est fixé au plan péritonéal par les quatre points de repérage
précédemment mis en place, en chargeant l’épaisseur de la séromusculeuse colique.
Des points intermédiaires peuvent être
placés si la brèche péritonéale est large.
Certains auteurs se
dispensent de cette fixation colique.
Le maintien d’une traction douce sur l’anse colique pendant sa
fixation aide à la formation d’un éperon colique.
Celui-ci est fait de
l’adossement des deux pieds de l’anse colique par quelques points
(fil 0000 à résorption lente).
4- Fermeture cutanée pariétale
:
Lorsque l’on est intervenu par voie élective, il peut être nécessaire
de refermer très partiellement l’incision aponévrotique de part et
d’autre du côlon extériorisé, par un ou deux points de fil à
résorption lente.
L’incision cutanée est refermée sans serrer l’intestin
par un ou deux points passés de chaque côté.
5- Ouverture du côlon et appareillage
:
Le côlon, ainsi extériorisé sans aucune traction, est ouvert en fin
d’intervention (après pansement d’une éventuelle médiane associée).
L’ouverture se fait par colotomie transversale au sommet de la
boucle.
Elle devrait se faire au bistouri à lame, d’exceptionnels
accidents ayant été rapportés lors d’ouverture au bistouri électrique.
Une hémostase par coagulation des vaisseaux sous-muqueux est
nécessaire.
Cette colotomie transversale peut être complétée d’un
refend en « T » sur la branche d’amont de la colostomie.
Une fois ouverte, la colostomie est immédiatement appareillée à
l’aide d’une poche autocollante transparente passée sous la baguette
et collée au plus près de l’intestin.
6- Appareillage postopératoire
:
L’idéal est de pouvoir placer d’emblée en salle d’opération une
poche de grande taille vidangeable.
Ce type de poche peut rester en
place 1 semaine, tout en permettant l’accès à la colostomie : un
toucher le lendemain de l’opération peut être utile pour s’assurer de
l’absence de chicane.
Drain et baguette sont enlevés au 10e jour,
l’appareillage avec une poche plus petite étant alors possible.
Même en l’absence de complication (prolapsus), les colostomies
latérales sont toujours volumineuses, et les protecteurs de stomie de
petites tailles ne sont pas utilisables.
Aucune irrigation colique n’est
en principe proposée aux opérés porteurs de stomie temporaire, et
le régime alimentaire peut être normal.
7- Fermeture
:
La fermeture d’une colostomie n’est pas un geste de chirurgie
colique « négligeable ».
C’est une suture colique, avant laquelle il faut s’être assuré de
l’absence de tout obstacle en aval, et pour lequel il faut préparer le
côlon à la fois par lavements pour le segment d’aval et par
irrigations (mannitol, polyéthylène glycol [PEG], X-Prept...) pour le
segment d’amont.
Cette suture colique ne peut être entreprise sans risque avant un
certain délai nécessaire à la maturation de la stomie et à la
disparition des phénomènes inflammatoires locaux : un délai de 2 à
3 mois est pour nous habituel.
Cette fermeture débute par une incision circonscrivant la stomie et
emportant à son pourtour quelques millimètres de peau.
Puis
le côlon est dégagé du tissu celluleux sous-cutané.
La libération du
plan musculoaponévrotique et péritonéal est parfois laborieuse : elle
doit être absolument complète.
Une fois dégagé, le côlon est présenté
par deux pinces type Babcock et les berges de la stomie sont excisées
avec économie, l’hémostase des vaisseaux sous-muqueux se faisant
par coagulations fines.
Les berges coliques doivent être souples, bien
dégagées, et venir au contact sans aucune traction.
Un surjet extramuqueux de fil à résorption lente referme transversalement
l’intestin qui est ensuite doucement repoussé dans l’abdomen
aussi loin que possible de la brèche pariétale.
Dans certains cas, les remaniements locaux imposent une très courte
résection et une anastomose terminoterminale immédiate.
Il n’est
pas démontré que les risques de désunion soient alors majorés.
