Cholécystectomie et exploration de la voie biliaire principale par coelioscopie
(Suite) Cours de Chirurgie
4- Contrôle peropératoire de la vacuité de la voie
biliaire principale
:
La cholédoscopie est la méthode de contrôle de la vacuité de la voie
biliaire principale après cholédochotomie.
Le contrôle premier des
voies biliaires hautes intrahépatiques est recommandé car la
migration vers le haut de calculs lors des manoeuvres d’exploration
est possible.
Pour éviter les difficultés d’un béquillage important et
les risques d’un traumatisme du cholédoscope, nous préférons pour
cette exploration des voies biliaires hautes modifier l’exposition et
introduire le cholédoscope par le trocart ombilical dans lequel se
trouvait l’optique du coelioscope.
Il suffit de faire l’échange des deux
voies d’accès pour l’un et l’autre endoscopes.
L’introduction du cholédoscope par le trocart ombilical permet de monter sans
difficulté dans les voies biliaires hautes que l’on s’efforce d’explorer
de façon complète et systématisée.
Si à ce stade on découvre un
calcul intrahépatique, le plus simple est de le mobiliser et si possible
de l’extraire à l’aide d’une sonde à ballonnet de Fogarthy.
Le
contrôle de la voie biliaire basse est réalisé de bas en haut après
avoir identifié l’orifice papillaire.
5- Fermeture de la cholédochotomie
:
Il existe trois possibilités : fermeture de la cholédochotomie sur un
drain biliaire externe en T, fermeture de la cholédochotomie sous
couvert d’un drainage biliaire externe transcystique, et fermeture
primitive de la cholédochotomie sans drainage biliaire externe.
Le
drainage externe par drain en T est indiqué en cas d’angiocholite
avec paroi cholédocienne inflammatoire, de manoeuvres d’extraction
potentiellement traumatisantes pour la papille, et de calculs
multiples ou fragmentés par l’extraction.
* Fermeture sur un drainage biliaire externe en T
:
On choisit toujours un drain en latex de calibre n°10 ou 12. Le drain
peut être introduit en totalité dans l’abdomen si on trouve cette
méthode plus simple.
Pour notre part, nous n’introduisons que son
extrémité en T avec une longueur de branche verticale suffisante,
par le trocart supplémentaire placé immédiatement au-dessus de la
voie biliaire.
L’extrémité distale du drain est clampée par une pince
pour éviter la fuite du pneumopéritoine.
Les branches du T ont été
préalablement préparées en les recoupant en gouttière, ce qui rend
plus souples les branches du T pour l’ablation ultérieure du drain.
Une longueur de 1 à 2 centimètres pour chacune des branches
horizontales est suffisante.
Des artifices techniques ont été décrits
pour l’introduction du drain en T dans la voie biliaire.
Il suffit
habituellement de saisir l’extrémité de l’une des branches du T, et
de pousser celle-ci dans la voie biliaire haute jusqu’à ce que la
totalité de la longueur de la branche horizontale du T soit dans la
lumière biliaire.
On retire ensuite la pince et on tracte doucement le
drain par sa branche verticale pour placer les deux branches du T
de part et d’autre de la cholédochotomie.
Le drain est placé à l’angle
externe de la cholédochotomie (ouverture horizontale) ou vers son
angle supérieur (ouverture verticale) avec ou sans point de
fermeture de l’angle au niveau duquel il aura été placé.
La cholédochotomie est refermée par des points séparés ou un surjet
de fil tressé résorbable 5/0.
Le fil tressé a pour inconvénient de
coulisser moins bien qu’un fil monobrin, cependant il est plus facile
à manipuler et à nouer.
Pour garantir l’étanchéité de la suture, on
peut injecter du sérum par le drain en T sous contrôle coelioscopique.
Une méthode simple consiste à « écraser » le drain
en caoutchouc avec une pince à préhension juste à sa sortie de la
voie biliaire, ce qui permet de passer un point supplémentaire sur
les berges de la cholédochotomie.
Lorsque l’on relâche la pression
sur le drain, son élasticité garantit l’étanchéité de la suture.
Le drain
est extériorisé par l’orifice cutané du trocart qui a servi à son
introduction le long du rebord costal droit.
Il est conseillé de laisser
en intra-abdominal une boucle « de sécurité » pour éviter que le
drain ne soit arraché lors des soins postopératoires ou par le malade
lui-même.
Il est fixé solidement à la peau mais sans compromettre
sa perméabilité.
Certains auteurs ont proposé de ne mettre en place
le drain qu’en fin d’intervention pour éviter de le sortir de la voie
biliaire par un geste intempestif lors de la cholécystectomie.
* Suture primitive de la cholédochotomie avec drainage
transcystique :
Cette méthode permet une suture protégée de la voie biliaire
principale et de tester l’étanchéité de la suture.
