Chirurgie plastique de l’abdomen
(Suite) Cours de Chirurgie
3- Plasties de l’étage médioabdominal et de la région
périombilicale :
Les lésions strictement ombilicales et périombilicales, lorsqu’elles ne
peuvent être corrigées par une incision à distance comme nous
venons de le voir, constituent l’une des plus grosses difficultés de la
chirurgie plastique abdominale.
Reste alors le choix entre :
– l’abstention, toujours possible ;
– et un abord direct de la lésion, avec comme sanction inévitable,
une cicatrice médioabdominale.
Il va sans dire que, dans cette
hypothèse, la patiente aura été prévenue de la topographie exacte
de la future cicatrice, de sa longueur et des incertitudes qui pèsent
toujours sur son évolution.
Nous proposons trois tracés principaux ; d’autres peuvent être
imaginés.
Il faut savoir que les indications en sont rares, et il faut insister sur
la vigilance qui devra entourer l’information de la patiente et le
contrat de soins qui sera passé avec elle.
* Plasties périombilicales circulaires
:
Elles consistent en une exérèse circulaire en forme de disque périombilical.
C’est, avec le recul, une intervention à déconseiller.
En effet, ou bien
l’exérèse cutanée est minime, ou bien, dès qu’elle est un peu plus
importante, il apparaît trois phénomènes :
– un plissé, en « rayon de soleil », qui est loin de toujours
disparaître ;
– une évagination de l’ombilic qui n’est plus au fond de son cratère
et s’agrandit dans ses dimensions ;
– enfin, une cicatrice souvent visible du fait de son extériorisation
et souvent hypertrophique du fait des tensions auxquelles elle est
soumise.
Proposées par Vilain, elles s’adressent principalement aux
fripures, flétrissures et vergetures localisées dans la région
sus-ombilicale.
L’originalité de cette technique est d’être itérative (Morestin),
réalisée en deux, voire trois temps, sous simple anesthésie locale.
Le
recours à plusieurs temps opératoires permet de profiter au mieux
de l’élasticité cutanée en limitant notablement la longueur finale de
la cicatrice.
La pièce d’exérèse correspond à un court fuseau transversal
horizontal, sus-ombilical.
Après une première exérèse réalisée prudemment sans vouloir
« résorber » la totalité de l’excédent cutané, une deuxième exérèse
est pratiquée, quelques mois plus tard : à partir de la première
cicatrice sus-ombilicale, la berge supérieure est décollée vers le haut
afin de permettre une exérèse complémentaire de l’excès cutané
résiduel, sans provoquer d’allongement de la cicatrice initiale.
La cicatrice définitive est donc horizontale, médioabdominale, assez
courte, située juste au-dessus de l’ombilic, et sa portion moyenne
peut être partiellement cachée dans la partie supérieure du cratère
ombilical.
* Plasties abdominales transversales médioabdominales à cheval
sur l’ombilic ou « midabdominoplasties »
:
Elles s’adressent à des lésions localisées autour de l’ombilic, mais
trop étendues cependant pour pouvoir bénéficier de l’une des deux
techniques qui viennent d’être décrites.
Elles consistent en l’exérèse d’un fuseau ou d’une ellipse à grand
axe transversal, horizontal, centré sur l’ombilic.
La longueur et la
largeur de cette pièce de résection dépendent bien évidemment de
l’importance des lésions à corriger ; elles conditionnent la longueur
de la rançon cicatricielle.
L’ombilic se situe au coeur de l’intervention comme au cours d’une
plastie abdominale axiale verticale : il ne sera ni désinséré, ni
transposé par rapport aux téguments pariétaux abdominaux ; il est
comme « immobile au coeur de la plastie ».
Ce schéma ne correspond en fait à aucun tracé classique auquel un
nom reste attaché, bien qu’il ait été utilisé couramment, par
beaucoup, avec des résultats intéressants.
La description en a été reprise en 1975 par Stuckey sous le nom de
« midabdomen abdominoplasty ».