L’ouverture musculoaponévrotique est refermée en deux plans de
fil 0 à résorption lente, points simples ou en « X ».
La peau est
refermée sur un drainage filiforme ou, exceptionnellement, laissée
ouverte avec un pansement gras.
B - VARIANTES TECHNIQUES
:
La technique prise pour type de description et qui est notre
technique habituelle dérive des techniques de l’anus sur baguette
de Maydl et de l’anus à éperon de Quenu.
1- Variantes de détail
:
De nombreuses variantes de détail ont été proposées :
– voie d’abord : certains proposent de principe une voie médiane, ce
qui paraît peu justifié, même en cas d’occlusion intestinale complète
par cancer ;
– siège de la colostomie : la localisation médiane en particulier, au
niveau de l’ombilic, a une certaine vogue outre-Atlantique ;
– modalités de confection de l’éperon : le simple adossement des deux
anses coliques par quelques points séparés de fil à résorption lente
est suffisant, et l’interposition d’un coin pariétal selon Quenu est en
pratique abandonnée ;
– l’ouverture immédiate des colostomies latérales est pour nous la
règle.
Elle est pour certains différée : en cas d’occlusion, il pourrait
ainsi paraître préférable d’attendre 48 heures que des adhérences
colmatent le trajet transpariétal et évitent une contamination de
dehors en dedans de la paroi ou de la cavité péritonéale.
Ce délai ne
nous paraît pas sans risque (distension colique, entretien de
l’infection...), et il ne nous paraît pas toujours indispensable si l’on
prend la peine de fixer soigneusement le côlon à la paroi et de
refermer celle-ci correctement ;
– la colostomie « non ouverte » a eu une certaine vogue dans le
cadre des colostomies de protection.
Cette façon de faire consiste
à extérioriser le côlon transverse droit au-dessus d’une anastomose
à haut risque (anastomose basse, sigmoïdite, obstruction colique...)
en comprimant le segment colique d’aval par la baguette qui est
décalée et fixée à la peau par deux fils de Nylon.
Cette « occlusion
iatrogène » est maintenue 8 jours, l’aspiration gastrique étant
poursuivie : l’anastomose est alors contrôlée par une opacification
avec un produit hydrosoluble.
En cas de fistule anastomotique, la
colostomie est ouverte.
Dans le cas contraire, le côlon est simplement
réintégré sous anesthésie. Pour ses promoteurs, cette méthode est
« très maniable, d’exécution rapide et simple ».
Dans le même esprit,
Chapman propose une ouverture retardée au lit du malade par
simple application d’agrafeuse GIA à la 48e heure ;
– l’utilisation des agrafeuses automatiques a été proposée selon deux
modalités.
Soit, comme pour Chung, pour la confection même de la
stomie latérale, par un agrafage direct colocutané à l’agrafeuse
circulaire : cette technique ne nous paraît pas devoir être
encouragée, non seulement en raison de son coût, mais aussi parce
qu’elle nécessite une voie médiane, et surtout parce qu’elle ne
comporte aucun éperon et ne dérive que très incomplètement.
À
l’inverse, la fermeture du bout d’aval par une agrafeuse linéaire peut
être un adjuvant intéressant, terminalisant une colostomie latérale.
Cette terminalisation peut être complétée par la mise en
place d’un cathéter pour irrigations du segment d’aval.
Il est
toutefois important de souligner que cette exclusion par agrafage
est temporaire, et que dans un délai de quelques mois les agrafes
s’éliminent, ouvrant à nouveau l’orifice distal de la colostomie
latérale au passage des matières.
Dans certaines situations (exclusion
d’un rectum radique par exemple), cette remise en circuit peut être
très gênante : à l’agrafage simple doivent être préférées la section et
la fermeture du segment d’aval, à condition que celui-ci ne soit pas
sténosé.
2- Principale variante
:
Elle est représentée par le siège cæcal de la stomie.
La cæcostomie (ou typhlostomie selon les auteurs anciens) est
l’abouchement du cæcum à la peau.
