Les cholangites sclérosantes sont des maladies caractérisées par une
atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra- et/ou
extrahépatiques.
La cholangite sclérosante primitive (CSP), de cause
inconnue, représente la forme classique des cholangites sclérosantes
et est prise comme type de description.
La CSP est une affection
cholestatique chronique pouvant évoluer vers la cirrhose et les
complications terminales des hépatopathies.
De nombreux aspects
de cette maladie restent inconnus ou imprécis.
Les cholangites
sclérosantes dites secondaires, c’est-à-dire de cause bien identifiée,
sont considérées lors du diagnostic différentiel.
Anatomie pathologique
:
L’atteinte des grosses voies biliaires intra- et extrahépatiques est
caractérisée par un épaississement de leur paroi par une fibrose
dense, souvent peu inflammatoire, sous-épithéliale.
L’épithélium
peut être normal, ulcéré (du fait d’une angiocholite), dédifférencié
ou papillaire. Les glandes sont souvent atrophiques et noyées dans
la fibrose, ce qui peut être à l’origine de grandes difficultés
diagnostiques avec les cancers infiltrants des voies biliaires.
L’infiltrat inflammatoire est mixte, contenant surtout des
lymphocytes, mais aussi des polynucléaires neutrophiles ou parfois
éosinophiles.
Les lésions des petites voies biliaires et du parenchyme hépatique
ne sont pas spécifiques et peuvent être observées au cours de tout
obstacle chronique sur les voies biliaires.
De plus, leur répartition
est irrégulière et des lésions d’âge différent coexistent.
Les lésions
siègent principalement dans les espaces portes.
Il existe un infiltrat
inflammatoire polymorphe rarement abondant, fait de lymphocytes, de plasmocytes et de polynucléaires neutrophiles ou parfois
éosinophiles.
Les lésions histologiques élémentaires sont au nombre
de quatre :
– la fibrose péricanalaire avec cholangite ou atrophie des cellules
biliaires ;
– la prolifération néoductulaire ;
– la diminution du nombre des canaux biliaires ;
– la nécrose hépatocytaire parcellaire en bordure de l’espace porte
(piecemeal necrosis).
Ces lésions sont diversement associées et réalisent des aspects très
variables.
Une classification en quatre stades, proche de celle de
la cirrhose biliaire primitive (CBP), a été proposée par Ludwig
– stade 1 : lésions limitées à l’espace porte ;
– stade 2 : lésions périportales ;
– stade 3 : fibrose extensive ;
– stade 4 : cirrhose.
Éléments épidémiologiques
:
La CSP est une maladie du sujet jeune (âge habituellement inférieur
à 40 ans au moment du diagnostic) et touche surtout l’homme (deux
tiers des cas). Sa prévalence exacte n’est pas connue.
Cependant,
l’une des caractéristiques est son association dans environ trois
quarts des cas à une maladie inflammatoire de l’intestin qui est
principalement, mais non exclusivement, une rectocolite
hémorragique (RCH). Inversement, 2,5 à 7,5 % des RCH ont ou
auront une CSP, si bien que la prévalence de la CSP serait de 1 à
6/100 000 aux États-Unis.
Ces données font considérer la CSP
comme une maladie orpheline.
Diagnostic
:
Le mode de révélation est extrêmement variable.
Schématiquement,
le diagnostic est évoqué dans trois grandes circonstances :
– anomalies des tests hépatiques chez des malades
asymptomatiques ayant une colite inflammatoire ;
– symptomatologie biliaire (angiocholite ou ictère franc) ;
– tableau d’hépatopathie chronique non spécifique (hépatite
chronique, cirrhose éventuellement compliquée). En outre, des formes
particulières ont été individualisées.
Le diagnostic repose classiquement sur l’association de quatre types
de signes :
– biologiques (cholestase) ;
– radiologiques (anomalies des voies biliaires intra- et/ou extrahépatiques) ;
– histologiques (cholangite fibreuse et oblitérante) ;
– association à une autre maladie, et en particulier à une maladie
inflammatoire du côlon.
L’ensemble de ces quatre signes n’est observé que dans les formes
caricaturales et on considère maintenant que le diagnostic de CSP
peut être retenu en présence de deux (incluant au moins un critère
histologique ou radiologique) de ces quatre critères, en l’absence
d’autre étiologie identifiable.
Il faut noter que la corrélation entre les
signes biologiques, histologiques et radiologiques est faible. En
particulier, la cholestase biologique peut être absente.