D’un point de vue technique, l’intervention commence par une
incision et une dissection circulaire de la collerette ombilicale.
À
partir de cette voie d’abord circulaire, la peau est décollée vers le
haut, vers le bas, et latéralement.
L’excès cutané peut alors
facilement être apprécié et réséqué, symétriquement, au niveau de
chacun des lambeaux supérieur et inférieur, ce qui confère à la pièce
totale d’exérèse la forme d’une ellipse ou d’un fuseau.
La fermeture est obtenue par rapprochement des deux berges
supérieure et inférieure, ce qui détermine une suture horizontale médioabdominale, interrompue sur la ligne médiane par la collerette
ombilicale.
Deux demi-cercles, opposés par leur diamètre qui est égal à celui de
l’ombilic, sont alors excisés à la demande au milieu de chacune des
berges, de telle sorte que l’ombilic retrouve sa place, en fin
d’intervention, au milieu de la cicatrice.
Cette technique, qui permet l’ablation de la totalité des lésions périombilicales d’extension moyenne, a bien sûr l’inconvénient de
laisser derrière elle une cicatrice assez longue et en plein milieu du
ventre dénudable.
Il faut dire cependant que l’évolution de cette cicatrice, parfaitement
située dans le sens des plis de flexion de la peau abdominale, est
souvent très satisfaisante, donnant à moyen terme des résultats
volontiers acceptables.
4- Plastie de l’étage sus-ombilical : plastie abdominale
transversale haute
Décrite en 1977 par Rebello, cette technique est séduisante à
condition de la réserver à des indications très précises et en fait
rares : elle s’adresse en effet à des lésions étendues de l’étage
supérieur de l’abdomen, sans lésion de l’étage sous-ombilical.
Nous l’envisageons d’abord sans tenir compte de la plastie
mammaire qui peut éventuellement lui être associée.
Le tracé de la berge supérieure suit latéralement les deux sillons sous-mammaires et décrit, sur la partie médiane, présternale, une
courbe à concavité inférieure, réalisant une incision en « aile de
mouette ».
Le décollement sus-aponévrotique est mené jusqu’au
niveau de l’ombilic, le dépassant légèrement latéralement.
L’étendue
de l’exérèse est au mieux appréciée en peropératoire, en incisant le
lambeau abdominal ainsi obtenu sur la ligne médiane, afin de mettre
un point de bâti là où s’exerceront les forces de traction maximales.
Ainsi, la berge inférieure décrit-elle une courbe régulièrement
concave en haut qui vient rejoindre les extrémités des sillons sous-mammaires.
L’ombilic n’est pas transposé.
On peut ainsi obtenir une bonne
remise en tension de tout l’étui cutané sus-ombilical.
Le principal inconvénient de cette technique réside dans l’existence
d’une cicatrice transversale médiane, présternale, passant en pont
entre les deux seins dans le décolleté.
On sait qu’il s’agit là d’une région dont la cicatrisation évolue
volontiers sur le mode hypertrophique ; or, c’est à ce niveau que les
forces de traction sont maximales sur les berges cicatricielles.
Outre le soin que l’on prend à ne pas faire une exérèse trop
importante afin de ménager une tension raisonnable sur les berges,
il est important de placer cette portion médiane de la cicatrice
suffisamment basse, dans la région xiphoïdienne, afin qu’elle soit
dissimulable dans le soutien-gorge.
L’indication idéale de cette technique apparaît donc chez les femmes
présentant un excès cutanéograisseux localisé à l’étage sus-ombilical
et « demanderesses » de plastie mammaire, une partie appréciable
des rançons cicatricielles se trouvant alors confondues.
À ce propos, il faut préciser que nous n’avons pas observé de
répercussions négatives dues à la plastie abdominale haute sur la
statique mammaire.
Il semble que l’absence de tension au moment
de la suture, grâce à un décollement suffisamment étendu, soit le
meilleur garant contre ce type de complication.