Elle ne doit pas être considérée
comme une véritable colostomie car elle ne dérive que très partiellement le contenu stercoral : c’est un geste de décompression,
une fistulation latérale, surtout efficace pour permettre l’évacuation
des gaz.
* Cæcostomie latérale
:
La facilité d’exécution est le grand avantage de cette technique qui
ne présente pratiquement aucun risque, quels que soient l’état du
patient et l’expérience du chirurgien.
Correctement faite, la cæcostomie est efficace : elle peut permettre la
reprise du transit et rendre inutile les procédés de lavage colique
peropératoires.
Après la colectomie, la cæcostomie peut représenter
une protection de la suture.
Elle permettrait de raccourcir le délai
entre dérivation et exérèse.
Mais la cæcostomie ne peut constituer une dérivation définitive : la
découverte, lors du deuxième temps, d’une tumeur inextirpable ou
d’une impossibilité de rétablir la continuité, impose de supprimer la
cæcostomie et de la remplacer par une colostomie terminale.
* Voie d’abord
:
Sous anesthésie locale ou locorégionale, une excision circulaire de la
peau d’environ 25 mm est effectuée dans la fosse iliaque droite,
centrée sur la saillie tympanique du cæcum, après repérage sur le
cliché simple de l’abdomen, en général au point de MacBurney.
L’incision pariétale est celle de l’appendicectomie.
L’aponévrose du
muscle oblique externe est incisée dans le sens de ses fibres.
La ligne
blanche externe est incisée transversalement, avec une courte
ouverture du muscle transverse et refoulement du corps musculaire
du grand droit.
À l’ouverture prudente du péritoine, le cæcum
distendu est immédiatement sous-jacent.
* Ponction et extériorisation du cæcum
:
Une mèche imprégnée de Bétadinet est disposée entre la paroi
abdominale et le cæcum, de manière à isoler le lieu de ponction.
Celle-ci est effectuée à l’aide du trocart à prise d’air latérale de
Potain, pour certains directement, sans confection préalable d’une
bourse.
L’aspiration immédiate évacue le contenu aérique et
liquidien du côlon, et affaisse le météorisme de façon spectaculaire.
Le trocart maintenu en place et en aspiration, deux pinces de Babcok
saisissent la paroi cæcale devenue flasque de part et d’autre du lieu
de ponction et l’extériorisent.
Le trocart est alors enlevé et la brèche
obturée par une pince de Duval.
Après ablation de la mèche,
l’extériorisation par traction douce est complétée de manière à
obtenir un cône cæcal d’environ 3 cm, dont la base est suturée à la
peau par des points séparés extramuqueux de fil à résorption lente.
Il est alors préférable de remplacer la pince de Duval par la suture
temporaire de la brèche.
* Appareillage
:
Un dispositif est immédiatement installé avec un adhésif exactement
adapté à la taille de la stomie.
À travers l’ouverture du réservoir vidangeable, l’orifice colique est à nouveau ouvert, puis agrandi au
bistouri électrique jusqu’à obtenir une taille d’environ 15 mm
définitivement suffisante.
La poursuite de la vidange colique est
immédiate, souvent très abondante.
* Fermeture
:
Dans l’indication la plus fréquente, l’obstruction colique gauche par
cancer, la fermeture de la cæcostomie, troisième temps de la
séquence, a lieu 2 semaines après sa confection.
Sous anesthésie
locale ou locorégionale, la désinsertion pariétale est facile à ce stade
précoce.
Les adhérences péritonéales lâches sont libérées au doigt.
Un agrafage automatique linéaire emporte le site de la stomie sans
aucun risque de sténose.
L’enfouissement de la suture est inutile.
La
fermeture de la paroi abdominale est faite en deux plans par surjets
de fil à résorption lente.
La suture cutanée peut être étanche sur un
drainage aspiratif qui supprime tout risque septique.
