Classification des leucémies aiguës. Apport des propositions de l’Organisation mondiale de la santé Cours
d'hématologie
Introduction
:
La nouvelle classification des leucémies aiguës (LA) proposée par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) intègre des données
génétiques et cliniques aux données morphologiques et immunophénotypiques déjà utilisées dans les précédentes
classifications du groupe French-American-British (FAB) et du
European Group for the Immunological Characterization of
Leukemias (EGIL).
Ainsi sont prises en considération la valeur
pronostique de certaines anomalies génétiques, qui est désormais
bien établie, et l’existence d’un traitement cytotoxique antérieur ou
d’un antécédent de myélodysplasie qui conditionne le devenir de
l’affection.
Des entités ayant des caractéristiques morphologiques, immunophénotypiques, génétiques et cliniques particulières ont
ainsi été définies.
Pour les cas qui ne répondent à ces critères, le
recours aux classifications actuellement en cours (FAB et EGIL) est
nécessaire.
Leucémies aiguës lymphoïdes (LAL) :
A - GÉNÉRALITÉS :
Le diagnostic de LAL a été longtemps basé sur la simple
morphologie « lymphoïde » des blastes et la négativité de la
myéloperoxydase (MPO), enzyme spécifique des cellules myéloïdes.
La classification morphologique FAB reconnaissait trois groupes : L1,
L2 et L3.
Hormis le groupe L3 (LAL à cellules de type Burkitt) bien
individualisé, la distinction L1/L2 s’est révélée peu opérationnelle,
si ce n’est pour reconnaître les LAL typiques de l’enfant de type L1,
le groupe L2, sous réserve de la nature lymphoïde des cellules, étant
plus fréquent chez l’adulte.
La mise en évidence par cytométrie en flux de marqueurs cellulaires (membranaires et intracytoplasmiques)
a permis d’affirmer la nature lymphoïde des blastes et
d’individualiser différents sous-groupes.
Ces constatations
constituent la base de la classification immunophénotypique de
l’EGIL, largement utilisée aujourd’hui et qui reconnaît
quatre sous-groupes au sein des LAL B et quatre sous-groupes au
sein des LAL T ; au sein de ces groupes sont individualisés les cas
dont les blastes coexpriment un marqueur myéloïde (LAL My +).
Les cellules impliquées dans ces proliférations sont un précurseur B
ou un précurseur T (lymphoblaste) bloqué à un stade donné de la
maturation lymphoïde.
Les LAL sont plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte : 75 %
environ des cas rapportés surviennent chez des patients de moins
de 18 ans, avec un pic de fréquence entre 2 et 5 ans.
Les LAL B
représentent 75 % des cas chez l’enfant, les LAL T 25 % environ.
Chez l’adulte, le taux des LAL T est plus faible ; il se situe aux
alentours de 15 %.
Le tableau clinique des LAL B associe des signes
généraux, des signes liés à la pancytopénie, des douleurs osseuses
qui peuvent être inaugurales et un syndrome tumoral modéré.
Les LAL T sont plus souvent hyperleucocytaires, et présentent
fréquemment un syndrome tumoral important touchant le médiastin
et une atteinte du système nerveux central.
B - RECOMMANDATIONS DE L’OMS D’ORDRE GÉNÉRAL
:
Elles actualisent la classification FAB sur la base de données admises
aujourd’hui.
– La distinction morphologique L1/L2 de la classification FAB est
supprimée, puisque sa valeur prédictive par rapport à
l’immunophénotype ou à certaines anomalies génétiques, ainsi que
sa valeur pronostique indépendante, n’ont pas pu être démontrées.
Cependant, les caractéristiques morphologiques des blastes des LAL
de type L1 sont à reconnaître car elles permettent dans la majorité
des cas de prévoir le caractère lymphoïde des blastes : taille petite à
moyenne, faible extension cytoplasmique, encoches nucléaires,
chromatine peu dense, de structure homogène et rarement nucléolée.
Dans d’autres cas (étiquetés L2), l’aspect très indifférencié des blastes
ne permet pas de les distinguer de blastes myéloïdes.
– Le terme de lymphome lymphoblastique B ou T est utilisé chez
des patients qui se présentent avec une atteinte médullaire minime
ou modérée (blastose médullaire < 25 %).