Il n’a jamais été
prouvé que la morbidité d’un drain transcystique était moindre que
celle d’un drain en T.
Les soins et la surveillance postopératoires
sont les mêmes.
Cette méthode combine en fait les risques d’une
suture du cholédoque et les inconvénients du drainage biliaire
externe.
* Suture primitive de la voie biliaire sans drainage
:
Le drainage externe de la voie biliaire se complique dans environ
5 % des cas.
Le drainage biliaire a une morbidité septique
spécifique.
La fermeture primitive de la cholédochotomie est
préconisée si la paroi cholédocienne est de bonne qualité et que l’on
a la certitude d’être parvenu à une vacuité complète de la voie
biliaire principale, sans traumatisme de la papille.
La suture à
proprement parler de la cholédochotomie n’a pas de particularités
techniques.
Elle peut être faite par des points séparés ou par un
surjet, au fil monobrin ou au fil tressé résorbable 5/0. Les extrémités
du surjet sont nouées en endocorporel, ou bloquées par de petits
clips résorbables (LapraTyt ; Ethicon-Endosurgery).
Il est possible
de contrôler l’étanchéité de la suture et la vacuité de la voie biliaire
en utilisant un produit de contraste additionné de bleu de méthylène
injecté par le moignon cystique comme pour la cholangiographie
classique.
Si la suture est étanche et que les conditions sont réunies
pour une fermeture primitive sans drainage, le moignon cystique
est ensuite refermé par deux clips.
Un drainage aspiratif de petit calibre peut être placé en arrière du
pédicule hépatique et sortant par l’orifice cutané du trocart latéral
droit.
Ce drain permet une surveillance postopératoire précoce de
l’absence de fuite biliaire et est retiré à la 48e heure postopératoire.
6- Complications peropératoires de la cholédochotomie
:
Les principales difficultés rencontrées lors de la cholédochotomie
concernent l’extraction des calculs.
Une complication relative de cette extraction est la fragmentation d’un gros calcul unique en de
multiples morceaux qu’il faudra néanmoins récupérer.
Une seconde
source de complications est l’incision de cholédochotomie ellemême.
Sa taille doit être toujours inférieure à la moitié du diamètre
de la voie biliaire principale.
La fermeture doit être étanche
d’emblée. Une ouverture trop importante et une fistule biliaire
postopératoire sont des causes potentielles de sténose secondaire.
L’inflammation de la paroi cholédocienne rend la cholédochotomie
hémorragique, parfois en raison du saignement non abondant mais
persistant, gênant, d’une artériole dans la berge de l’incision.
Une
hémostase élective par électrocoagulation doit rendre cette berge
exsangue pour permettre une suture dans de bonnes conditions
techniques.
La lumière du cholédoque inflammatoire rend la
muqueuse hémorragique au moindre contact des instruments :
pinces, sonde de Dormia et cholédoscope.
Cette hémorragie dans la
lumière rend plus difficile l’exploration par cholédoscopie, et plus
incertaine la vérification de la vacuité.
Une hémorragie plus
importante peut être une cause d’hémobilie postopératoire avec
obstruction relative de la voie biliaire principale et du drain biliaire
externe par des caillots.
L’hémobilie peut être une cause
d’angiocholite postopératoire, toujours sévère. Pour éviter cette
complication, il est recommandé de procéder avec beaucoup de
prudence et de douceur en cas d’inflammation pédiculaire.
L’hémorragie dont l’origine est l’inflammation de la muqueuse de
la voie biliaire principale est une indication à choisir pour le
drainage biliaire externe un drain en T de gros calibre, supérieur au
calibre 10 ou 12 habituel.
7- Suites opératoires
:
Le contrôle après exploration de la voie biliaire principale de
l’amylasémie et de la lipasémie n’a d’intérêt que s’il existe des
symptômes douloureux évocateurs du diagnostic de pancréatite
postopératoire.
La surveillance postopératoire générale et locale est fonction de la
technique utilisée.
En cas de voie transcystique ou de fermeture
primitive de la cholédochotomie, on considère que la certitude de la
vacuité de la voie biliaire a été acquise en peropératoire.
Aucune
exploration biliaire n’est a priori justifiée. La surveillance du
drainage aspiratif sous-hépatique vérifie l’absence de toute fuite
biliaire.
La présence d’un drain biliaire externe postopératoire justifie une
surveillance spécifique.
La première surveillance d’un drain biliaire
externe est son débit.
– Si le débit du drain est faible, il faut vérifier qu’il n’est pas coudé,
que sa fixation sur la peau n’est pas trop serrée, et qu’il n’y a pas de fuite biliaire dans le drain aspiratif qui a été mis en place en arrière
du pédicule à la fin de l’opération.
Au moindre doute, et en
particulier si les signes cliniques ou biologiques y invitent : douleurs,
fièvre, perturbations des tests biologiques hépatiques (bilirubine,
phosphatase alcaline), il faut hâter le contrôle cholangiographique
afin de vérifier que le drain est bien en place dans la voie biliaire.