Cette technique semble particulièrement indiquée pour la
décompression des pseudo-obstructions coliques (syndrome
d’Ogilvie) après échec d’une exsufflation endoscopique.
Colostomies terminales
:
A - COLOSTOMIES LATÉRALES TERMINALISÉES
:
Le souci d’une dérivation totale des matières est à l’origine de
plusieurs procédés de colostomie qui ont en commun une section
colique, avec ou sans résection d’un segment intestinal.
Ces
techniques aboutissent à la confection d’une double stomie : stomie
d’amont productive et stomie d’aval non productive (mucous
fistula).
1- Anus à pont
:
Ils sont aujourd’hui peu utilisés.
Ils dérivent de l’intervention
proposée par Witzel en 1890.
L’inconvénient de ces techniques
d’anus à pont était de compliquer l’appareillage.
Diverses variantes
en ont néanmoins été récemment décrites.
Ein propose une
colostomie terminalisée (divided loop colostomy) de siège transverse
avec un trajet sous-cutané assez long destiné à prévenir le risque de
prolapsus.
Sigurdson propose un agrafage du segment distal
destiné à diminuer la taille de la stomie d’aval et à faciliter
l’appareillage.
2- Anus en « canon de fusil »
:
Il s’agit le plus souvent d’un anus iliaque gauche faisant suite à une
résection de l’anse sigmoïde, donc, stricto sensu, d’une colostomie
terminale.
Mais l’appareillage, les soins postopératoires et les
conditions de rétablissement de la continuité nous paraissent devoir
la placer ici.
L’ensemble de l’intervention (résection sigmoïdienne et colostomie)
est habituellement désigné sous le terme d’opération de Bouilly-
Volkmann.
Elle se mène typiquement par une voie iliaque gauche.
L’anse sigmoïde, longue dans cette indication, est d’abord
extériorisée par une incision latérale, puis son méso est sectionné.
Après résection de l’anse sigmoïde, la péritonisation du mésocôlon
rapproche les deux jambages coliques qui sont adossés et fixés au
péritoine pariétal.
Leur hémicirconférence, sur le côté
mésocolique, est ensuite suturée : on réalise ainsi le plan postérieur
d’une anastomose colocolique.
Les plans antérieurs sont ourlés à la
peau, l’incision étant refermée de part et d’autre.
Le
rétablissement de continuité se fait comme pour une colostomie
latérale, par voie élective et dans les délais habituels.
L’indication type, mais rare, de ce geste est la résection d’un dolichosigmoïde lorsque les conditions générales ou locales ne
permettent pas une colectomie idéale.
B - COLOSTOMIES TERMINALES
:
Elles comportent toujours une section de l’intestin.
Elles peuvent
être faites isolément ou terminer une intervention de résection.
1- Colostomie terminale iliaque gauche
:
* Voies d’abord et choix du site d’abouchement cutané
:
La voie d’abord est presque toujours une laparotomie médiane : un
abord latéral électif ne permet que la réalisation d’une colostomie
latérale terminalisée, suivant l’une des modalités décrites ci-dessus.
Le choix du site d’abouchement cutané est essentiel : en cas de
colostomie définitive, c’est lui qui conditionne le confort de l’opéré.
Dans le cas d’une intervention programmée à froid, l’opéré a été
prévenu de la nécessité éventuelle de terminer l’opération par une
colostomie.
Les techniques d’appareillage et d’irrigations lui ont été
présentées, et le site choisi pour la colostomie a été tatoué la veille
de l’intervention par l’injection sous-cutanée de quelques gouttes de
bleu de méthylène.
Ce point doit être visible par le patient en position debout ; il doit être à distance des reliefs osseux, en dehors
d’un pli abdominal, en position assise notamment, et au centre d’une
zone relativement plane.
Lorsque l’on intervient en urgence sans avoir pu faire un tel
repérage topographique, il faut se rappeler que le classique point
médian de la ligne ilio-ombilicale est trop bas et trop externe, et que
la bonne position d’une colostomie terminale paraît toujours trop
proche de la médiane au chirurgien.
