Colectomie gauche par laparoscopie Cours de Chirurgie
Introduction
:
La complexité de la chirurgie colique sous laparoscopie tient à
l’étalement de l’organe dans la cavité abdominale, à la pathologie qui
motive l’intervention et aux séquelles abdominales dues à d’autres
pathologies.
Préparation colique :
La préparation colique poursuit deux objectifs : un côlon propre et des
anses grêles non dilatées.
Un régime sans résidus strict est prévu pendant
8 jours.
L’ingestion de 3 L de polyéthylène glycol est préconisée 48
heures avant l’intervention.
La veille de l’intervention, avant midi, le
patient ingère 1 à 2 L de polyéthylène glycol, si la préparation est
insuffisante.
Il faut éviter les préparations rapides réalisées la veille de
l’intervention qui s’accompagnent souvent d’une dilatation et d’un
oedème du côlon et du grêle.
Technique
:
A - Installation de l’opéré
:
Le patient est en décubitus dorsal, en position de lithotomie, les deux
bras le long du corps.
Une sonde gastrique et une sonde urinaire sont
mises en place.
Le chirurgien s’installe à la droite du patient, le premier
assistant à sa gauche et l’instrumentiste entre les jambes.
Le moniteur
est en face du chirurgien à hauteur de la cuisse gauche de manière à ce
que le chirurgien, le système optique, la pathologie et le moniteur soient
quasiment les points successifs d’un même axe.
Les ciseaux, la canule de lavage-aspiration, la pince à hémostase et la
pince à clips sont rangés dans une pochette placée sur la face externe de
la cuisse droite.
B - Disposition des trocarts et de l’instrumentation
:
Quatre trocarts sont nécessaires à l’intervention :
– le premier trocart de 10 mm (T1) est placé à 1 cm au-dessus de
l’ombilic et permet l’introduction du système optique ;
– un deuxième trocart de 5 mm (T2) est situé dans la fosse iliaque
droite, sur la ligne médioclaviculaire droite ; ce trocart peut être élargi à
12 mmpour permettre l’introduction d’une agrafeuse linéaire coupante ;
– un troisième trocart de 5 mm (T3) est placé sur la ligne médioclaviculaire droite à hauteur de l’ombilic ;
– un quatrième trocart de 5 mm (T4) est placé dans l’hypocondre
gauche, également à la hauteur de l’ombilic, sur la ligne médioclaviculaire gauche.
On peut également insérer un trocart supplémentaire de 5 mm (T5) en sus-pubien, pour réaliser l’agrafage et la minilaparotomie d’extraction.
Le trocart (T2) permet l’introduction de ciseaux (Ci-2), ou du crochet
coagulateur (CR-2) qui sera tenu par la main droite du chirurgien. Le
trocart (T3) sert à la pince à préhension, qui sera tenue par la main
gauche du chirurgien (PF-3).
Le trocart (T4) dans l’hypocondre gauche
permet l’introduction d’une pince atraumatique (PAT-4).
Le trocart (T2) de 5 mm est remplacé par un trocart de 12 mm pour
permettre l’introduction de l’agrafeuse linéaire.
La minilaparotomie
d’extraction se réalise, soit en sus-pubien, soit au niveau de ce trocart
(T2).
C - Exploration de la cavité abdominale
:
Si l’on suspecte des difficultés à la localisation laparoscopique de la
tumeur, une colonoscopie peropératoire ou un marquage endoscopique
préalable au bleu de méthylène ou à l’encre de Chine, peuvent être
réalisés.
Les inconvénients de la colonoscopie peropératoire sont la
disponibilité de l’équipe endoscopique et l’insufflation du côlon,
limitant l’espace de vision.
Après avoir identifié la tumeur, le système
optique balaie la cavité abdominale, examinant tour à tour l’aspect du
péritoine, des viscères et du foie.
D - Exposition du côlon gauche
:
Le patient est placé en léger Trendelenburg de 10° avec un roulis de 20°
vers la droite. Le chirurgien reste à la droite du patient ou se place entre
les jambes.
Le grand épiploon est retourné sur l’estomac et placé au dessus du lobe
hépatique gauche, laissant apparaître le côlon transverse.
Le patient est
alors placé progressivement dans une position deTrendelenburg jusqu’à
30°.
Les anses grêles sont refoulées et rangées en sus-mésocolique
jusqu’à exposer l’ensemble du mésocôlon, le troisième duodénum et
l’angle de Treitz.