A - BIOLOGIE
:
Contrairement à la CBP, il n’existe pas d’anticorps antitissus
caractéristiques et quasi constants.
En effet, la sensibilité des
anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles de type
périnucléaire (pANCA) est très variable selon les séries (de 26 à 85 %) et leur
spécificité est médiocre car ils sont observés également dans les
colites inflammatoires et les hépatites auto-immunes.
B -
RADIOLOGIE :
La mise en
évidence d’anomalies des voies biliaires reste l’élément clé du
diagnostic malgré l’existence de formes particulières.
L’échographie, la tomodensitométrie ou l’échoendoscopie peuvent
montrer des anomalies évocatrices et permettent d’éliminer les
autres causes envisagées devant un ictère cholestatique.
La
répartition très hétérogène de la maladie est souvent à l’origine
d’une dysmorphie hépatique marquée. Cependant, la normalité de
ces examens ne permet pas d’exclure le diagnostic de CSP.
L’examen
de référence est l’opacification directe des voies biliaires, le plus
souvent par cathétérisme rétrograde.
Cet examen est techniquement
difficile et a une morbidité certaine, notamment en termes
d’angiocholite.
Il est désormais possible de visualiser les voies
biliaires par la cholangio-IRM (imagerie par résonance magnétique)
(ou bili-IRM) qui est un examen non invasif.
L’expérience de certains
centres de référence suggère son intérêt dans la CSP.
Bien que
cette nouvelle technique d’imagerie ne soit pas encore validée sur
une large échelle, la cholangio-IRM tend à devenir l’examen de
première intention, le cathétérisme rétrograde n’étant pratiqué qu’en
cas de difficulté diagnostique ou à visée thérapeutique.
Les
anomalies observées sont des sténoses souvent longues, parfois
multiples, typiquement sans dilatation d’amont nette ; un aspect en
« chapelet » est très évocateur ; des irrégularités murales, voire des
aspects diverticulaires, sont possibles.
L’atteinte est le
plus souvent intra- et extrahépatique, rarement uniquement
intrahépatique (< 20 %) ou uniquement extrahépatique (< 7 %).
Des atteintes du canal cystique, de la vésicule et du canal
pancréatique ont été rapportées.
C - HISTOLOGIE HÉPATIQUE
:
La ponction-biopsie
hépatique n’est faite bien sûr que dans un segment du foie ne
présentant pas de dilatations des voies biliaires. Les lésions
observées ont déjà été détaillées.
La lésion la
plus évocatrice, la cholangite fibreuse et oblitérante, est absente dans
plus de deux tiers des cas du fait de la répartition hétérogène des
lésions à l’intérieur du foie et 5 à 10% des biopsies sont normales.
En conséquence, une biopsie hépatique non évocatrice, voire
normale, ne doit pas faire éliminer le diagnostic de CSP.
D - MALADIES ASSOCIÉES
:
Une colite inflammatoire (habituellement RCH, plus rarement
maladie de Crohn ou colite inclassée) est classiquement présente
dans environ trois quarts des CSP.
L’absence d’association
cliniquement patente à une colite inflammatoire doit faire réaliser
systématiquement une coloscopie avec biopsies, car la colite est
souvent peu active, voire totalement latente, bien qu’il s’agisse d’une pancolite de façon quasi constante.
Chez les patients ayant une RCH, on estime que la CSP est responsable de 40 % des anomalies
chroniques des tests hépatiques, les autres causes étant les
suivantes : stéatose, consommation excessive d’alcool, hépatite
virale, granulomatose, processus septique ou encore toxicité
médicamenteuse.
Plus rarement, d’autres maladies peuvent être
associées à la CSP : fibrosclérose multifocale, pancréatite, diabète et
diverses maladies dysimmunitaires (lupus, polyarthrite rhumatoïde...).
Aspects particuliers
:
A - CHOLANGITE SCLÉROSANTE PRIMITIVE DES PETITES
VOIES BILIAIRES :
Une image histologique de cholangite sclérosante peut être observée
en l’absence d’anomalie radiologique des voies biliaires. Le
diagnostic de CSP des petites voies biliaires (small-duct PSC),
ancienne « péricholangite », est retenu si les critères suivants sont
réunis : cholestase biologique, histologie compatible avec une CSP, cholangiographie normale, association à une colite inflammatoire et
absence d’autres causes de cholestase. En l’absence de colite
inflammatoire, la présence d’une maladie associée autre a
probablement la même valeur sémiologique.