* Extériorisation colique
:
Deux trajets sont possibles :
– trajet direct, si la colostomie semble devoir être temporaire ;
– trajet sous-péritonéal en cas de colostomie définitive.
+ Trajet direct
:
On commence par une petite incision circulaire au point choisi pour
la stomie, puis l’on excise le tissu sous-cutané en regard, ce
qui expose la face antérieure de la gaine du droit : incision en croix
de celle-ci, puis le muscle est récliné en dedans.
Le feuillet postérieur
de la gaine et le péritoine sont alors ouverts.
Le côlon refermé de
façon à n’entraîner aucune souillure pariétale (si possible par
application d’une agrafeuse automatique) est alors attiré au-dehors,
et le mésocôlon suturé au péritoine pariétal afin d’obturer la
gouttière pariétocolique, puis la colostomie est ourlée à la peau.
+ Trajet sous-péritonéal
:
La traversée pariétale se fait de façon identique jusqu’au péritoine
qui n’est pas ouvert, mais progressivement décollé de la face
postérieure des muscles larges.
On dégage ainsi un passage souspéritonéal
qui rejoint l’ouverture péritonéale faite par la section du
mésocôlon lors de la résection sigmoïdienne ou rectal.
Refermé, le
côlon est alors attiré par une pince atraumatique hors du ventre.
Il est nécessaire de dépouiller un bon centimètre de côlon et parfois
de couper plusieurs franges épiploïques, avant de suturer à points
séparés l’intestin à la peau.
* Ouverture colique et fixation à la peau
:
La ligne d’agrafage n’est recoupée qu’après fermeture et pansement
de la médiane.
L’hémostase de la sous-muqueuse se fait par
coagulations fines, et le côlon est fixé à la peau par une série de
points chargeant toute l’épaisseur cutanée et l’intestin en
extramuqueux.
Huit à dix points sont habituellement nécessaires.
Ils doivent permettre un affrontement mucocutané parfait. Une
poche transparente autocollante taillée à la dimension de la stomie
est ensuite immédiatement mise en place.
* Soins postopératoires
:
Les fils à résorption lente utilisés pour la suture colocutanée tombent
spontanément.
La mise en place immédiate en postopératoire d’un appareillage
moderne adhésif avec protecteur cutané est un élément essentiel du
confort de l’opéré.
Les matériels actuellement commercialisés en
France sont très nombreux et permettent de répondre à toutes les
situations.
L’utilisation des irrigations coliques améliore grandement le confort
des opérés, en leur permettant d’éviter le port d’une poche que
remplacent efficacement de petits appareillages protecteurs munis
de filtres pour désodoriser les gaz.
Ces irrigations doivent être commencées dès le 8e-10e jour
postopératoire.
Elles sont généralement très bien acceptées par les opérés qui en comprennent vite l’intérêt, mais il faut noter toutefois
que les résultats de ces irrigations sont incertains lorsqu’une
radiothérapie a été mise en oeuvre.
Dans certains cas, il peut être
utile de suggérer au malade de prendre conseil auprès d’une
infirmière spécialisée dans les problèmes d’appareillage : une
formation spéciale est désormais possible pour ces
« stomatothérapeutes ».
De même, une prise de contact avec une
association de stomisés peut efficacement aider à la réhabilitation
sociale et professionnelle de l’opéré (Association française
d’information et d’aide aux stomisés : 26, rue Paufique, 69002, Lyon ;
Fédération des stomisés de France : 187, boulevard Murat, 75016,
Paris).
2- Variantes techniques
:
Les conditions pathologiques qui aboutissent à la confection d’une
colostomie terminale peuvent imposer une résection colique plus ou
moins large : le siège de la colostomie est donc variable.
Deux points
doivent toutefois être soulignés :
– il est important d’essayer de garder la plus grande longueur
possible de côlon afin de diminuer le volume des selles, d’en
augmenter la consistance et de garder une bonne efficacité aux
irrigations coliques : une colostomie transverse droite doit ainsi être
considérée comme peu confortable ;
– le siège de la colostomie dépend certes du segment colique
abouché à la peau, mais les règles générales demeurent : elle doit
être distante des plis et des reliefs osseux.