Si la simple position du patient ne permet pas d’exposer le mésocôlon
jusqu’à l’angle de Treitz, les anses grêles et le côlon transverse gauche
peuvent être « coincés » par l’artifice suivant : une pince à préhension
placée dans le trocart (T4) saisit le grêle proximal, 20 à 30 cm sous
l’angle de Treitz.
Le grêle est positionné en avant du jéjunum et du côlon
transverse gauche, réalisant une sangle qui peut maintenir en position
haute les premières anses grêles grâce à l’angulation de la pince
avec le plan de travail.
L’exposition du pelvis nécessite le maintien en position haute du grêle
terminal et du cæcum.
En cas de difficulté, une pince à préhension,
placée dans un trocart supplémentaire (T5), introduit sur la ligne médioclaviculaire droite, 8 à 10 cm au-dessus du trocart (T3), saisit le
grêle distal 20 à 30 cm de la valvule de Baulin et le tire vers
l’hypocondre droit réalisant une sangle qui maintient les dernières anses
grêles et le cæcum dans la fosse iliaque droite.
Chez la femme, l’exposition du pelvis est favorisée par une suspension
utérine au moyen de fils tracteurs transcutanés sus-pubiens.
L’exposition de l’ensemble du côlon gauche depuis le côlon transverse
gauche jusqu’au haut rectum est impossible en un temps.
Il faut
décomposer le côlon gauche en deux régions : l’angle colique gauche,
le côlon gauche, et le rectosigmoïde.
E - Principe de la colectomie gauche
:
Le principe de la colectomie gauche est le même en cas de cancer ou de diverticulite et consiste à :
– décoller le fascia de Toldt et le fascia périrecti ;
– disséquer la gouttière pariétocolique gauche ;
– sectionner la réflexion péritonéale du cul-de-sac de Douglas ;
– sectionner le mésorectum et le rectum distalement ;
– sectionner le côlon proximalement.
Pour réaliser le décollement des fascias, il est nécessaire de :
– sectionner le feuillet péritonéal le long de l’aorte ;
– sectionner l’artère et la veine mésentériques inférieures ;
– sectionner les branches nerveuses issues du plexus et qui innervent le mésocôlon.
F - Incision du feuillet péritonéal du mésocôlon
:
Le feuillet péritonéal de la racine du mésocôlon gauche est soulevé par
la pince PAT-4.
Le feuillet est incisé au ciseau Ci-2 de bas en haut, à
partir du promontoire, puis le long de l’aorte jusqu’au troisième
duodénum.
L’incision s’oriente ensuite sur 2 à 3 cmvers l’angle colique
gauche, découvrant ainsi la veine mésentérique inférieure que l’on
devine à travers le péritoine émergeant sous le rebord inférieur du
pancréas.
G - Ligature de l’artère et de la veine
mésentériques inférieures :
La pince à préhension (PAT-4) introduite saisit le mésosigmoïde et le
relève vers le haut et la gauche du patient, ce qui fait saillir dans la graisse
du mésocôlon la corde artérielle et veineuse.
La racine de l’artère
mésentérique inférieure est alors visible en général 1 à 3 cm sous le
troisième duodénum, la pince PAT-4 prend la berge péritonéale en regard
de l’artère.
En cas de lésion bénigne située bas, ne nécessitant pas la mobilisation
de l’angle colique gauche, le contrôle de l’artère est réalisé en dessous
de l’artère colique gauche.
Si le patient est obèse, l’artère est isolée au
crochet coagulateur.
Lors de cette dissection, on prend garde de pariétaliser le plexus nerveux et de ne prélever que les ganglions
périartériels.
Un porte aiguille (PA2) introduit un fil résorbable 2.0.
La
main gauche du chirurgien tient la pince fine introduite en T3 (PF-3).
L’artère est liée par deux noeuds au fil résorbable, renforcés par des clips
métalliques (PC-2).
La veine mésentérique est sectionnée entre des clips au ras du bord
inférieur du pancréas.
H - Décollement du fascia de Toldt
:
Contrairement à la chirurgie ouverte, on ne débute pas par le
décollement de la gouttière pariétocolique gauche pour deux raisons.
D’une part, le côlon ainsi libéré se médialiserait et occuperait le champ
opératoire laparoscopique.
D’autre part, l’axe de vision vient non pas,
comme le regard, du haut, mais de la droite du patient.
Il serait donc nécessaire d’aller voir « derrière » pour décoller le mésocôlon à ce
niveau.
