« La cicatrisation est l’aventure d’une plaie, d’une nécrose, d’une
brûlure, aboutissant à la cicatrice » (Vilain).
La cicatrisation est l’ensemble des processus biologiques qui
surviennent à la suite d’une plaie, c’est-à-dire d’une solution de
continuité, avec parfois perte de substance, au sein de tissus lésés.
La réparation des tissus endommagés par un tissu conjonctif non
spécifique aboutit à la cicatrice.
La structure de la cicatrice diffère
toujours de celle des tissus non lésés, sauf dans le cas de plaies
uniquement épithéliales, pour lesquelles une restitutio ad integrum est
possible.
À chaque type de plaie correspond un ou parfois plusieurs modes de
cicatrisation préférentiels, auxquels il faut adapter les moyens médicaux
et chirurgicaux appropriés, tout en tenant compte des facteurs favorisant
ou altérant la cicatrisation.
La cicatrisation peut être pathologique, soit par défaut dans le cas d’une
cicatrisation chronique, ce qui peut aboutir à une cicatrice non fonctionnelle ou compliquée, soit par excès avec une cicatrice
hypertrophique ou chéloïdienne.
Certains facteurs favorisant une cicatrice pathologique sont contrôlables
par le chirurgien et d’autres ne le sont pas.
Il convient donc dans le
premier cas de les éviter et dans le second de savoir les dépister pour
réduire le plus possible les plaies opératoires et y associer au besoin un
traitement médical pour les prévenir.
Une bonne connaissance de la cicatrisation est nécessaire au chirurgien
afin que la réparation primaire ou secondaire soit menée de façon
raisonnée et non intuitive, de la plaie initiale jusqu’à l’obtention d’une
cicatrice mature.
Structure de la peau
:
A - Composition de la peau
:
La peau se compose de trois couches qui sont de dehors en dedans :
– l’épiderme ;
– le derme ;
– l’hypoderme.
1- Épiderme
:
Son épaisseur moyenne est de 0,1 mm environ, en sachant qu’il existe
des variations importantes selon la localisation anatomique.
Les cinq
couches le composant sont de dehors en dedans :
– le stratum corneum ;
– le stratum lucidum ;
– le stratum granulosum ;
– le stratum spinosum ;
– le stratum basale.
Les deux couches les plus internes constituent les couches germinatives
de l’épiderme, au sein desquelles les cellules sont vivantes.
Les cellules
basales sont le siège de mitoses continuelles qui assurent le
renouvellement de la peau en 27 jours.
Ces cellules migrent
progressivement vers la surface et deviennent des kératinocytes dans le
stratum spinosum, puis meurent du fait de la kératinisation progressive,
et deviennent des cornéocytes à partir du stratum granulosum.
Ainsi, les
trois couches les plus superficielles sont constituées de cellules mortes.
D’autres celluleset structures sont présentes au sein de l’épiderme ; il
s’agit :
– des mélanocytes ;
– des cellules de Langerhans ;
– des cellules de Merkel ;
– des annexes : les glandes sébacées et sudoripares ainsi que les
follicules pileux.
2- Derme
:
Il se compose de deux couches très différentes :
– le stratum papillare ou derme papillaire ;
– le stratum reticulare ou derme réticulaire.
Le derme papillaire est solidement rattaché à la couche basale de
l’épiderme par les papilles conjonctives au sein desquelles se retrouvent
les vaisseaux capillaires et lymphatiques, les terminaisons nerveuses
libres ainsi que les thermorécepteurs et les mécanorécepteurs.
Au sein de son réseau de fibres de collagène et de fibres élastiques se
retrouvent les différentes cellules constitutives du derme :
– les fibroblastes, qui se différencient en fibrocytes et synthétisent les
composantes de la matrice extracellulaire ;
– les mastocytes ;
– les lymphocytes, macrophages, monocytes et polynucléaires
éosinophiles.
Ces cellules sont soit accrochées aux différentes fibres (fibrocytes), soit
libres dans la substance fondamentale (formée de protéoglycanes) qui
remplit les interstices entre les différentes fibres et cellules.
Le derme réticulaire est moins cellulaire et composé d’un très dense
réseau de fibres de collagène et d’élastine intimement enchevêtrées et
globalement orientées parallèlement aux lignes de tension cutanée, qui
correspondent aux lignes de moindre extensibilité cutanée.
Toute
incision perpendiculaire à ces lignes se traduit par un écart spontané
important entre les deux berges cutanées, du fait des forces élastiques
cutanées, et la fermeture de ces incisions est soumise à une plus forte
tension que celle d’incisions parallèles aux lignes de tension.
C’est
pourquoi les incisions chirurgicales doivent s’efforcer d’être parallèles
à ces lignes de tension cutanée ou du moins de s’en rapprocher au
maximum : la tension élastique qui s’exerce sur la cicatrice est moindre
et les résultats esthétiques sont meilleurs.
Le derme contient également les annexes cutanées : les glandes sébacées
et sudoripares ainsi que les follicules pileux.
3- Hypoderme
:
Il constitue la couche de transition entre le derme et les tissus sousjacents,
et contient des lobules graisseux entre lesquels passent des
septums fibreux rattachant le derme réticulaire aux fascias sous-jacents.
La graisse sous-cutanée est, selon la topographie et la profondeur, soit
une graisse de structure, non mobilisable et qui a un double rôle de
protection mécanique et thermique, soit une graisse de dépôt, qui est
mobilisable et qui sert de stockage des triglycérides.
B - Vascularisation de la peau
:
Les connaissances actuelles en matière de vascularisation cutanée
proviennent avant tout des travaux de Salmon et de Manchot.
Même
si cette vascularisation est variable selon la région anatomique
considérée, il existe cependant une organisation générale comparable
des vaisseaux à destinée cutanée.
Les artères à destinée cutanée proviennent des gros troncs artériels,
perforent une aponévrose et pénètrent dans le tissu sous-cutané.
Salmon
distingue les artères cutanées directes et indirectes.
1- Artères cutanées directes
:
Elles irriguent la peau sans relais sous-aponévrotique.
Certaines de ces artères, dites à long parcours, cheminent entre les
structures profondes jusqu’à l’aponévrose qu’elles traversent pour avoir
alors un long trajet parallèle à la surface de la peau dans le tissu souscutané
en se superficialisant progressivement jusqu’au derme.