La prévalence exacte
et l’histoire naturelle de cette small-duct PSC sont encore mal
connues.
Il a été initialement suggéré que plus de 15 % des CSP
associées à une colite inflammatoire étaient du type small-duct mais
la prévalence est habituellement inférieure à 5 % dans les séries
n’ayant inclus des patients qu’avec une cholangiographie
d’excellente qualité.
Cette forme pourrait représenter le stade
initial des CSP puisqu’une atteinte secondaire des gros canaux
biliaires a été décrite.
Cependant, de rares malades avec une hépatopathie évoluée ou un cholangiocarcinome peuvent toujours
n’avoir qu’une CSP des petites voies biliaires.
B - FORME MIXTE CHOLANGITE SCLÉROSANTE PRIMITIVEHÉPATITE
AUTO-IMMUNE :
Chez l’enfant ou l’adulte jeune, une CSP peut être très difficile à
distinguer d’une hépatite auto-immune (HAI).
Le diagnostic est
suspecté sur les critères biologiques, immunologiques et
histologiques habituels d’HAI :
– élévation de l’activité des transaminases supérieure à cinq fois la
normale ;
– élévation des immunoglobulines G supérieure à deux fois la
normale ou présence d’antimuscles lisses de spécificité antiactine ;
– lésions inflammatoires périportales et lobulaires marquées.
Des observations de CSP ont été rapportées chez des enfants ayant
des signes caractéristiques d’HAI (anticorps antinoyaux et/ou
antimuscle lisse, hypergammaglobulinémie et histologie compatible)
et chez qui ont ensuite été mises en évidence des anomalies
cholangiographiques typiques de CSP.
De façon très intéressante,
la réalisation systématique d’une cholangiographie chez des enfants
ayant des anomalies des tests hépatiques associées à la présence
d’autoanticorps a permis de mettre en évidence des anomalies des
voies biliaires dans la moitié des cas.
Le terme de cholangite
sclérosante auto-immune a été proposé.
Chez l’adulte jeune,
des observations convaincantes d’association CSP/HAI ont
également été rapportées.
Sauf dans les formes caricaturales, les
critères diagnostiques ne sont pas encore bien établis.
L’intérêt de l’utilisation du score proposé par le Groupe
international des hépatites auto-immunes reste controversé.
En
utilisant la version initiale de ce score chez 114 patients ayant une CSP, Boberg et al trouvèrent que 40 (35 %) avaient une HAI associée
(certaine [2 %] ou probable [33 %]).
Cependant, en appliquant
la seconde version du score chez ces mêmes malades, un diagnostic
d’HAI n’était plus porté que dans 11 % des cas (certain : 2 % ;
probable : 9 %).
À nouveau, l’histoire naturelle de cette forme n’est
pas bien connue.
Le traitement optimal de ces formes n’est pas établi
mais un effet bénéfique des corticoïdes a été rapporté dans la
majorité des observations.
C - PANCRÉATOCHOLANGITE SCLÉROSANTE
:
Cette forme très particulière de description récente associe des
signes habituels (cliniques, biologiques, radiologiques et
histologiques) de cholangite sclérosante et une atteinte pancréatique.
Celle-ci est caractérisée par un diabète ou une insuffisance
pancréatique exocrine, une augmentation du volume du pancréas et
des anomalies du canal de Wirsung.
L’histologie du pancréas montre
une fibrose et un infiltrat inflammatoire important.
La réponse aux
corticoïdes est spectaculaire, avec disparition ou nette diminution
de l’ensemble des signes, y compris des sténoses biliaires.
En raison
du faible nombre de cas rapportés et de la méconnaissance de la
pathogénie, il est difficile de savoir s’il s’agit d’une forme atypique
de CSP ou d’une entité différente.
Diagnostic différentiel
:
Il se discute habituellement en plusieurs étapes :
– s’agit-il d’une cholangite sclérosante ?
– cette cholangite sclérosante est-elle primitive ou secondaire ?
L’atteinte histologique inflammatoire et fibrosante des voies biliaires
est rarement prouvée, notamment au niveau extrahépatique.
En
conséquence, le diagnostic est souvent discuté sur des aspects
radiologiques (sténose[s] longue[s] ou multiple[s]).