La voie la plus simple est au contraire de laisser le côlon inséré
au niveau de la gouttière pariétocolique gauche, de saisir le feuillet
péritonéal du mésocôlon à l’endroit de la ligature première des vaisseaux
mésentériques, de relever celui-ci par la pince PAT-4 et de progresser
dans le plan de clivage du fascia deToldt devant soi, selon un axe oblique
de droite à gauche et de haut en bas.
Pour ouvrir le fascia de Toldt, il
suffit de ne laisser en haut que le feuillet péritonéal, les veines, les artères
et l’innervation du mésocôlon gauche et du mésosigmoïde.
Les
vaisseaux génitaux, l’uretère et la loge rénale sont abaissés
successivement.
Une « tente » se crée ainsi progressivement, dont le
sommet est la pince PAT-4.
La limite supérieure du décollement est le bord inférieur du pancréas.
La limite gauche est la gouttière pariétocolique gauche.
Lors de la dissection du fascia de Toldt vers le bas, on se heurte, avant
d’arriver dans le fascia périrecti, aux branches du plexus nerveux qui
innervent le côlon gauche et le côlon sigmoïde qu’il faut sectionner.
I - Décollement du fascia périrecti
:
Au niveau du promontoire, le fascia périrecti est décollé.
Le plan de
décollement du fascia périrecti est dans la continuité du plan de
décollement du fascia de Toldt.
Il est difficile à trouver, si on aborde
la dissection directement au niveau du promontoire, sans
décollement préalable du fascia de Toldt ; on rentre alors facilement
dans l’espace présacré.
On progresse entre le feuillet viscéral du mésorectum et le feuillet pariétal qui recouvre les nerfs
hypogastriques droit et gauche, qui sont repérés et pariétalisés durant
la dissection.
J -
Incision de la gouttière pariétocolique gauche
:
La pince PAT-4 refoule la boucle sigmoïdienne vers l’hypocondre droit.
La réflexion péritonéale est saisie par la pince PF-3 qui exerce une contre-traction.
On sectionne aux ciseaux Ci-2 le feuillet péritonéal, des
vaisseaux iliaques du promontoire à l’angle splénique en rejoignant le
décollement du fascia de Toldt déjà réalisé.
La boucle sigmoïdienne est
alors entièrement mobile.
L’incision est ensuite orientée vers le bas, sur
la face gauche du rectum.
Il faut faire attention, à ce niveau, à l’uretère
gauche.
La dissection rejoint le fascia périrecti à la gauche du rectum.
K - Incision de la réflexion péritonéale au niveau
du cul-de-sac de Douglas
:
La pince PAT-4 attire le haut rectum vers le haut.
La pince PF-3 saisit le
feuillet péritonéal qui recouvre la vessie et refoule celle-ci.
La réflexion
péritonéale est sectionnée de droite à gauche.
L’espace prérectal, limité
par le côlon et l’aponévrose de Denonvilliers, est alors ouvert et libère
davantage la paroi antérieure du rectum.
L - Dissection du mésorectum
:
À la limite choisie pour la transsection basse, la dissection dégage la
musculeuse sur tout le pourtour du rectum.
Cette dissection peut se faire
aux ciseaux, au crochet coagulateur ou aux ciseaux à ultrasons.
Les
vaisseaux hémorroïdaux supérieurs sont, soit coagulés, soit clippés.
M - Transsection du rectum
:
Le trocart (T2) de 5 mm au niveau de l’épine iliaque antérosupérieure
est remplacé par un trocart de 12 mm, par lequel est introduite
l’agrafeuse linéaire coupante.
Celle-ci peut également être introduite en sus-pubien, si la pince linéaire est angulable.
Il faut en effet que l’axe du
côlon ou du rectum soit perpendiculaire à la pince coupante linéaire.
Si
ce n’est pas le cas, la mise en place du viscère dans l’instrument peut
être difficile.
N - Mobilisation de l’angle gauche
:
1- Anatomie laparoscopique de l’angle colique gauche
:
Cette mobilisation permet un allongement et un abaissement de l’angle
colique gauche pour réaliser une anastomose sans tension.
L’abaissement de l’angle colique gauche peut être réalisé, soit en
libérant l’angle gauche de ses attaches antérieures et latérales, soit en
associant une section de la racine du mésocôlon gauche en respectant
l’artère colica média en fonction des besoins.
La libération et la
mobilisation de l’angle colique gauche peuvent être réalisées, de dedans
en dehors, ou de dehors en dedans.
2- Mobilisation de dedans en dehors
:
La libération des attaches postérieures se fait après ouverture du fascia
de Toldt.