Ces
artères sont généralement constantes et de calibre assez important,
provenant de zones à basse pression veineuse.
Elles forment, à la face
profonde du derme, un réseau anastomotique (ou plexus) dermique
profond.
À partir de celui-ci naissent des artères qui traversent le derme
perpendiculairement à la peau pour redonner un réseau anastomotique
superficiel parallèle à la surface cutanée au niveau du derme papillaire.
De ce plexus superficiel naissent perpendiculairement à la surface
cutanée les anses capillaires destinées aux papilles dermiques.
Les glomus neurovasculaires de Masson sont des structures localisées
au niveau du derme, qui régulent les débits cutanés en ouvrant ou
fermant les shunts artérioveineux dermiques.
Ce contrôle des débits
cutanés participe à la thermorégulation et à la redistribution des flux
sanguins lors de l’effort, ainsi qu’à la régulation tensionnelle.
Les artérioles et surtout les veinules dermiques sont contrôlées par le
réseau nerveux sympathique adrénergique, qui prédomine au niveau des
régions acrales.
Certaines artères à long parcours cheminent dans le tissu sous-cutané le
long de nerfs sensitifs superficiels en délivrant de nombreuses
perforantes à destinée cutanée le long de ce parcours.
D’autres artères cutanées directes, appelées artérioles septales,
cheminent à partir de gros axes sous-aponévrotiques dans un septum
perpendiculairement à la surface cutanée. Leur calibre est généralement
inférieur à celui des artères cutanées directes.
Elles perforent
l’aponévrose, puis elles forment un réseau anastomotique longitudinal
juste au-dessus de l’aponévrose.
De ce plexus profond naissent des
artérioles cutanées qui traversent le tissu sous-cutané en allant
directement jusqu’au derme pour suivre ensuite une disposition
identique à celle des artères à long parcours, avec deux réseaux
anastomotiques (l’un profond et l’autre superficiel).
2- Artères cutanées indirectes
:
Elles traversent un ou plusieurs muscles qu’elles vascularisent avant de
perforer l’aponévrose sus-jacente et de parvenir à la peau.
Elles se
différencient des artères musculocutanées, qui sont de plus gros calibre,
et qui se divisent rapidement en artères cutanées à long parcours et en
artères musculaires.
L’architecture des veines cutanées est semblable à celle des artères
cutanées.
C - Innervation de la peau
:
La peau est un organe assurant l’un des cinq sens : le toucher.
Elle est
donc très richement innervée par différents nerfs sensitifs.
Comme pour
la vascularisation, cette innervation varie selon la zone anatomique
considérée (très riche au niveau du visage et des faces palmaires des
doigts ou des faces plantaires des pieds, moindre au niveau du dos).
Le réseau dermique sensitif est formé d’un plexus profond et d’un plexus
superficiel superposables à la topographie artériolaire.
À partir de ces
plexus, des fibres individuelles s’échappent pour gagner un territoire
cutané.
Chaque zone cutanée est innervée par plusieurs fibres différentes
du plexus.
Ces fibres aboutissent à des récepteurs dont existent deux
catégories : les terminaisons nerveuses libres et les terminaisons
encapsulées (ou corpusculaires).
Ces récepteurs corpusculaires, qui constituent la minorité des
terminaisons sensitives de la peau, sont situés dans les différentes
couches du derme et de l’épiderme, afin d’assurer la transduction de
stimuli extérieurs en signaux transmis jusqu’au cortex.
On distingue
différentes structures anatomiques dont la fonction associée n’est que
très schématique :
– les terminaisons de Merkel-Ranvier, situées à la partie profonde de
l’épiderme, qui participent au tact épicritique ; elles sont retrouvées en
plus grand nombre au niveau du visage et des régions génitales ;
– les corpuscules de Meissner, situés dans le derme papillaire, qui
participent également au tact épicritique ; on les trouve surtout dans les
zones de friction (paumes, plantes, faces palmaires et plantaires des
doigts et orteils) ;
– les corpuscules de Vater-Pacini, situés dans le derme réticulaire, qui
participent au tact proprioceptif (pression et vibrations) ; on les trouve
essentiellement sur les doigts, mais également dans le pénis et le
clitoris ;
– les corpuscules de Krause, situés dans le derme réticulaire, qui
participent à la thermosensibilité ; on les trouve en grand nombre dans
les zones de transition entre peau et muqueuses : lèvres, langue, joue,
paupières, gland, clitoris, région périanale, etc ;
– les corpuscules de Ruffini, situés dans le derme papillaire, qui
correspondraient en fait à des artefacts d’enroulement de fibres
nerveuses.
À côté de ces récepteurs corpusculaires, existent de très nombreuses
terminaisons nerveuses libres, situées dans le derme et l’épiderme, qui
participent au tact nociceptif.
Elles sont universellement distribuées
dans l’organisme.
Par ailleurs, existent de nombreuses terminaisons nerveuses
sympathiques destinées aux vaisseaux sanguins, aux glandes
sudoripares et aux muscles arrecteurs des poils.
Leurs fibres sont soit
adrénergiques, soit cholinergiques.
D -
Caractéristiques de la peau :
La peau est un véritable organe qui assure de multiples fonctions actives
et passives.
Elle a un rôle de :
– protection contre :
– les traumatismes mécaniques (chocs, pression, frottement…) ;
– les traumatismes thermiques (froid, chaud, radiations…) ;
Ainsi, tout traumatisme cutané va plus ou moins perturber ces
différentes fonctions.
Le retour à un fonctionnement normal ne peut
survenir qu’après la cicatrisation cutanée, qui fait intervenir de
nombreux mécanismes de réparation et de nombreuses cellules dans les
différentes couches de la peau.
Mécanismes de la cicatrisation
:
La cicatrisation cutanée est la fermeture d’une perte de substance
cutanée par un tissu conjonctif et épithélial cicatriciel.
Elle se déroule en cinq phases qui se succèdent tout en se
chevauchant pour certaines.
A - Réponse vasculaire
:
Le traumatisme vulnérant induit une nécrose cellulaire et une effraction
vasculaire.
Le saignement s’arrête très rapidement par vasoconstriction
artériolaire au niveau des berges de la plaie.