Ces colostomies
« ectopiques » se font le plus souvent par un trajet direct.
Techniques laparoscopiques
:
Plusieurs articles ces dernières années ont proposé
l’utilisation de la voie d’abord coelioscopique pour la confection
d’une colostomie, soit latérale, soit terminale.
Une telle voie d’abord ne s’envisage bien évidemment que lorsque
la colostomie est un geste isolé : les principales indications en
seraient les maladies inflammatoires colorectales, notamment les
maladies de Crohn compliquées de fistule rectovaginale, et surtout
les lésions tumorales inextirpables.
Cet abord mini-invasif a
également été proposé pour la prise en charge de certains
délabrements traumatiques.
Le technique comporte, en préopératoire, le repérage cutané du site
d’abouchement du côlon, selon les règles décrites ci-dessus.
Le
premier temps est exploratoire, par un trocart optique placé, soit à
l’ombilic, soit dans un flanc, le plus souvent droit, à distance du site
prévu pour la stomie.
Un ou deux trocarts opérateurs sont ensuite
mis en place, l’anse sigmoïde ou le transverse est repéré, sa
mobilité est évaluée.
Une mobilisation du côlon gauche par
décollement du fascia de Toldt gauche peut être faite : le côlon doit
venir très facilement en regard du point choisi pour son
extériorisation.
Une incision pariétale est alors faite et le côlon est
attiré à l’extérieur, soit en colostomie latérale, soit après section par
application d’une agrafeuse linéaire, en colostomie terminale.
L’intérêt de cette technique, outre le bilan assez complet de
l’extension d’une carcinose, vient essentiellement de ce qu’elle
permet, dans certaines situations difficiles, d’évaluer au mieux les
possibilités d’extériorisation et d’éviter, soit une large et
délabrante laparotomie, soit deux incisions (iliaque puis souscostale)
lorsque, en cas d’impossibilité de mobilisation du côlon
sigmoïde, on doit se rabattre sur une colostomie transverse.
Les autres avantages avancés par les promoteurs de la technique
sont plus discutables (bénéfice cosmétique, faible morbidité,
raccourcissement de la durée d’hospitalisation…).
Colostomies continentes
:
A - COLOSTOMIE CONTINENTE AVEC ANNEAU
MAGNÉTIQUE
:
Imaginée à Erlangen en Allemagne par Feustel et Hennig, cette
technique a connu une grande vogue dans les années 1975-1980.
Elle consiste à faire passer le côlon, avant de l’ourler à la peau, à
travers un anneau magnétique posé sur la face antérieure du plan musculoaponévrotique, et isolé de l’intestin par le tissu celluleux ou
le fascia superficiel ourlé à l’aponévrose.
Après maturation de la stomie, la continence est assurée par la pose d’un obturateur
magnétique.
Husemann, revoyant en 1984 les 240 cas de la série d’Erlangen,
constatait que seulement 43 % des opérés étaient satisfaits de cet
appareillage et concluait à son abandon.
On peut rapprocher de cette technique l’usage d’un obturateur
magnétique externe proposé par Baumel en association avec les
irrigations coliques, et qui ne comporte qu’un anneau magnétique
léger connecté à un adhésif fixé sur la peau autour de la stomie.
Cet
obturateur est bien évidemment muni d’un filtre au charbon.
B - COLOSTOMIE CONTINENTE DE KOCH
:
Koch a décrit une technique de colostomie continente dérivée du
principe de son iléostomie : cette technique est inutilisable sur le
côlon gauche en raison de la consistance semi-solide des matières.
Il
s’agit donc surtout de cæcostomies dont Koch a rapporté 30 cas.
Techniquement, le réservoir cæcocolique droit est abouché à la peau
par l’intermédiaire d’une anse iléale invaginée sur elle-même pour
constituer la valve.