C - MÉTHODES COMPLÉMENTAIRES
:
Pour clore ce chapitre consacré au plan cutané, nous abordons la
question de l’endoscopie et de l’expansion cutanée.
1- Endoscopie
:
Elle peut constituer un apport intéressant dans le cas de certaines abdominoplasties localisées.
En pratique, c’est surtout dans le cadre de l’association du
traitement d’une distension musculoaponévrotique à une
lipoaspiration abdominale isolée sans plastie de réduction cutanée
que l’on en trouve les meilleures indications.
Nous y reviendrons.
2- Expansion cutanée
:
Dans certains cas (rares) de parois abdominales multicicatricielles,
principalement au décours de certaines péritonites, le capital cutané
abdominal sain résiduel peut s’avérer insuffisant.
C’est dans ce
contexte que la mise en place de prothèses d’expansion permettant
de distendre la peau postérolatérale, des hanches et des flancs, peut
s’avérer indispensable à la reconstruction d’une couverture cutanée
abdominale.
Mais surtout, et paradoxalement, c’est le traitement du plan
graisseux, que nous allons maintenant étudier, qui a permis la
réduction la plus appréciable des rançons cicatricielles de la
chirurgie plastique abdominale.
En effet, la lipoaspiration et ses développements modernes rendent
possibles :
– non seulement l’extraction de la graisse en surcharge ;
– mais surtout, par la maîtrise et la gestion de la rétraction cutanée,
la réduction notable de la longueur des cicatrices, voire même la
possibilité de se passer de toute cicatrice, légitimant ainsi la
dénomination de lipoaspiration sculpturante.
C’est la raison pour laquelle nous allons consacrer une part
importante de notre propos au traitement du plan graisseux.
Plan graisseux
:
L’abdomen est incontestablement l’une des régions, sinon la région,
qui a le plus bénéficié de l’apport de la lipoaspiration.
Que celle-ci soit réalisée isolément, ou en association avec une
plastie abdominale, elle constitue désormais l’un des temps
essentiels du traitement de la paroi abdominale, dans la mesure où
elle permet d’en réaliser un véritable remodelage chirurgical.
Avant d’étudier les applications spécifiques de la lipoaspiration dans
la chirurgie plastique de l’abdomen, un rappel de ses principes
généraux s’impose.
A - LIPOASPIRATION : PRINCIPES GÉNÉRAUX
1- Historique
:
De tout temps, les chirurgiens plasticiens ont souhaité mettre au
point une technique permettant de remodeler la silhouette, et
notamment de lui redonner une certaine minceur, signe qui est
souvent associé à la jeunesse et à la beauté.
Pendant de longues années, les méthodes qui s’étaient fixé cet
objectif étaient grevées de décollements importants et de longues
cicatrices.
Plus récemment, certaines techniques ont été proposées : elles
avaient pour principe de raccourcir considérablement la cicatrice,
mais comme inconvénient de garder un décollement important,
source d’une grande morbidité.
Schrudde, en 1972, se sert d’une curette utérine tranchante et réalise
un véritable « curetage » de la graisse.
A et G Fisher, en 1974, proposent de broyer la graisse avec une sorte
de fraise électrique.
Kesselring utilise en 1976 une large curette tranchante, qu’il relie à
un aspirateur de faible puissance.
Il aspire la graisse, mais après
avoir séparé celle-ci du plan profond avec de longs ciseaux.
Ces techniques plus récentes avaient en commun de conserver un
décollement important, qui est souvent à l’origine de complications
(seromas, nécroses cutanées, rétractions cutanées irrégulières et
inesthétiques).
En 1977, Illouz propose sa technique de lipoaspiration dont les
caractéristiques principales sont les suivantes :
– utilisation d’une canule-mousse afin d’éviter de trancher, et de
permettre ainsi le respect des éléments nobles, vaisseaux et nerfs ;
– cette canule est reliée à un moteur puissant ;
– la canule-mousse permet surtout une véritable tunnellisation, et
la multiplication des tunnels permet d’éviter tout décollement réel
au sens chirurgical et classique du terme.