Devant des anomalies cholangiographiques, les principaux
diagnostics différentiels sont :
– un remplissage incomplet de l’arbre biliaire en raison de difficultés
techniques ;
– une cholangite aiguë (résolutive), le plus souvent en rapport avec
un obstacle transitoire sur l’arbre biliaire ;
– un cholangiocarcinome, dont le diagnostic différentiel est
particulièrement difficile, voire impossible, sauf en cas de masse
tumorale, et qui peut être associé à une CSP.
Beaucoup plus rarement, il peut s’agir d’un lymphome, d’une
tuberculose ou d’un cavernome portal déformant la lumière des voies biliaires.
En cas d’anomalies uniquement intrahépatiques,
peuvent en outre être discutées une cirrhose, une infiltration du foie,
une affection maligne ou une amylose, voire plus rarement une
maladie de Caroli.
Lorsque le diagnostic de cholangite sclérosante est posé, le caractère
primitif ou secondaire doit être discuté. Une cholangite est dite
secondaire lorsque le mécanisme de l’atteinte biliaire est déterminé.
En fonction du degré de caractérisation du mécanisme, certaines
maladies peuvent être classées comme cause de cholangite
sclérosante primaire ou associées à une CSP.
Ceci est à l’origine de
classifications différentes dans la littérature ; au maximum, certains
auteurs réservent le terme primitif aux seules cholangites sclérosantes
associées à une maladie inflammatoire du côlon ou apparemment
isolées.
Il faut noter qu’une lithiase biliaire
peut être observée dans la CSP et donc que la présence de calculs
dans les voies biliaires ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse
d’une cholangite sclérosante secondaire.
Les meilleurs arguments en
faveur du caractère primitif de la cholangite sont probablement
l’existence d’une maladie associée ou la positivité des pANCA, au
contraire des signes histologiques qui ne sont pas spécifiques de
l’origine.
En France, les causes classiques (obstruction biliaire
prolongée, cholangite bactérienne) sont désormais rares et l’atteinte
ischémique est la plus fréquente. En Extrême-Orient, la lithiase
biliaire associée à la douve de Chine (Clonorchis sinensis) reste une
cause importante de cholangite sclérosante.
La CSP des petites voies biliaires fait discuter les autres causes de
cholestase à voies biliaires macroscopiquement normales et en
particulier la CBP, la sarcoïdose et les cholangites médicamenteuses.
Histoire naturelle
:
L’évolution de la CSP se fait habituellement vers l’aggravation, la
médiane de survie étant de 9 à 12 ans après l’affirmation du
diagnostic.
Il existe toutefois une grande variabilité
individuelle.
La CSP et la maladie inflammatoire du côlon évoluent
chacune pour leur propre compte. Cependant, pour les RCH,
l’association à une CSP serait un facteur de risque particulier de
survenue d’un adénocarcinome du côlon.
Un fait majeur est la survenue d’un cholangiocarcinome.
La prévalence
du cholangiocarcinome est habituellement estimée à 10-15 %,
mais des chiffres très variables de détection, allant de 0 à 42%,
ont été rapportés lors de l’examen systématique de pièces
d’hépatectomie obtenues au cours de transplantation ou d’autopsie.
Dans l’expérience de la Mayo Clinic portant sur 637 patients suivis
3,7 ans en moyenne, l’incidence annuelle du cholangiocarcinome est
de 1 %.
Le diagnostic du cholangiocarcinome est extrêmement
difficile en raison des anomalies préexistantes des voies biliaires.
Les
signes classiques de majoration d’une dilatation ou d’une sténose
ou encore l’apparition d’une masse tumorale sont très inconstants.
Le pronostic des cholangiocarcinomes évolués est très mauvais, y
compris dans les formes transplantées.
En conséquence, un
diagnostic de cholangiocarcinome est habituellement une contreindication
à la transplantation. Aucun facteur prédictif de survenue
d’un cholangiocarcinome n’a été clairement mis en évidence.
Les
éléments suivants (probablement non indépendants) ont été
inconstamment retrouvés associés à la survenue d’un cholangiocarcinome : âge plus élevé, consommation de tabac ou
d’alcool, association à une maladie inflammatoire du côlon,
ancienneté plus grande de la maladie inflammatoire du côlon
associée, dysplasie ou cancer colique associé, existence d’une
cirrhose, dysplasie (?) biliaire à la ponction-biopsie hépatique,
bilirubine plus élevée au moment du diagnostic de CSP, existence
de douleurs abdominales, score de gravité plus élevé, aggravation
clinique et biologique...