Entre les mains de Koch, cette technique
complexe a donné des résultats fonctionnels satisfaisants mais ses
indications paraissent exceptionnelles et très discutables.
C - COLOSTOMIE CONTINENTE PAR AUTOGREFFE
MUSCULAIRE
:
Cette technique, également développée en Allemagne, a été
initialement publiée par Schmidt en 1978.
Elle utilise le principe d’une compression circulaire du côlon en
amont de la colostomie par un anneau de musculeuse colique
prélevé sur la pièce d’exérèse.
Cet anneau de muscle lisse ne semble
pas s’atrophier malgré la dénervation ; il ne se nécrose pas et
s’intègre immédiatement à la vascularisation de voisinage ; enfin, il
conserve ses possibilités de contraction durable et de relâchement
sous l’effet d’une hyperpression en amont.
Selon les promoteurs de
cette technique, les opérés peuvent, après cette intervention
« simple », se passer d’une poche de recueil dans 80 % des cas.
1- Technique de Schmidt
:
Au cours de l’amputation abdominopérinéale du rectum qui
s’effectue de manière habituelle, de préférence à double équipe, on
prélève 8 à 10 cm de côlon sur la pièce réséquée en aval de la section
colique.
Celle-ci est faite par agrafage mécanique, de
manière à éviter tout temps septique lors de l’abaissement du côlon
au périnée.
Le fragment colique est débarrassé de son méso et de
ses franges épiploïques, et placé dans une solution antibiotique
(ornidazole : 2 g).
La présence de diverticules sur le greffon n’est
pas une contre-indication.
Après achèvement de l’amputation du
rectum, l’hémostase de la cavité pelvienne doit être parfaite.
Lors
du temps périnéal, la réalisation d’une colostomie périnéale ne doit
pas modifier les impératifs carcinologiques de l’étendue de l’incision
cutanée et de l’excision des parties molles.
L’angle colique gauche
est mobilisé avec ligature de la veine mésentérique inférieure au
bord inférieur du pancréas, permettant son abaissement sans
traction à la peau du périnée.
Une épiplooplastie est en général
associée, pédiculisée sur l’artère gastroépiploïque gauche en
sectionnant le ligament gastrocolique.
Le greffon colique est préparé en le retournant en « doigt de gant »
sur une bougie de Hégar pour pouvoir le dépouiller de sa muqueuse.
Cette dissection est effectuée au bistouri froid.
Il est
ensuite incisé longitudinalement.
On obtient ainsi un rectangle séromusculaire qui est replié sur lui-même transversalement, face
séreuse en dedans, afin d’obtenir une hauteur de 2 à 3 cm.
Ce
rectangle est fixé sur le côlon abaissé par des points séparés de fil
non résorbable (Prolènet 000), au niveau d’une bandelette, à 2 cm
de l’extrémité distale.
La face musculaire du greffon est
appliquée sur la face séreuse du côlon.
Contrairement à la technique
originale de Schmidt qui entourait le côlon et son méso, le greffon
peut être enroulé en passant à travers une fenêtre mésocolique, afin
d’éviter une compression de l’arcade bordante et une éventuelle
ischémie.
Le passage de la bandelette à travers le mésocôlon peut être facilité
en plaçant deux lacs tracteurs divergents dans une fenêtre
avasculaire.
Le greffon est ensuite étiré au maximum et enroulé sur lui-même autour du côlon, ce qui correspond
habituellement à un tour et demi. Puis il est fixé sur lui-même par
des points séparés de Prolènet.
Schmidt a montré, dans
ses études expérimentales, qu’un fragment de muscle colique se
rétractait à 80 % lorsqu’il était libéré de toutes ses attaches.
C’est
pourquoi le greffon doit être fixé autour du côlon avec une tension
maximale pour qu’il garde sa force de contraction optimale
(60 g/mm2).
Pour éviter une rétraction transversale, les bords
supérieur et inférieur sont également amarrés sous tension à la paroi
colique.