– La catégorie L3, LAL à cellules de type Burkitt, est désormais
considérée comme une phase leucémique du lymphome de Burkitt
chez les patients présentant une maladie à forte masse tumorale.
De
rares patients, qui ont une présentation purement leucémique avec
atteinte médullaire et sanguine, peuvent être considérés comme des
LA au sens strict.
C - CLASSIFICATION DES LEUCÉMIES AIGUËS
LYMPHOÏDES SUR LA PRÉSENCE D’ANOMALIES
GÉNÉTIQUES RÉCURRENTES :
1- Leucémies aiguës lymphoïdes hyperdiploïdes à plus
de 50 chromosomes (entre 51 et 64)
:
Leur fréquence est estimée à 20-25 % des LAL chez l’enfant (surtout
entre 2 et 10 ans) et à 4-9 % chez l’adulte.
Il s’agit le plus souvent de LAL communes (BII) non hyperleucocytaires, dont le bon pronostic
chez l’enfant est maintenant établi.
2- Leucémies aiguës lymphoïdes hypodiploïdes à moins
de à 45 chromosomes
:
Leur fréquence est estimée à 5 % environ, aussi bien chez l’enfant
que chez l’adulte.
Il s’agit habituellement de LAL B communes (BII)
mais parfois aussi de LAL T dans 20 % des cas.
Le mauvais pronostic
de ces formes est reconnu.
3- Leucémies aiguës lymphoïdes B avec t(12;21)
(p13;q22)
:
Cette forme est fréquente chez l’enfant.
Elle concerne en effet 25 %
des cas de LAL B de l’enfant, alors que les cas rapportés chez
l’adulte sont très rares.
Le pronostic est favorable, avec une survie
prolongée dans plus de 90 % des cas.
Il s’agit le plus souvent de LAL communes (BII) avec un marqueur myéloïde CD13 ou CD33
fréquemment associé.
La translocation (12;21) résulte de la
fusion du gène TEL sur le bras court du chromosome 12 et du gène
AML1 sur le bras long du chromosome 21.
Cette anomalie n’est pas
détectée en cytogénétique conventionnelle mais par les techniques
d’analyse moléculaire ; elle n’est pas associée à une hyperdiploïdie.
4- Leucémies aiguës lymphoïdes B avec t(1;19)
(q23;p13.3)
:
Elle est mise en évidence dans 25 % des LAL pré B (BIII) ; elle
représente 6 % des cas de LAL B chez l’enfant et environ 3 % chez
l’adulte.
Avec les traitements actuels, le caractère pronostique péjoratif
de cette anomalie qui avait été constaté n’a pas été confirmé.
La
translocation (1;19) résulte de la fusion du gène E2A sur le bras court
du chromosome 19 et du gène PBX sur le bras long du chromosome 1.
5- Leucémies aiguës lymphoïdes B avec t(9;22)
(q34;q11.2)
:
Cette forme est fréquente chez l’adulte, chez qui elle représente
environ 30 % des cas de LAL, alors qu’elle est rare chez l’enfant (de
3 à 4 %).
Il s’agit le plus souvent de LAL communes (BII), parfois
pré-B (BIII) ou plus rarement pro-B (BI) dont les blastes coexpriment,
dans plus de la moitié des cas, un ou plusieurs marqueurs myéloïdes
(LAL B My +).
Malgré les traitements intensifs par chimiothérapie
suivie rapidement d’une transplantation médullaire dont bénéficient
ces patients, le taux de rechutes reste très élevé et le pronostic
sombre.
La translocation (9;22) résulte de la fusion du gène BCR sur
le bras long du chromosome 22 et du gène ABL sur le bras long du
chromosome 9.
Dans la moitié des cas, le transcrit de fusion (BCRABL)
est une protéine (p210) identique à celle de la leucémie myéloïde chronique.
Dans les autres cas, le transcrit de fusion (BCRABL)
est une protéine (p190) de plus bas poids moléculaire.
6- Leucémies aiguës lymphoïdes B avec anomalies
du gène MLL (11q23)
:
Sa fréquence chez l’enfant est estimée à 2-3 %, mais elle constitue
60 % environ des LAL B de l’enfant de moins de 1 an. Chez l’adulte,
sa fréquence est de l’ordre de 3 à 6%.
Ces patients sont souvent hyperleucocytaires et le profil immunophénotypique est de type
pro-B (BI) avec un marqueur myéloïde, CD15 et/ou CD65.