Illouz a d’abord expérimenté sa technique sur de gros lipomes, puis
sur des échecs de procédés classiques avant d’aborder
progressivement le traitement de cas véritablement esthétiques purs.
Les premiers résultats s’avérèrent rapidement brillants.
Compte tenu
de la fiabilité de cette méthode, il l’étendit rapidement à l’ensemble
du corps, ainsi qu’au visage.
La première publication concernant cette méthode a été faite par lllouz en 1982, à propos de 3 000 cas.
Cette technique a depuis connu un succès quasiment sans précédent
dans l’histoire de la chirurgie.
Malheureusement, ce succès a eu aussi sa contrepartie : une
utilisation souvent mal comprise, avec parfois de mauvaises
indications, voire des opérateurs insuffisamment formés.
Or, si le
principe technique de la lipoaspiration peut paraître simple, ses
indications et sa réalisation technique requièrent la même rigueur
que tout acte chirurgical, faute de quoi on s’expose non seulement à
des séquelles inesthétiques, mais aussi à des complications
volontiers redoutables.
2- Principes généraux de la chirurgie de la graisse
:
* Cicatrisation de la graisse
:
Lorsque la canule de lipoaspiration a créé un tunnel, celui-ci est le
siège d’une cicatrisation qui se présente sous la forme d’une étoile
de tissus fibreux avec rétraction cicatricielle en rayon concentrique.
Cette cicatrice punctiforme est d’un diamètre plus petit que le
diamètre de la canule qui l’a créée.
On conçoit donc qu’une série de
tunnels donneront un pointillé d’étoiles rétrécissant d’autant la
longueur en surface. Il s’agit d’une cicatrisation par première
intention, qui se fait pratiquement sans épanchement séreux.
C’est cette cicatrisation de la graisse rétractile, concentrique et
régulière qu’Illouz a qualifiée de cicatrisation en « pointillé
d’étoiles ».
* Rétraction de la peau
:
Cette cicatrisation en « pointillé d’étoiles » entraîne donc une
rétraction de la peau et des tissus sous-cutanés sur eux-mêmes.
Il faut bien comprendre que la peau, par ses fibres élastiques, peut
se redraper passivement dans la mesure où les fibres élastiques, que
contient le derme, peuvent s’étirer et reprendre ensuite leur forme
et leur dimension initiales.
En revanche, dans le cadre de l’effet recherché par la cicatrisation en
« pointillé d’étoiles », c’est le sous-sol immédiat sous-cutané qui a la
propriété active de se rétracter.
C’est cet effet de rétraction du soussol
qui vient s’ajouter à l’effet d’extraction graisseuse, et qui
constitue le deuxième élément important du résultat d’une
lipoaspiration.
On peut donc résumer schématiquement que le sous-sol se rétracte
là où la peau se redrape.
En ce qui concerne l’importance de cette rétraction cutanée, les
expériences faites sur l’animal et notamment sur le porc, tendent à
prouver que l’on peut obtenir une rétraction cutanée d’environ 10 %,
c’est-à-dire, qu’un lambeau de 10 cm ne fera plus à terme que 9 cm.
* Stéatomes
:
Nous avons vu qu’il existait une différence importante, anatomique,
histologique et physiologique entre :
– la graisse superficielle, aréolaire ; cette graisse métabolique, plus
ou moins facile à perdre, est responsable du phénomène de la
cellulite ;
– la graisse profonde, lamellaire ou graisse de réserve ; cette graisse
apparaît « bloquée », très difficile à perdre.
Son importance et sa
localisation sont principalement d’origine génétique.
Ces zones de surcharges graisseuses localisées profondes (stéatomes
ou lipodystrophies localisées) correspondent à des graisses que
l’organisme met en réserve.
Tout se passe comme si l’organisme
bloquait lui-même, par une série de réactions chimiques, l’utilisation
de ces graisses.