L’extrémité colique est ensuite abaissée au périnée, ouverte et fixée
à la peau par des points séparés.
Chez la femme, la
colostomie doit siéger à égale distance du coccyx et de l’orifice
vulvaire.
L’épiploon est disposé en arrière du côlon abaissé, pour éviter une
adhérence postérieure et une couture préjudiciable au bon
fonctionnement de la colostomie.
Cette épiplooplastie est inutile
lorsque le bassin est étroit et/ou lorsque le mésocôlon est
volumineux.
L’extrémité du côlon doit atteindre le périnée sans
aucune traction, mais il faut éviter qu’une longueur excessive ne
soit abaissée dans le pelvis, cause de hernie périnéale secondaire.
Le
drainage de la cavité pelvienne est assuré par deux drains aspiratifs présacrés extériorisés à la paroi abdominale.
Une sonde de Foley est
laissée en place dans le côlon abaissé afin de faciliter les premières
irrigations.
2- Soins postopératoires
:
Les irrigations coliques font partie intégrante de la technique : elles
sont indispensables pour assurer l’absence de souillures et le confort
des patients.
Elles sont faites avec le matériel d’irrigation habituel des colostomies
iliaques.
Les premières irrigations sont faites dès le 3e ou 4e jour,
sans attendre la reprise du transit, avec une injection quotidienne de
200 mL d’eau tiède sur un patient en décubitus latéral.
On augmente
progressivement les quantités de liquide, et à partir du 9e ou
10e jour, le patient fait lui-même ses irrigations au moyen du cône
de l’irrigateur.
Les irrigations sont quotidiennes pendant les 3 premières semaines.
Ultérieurement, une irrigation de 1 à 1,5 L tous les 2 jours, le matin,
peut être suffisante.
3- Complications
:
À court terme, des désunions cutanées partielles ou des
suppurations périnéales retardent la cicatrisation mais ne compromettent pas le résultat fonctionnel.
Une sténose par un
greffon trop serré peut nécessiter une dilatation pour permettre
l’évacuation complète.
À distance, on peut observer une éventration périnéale,
probablement favorisée par une épiplooplastie trop volumineuse.
Un prolapsus muqueux de la colostomie nécessite rarement une
réfection chirurgicale.
4- Indications
:
Le principal avantage est d’ordre psychologique et réside dans le
respect de l’intégrité corporelle.
Ce souci est primordial dans
certaines ethnies afin d’éviter le rejet par la société des sujets ayant
subi une amputation abdominopérinéale.
La colostomie périnéale permet aussi une surveillance clinique et
éventuellement échoendoscopique afin de dépister précocement des
récidives pelviennes chez l’homme.
Le principal inconvénient réside dans l’impossibilité de tout
appareillage en cas d’échec fonctionnel, ce qui impose une réintervention pour faire une colostomie iliaque gauche.
Ne peuvent bénéficier de la colostomie périnéale pseudocontinente
que des patients parfaitement instruits de son fonctionnement et de
ses résultats au terme de plusieurs entretiens avec le chirurgien,
mais aussi le stomathérapeute et le personnel infirmier.
Ainsi informés, 50 % des patients refusent la technique proposée.
Les contre-indications sont liées au patient et à la tumeur.
Il faut
écarter tous les patients qui, par leur âge avancé, leur contexte
psychique ou social défavorable, paraissent incapables de
comprendre ou d’assumer les irrigations.
L’obésité est un élément
défavorable.
La station assise prolongée pour motif professionnel
n’est pas une contre-indication.
Il faut renoncer à cette technique en cas de tumeur évoluée à haut
risque de récidive locale, donc d’envahissement ou de compression
de la stomie périnéale, ou lorsqu’une radiothérapie postopératoire
apparaît nécessaire.
Les cancers épidermoïdes de l’anus traités par
radiochimiothérapie et exérèse chirurgicale large ne sont pas de
bonnes indications, du fait de la sclérose induite par la
radiothérapie.
Une chimiothérapie adjuvante n’est pas une
contre-indication.