Cette vasoconstriction dure
quelques minutes (le temps au caillot de se former) et laisse place à une
vasodilatation, qui se traduit par une élévation thermique aux pourtours
de la plaie.
La vasoperméabilité capillaire s’accroît : cela permet à divers
cellules sanguines et composants plasmatiques de parvenir dans les
tissus lésés.
L’accumulation tissulaire de liquide plasmatique est à
l’origine de l’oedème autour de la plaie.
La vasomotricité est régulée par différents médiateurs excrétés par les
cellules présentes au niveau de la plaie.
Par exemple :
– les plaquettes du caillot libèrent du thromboxane A2
vasoconstricteur ;
– les mastocytes libèrent de l’histamine et de la sérotonine, favorisant
la vasodilatation et la perméabilité vasculaire.
B - Hémostase
:
Elle débute presque immédiatement, dès que les cellules lésées par le
traumatisme libèrent les médiateurs qui vont provoquer la cascade de la
coagulation.
Les plaquettes adhèrent au collagène exposé au niveau des
parois vasculaires endommagées par l’intermédiaire de récepteurs à la fibronectine.
Elles changent alors de forme et libèrent différents facteurs
plaquettaires, chimiotactiques pour les plaquettes et qui activent le
processus de coagulation.
Un réseau de fibrine entoure alors le clou
plaquettaire, formant le caillot plaquettaire initial.
Les globules rouges
se déposent progressivement dans les mailles du caillot.
Ce dernier
protège provisoirement l’intérieur de la plaie du milieu extérieur.
Sa
surface sèche à l’air et forme la croûte qui achève la fermeture de la plaie.
C - Inflammation
:
Les fragments cellulaires résultant de la destruction tissulaire, ainsi que
les facteurs plaquettaires libérés, sont à l’origine de la réaction
inflammatoire, qui se traduit par les symptômes cardinaux classiques :
– la rougeur et la chaleur, consécutives à la vasodilatation ;
– la tumescence liée à l’oedème secondaire à la vasoperméabilité
augmentée ;
– la douleur résultant de la pression tissulaire accrue à cause de l’oedème
et qui irrite les terminaisons nerveuses.
Une réaction immunitaire se met alors en route, pour éliminer les débris
cellulaires et combattre les micro-organismes présents si la plaie est
ouverte.
Dans les contusions ou les ecchymoses, la plaie est fermée,
c’est-à-dire que la peau est intacte en superficie.
Cette réaction immunitaire peut se subdiviser en une réaction
immunitaire non spécifique et une réaction immunitaire spécifique.
La réaction immunitaire non spécifique fait intervenir le système du
complément et les cellules phagocytaires (polynucléaires neutrophiles,
monocytes et macrophages).
Ces cellules phagocytaires remplies de
débris cellulaires et de tissus nécrosés forment le pus.
Les premières cellules à apparaître sont les neutrophiles (dès la sixième
heure), qui ont un rôle essentiellement anti-infectieux, mais qui
produisent également des enzymes (élastase, collagénase, protéases)
facilitant la migration cellulaire.
Les macrophages, qui dérivent des
monocytes circulants, suivent les neutrophiles et prédominent entre j3
et j5.
Ils prennent rapidement le relais des plaquettes pour libérer une
seconde vague de facteurs de croissance et jouent de ce fait un rôle très
important dans la cicatrisation.
Les macrophages activés ont une intense
activité enzymatique (protéases, élastase, collagénase) qui participe à la
détersion cicatricielle.
La réaction immunitaire spécifique fait intervenir les anticorps
synthétisés par les lymphocytes B contre des antigènes d’un « corps »
étranger. Les lymphocytes T participent également directement ou
indirectement à cette immunité spécifique.
Les lymphocytes, qui prédominent entre j6 et j7, ont également un rôle
indirect sur la cicatrisation en favorisant la prolifération cellulaire
(fibroblastes, cellules épithéliales) par l’intermédiaire des lymphokines.
À la fin de la phase inflammatoire, tous les débris cellulaires et les corps
étrangers sont détruits, laissant une plaie propre pour permettre une
néoformation tissulaire aboutissant à la cicatrice.
D - Prolifération tissulaire
:
La formation d’un nouveau tissu permettant de combler et couvrir la
perte de substance occupée par le caillot dépend essentiellement des
médiateurs appelés facteurs de croissance (EGF [epidermal growth
factor], FGF [fibroblast growth factor], TGF [transforming growth
factor] bêta, PDGF [platelet derived growth factor], TNF [tumor necrosis
factor] alpha…), et libérés durant les phases précédentes par les différentes
cellules présentes au niveau de la plaie.
Le réseau de fibirine du caillot
sert de trame pour les cellules qui vont former le nouveau tissu cicatriciel.
Cette phase de prolifération tissulaire fait intervenir différents processus.
1- Néovascularisation
:
Des bourgeons vasculaires poussent à partir des parois vasculaires
intactes situées au niveau des berges de la plaie.
Ils sont stimulés par les
facteurs angiogéniques sécrétés par différentes cellules (cellules
endothéliales, macrophages, cellules lysées…).
À partir de petites ouvertures dans la membrane basale vasculaire, les
cellules endothéliales migrent vers la plaie et forment des structures
tubulaires qui s’unissent les unes aux autres et se différencient
progressivement en artérioles ou en veinules.
Une bonne néovascularisation est essentielle pour que le bourgeon de
granulation puisse être de bonne qualité.
2- Néoformation de tissu conjonctif
:
Parallèlement à la néovascularisation, des fibroblastes provenant des
berges de la plaie migrent sur la trame de fibrine présente dans le caillot,
se divisent rapidement et synthétisent le tissu conjonctif du bourgeon de
granulation.
Il s’agit essentiellement de collagène et de protéoglycanes.
Les fibres de collagène ne possèdent pas l’organisation caractéristique
de trousseaux parallèles aux lignes de tension cutanée retrouvée dans le
derme de la peau non cicatricielle.
Le collagène sécrété par les
fibroblastes est initialement un collagène de type III, non mature, de
consistance gélatineuse fluide, qui est assez rapidement remplacé par un
collagène de type I, mature.
Le collagène est la structure protéique
prédominante au sein d’une cicatrice et c’est de sa quantité ainsi que de
sa qualité que dépendent les propriétés mécaniques de la cicatrice.