La survie
des patients est significativement plus courte que dans les LAL B
sans anomalie du gène MLL.
Le gène MLL, situé sur le bras long du
chromosome 11, est impliqué dans un nombre élevé de
translocations ; la plus fréquente d’entre elles est la translocation
(4;11) (q21;q23) qui résulte de la fusion du gène MLL et du gène
AF4 sur le bras long du chromosome 4.
7- Leucémies aiguës lymphoïdes à cellules de Burkitt :
Les formes leucémiques pures sont rares et ont été jusqu’à présent
analysées avec les formes à forte masse tumorale que l’OMS
individualise comme phases leucémiques de lymphome de Burkitt.
Le diagnostic est fortement suspecté sur la morphologie des blastes
(taille moyenne, cytoplasme fortement basophile et vacuolé,
chromatine peu dense, nucléole visible) et sur leur nature lymphoïde
B mature (BIV).
Dans tous les cas, le diagnostic est affirmé par la
mise en évidence de la t(8;14) (q24;q32) ou ses variantes t(2;8) ou
t(8;22).
8- Leucémies aiguës lymphoïdes T avec t(5;14) (q35;q32) :
Cette translocation n’est pas détectée en cytogénétique
conventionnelle, mais par des techniques d’hybridation in situ avec
des sondes fluorescentes ; elle est associée à l’expression anormale
du gène Hox11L2.
Cette anomalie est présente dans 25 % des LAL T
de l’enfant et semble associée, dans les formes hyperleucocytaires, à
un plus mauvais pronostic que celui des LAL T Hox11L2 négatifs.
Cette catégorie, décrite récemment, ne figure pas dans la
classification OMS.
D - LEUCÉMIES AIGUËS LYMPHOÏDES SANS ANOMALIES
GÉNÉTIQUES SIGNIFICATIVES :
D’autres anomalies cytogénétiques sont mises en évidence dans les
LAL, mais elles ne sont pas associées à des entités particulières.
Il
existe en outre des LAL B ou T pour lesquelles aucune anomalie
génétique n’est actuellement détectée.
Leucémies aiguës myéloïdes (LAM) :
La LAM est une expansion clonale de blastes myéloïdes.
C’est une
pathologie, tous âges confondus, plus fréquente que la LAL (70 %
des cas de LA sont myéloïdes) et qui touche surtout les adultes.
Elle
représente de 75 à 80 % des cas de LA chez l’adulte et de 15 à 20 %
chez l’enfant.
Les différents types de LAM, dont les corrélations cliniques étaient
reconnues, reposaient initialement et encore aujourd’hui sur des
critères morphologiques (FAB).
Les caractéristiques immunophénotypiques ont permis de mieux caractériser les
leucémies d’aspect indifférencié et de « reconnaître » les leucémies
biphénotypiques ou biclonales.
La mise en évidence d’anomalies
génétiques spécifiques de certains types de leucémies, qu’elles soient
aiguës (LAM) ou « non aiguës » (syndromes myélodysplasiques), a
abouti aux nouvelles propositions de l’OMS qui sont basées sur :
– l’intégration des anomalies génétiques récurrentes ;
– la prise en considération des signes de dysplasie de la maturation
myéloïde ;
– la prise en considération du contexte clinique : antécédent de
syndrome myélodysplasique ou de traitements préalables
(chimiothérapie ou radiothérapie) ;
– le seuil de la blastose à 20 % pour le diagnostic de LA (et non plus
30 % comme dans la classification FAB) ; il a en effet été démontré
que le pronostic des patients dont la blastose se situait entre 20 et
30 % et classés selon le système FAB en syndrome myélodysplasique
de type anémie réfractaire avec excès de blastes en transformation
(AREB-T) était similaire à celui des LAM avec un taux de blastes
supérieur à 30 % .
Quatre groupes principaux sont ainsi reconnus.
A - LEUCÉMIES AIGUËS MYÉLOÏDES AVEC ANOMALIES
GÉNÉTIQUES RÉCURRENTES :
1- Leucémie aiguë myéloïde avec t(8;21) (q22;q22)
:
Elle représente de 5 à 10% des cas de LAM de l’adulte et de 6 à
19 % des cas de LAM de l’enfant.