Il est probable que certains de ces éléments
témoignent déjà de l’existence d’un cholangiocarcinome.
Le risque
de survenue d’un cholangiocarcinome étant mal établi et le
diagnostic étant très difficile, une stratégie efficace de dépistage peut
sembler quasi impossible à établir.
Ce dépistage ne peut en effet
reposer sur des examens invasifs tels que l’opacification des voies
biliaires associés à des prélèvements histologiques ou cytologiques
par brossage (dont l’interprétation est difficile et la sensibilité faible).
Bien que non validées, les recommandations habituelles chez les
malades ayant une CSP sont les suivantes : réalisation semestrielle
de tests hépatiques simples, d’un dosage sanguin des marqueurs
tumoraux ACE et CA 19-9 et d’une échographie.
L’équipe de la
Mayo Clinic a suggéré l’intérêt du CA 19-9 et celle du King’s College a proposé un index : CA 19-9 + (ACE ´ 40) qui, s’il est
supérieur à 400 U, aurait une spécificité et une valeur prédictive
positive de 100 % et une sensibilité de 66 % chez les patients en
attente de transplantation.
Cependant, l’intérêt du CA 19-9 n’a
pas été retrouvé par tous les groupes et une étude longitudinale
récente portant sur 75 CSP suivies 8 ans avec mesures séquentielles
des marqueurs tumoraux (ACE, CA 19-9, CA 50, CA 242) suggère
un intérêt limité de ces marqueurs.
En pratique, la surveillance
de ces marqueurs tumoraux n’apparaît pas justifiée.
Deux approches
intéressantes ont été récemment proposées.
Il s’agit de l’étude de la
bile (notamment la recherche par polymérisation en chaîne de
mutations de K-ras) et surtout d’un examen non invasif, la
tomographie par émission de positons utilisant le fluoro-2- désoxy-D-glucose (FDG).
En effet, les cellules tumorales ont un
métabolisme du glucose très actif et accumulent le FDG
phosphorylé.
C’est notamment le cas du cholangiocarcinome.
Ces
deux types d’examen restent à valider sur une population
importante et non sélectionnée.
Un carcinome hépatocellulaire peut également survenir lorsque la CSP est parvenue au stade de cirrhose.
Différents modèles pronostiques ont été proposés pour la CSP.
Dans
l’étude comportant le plus grand nombre de malades, les facteurs
pronostiques identifiés étaient l’âge, la bilirubinémie, le stade
histologique et la présence d’une splénomégalie.
Une
modification de ce score n’incluant plus les données histologiques a
été récemment proposée par les auteurs de la Mayo Clinic (âge,
bilirubinémie, albuminémie, activité des transaminases, hémorragie
digestive).
Cependant, en raison de la grande variabilité de
l’expression de la maladie et du risque de survenue d’un cholangiocarcinome, les modèles pronostiques sont peu utiles à
l’échelon individuel.
Pathogénie
:
La pathogénie de la CSP n’est pas connue bien que des mécanismes
immunologiques et non immunologiques aient été suggérés.
Un
argument important en faveur d’une pathologie auto-immune est
représenté par la similitude de présentation chez l’enfant entre cholangite sclérosante et HAI.
Diverses hypothèses ont été émises,
dont les principales sont les suivantes : bactériémie portale
chronique, métabolisme anormal des acides biliaires par la flore
intestinale, production directe de toxines par cette flore, infections
virales chroniques méconnues, ischémie des voies biliaires et enfin
anomalies génétiques de l’immunorégulation.
Il n’existe aucune
théorie unitaire permettant d’expliquer complètement les
mécanismes pathogéniques.
Il est d’ailleurs possible que différents
mécanismes soient en cause.
Actuellement, il est proposé que la CSP
résulte de l’association de facteurs de susceptibilité immunogénétique
et de la présence dans le sang portal de composés
bactériens d’origine intestinale induisant une réaction inflammatoire
et fibrosante péribiliaire.
Comme dans d’autres maladies autoimmunes,
l’association à certains groupes human leukocyte antigen
(HLA) a été bien documentée : HLA-B8, HLA-DRB1*0301 (DR3),
HLA-DRB3*0101 (DRw52a).
La sévérité de l’évolution chez les
patients HLA-DRB1*0401 (DR4) a été suggérée. D’autres groupes
HLA conféreraient au contraire une « résistance » (HLA-DRB4*0103,
HLA-DRB4*0401).