Les protéoglycanes synthétisées par les fibroblastes sont d’abord l’acide
hyaluronique, remplacé ensuite par la chondroïtine-sulfate, l’héparansulfate
et le dermatan-sulfate.
3- Granulation
:
Le nouveau tissu conjonctif, lorsqu’il est bien vascularisé, forme des
petits nodules arrondis, rouge vif, luisants, au niveau du lit de la plaie.
Un aspect pâle, sec, recouvert de fibrine ou cyanique, rouge foncé,
marqué de taches noirâtres est le témoin d’une mauvaise vascularisation
du bourgeon de granulation.
Un bon tissu de granulation est la condition essentielle non seulement
pour que l’épithélialisation s’effectue correctement, mais aussi pour que
la cicatrice soit de bonne qualité.
4- Fibrinolyse
:
La trame provisoire de fibrine est détruite par la plasmine.
En effet,
certaines cellules synthétisent un activateur du plasminogène à l’origine
de la fibrinolyse.
5- Contraction
:
Au fur et à mesure que la quantité de collagène augmente dans le
bourgeon, la division et la synthèse de fibroblastes diminuent et ceux-ci
se transforment soit en fibrocytes, soit en myofibroblastes.
Les myofibroblastes
sont des cellules contractiles qui unissent et rapprochent les
fibres de collagène, en les alignant progressivement plus ou
moins selon l’axe des lignes de plus forte tension cutanée.
Cela permet
aux berges de la plaie de se rapprocher (environ 0,6 mm/j
indépendamment de la taille lésionnelle), diminuant ainsi la
surface de la perte de substance.
6-
Épithélialisation :
La cicatrisation épidermique comporte trois phases :
– une phase de migration des cellules suprabasales entre la 12e et la 24e
heure ;
– une phase de prolifération, maximale entre la 48e et la 72e heure ;
– une phase de maturation avec une différenciation cellulaire.
Les cellules basales épidermiques se divisent intensément au niveau des
berges de la plaie.
Celles-ci deviennent des kératinocytes qui ne peuvent
migrer (grâce à certaines glycoprotéines comme la fibronectine, la
vitronectine…) que sur un substrat bien hydraté et bien vascularisé.
La
migration des kératinocytes est rapide : deux à trois diamètres cellulaires
par heure.
La réépidermisation s’effectue de façon centripète à partir des
berges de la plaie dans les plaies profondes, alors qu’elle se fait de façon
centrifuge à partir d’îlots épidermiques au sein du bourgeon de
granulation dans les plaies superficielles.
Une différenciation
progressive s’effectue pour aboutir à la structure caractéristique de
l’épiderme.
E - Remodelage tissulaire
:
La réparation conjonctivoépithéliale aboutit à une cicatrice rouge, un
peu surélevée, qui pâlit progressivement et s’aplanit à mesure que son
caractère inflammatoire disparaît.
La cicatrice ne contient ni
mélanocytes (d’où la dyschromie finale), ni poils, ni glandes sudoripares
ou sébacées.
Durant de nombreux mois et années, la cicatrice évolue essentiellement
par restructuration de son collagène, avec une balance permanente entre
la synthèse de collagène et l’activité collagénolytique.
La résistance
élastique de la cicatrice augmente encore progressivement, du fait des
modifications de structure du collagène :
– remplacement du collagène de type III par du collagène de type I, qui
est plus stable et plus solide ;
– crosslinking, c’est-à-dire création de liaisons covalentes entre les
fibres de collagène, permettant une réticulation de celui-ci.
Même dans le meilleur des cas, la résistance élastique de la cicatrice ne
revient jamais à la normale, avec une force de rupture à 80 %de sa valeur
initiale à 1 an.
La force mécanique de la cicatrice est environ de 5 à 10%
de sa valeur initiale après 1 semaine suivant le traumatisme, de 20 %
après une quinzaine de jours, de 40 % à 3 semaines pour atteindre un
plateau proche de sa valeur définitive à environ 3 mois.
F - Chronologie de la cicatrisation
:
Les différentes phases vues précédemment ne se succèdent pas, mais
elles se chevauchent plus ou moins.
La phase vasculaire débute immédiatement après le traumatisme et
persiste pendant environ 1 semaine, en diminuant progressivement
d’intensité.
La coagulation débute également immédiatement et le réseau de fibrine
est totalement formé à 24 heures.
L’inflammation débute après quelques minutes pour atteindre son
maximum entre 3 et 5 jours après le traumatisme.
Elle diminue
rapidement jusqu’au 15e jour où elle atteint un plateau, pour diminuer
beaucoup plus lentement ensuite.
La prolifération tissulaire commence après quelques heures et atteint son
niveau maximal après 6 à 16 jours suivant le traumatisme.
Elle diminue
alors progressivement en gardant une valeur de base qui peut persister
plusieurs mois ou années, ce qui correspond au remodelage tissulaire.
L’épithélialisation débute dans les 24 premières heures et elle est
généralement entièrement terminée après 2 semaines, notamment dans
les plaies superficielles.
Dans les plaies profondes, sa durée dépend de
la qualité du bourgeon de granulation.
Différents types de cicatrisation
:
A - Cicatrisation primaire - suture
:
La cicatrisation primaire, qui consiste à mettre au contact bord à bord
l’épiderme et le derme des deux berges de la plaie, ne peut se concevoir
que dans les conditions suivantes :
– berges non contuses ;
– plaie propre, c’est-à-dire non infectée (salive, selles, terre…), sans
corps étrangers ni tissus nécrotiques ;
– plaie bien vascularisée.
Cela représente la majorité des plaies chirurgicales ainsi que des plaies
par objets tranchants.
Dans les cas de plaies par objets contondants avec des berges contuses
ou nécrotiques, un parage passant en périphérie en zone saine est la seule
condition permettant une cicatrisation primaire satisfaisante.
Ce parage
doit avoir lieu dans les 6 à 8 heures suivant le traumatisme, de façon à ce
que les germes présents dans la plaie n’aient pas encore eu le temps
d’envahir les tissus sains.
Une détersion mécanique par irrigation à forte pression (à la seringue
avec Cathlon) est un complément important en cas de plaie souillée.
Enfin, un brossage préopératoire avec une solution antiseptique est un
complément utile, autant pour des plaies nettes que pour des plaies
contuses.