Le décollement postérieur se fait donc de dedans en
dehors, en soulevant la racine du mésocôlon gauche à l’aide de la pince
PAT-4 et en réclinant vers l’arrière le fascia prérénal, puis la face
antérieure du pancréas.
Il faut se méfier d’une dissection trop postérieure
qui risque d’ouvrir l’espace rétropancréatique.
La dissection du fascia de Toldt se prolonge le long du bord inférieur
du pancréas jusqu’à l’angle splénique et la gouttière pariétocolique
gauche.
L’arrière-cavité peut être ouverte en sectionnant le feuillet
supérieur du mésotransverse.
La suite de la dissection nécessite un
changement de la position du patient et du chirurgien.
Le patient est
placé dans une position horizontale ou d’anti-Trendelenburg.
Le
roulis de 20° est maintenu.
Le chirurgien se place entre les jambes
ou reste à droite.
Le décollement coloépiploïque est réalisé depuis le tiers gauche du côlon
transverse vers l’angle splénique grâce aux ciseaux Ci-4.
L’ouverture
de l’arrière-cavité des épiploons est indispensable pour éviter une
dissection dans le mésocôlon transverse avec risque de
dévascularisation du côlon transverse.
Pour réaliser ce temps opératoire,
le grand épiploon est relevé vers le haut par la pince PAT-3 (tenue par A,
main gauche) et le côlon transverse tiré vers le bas par la pince PAT-2
(tenue par C, main gauche).
La section de bas en haut de la gouttière pariétocolique gauche du
ligament phrénocolique gauche et splénocolique termine la libération de
l’angle colique gauche.
3- Mobilisation de dehors en dedans
:
Le patient est placé dans une position horizontale ou d’anti-
Trendelenburg modéré, le roulis de 20° est maintenu. Le chirurgien
se place entre les jambes.
La main droite du chirurgien tient les
ciseaux introduits en T4 (Ci-4).
La pince à préhension PAT-2, tenue
par la main gauche, attire l’angle gauche du côlon vers le bas et la
droite du patient.
Si l’on souhaite simplement libérer l’angle colique gauche en vue d’une
résection segmentaire limitée (polype bénin), dont on ne connaît pas les
limites, on commence par sectionner le ligament coloépiploïque de
droite à gauche (depuis la partie médiane du côlon transverse), puis on
ouvre la gouttière pariétocolique et le ligament phrénocolique gauche
de bas en haut, pour finir par le décollement du fascia de Toldt, en
réclinant l’angle gauche du côlon vers la fosse iliaque droite grâce à la
pince PAT-2.
O - Section du mésocôlon gauche
:
À hauteur de la limite choisie pour la transsection haute, on incise le mésocôlon gauche jusqu’à l’arcade bordante.
Ceci évite des tractions sur
le méso lors de l’extraction du côlon par la minilaparotomie et augmente
la laxité du côlon qui peut mieux se déplier.
La préparation complète de
la zone anastomotique du côlon proximal est réalisée à l’extérieur de
l’abdomen.
P - Extraction et résection de la tumeur
:
Une minilaparotomie est réalisée au niveau de la fosse iliaque droite ou
en sus-pubien, à l’emplacement des trocarts (T2) ou (T6).
Une housse
de protection tapisse la paroi de la minilaparotomie, le segment de côlon
pathologique est extrait.
On peut lier l’arcade bordante et dégager le
pourtour séreux proximal en dehors de l’abdomen.
Le côlon est
sectionné et réséqué.
L’enclume d’une agrafeuse circulaire est introduite dans l’extrémité
colique proximale, la bonne vascularisation des berges de la section est
contrôlée.
Les berges sont fermées par un surjet en bourse avant d’être
réintroduites dans l’abdomen.
La minilaparotomie est refermée plan par
plan.
Q - Anastomose
:
L’agrafeuse circulaire est introduite par voie transanale.
La
perforation rectale transsuturaire, l’encliquetage et l’agrafagesection,
ainsi que l’extraction de la pince et l’examen des deux
collerettes coliques, sont des étapes identiques à celles de la chirurgie
ouverte.
L’anastomose doit être sans tension, bien vascularisée et l’on vérifie que
le côlon est hermétique par injection d’air dans le rectum, après avoir
irrigué le pelvis avec du sérum physiologique.
R - Suites opératoires
:
L’aspiration gastrique est enlevée après le réveil.
L’alimentation orale
est reprise au deuxième jour postopératoire et la sortie autorisée au
cinquième jour postopératoire.