Comme dans la plupart des LAM,
le tableau clinique est dominé par les signes d’insuffisance
médullaire ; la leucocytose est le plus souvent modérée et
s’accompagne parfois d’un syndrome tumoral extramédullaire, en
particulier un chlorome, qui peut être inaugural de la maladie ou
survenir durant l’évolution.
Une bonne réponse aux traitements par
chimiothérapie et un taux élevé de rémission caractérise ces LAM.
Sur le plan morphologique, il s’agit typiquement de LAM dite « avec
maturation » (LAM2) qui associe aux blastes des éléments anormaux
de maturation granuleuse jusqu’aux polynucléaires.
Cette LAM se
distingue morphologiquement des autres LAM avec maturation sans
t(8;21) par l’aspect particulier des blastes, le type de dysgranulopoïèse et l’absence de composante monocytaire.
Quelques cas de myélodysplasie de type AREB et de LAM avec
différenciation monocytaire avec t(8;21) ont été rapportés.
La
translocation (8;21) résulte de la fusion du gène ETO sur le bras long
du chromosome 8 et du gène AML1 sur le bras long du chromosome
21.
2- Leucémie aiguë myéloïde avec inv 16 (p13;q22)
ou t(16;16) (p13;q22)
:
Elle représente de 10 à 12 % des cas de LAM et survient aussi bien
chez l’enfant que chez l’adulte.
Chez ces patients souvent hyperleucocytaires, une bonne réponse aux traitements par
chimiothérapie et un fort pourcentage de rémission complète est
observé.
Les localisations neuroméningées lors des rechutes ne sont
pas rares.
Sur le plan morphologique, il s’agit, dans sa forme
typique, d’une LAM avec composante monocytaire (leucémie aiguë
myélomonocytaire) associée à une maturation éosinophile
médullaire anormale dont le taux peut varier de 3 à 30% (M4 Eo).
L’inversion 16 et la translocation (16;16) résultent de la fusion
du gène CBFb sur le bras court du chromosome 16 et du gène
MYH11 sur le bras long du chromosome 16.
3- Leucémie aiguë myéloïde promyélocytaire avec t(15;17)
(q22;q12) :
Elle représente de 5 à 8% des cas de LAM et prédomine chez
l’adulte d’âge moyen.
Le diagnostic est suspecté cliniquement sur l’existence d’un
syndrome hémorragique cutanéomuqueux associé
à un syndrome biologique de coagulation intravasculaire
disséminée.
La leucopénie est habituelle, avec une neutropénie
profonde et de rares blastes circulants, mais des formes hyperleucocytaires sont parfois observées.
Les caractéristiques
morphologiques des blastes sont bien établies avec, dans sa forme
typique (M3 de la classification FAB), la présence de cellules
blastiques hypergranuleuses considérées comme plus mûres que les
myéloblastes et dont les promyélocytes pourraient représenter
l’équivalent normal, d’où le terme de « promyélocytaire ».
L’introduction de l’acide tout-transrétinoïque, agent différenciant les
cellules myéloïdes, en association avec les drogues utilisées
habituellement dans les protocoles thérapeutiques des LAM, a
permis d’améliorer le pronostic des LAM avec t(15;17).
Certaines
formes plus rares, de diagnostic plus délicat car les cellules blastiques sont peu granuleuses et plus indifférenciées, sont dites
hypogranulaires (M3 variante de la classification FAB) ; elles sont
très souvent hyperleucocytaires et de plus mauvais pronostic.
La
translocation (15;17) résulte de la fusion du gène PML sur le bras
long du chromosome 15 et du gène RARa sur le bras long du
chromosome 17.
Des variants cytogénétiques ont été décrits, en
particulier la translocation (11;17).
4- Leucémie aiguë myéloïde avec anomalies du gène MLL (11q23)
:
Elle représente de 5 à 6% des cas de LAM.
Malgré la même
anomalie génétique, deux sous-groupes cliniques peuvent être
distingués, la forme du jeune enfant et la forme de l’adulte
généralement chimio-induite.
Ces leucémies sont souvent hyperleucocytaires et présentent des localisations extramédullaires,
cutanées, gingivales ou neuroméningées.
Il s’agit le plus souvent de
LAM à différenciation monocytaire (LAM5a ou b). Le gène
MLL, situé sur le bras long du chromosome 11, est impliqué, comme
dans les LAL, dans un nombre élevé de translocations avec des
partenaires différents, les plus fréquentes étant les translocations
(9;11), (11;19) ou (6;11).