Une fois les deux berges suturées, l’interstice entre celles-ci est comblé
par les sécrétions de la plaie et parfois par un peu de caillot avec une
croûte apparaissant à la surface.
Dans ce cas, les signes inflammatoires
sont modérés et le tissu de granulation qui vient combler l’interstice
entre les deux berges de la plaie ne devient rapidement qu’un tissu
fibreux composé essentiellement de collagène.
Cependant, la résistance
mécanique met plusieurs semaines à atteindre une valeur proche de la
normale, alors même que la plaie est considérée comme « cicatrisée »
depuis que les fils ont été enlevés !
La cicatrice résultant de ce type de
cicatrisation doit être blanche (chez le sujet blanc), plane, souple,
élastique, indolore et fine.
La technique de suture idéale afin d’atteindre ce but est la suivante :
– la fermeture doit se faire en plusieurs plans, prenant à chaque fois une
structure anatomique résistante (aponévrose, fascia, derme…) ; ces
plans profonds permettent de soulager la tension cutanée lors de
l’affrontement des deux berges épidermiques ;
– il faut éviter le plus possible les fils traversant l’épiderme, qui peuvent
conduire à des kystes épidermiques, à une migration de fibroblastes le
long de ceux-ci, laissant des traces dyschromiques sur l’épiderme
(« échelle de perroquet ») et à une contamination de la plaie en servant
de vecteur pour la migration de germes venant de la surface cutanée ;
– en cas de nécessité de fils ou d’agrafes sur l’épiderme, ceux-ci doivent
être les plus fins possible et rester le moins de temps possible ; cette
durée est très variable selon la localisation anatomique, mais également
l’existence de facteurs locaux ou généraux pouvant altérer la
cicatrisation ; il convient théoriquement d’ôter les fils lorsque la
résistance mécanique de la plaie lui permet de s’opposer aux contraintes
élastiques cutanées ;
– les bandelettes adhésives microporeuses permettent d’affronter
l’épiderme en déchargeant également un peu la tension sur celui-ci sans
risque de traces épidermiques ; il s’agit du procédé idéal d’affrontement
de l’épiderme ;
– le surjet intradermique est également un excellent procédé
d’affrontement de l’épiderme ; le risque de contamination de la plaie est
quasiment aussi faible qu’avec les bandelettes adhésives, auxquelles il
est fréquemment associé pour parfaire l’affrontement épidermique ; le
surjet doit être placé dans le derme superficiel, au-dessus du plan
dermique profond ; seul ce plan dermique profond, généralement suturé
par points séparés inversés, a une valeur mécanique contre la tension.
Il faut avoir conscience que, même si c’est le procédé de fermeture le
plus communément employé, la suture au fil n’est pas dénuée d’effets
secondaires :
– l’infection de la plaie est plus fréquente avec un fil, même non réactif,
qu’avec une agrafe, par migration des germes le long du fil vers
l’intérieur de la plaie ; cela explique que les bandelettes adhésives
représentent le matériel qui est le moins promoteur d’infection ;
– le traumatisme de l’aiguille sur la peau représente une cause
d’inflammation cutanée, d’autant plus importante que le diamètre de
l’aiguille est grand ;
– la présence d’un matériel étranger au sein de la plaie augmente le
risque d’infection, d’autant plus que le fil est de grand diamètre et qu’il
est résorbable ; la réaction inflammatoire de la peau vis-à-vis du fil est
en effet plus marquée pour les fils résorbables et pour les fils qui ne sont
pas synthétiques (soie…) ;
– la suture de la graisse sous-cutanée est à éviter, même en cas d’espace
mort, car celle-ci n’a aucune valeur mécanique et elle favorise
l’infection.
Cependant, le facteur le plus déterminant dans l’évolution d’une plaie
suturée est la technique de suture.
Toute suture cutanée trop serrée peut
aboutir à une nécrose cutanée.
Tout affrontement imparfait des berges
de la plaie peut aboutir à une surinfection de la plaie.
Toute tension qui
n’a pas été contrôlée par une suture profonde ou par un procédé plastique
(décollement, lambeau…) peut aboutir à une nécrose cutanée.
B - Cicatrisation primaire retardée
:
Rarement utilisée dans notre pays par rapport aux pays anglo-saxons,
elle est effectuée lorsqu’une plaie est suspecte d’être infectée, sans que
cette infection ne soit cependant massive.
C’est le cas par exemple des
plaies non ou peu souillées vues après 6 à 8 heures suivant le
traumatisme.
Dans ce cas, un parage initial non extensif de la plaie est
effectué pour retirer les corps étrangers et les tissus dévitalisés. Des fils
d’attente sont mis en place de chaque côté des berges de la plaie.
Un
méchage de la plaie par compresses humides est effectué et renouvelé
quotidiennement.
En l’absence d’infection visible entre 4 et 7 jours
suivant le traumatisme, la plaie est refermée en nouant les fils d’attente
et une cicatrisation primaire s’effectue.
C - Cicatrisation secondaire
:
La cicatrisation secondaire (ou dirigée) se produit lorsqu’il n’y a pas de
recouvrement immédiat de la perte de substance.
C’est la méthode la
plus simple de traitement des plaies, qui sont pansées pour diriger au
mieux la cicatrisation spontanée.
Les indications de la cicatrisation dirigée sont :
– les plaies souillées et très septiques ;
– les plaies contenant de nombreux corps étrangers qui ne peuvent être
tous éliminés, notamment en cas de tatouage par du bitume ;
– les plaies dilacérées qui ne peuvent pas être suturées ou pour
lesquelles un parage extensif n’est pas possible ;
– les plaies avec perte de substance trop importante pour autoriser une
suture, mais pour lesquelles une greffe cutanée ne peut être réalisée
immédiatement ;
– les plaies associées à des troubles trophiques, comme par exemple les
ulcères veineux de jambe ;
– les plaies pour lesquelles la suture occasionnerait un trouble
fonctionnel ou esthétique, comme par exemple les plaies cutanées
pulpaires des doigts.
La cicatrisation secondaire se subdivise classiquement en trois phases,
dont les deux dernières se font conjointement.