Un déplacement précoce du drain est presque toujours une
indication à réintervenir.
Le drainage de la bile se fait par gravité
sur un réceptacle laissé à pression normale.
– Si le débit du drain est important, supérieur à 600 ou 700 mL par
24 heures, il faut évoquer un obstacle en aval et en premier lieu un
calcul résiduel.
Le diagnostic en sera fait par la cholangiographie.
L’importance de la fuite biliaire peut avoir rapidement des
conséquences métaboliques (déshydratation, fuite de sodium et de
bicarbonates) qui seront d’autant plus mal supportées que le malade
est âgé.
Les pertes sont compensées préventivement par des apports
intraveineux ou per os.
La cholangiographie de contrôle par le drainage biliaire externe est
systématique.
En l’absence de signes particuliers, elle sera faite 3 à
4 jours après l’opération.
L’absence d’anomalies lors de la cholangiographie de contrôle autorise le clampage du drain
24 heures après la cholangiographie et la sortie du malade avec le
drain clampé.
Fait important, le drainage doit toujours être laissé
ouvert dans les 24 heures qui suivent la cholangiographie de
contrôle, en raison du risque d’infection de la bile avec des germes
parfois résistants.
Un clampage trop précoce du drain après la
cholangiographie peut être une cause d’angiocholite grave. Il n’y a
pas de recommandation d’accompagner systématiquement cette
cholangiographie par une antibioprophylaxie.
Lorsque le drain est
clampé, il est conseillé de garder le malade encore 12 à 24 heures en
surveillance afin de vérifier la tolérance : absence de douleurs de
type biliaire et de fièvre.
Les drains biliaires externes, transcystiques ou drains en T, sont
retirés en consultation externe.
Pour être retiré sans complication, il
est nécessaire que se soient constituées autour du drain des
adhérences péritonéales, qui devront éviter toute fuite de la bile dans
la grande cavité.
Pour que se constituent ces adhérences il faut tenir
compte du choix du matériel : drain en latex et non en silicone, de la
technique chirurgicale, et du délai nécessaire.
Les drains en silicone
et la chirurgie coelioscopique créent moins d’adhérences.
Un délai
de 3 semaines était recommandé pour l’ablation d’un drain biliaire
externe en chirurgie par laparotomie.
E - AUTRES MÉTHODES
:
1- Sphinctérotomies peropératoires
:
Cette méthode fait appel à d’autres compétences que celles du
chirurgien lui-même.
Pour la sphinctérotomie dite « antérograde »,
le sphinctérotome est descendu de bas en haut par le chirurgien.
Il est nécessaire d’avoir un contrôle endoscopique de sa position intraduodénale.
La sphinctérotomie peropératoire pour le traitement
d’un calcul diagnostiqué par la cholangiographie suppose, d’un
point de vue logistique, que l’endoscopiste est à disposition pour se
déplacer à tout moment.
D’un point de vue technique, le décubitus
dorsal n’est pas la position habituelle des malades pour la sphinctérotomie.
Dans les rares expériences qui ont été rapportées,
cette stratégie de traitement était semble-t-il associée à une morbidité
pancréatique inhabituelle.
Une autre option est de faire la sphinctérotomie durant la même anesthésie, à la fin de l’intervention
coelioscopique.
Le malade peut être alors placé en décubitus ventral.
Cette stratégie diagnostique et thérapeutique a l’avantage de limiter
les risques du cathétérisme de la papille aux seuls malades ayant
des calculs confirmés par la cholangiographie.
Elle n’évite pas les
risques à long terme de la sphinctérotomie.
2- Endoprothèses
:
Une alternative au drainage biliaire externe permettant d’éviter une
déperdition biliaire postopératoire consiste à placer en peropératoire
une endoprothèse cholédocienne transpapillaire.
La prothèse doit
être retirée secondairement par endoscopie 15 à 21 jours plus tard.
Conclusion
:
L’enseignement d’une technique est un compromis d’exigences et
d’expérience.
Les exigences doivent apporter leur niveau de preuve.
L’expérience est un savoir-faire qui n’a pas de prétention scientifique.
Conscients du fait que la cholécystectomie sera pour beaucoup de
chirurgiens la première opération coelioscopique, les auteurs de ce
chapitre se sont efforcés de documenter à chaque fois que cela était
possible les niveaux de preuve scientifiques qui permettaient d’aboutir à
des recommandations techniques sur la chirurgie coelioscopique en
général et sur la chirurgie coelioscopique biliaire en particulier.
À côté
de ces vérités scientifiques, ce qui n’est qu’un savoir-faire artisanal est
proposé sans prétention mais simplement avec le désir de partager les
acquis de dix années de pratique de la cholécystectomie et de
l’exploration de la voie biliaire principale sous coelioscopie.