B - LEUCÉMIES AIGUËS MYÉLOÏDES AVEC SIGNES
DE DYSPLASIE SUR PLUSIEURS LIGNÉES :
Il s’agit soit d’une LAM de novo avec maturation granuleuse et/ou
monocytaire (M2 ou M4), soit de l’acutisation d’un syndrome
myélodysplasique reconnu antérieurement.
Les signes de dysplasie
sont présents sur au moins deux lignées myéloïdes et plus
particulièrement la lignée mégacaryocytaire.
Les signes
de dysplasie, pour être pris en considération, doivent être
suffisamment marqués et donc présents sur au moins 50 % des
cellules. Cette appréciation semi-quantitative, souvent difficile à
objectiver, mérite d’être évaluée au sein de travaux coopératifs.
Cette
nouvelle catégorie inclut les cas d’AREB-T de la classification FAB,
syndromes myélodysplasiques dont le taux de blastes est compris
entre 20 et 30 %, les LAM 6 du FAB, et les LAM 2 ou LAM 4 avec
des signes de dysplasie portant sur une autre lignée que la lignée
granuleuse, en particulier la lignée mégacaryocytaire.
Les anomalies
génétiques sont souvent similaires à celles observées dans les
syndromes myélodysplasiques : gain ou perte de segments de
chromosomes, comme une monosomie (ou délétion) des
chromosomes 5 ou 7, une trisomie 8, 9 ou 11, ainsi que des anomalies
impliquant le bras long du chromosome 3 (3q21 ou 3q26).
Des
anomalies génétiques de même type sont à l’origine de syndromes myélodysplasiques qui vont se distinguer de ces LA avec dysplasie
uniquement par une blastose inférieure à 20 %.
C - LEUCÉMIES AIGUËS MYÉLOÏDES SECONDAIRES À UN
TRAITEMENT CYTOTOXIQUE PAR CHIMIOTHÉRAPIE
OU RADIOTHÉRAPIE
:
Deux groupes de LAM sont reconnus en fonction du type de
traitement préalable.
1- Leucémies aiguës myéloïdes secondaires à un
traitement alkylant ou à une irradiation
:
Elles surviennent généralement 5 à 6 ans après l’exposition à l’agent
mutagène.
Il s’agit dans la plupart des cas de LAM avec signes de
dysplasie sur plusieurs lignées (granuleuse neutrophile et basophile, mégacaryocytaire et surtout érythroblastique), parfois de LAM avec
maturation (M2) et plus rarement de LAM avec composante
monocytaire ou de LAM promyélocytaire (M3).
Les anomalies
génétiques sont les mêmes que celles rencontrées dans les LAM avec
dysplasie de plusieurs lignées.
2- Leucémies aiguës myéloïdes secondaire à un
traitement par un inhibiteur de la topo-isomérase II :
Elles sont généralement précédées d’une phase de myélodysplasie.
Elles sont caractérisées par une composante monocytaire importante
(M4 ou M5).
L’anomalie génétique la plus fréquente concerne
alors le gène MLL sur le chromosome 11q23. D’autres
types de LAM ont été rapportés : LAM avec t(8;21), t(15;17), t(6;9)
ou t(8;16).
D - AUTRES TYPES DE LEUCÉMIES AIGUËS :
Ils regroupent tous les cas qui n’ont pas les critères pour être inclus
dans les groupes précédents.
L’OMS propose alors de recourir aux
critères classiques morphologiques, ce qui revient à une proposition
calquée sur la classification FAB (la numérotation étant supprimée)
avec comme différence essentielle un taux de blastes supérieur ou
égal à 20 %, les cas comportant moins de 20 % de blastes étant
rattachés aux syndromes myélodysplasiques.
1- Leucémie aiguë myéloïde peu différenciée (LAM0) :
Elle représente 5 % des cas de LAM et survient le plus souvent chez
l’adulte.
C’est une LA sans signes morphologiques de différenciation
myéloïde (absence de granulations ou de corps d’Auer) ou cytochimiques (peroxydases négatives).
La nature myéloïde des
blastes est démontrée par l’étude immunophénotypique avec
expression de marqueurs myéloïdes sans expression de marqueurs
lymphoïdes.
2- Leucémie aiguë myéloïde sans maturation (LAM1) :
Elle représente 10 % des cas de LAM avec une moyenne d’âge de
46 ans.