Phase de détersion, c’est-à-dire d’élimination des tissus nécrosés pour
permettre au tissu conjonctif de pouvoir bourgeonner : elle met en jeu
de nombreuses enzymes protéolytiques d’origine macrophagique,
monocytaire, granulocytaire, fibroblastique…mais aussi d’origine
bactérienne à partir de la flore commensale ou pathogène présente au
niveau de la plaie.
Cette phase peut être accélérée par différents procédés :
– détersion mécanique (brossage et excision au bistouri des tissus
nécrosés) ; dans ce cas, les pansements humides imbibés d’antiseptiques
sont un bon complément pour diminuer la surinfection ;
– détersion enzymatique par application de pommades contenant des
enzymes protéolytiques ;
– accélération de la détersion microbienne, par application de
pansements occlusifs (le plus souvent, il s’agit de pansements gras).
Phase de bourgeonnement, qui correspond aux processus
d’inflammation et de prolifération tissulaire conjonctive et
donc à la réponse du tissu conjonctif qui vient combler la perte de
substance en formant le tissu de granulation : elle fait classiquement
suite à la phase de détersion, mais en fait, elle débute dès les premières
heures suivant le traumatisme.
La contraction tissulaire joue un rôle très important dans la cicatrisation
secondaire, permettant de diminuer la surface de la plaie et donc la
quantité de tissu conjonctif nécessaire au comblement de la perte de
substance.
Cette phase bénéficie de l’application d’un pansement non adhérent semi-occlusif ou occlusif (selon l’abondance des sécrétions) et si
possible absorbant.
Les pansements doivent être non seulement adaptés
à la quantité d’exsudats, mais également à la qualité du bourgeon
(utilisation locale de corticoïdes en cas de bourgeon hypertrophique,
avivement en cas de bourgeon atone) et à la propreté du bourgeon
(favoriser les pansements adsorbants en cas de bourgeon infecté).
Il est
important de noter que le nettoyage des plaies bourgeonnantes doit
s’effectuer à l’eau (stérile ou pas) et éventuellement au savon neutre,
mais que l’adjonction d’antiseptiques n’est indiquée qu’en cas de
bourgeon infecté.
Les antiseptiques retardent tous les processus de
prolifération tissulaire (bourgeonnement et épithélialisation), et ce
d’autant plus que leur concentration est importante.
Phase d’épithélialisation : déjà vue, elle débute également dès
les premières heures suivant le traumatisme.
La réparation épithéliale se fait de façon centrifuge lorsque persistent
des éléments dermiques et des glandes annexes au sein de la perte de
substance (cas des brûlures du premier et du deuxième degré superficiel
et parfois profond) ; sinon, elle se fait de façon centripète.
Les pansements occlusifs ou semi-occlusifs accélèrent le processus
d’épithélialisation.
La cicatrisation secondaire aboutit le plus souvent à des cicatrices
inesthétiques, élargies, qui peuvent parfois créer des troubles
fonctionnels (bride en regard d’une articulation, déformation à
proximité d’un orifice naturel…).
D - Cicatrisation des plaies superficielles
:
Dans les pertes de substance uniquement épidermiques (abrasions
cutanées superficielles, brûlures du premier degré et deuxième degré
superficiel, zone donneuse de greffe de peau mince), le tissu épithélial
se reforme à partir des cellules basales ou des annexes pilosébacées pour
aboutir à une restitutio ad integrum de l’épiderme, faisant parler de
véritable régénération épithéliale.
Ce type de cicatrisation ne s’effectue que par épithélialisation, avec une
phase de migration, puis de prolifération kératinocytaire.
Les pansements préférentiels de ce type de plaies sont les pansements
occlusifs ou semi-occlusifs absorbants, avec des capacités rapides
d’absorption puisqu’il existe fréquemment un suintement important les
premiers jours.
E - Cicatrisation des plaies profondes
:
En cas de plaies plus profondes que l’épiderme, les différents processus
de la cicatrisation vus précédemment interviennent avec une
chronologie et une intensité différentes selon le type de cicatrisation.
La formation d’une croûte est bénéfique dans le cas de plaies assez
superficielles, où elle protège la plaie pendant que s’effectue sa
cicatrisation.
La croûte tombe alors quand l’épithélialisation s’achève.
En revanche, la croûte peut être un obstacle à la cicatrisation de plaies
plus profondes en empêchant la formation de tissu de granulation à son
emplacement et en gênant l’évacuation des sécrétions.
F - Cicatrisation des différents types de plaies
:
On peut classer les différents types de plaies selon leur origine en :
– plaies traumatiques ;
– plaies iatrogènes ;
– plaies chroniques.
Facteurs influençant la cicatrisation
:
L’évolution de la cicatrisation dépend du type de traumatisme et des
caractéristiques intrinsèques de la plaie, mais également de l’état général
du patient.
On sépare les conditions locales ou intrinsèques et les conditions
générales ou extrinsèques.
A - Facteurs intrinsèques
:
1- Caractéristiques du traumatisme
:
Le type de traumatisme, ainsi que son étendue et sa profondeur, influent
sur la cicatrisation.
Toutes les circonstances dans lesquelles une
cicatrisation secondaire est nécessaire se soldent par une cicatrisation
plus longue qu’en cas de cicatrisation primaire.
2- Localisation de la plaie
:
Les plaies en zone bien vascularisée cicatrisent mieux et plus
rapidement.
Par exemple, les plaies du visage cicatrisent beaucoup plus
vite que les plaies en face antéro-interne de jambe.
Les plaies de tissus mal vascularisés (tendons, fascias…) cicatrisent plus
lentement que celles qui concernent des tissus bien vascularisés
(muscles…).
3- Environnement de la plaie
:
Des tissus contus ou nécrotiques en périphérie de la plaie retardent et
altèrent le processus cicatriciel.
Un parage approprié est donc impératif
devant toute plaie.
Le parage chirurgical large de la plaie semble le
procédé de parage le plus efficace, car il permet de passer
immédiatement à la phase de prolifération tissulaire en cas de
cicatrisation primaire et de bourgeonnement et d’épidermisation en cas
de cicatrisation secondaire.
Un oedème important peut altérer les conditions de la prolifération
tissulaire.
Il faut donc à chaque fois que cela est possible surélever le
segment de membre concerné ou utiliser un pansement compressif.