Certains haplotypes tumor necrosis factor a
pourraient également jouer un rôle.
Traitements
:
L’évaluation des traitements est gênée par l’hétérogénéité et la
relative rareté de la maladie.
En conséquence, la plupart des essais
thérapeutiques n’ont inclus qu’un petit nombre de malades suivis
sur des périodes assez courtes.
Différents traitements
immunosuppresseurs ou à visée antifibrosante, incluant notamment
la D-pénicillamine, les corticoïdes, l’azathioprine, la ciclosporine et
le méthotrexate, ont été testés dans des études ouvertes ou
randomisées sans qu’aucun d’entre eux ne fasse la
preuve de son efficacité.
En raison de la similitude avec la CBP,
l’acide ursodésoxycholique (AUDC) a été testé chez les patients
ayant une CSP.
Une étude contrôlée AUDC versus placebo portant
seulement sur 14 malades et plusieurs études pilotes ont
montré une amélioration biologique sous AUDC.
Cependant, l’étude
randomisée la plus importante (105 patients, AUDC versus placebo) a confirmé
l’effet sur la biologie mais n’a pas montré de bénéfice en termes de
survie sans transplantation.
Toutefois, les
patients inclus dans cette étude étaient à un stade avancé de la
maladie et il est possible qu’un traitement plus précoce,
éventuellement à une posologie plus forte (³ 20 mg/kg/j), soit
efficace.
En pratique clinique, la quasi-totalité des CSP reçoit
actuellement de l’AUDC en raison notamment de sa très bonne
tolérance, mais l’évolution à long terme sous ce traitement n’est pas
connue. Un autre argument en faveur de l’utilisation de l’AUDC est
extrahépatique.
En effet, une étude transversale a suggéré que la
prise d’AUDC au long cours était associée à une diminution de
prévalence de la dysplasie colique chez les patients ayant une RCH
associée à la CSP.
Des traitements
médicamenteux combinés ont été testés chez un petit nombre de
malades sans mise en évidence de bénéfice clair.
Un traitement mécanique, endoscopique (dilatation, prothèse) ou
plus rarement chirurgical, ne peut raisonnablement être proposé
qu’à une minorité de malades ayant une sténose unique des voies
biliaires extrahépatiques. Un groupe a rapporté un effet bénéfique
de l’association dilatation endoscopique des sténoses-AUDC
(amélioration significative de la survie sans transplantation observée
dans le groupe traité par rapport à la survie prédite par le modèle
pronostique de la Mayo Clinic).
La faisabilité et la place réelle de
cette approche endoscopique très agressive restent à préciser.
Le traitement chirurgical se résume désormais pratiquement à la
transplantation hépatique pour les formes évoluées.
Le bénéfice de
la transplantation a été démontré par comparaison de la survie
observée chez les malades transplantés à celle prédite par le modèle pronostique de la Mayo Clinic en l’absence de transplantation chez
ces mêmes malades.
Les indications reconnues de la
transplantation sont :
– un ictère prolongé avec bilirubinémie supérieure à 100 µmol/L ;
– des épisodes répétés d’angiocholites mal contrôlées par les
antibiotiques ;
– une cirrhose constituée avec hypertension portale.
Pour certains, le risque de survenue d’un cholangiocarcinome est
un argument pour une indication précoce de transplantation, mais
les critères et le bénéfice d’un tel type d’indication ne sont pas
établis.
Le taux de survie à 5 ans des CSP transplantées est supérieur
à 70-80 % dans les séries récentes. Le principal facteur
pronostique péjoratif est un cholangiocarcinome connu
(éventuellement de diagnostic peropératoire), mais un
cholangiocarcinome diagnostiqué uniquement lors de l’examen
anatomopathologique de la pièce d’hépatectomie n’est pas associé à
une diminution de la survie.
La récidive de la CSP sur le greffon
est un sujet de controverse. Il existe toutefois de forts arguments en
faveur d’une récidive, de l’ordre de 20 % à 5 ans, mais celle-ci n’est
pas une cause importante de décès ou de retransplantation.
Chez
les patients transplantés ayant une RCH, une poussée de la maladie
intestinale peut être observée malgré le traitement
immunosuppresseur et une surveillance coloscopique au moins
annuelle est nécessaire en raison d’un risque majoré de cancer du
côlon.