Les signes d’insuffisance médullaire dominent le tableau
clinique ; le taux de blastes circulants est très variable.
Le pronostic
de ces formes n’est pas très bon, surtout celui des formes hyperleucocytaires.
La blastose médullaire est élevée (³ 90 % des
cellules non érythroblastiques), sans évidence de maturation
myéloïde (< 10 %) à partir du promyélocyte et au-delà.
Les blastes
ont souvent des granulations cytoplasmiques ou des corps d’Auer
.
Dans les formes plus indifférenciées, la mise en évidence de
la MPO (par cytochimie ou par cytométrie en flux) permet d’affirmer
la nature myéloïde des blastes.
3- Leucémie aiguë myéloïde avec maturation (LAM2) :
Elle représente de 30 à 45 % des LAM et survient à tous les âges.
Elle est caractérisée par une blastose supérieure ou égale à 20 %
associée à une maturation granuleuse (> 10 %) montrant à des degrés divers des signes de dysplasie.
La monocytose peut être
présente, mais elle est modérée (< 20 %).
Les érythroblastes et les
mégacaryocytes sont peu dystrophiques.
Dans environ un tiers des
cas, le caryotype met en évidence une t(8;21).
4- Leucémie aiguë myélomonocytaire (LAM4)
:
Elle représente de 15 à 25 % des cas de LAM, et survient chez
l’adulte et l’enfant.
La moyenne d’âge se situe à 50 ans.
C’est une
prolifération des lignées granuleuse et monocytaire avec une
blastose supérieure ou égale à 20 % (blastes, myéloblastes et
monoblastes).
La composante monocytaire (monocytes et
précurseurs monocytaires) doit être supérieure ou égale à 20 %. La
présence d’une maturation éosinophile est évocatrice, si elle est
anormale, d’une LAM avec anomalie du chromosome 16.
5- Leucémie aiguë monoblastique et monocytaire (LAM5
a et b)
:
Les LAM impliquant la lignée monocytaire représentent de 8 à 15%
des cas de LAM ; elles sont souvent hyperleucocytaires et
s’accompagnent de localisations cutanées, gingivales,
neuroméningées ou ganglionnaires.
Il n’est pas exceptionnel que ces
localisations extramédullaires précèdent l’atteinte médullaire de
quelques semaines à quelques mois.
Les proliférations de cellules monocytaires (supérieure ou égale à 80 %), sont composées de
monoblastes, promonocytes et monocytes. Une composante
granuleuse minoritaire peut être présente.
Les LA monoblastiques
et monocytaires se distinguent par les proportions relatives dans la
moelle des monocytes, majoritaires dans la forme différenciée
monocytaire (M5b) et des monoblastes, exclusivement présents dans
la forme indifférenciée monoblastique (M5a).
Dans cette forme,
lorsque le diagnostic morphologique est incertain, la réaction cytochimique des estérases et surtout l’étude des marqueurs
cellulaires par cytométrie en flux permettent d’affirmer le diagnostic.
Les anomalies génétiques le plus fréquemment observées touchent
le chromosome 11.
6- Leucémie aiguë érythroïde :
C’est une prolifération qui implique la lignée érythroblastique. Deux
sous-types sont reconnus sur la base de la présence ou non d’une
composante de cellules granuleuses :
– érythroleucémie (LAM6) : prolifération associant une population
érythroblastique majoritaire (³ 50 %) et une composante granuleuse
comportant une blastose supérieure ou égale à 20 % ;
– leucémie érythroïde pure : prolifération de précurseurs
érythroblastiques sans participation granuleuse.
7- Leucémie aiguë mégacaryoblastique (LAM 7)
:
Elle représente de 3 à 5% des cas de LAM, et survient chez l’enfant
et l’adulte.
C’est une prolifération qui comprend 50 % ou plus de
blastes de la lignée mégacaryocytaire associés à une myélofibrose.
Les difficultés diagnostiques rencontrées sont dues en grande partie
à la myélofibrose, souvent responsable d’échecs d’aspiration, et de
ce fait d’une analyse morphologique et immunophénotypique
limitée.
Il existe une forme particulière du jeune enfant associée à la
t(1;22) (p13;q13) qui pourrait être individualisée comme une
entité avec anomalie cytogénétique récurrente.