Une croûte peut gêner l’épithélialisation en cas de plaie profonde, de
même qu’elle empêche l’élimination des sécrétions de la plaie et du pus
dans les plaies infectées.
Il faut donc, dans ces cas, enlever la croûte.
4- Hydratation de la plaie
:
Une plaie ouverte se déshydrate en quelques heures.
La peau devient
nécrotique jusqu’à environ 0,3 mm de profondeur et l’épithélialisation
est retardée car elle ne peut se faire que sous l’obstacle que représente la
croûte.
On peut empêcher la déshydratation de la plaie en mettant
immédiatement après le traumatisme un pansement occlusif, qui garde
la plaie hydratée en empêchant les pertes hydriques cutanées.
Il a été
montré depuis plus de 20 ans que l’inflammation, la prolifération
tissulaire et l’épithélialisation sont favorisées par un environnement
humide.
Ainsi, les pansements occlusifs jouent un rôle important en
favorisant la plupart des mécanismes de la cicatrisation.
Cependant,
l’évolution des pansements doit être régulièrement appréciée, car
l’occlusion favorise également la prolifération des germes.
De ce fait,
les pansements occlusifs sont contre-indiqués dans les plaies infectées
et très exsudatives.
Ils doivent être également utilisés avec précaution
chez les patients immunodéprimés.
Pour limiter ces effets secondaires à
l’occlusion, des pansements semi-occlusifs permettent une certaine
évaporation cutanée en regard de la plaie.
Cela permet d’éviter que les
capacités d’absorption du pansement soient dépassées, ce qui
occasionnerait une macération avec un risque d’infection.
5- Degré de contamination de la plaie
:
L’infection est généralement le facteur déterminant dans la noncicatrisation
ou le retard de cicatrisation de plaies, de façon directe ou
indirecte.
Toute contamination bactérienne d’une plaie majore l’inflammation.
Cela peut être bénéfique en cas de contamination modérée (inévitable
en cas de plaie ouverte), mais devient délétère en cas d’infection de la
plaie qui aboutit à un retard de cicatrisation.
Les facteurs déterminant l’évolution d’une contamination vers une
infection sont les suivants.
– nombre, type et virulence des germes invasifs : la peau abrite une flore
commensale évaluée à 10 à 1 000 bactéries par gramme de tissu. Une
peau hydratée ou à proximité d’orifices naturels peut avoir jusqu’à
10 000 bactéries par gramme de tissu.
Au-delà de ce taux, on parle
d’infection cutanée.
Il faut noter que ce taux est plus bas en cas
d’infection à streptocoques du groupe B.
À titre de comparaison, la
salive humaine contient environ 100 millions de germes par millilitre !
– caractéristiques de la plaie : contusion étendue, nécroses,
décollements importants, épanchements sanguins ou lymphatiques,
corps étrangers favorisent tous l’infection ; les germes pathogènes
agissent selon deux modalités : ils peuvent être invasifs et détruire les
cellules hôtes ou sécréter des toxines qui peuvent agir localement ou à
distance ;
– statut immunitaire du patient.
6- Corps étrangers
:
En cas de corps étranger présent dans la plaie, un taux beaucoup plus
faible de germes par gramme de tissu peut aboutir à une infection.
Cela
est majoré en cas d’épanchement liquidien à proximité du corps
étranger.
Il est donc essentiel d’éliminer tous les corps étrangers au sein d’une
plaie par différents procédés (brossage, irrigation sous pression, exérèse
chirurgicale).
7- Vascularisation de la plaie
:
De même que l’infection, l’hypoxie tissulaire est un facteur déterminant
dans la non-cicatrisation.
Une bonne vascularisation est essentielle pour
une bonne cicatrisation.
Elle permet l’apport d’oxygène, qui intervient
dans les processus métaboliques et de défense (dégradation oxydative
des germes), et de nutriments nécessaires aux synthèses de tissus
(notamment de collagène par les fibroblastes).
Il faut cependant savoir
qu’une hypoxie tissulaire transitoire est physiologique au niveau de la
plaie et qu’elle est même bénéfique en favorisant la néovascularisation
par stimulation des synthèses cellulaires de facteurs de croissance
angiogénique.
De nombreuses pathologies occasionnent une ischémie au niveau de la
plaie : artériopathies athéromateuses, diabète, insuffisance cardiaque, hypovolémie…
8- Tabagisme
:
Il occasionne une hypovascularisation au niveau de la plaie par
différents mécanismes :
– il favorise les artériopathies athéromateuses ou inflammatoires ;
– il favorise la carboxyhémoglobinémie qui limite les capacités de
transport d’oxygène de l’hémoglobine.
9- Insuffisance veineuse
:
L’incompétence valvulaire occasionne une majoration de la pression
veineuse au niveau du membre inférieur.
Il s’ensuit un oedème qui altère
la cicatrisation et une ischémie tissulaire.
Les dépôts de fibrine autour
des capillaires majorent l’ischémie.
10- Irradiation
:
Après la réponse inflammatoire initiale, des altérations chroniques des
tissus irradiés apparaissent.
En plus des modifications épidermiques
(amincissement, pigmentation, télangiectasies, disparition des
annexes…), il existe une diminution de la vascularisation cutanée
secondaire à une prolifération sous-endothéliale réactionnelle qui
obstrue progressivement les petits vaisseaux.
Il existe également une
altération du fonctionnement des kératinocytes et des fibroblastes, ainsi
que des composantes de la matrice extracellulaire.
11- Traumatismes mécaniques répétés
:
Ils sont le plus souvent liés à une anesthésie régionale.
L’exemple le plus
classique est les escarres chez les tétraplégiques au niveau ischiatique
en position assise et sacrée, talonnières et occipitales en position
couchée.
La pression lors de l’appui prolongé au niveau d’une saillie
osseuse provoque une obstruction des capillaires lorsqu’elle excède de
façon prolongée la pression capillaire.
Cela provoque donc une ischémie
tissulaire qui peut rapidement évoluer vers la nécrose.
Chez le sujet sensible, la douleur secondaire à l’ischémie amène à
changer de position, ce qui n’est pas le cas chez le sujet non sensible, qui
doit lui-même penser à changer régulièrement de position.
Ces escarres ne peuvent cicatriser que si les facteurs déclenchants sont
traités, c’est-à-dire si un nursing efficace est effectué.