E - FORMES RARES :
1-
Leucémie aiguë à basophiles
:
C’est une prolifération composée de blastes indifférenciés et de
précurseurs basophiles contenant des grains anormaux révélés par
la réaction colorée au bleu de toluidine.
2- Leucémies à cellules CD4 + CD56 +
:
Elles sont définies par leur immunophénotype qui associe, à la
coexpression par les blastes du CD4 et du CD56, la négativité des
marqueurs T (CD3 et CD5), des marqueurs B (CD19 et CD20), et des
marqueurs myéloïdes (CD13, CD33 et MPO).
Ces leucémies sont
caractérisées cliniquement par la grande fréquence des lésions
cutanées souvent inaugurales de la maladie, parfois associées à des
ganglions ou à une splénomégalie.
L’infiltration médullaire est
fréquente au diagnostic ou d’apparition rapide au cours de
l’évolution.
Les anomalies chromosomiques sont complexes, avec
des remaniements impliquant fréquemment les chromosomes 5 et
9.
Les méthodes d’investigation habituelles n’ont pas permis de
déterminer la nature lymphoïde, myéloïde ou natural killer (NK) des
cellules ; des études fonctionnelles et immunophénotypiques
sophistiquées effectuées sur les cellules de quelques patients ont
suggéré l’origine dendritique de type plasmocytoïde ou DC2 de
cette prolifération.
Cette leucémie ne figure pas de façon claire dans
la nouvelle classification de l’OMS ; cependant, les proliférations,
dont ces leucémies CD4 + CD56 + pourraient constituer la contrepartie
leucémique, sont retrouvées dans le chapitre blastic NK-cell
lymphoma.
3- Leucémie aiguë myéloïde avec myélofibrose :
C’est une prolifération de blastes myéloïdes associée à une
myélofibrose.
L’aspiration étant généralement infructueuse, la
biopsie médullaire est alors nécessaire pour apprécier le degré de
l’infiltration blastique et de la myélofibrose.
4- Sarcome granulocytaire :
Il s’agit d’une tumeur de blastes myéloïdes dans un territoire extramédullaire qui peut précéder ou accompagner l’atteinte
médullaire.
F - LEUCÉMIE AIGUË AVEC AMBIGUÏTÉ DE LIGNÉE :
1- Leucémie aiguë indifférenciée
:
La morphologie et les marqueurs ne permettent pas l’assignement à
la lignée lymphoïde ou myéloïde.
Elles sont généralement DR +
CD34 + CD38 +, et parfois TdT + et CD7 +.
2- Leucémies aiguës biphénotypiques :
Les blastes coexpriment des marqueurs myéloïdes et lymphoïdes B
et/ou T.
Ces LA sont définies selon un score proposé par l’EGIL.
3- Leucémies aiguës biclonales :
C’est une situation rare où la prolifération est constituée de deux
populations blastiques myéloïde et lymphoïde différentes.
Conclusion :
Les connaissances progressivement acquises au cours des 20 dernières
années sur la leucémogenèse et prises en compte dans l’évaluation
clinicobiologique des leucémies ont donné lieu à des nouvelles
propositions de classification de l’OMS.
Il apparaît cependant que la
classification de l’OMS ne peut être appliquée que lorsque toutes les
investigations sont terminées.
En attendant, il faut se baser, comme
dans la pratique actuelle, sur les constatations morphologiques et immunophénotypiques rapidement évaluables, qui permettent
cependant de prévoir les anomalies génétiques dans un bon nombre de
cas.
Ainsi, les anomalies suivantes observées dans les leucémies
myéloïdes, t(15;17), t(8 ; 21), inv(16), anomalies du 11q, du 5 et du 7,
sont mises en évidence dans un cadre morphologique et/ou
immunophénotypique caractéristique.
Les entités lymphoïdes, malgré
l’immunophénotype et la clinique, sont plus difficiles à prévoir avec
certitude.
La classification ne peut s’appliquer à l’heure actuelle qu’à un nombre
restreint de LA, en raison du faible nombre d’anomalies génétiques
significatives et récurrentes reconnues.
En effet, cette classification est
le reflet des connaissances actuelles sur les LA, mais elle ouvre la voie à
l’intégration d’autres anomalies génétiques que la cytogénétique
moléculaire, par ses avancées actuelles, mettra en évidence et dont la
valeur pronostique sera à évaluer.