Par ailleurs, il
existe, de par la localisation de ces escarres, une fréquente surinfection
de ceux-ci, qui doit être rapidement traitée pour éviter leur extension.
Un autre exemple est le cas des neuropathies, chez le diabétique, qui
développent des maux perforants plantaires, notamment au niveau des
têtes des métatarsiens.
12- Iatrogénie
:
De nombreux produits appliqués localement sur les plaies ont un effet
délétère sur la cicatrisation.
Tous les antiseptiques altèrent la
cicatrisation, notamment par leur toxicité cellulaire qui empêche ou
retarde la régénération tissulaire.
L’utilisation d’antiseptiques doit être
proscrite sur des plaies propres, et ceux-ci doivent être utilisés dilués sur
des plaies infectées.
Le savon est un agent nettoyant beaucoup moins
toxique.
Il s’agit du meilleur complément à l’eau pour le nettoyage des
plaies.
13- Cancer
:
Diagnostic différentiel habituel d’une plaie qui ne cicatrise pas, les
cancers cutanés peuvent être à l’origine d’une plaie ne cicatrisant pas
spontanément ou récidivant rapidement après grattage.
Les carcinomes épidermoïdes peuvent également survenir après de nombreuses années
d’évolution d’une plaie chronique (ulcère de Marjolin).
B - Facteurs extrinsèques
:
1- Défauts de cicatrisation héréditaires
:
Certaines maladies congénitales sont caractérisées par des anomalies du
tissu conjonctif (syndrome d’Ehlers-Danlos, syndrome de Marfan…).
Les défauts de synthèse du collagène ou de l’élastine entraînent des
défauts ou des retards de cicatrisation.
2- Déficits nutritionnels
:
On sait depuis toujours que les patients cachectiques cicatrisent mal, du
fait de l’absence des nutriments nécessaires à toutes les étapes de la
cicatrisation.
Mais le simple déficit en un élément participant au
métabolisme peut avoir des effets délétères sur la cicatrisation.
Les protéines et les acides aminés sont nécessaires à la formation de
nouveaux tissus (notamment pour les synthèses de collagène), la
synthèses d’enzymes, d’anticorps…
Les glucides représentent une source d’énergie indispensable à toutes
les synthèses.
Les lipides sont une réserve d’énergie, mais sont également avec les
phospholipides le constituant le plus important des membranes
cellulaires.
Les vitamines jouent un rôle très important dans la cicatrisation en tant
que cofacteurs enzymatiques :
– la vitamine C participe aux synthèses de collagène, des facteurs du
complément, des gammaglobulines, de la membrane basale, etc ;
– la vitamineAparticipe à la synthèse et à la maturation du collagène, à
l’épithélialisation, etc ;
– la vitamineKest nécessaire pour la synthèse de certains facteurs de la
coagulation ;
– la vitamine E est nécessaire pour certaines enzymes impliquées dans
la protection cellulaire ;
– la vitamine B participe aux synthèses de collagène et d’anticorps.
Les minéraux et oligoéléments sont également nécessaires à une
cicatrisation normale.
Le fer, le cuivre et le zinc sont des cofacteurs
impliqués dans la synthèse et la maturation du collagène, dans les
synthèses des acides nucléiques.
3- Âge
:
D’une façon générale, les différents processus de réparation diminuent
d’efficacité avec l’âge.
L’activité des différentes cellules est réduite,
avec des synthèses diminuées.
Toutes les étapes de la cicatrisation sont
ralenties.
Il en est de même pour la réponse immunitaire.
Enfin, il existe
souvent des pathologies associées (cancer, diabète, athérosclérose…).
À l’inverse, les sujets jeunes (enfants et adolescents) sont plus sujets à
une cicatrisation sur le mode hypertrophique, car les proliférations et
synthèses cellulaires sont plus rapides que chez l’adulte, et différents
facteurs impliqués dans la réponse inflammatoire sont présents en plus
grande quantité.
4- Diabète
:
Le diabète, comme d’autres maladies induisant une hypoxie tissulaire
(athérosclérose, insuffisance veineuse…), altère la cicatrisation.
Cette
influence négative est multifactorielle (artériopathie, neuropathie,
moindre résistance à l’infection, défaut de transport de la vitamine C
altérant la synthèse de collagène…).
5- Médicaments : immunosuppresseurs, chimiothérapies
et anti-inflammatoires
Les glucocorticoïdes altèrent toutes les étapes de la cicatrisation :
l’inflammation bien évidemment, mais également les proliférations
cellulaires (fibroblastes, kératinocytes), la synthèse de collagène, la
formation et la contraction du tissu de granulation, l’épithélialisation.
Il est fondamental de ne pas utiliser abusivement les pansements
contenant des corticoïdes, car la vitesse et la qualité de la cicatrisation
sont altérées. Un exemple est l’utilisation de Corticotulle sur le site
donneur de greffes de peau mince, qui certes diminue par son action antiinflammatoire
le suintement de la plaie, mais qui diminue également la
vitesse de prolifération et de migration des cellules épithéliales.
Dans ce
cas-là, un pansement très absorbant et hémostatique (tel que l’alginate
de calcium) est plus indiqué.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens altèrent le processus
inflammatoire en inhibant les synthèses de prostaglandines.
Les cytostatiques utilisés dans le cadre de chimiothérapies inhibent les
proliférations cellulaires dans les tissus à renouvellement rapide, et donc
dans les plaies en cours de cicatrisation.
Par ailleurs, ils sont à l’origine
de cytopénies sanguines qui diminuent la quantité de facteurs de
croissance sécrétés, la résistance à l’infection, l’oxygénation
tissulaire…
Les anticoagulants antivitamine K altèrent la synthèse de prothrombine
et l’héparine, en se liant à l’antithrombine III, accélère l’inactivation de
la thrombine et empêche la transformation de fibrinogène en fibrine.
Les immunosuppresseurs (ciclosporine…) altèrent également la
cicatrisation en favorisant les infections et en inhibant les proliférations
et différenciations cellulaires.
Autres facteurs
De nombreuses maladies s’associent à des défauts de cicatrisation, avec
une origine souvent plurifactorielle : la drépanocytose, les thalassémies,
les cryoglobulinémies, les vascularites, les épidermolyses bulleuses…