La principale caractéristique d’un stéatome est donc de résister à
l’amaigrissement, et, en présence d’une surcharge graisseuse
localisée, pour préciser sa nature exacte, le mieux est de demander à
la patiente quelles sont les zones de surcharges graisseuses qui
subsistent après l’amaigrissement.
En ce qui concerne la paroi abdominale, la couche graisseuse de
réserve, profonde, n’existe que dans l’abdomen sous-ombilical.
Au
niveau de l’abdomen sus-ombilical, seule existe une couche
superficielle, fibreuse, irriguée par de nombreux vaisseaux,
notamment lymphatiques.
3- Principes techniques
:
Il existe un certain nombre de principes, qui régissent la réalisation
technique de toute lipoaspiration.
– Il faut ne créer que des tunnels, sans aucun décollement.
Les premiers tunnels sont en règle générale réalisés dans la graisse
superficielle profonde, avec des canules de 4 mm.
Puis, on remonte progressivement dans la graisse superficielle, avec
des canules de plus en plus fines, jusqu’à un calibre de 2 mm.
Les mouvements imprimés par la canule sont des mouvements
d’avant en arrière, en évitant notamment tout mouvement latéral,
de manière à ne créer aucune cavité ni aucun plan de décollement.
– Il faut être le moins traumatisant possible afin de respecter les
éléments nobles que sont les vaisseaux et les nerfs : c’est pour cette
raison que les canules sont toujours mousses au niveau de leur
extrémité.
Elles sont maniées avec le plus de douceur possible.
– L’intervention doit être la moins sanglante possible.
À cette fin, il est conseillé de réaliser une technique humide, ce qui
est rendu possible par une infiltration préopératoire réalisant une
véritable hydrotomie disséquante ; nous y reviendrons.
– Il est essentiel de savoir rester toujours dans le tissu graisseux, en
n’étant ni trop superficiel, ni trop profond.
En effet, le fait de sortir du tissu graisseux risquerait de créer des
lésions, soit à la face profonde de la peau, soit au niveau du plan musculoaponévrotique, lésions qui pourraient être à l’origine de
rétractions cutanées adhérentielles secondaires.
Dans le même ordre d’idée, il est important de respecter toujours
une épaisseur graisseuse minimale afin de laisser à la patiente la
possibilité de regrossir un peu localement et d’éviter une adhérence
de la peau directement au plan aponévrotique, qui s’avère toujours
particulièrement inesthétique.
– Il faut savoir préjuger ce que sera la rétraction de la peau : en effet,
dans cette technique, nous avons vu que la rétraction de la peau
faisait partie de la méthode, qu’elle était un allié et un moyen
thérapeutique. Nous devons savoir l’utiliser et la prévoir.
– Il faut tenir compte du retentissement de la lipoaspiration au point
de vue général.
– Enfin, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une méthode aveugle, et il
faut savoir imaginer en permanence ce qu’on fait, ce qu’on enlève et
ce qu’on laisse.
4- Indications
:
Il existe un certain nombre de cas qui a priori ne constituent pas
une bonne indication de lipoaspiration.
Il s’agit d’une part des
grands obèses (l’obésité ne constitue que rarement une indication
de lipoaspiration), d’autre part des cas où il existe manifestement
un excès cutané important, avec une peau dont il serait illusoire
d’espérer une rétraction.
Ces contre-indications étant respectées, en fonction des données de
l’examen, l’indication peut porter sur une ou plusieurs zones de
surcharge graisseuse.
Nous avons vu qu’il était important de savoir préestimer la quantité de tissu graisseux à extraire, de manière à
savoir respecter sa limite quantitative, d’ajuster la réanimation pré-,
per-et postopératoire et de prévoir éventuellement une
autotransfusion.
5- Technique opératoire
:
* Dessin des stéatomes
:
Avant l’intervention, on dessine soigneusement les stéatomes à l’aide
d’un feutre, en position debout.
* Infiltration
:
L’infiltration est réalisée avant la lipoaspiration à l’aide de sérum
physiologique adrénaliné, avec ou sans adjonction d’hyaluronidase.
L’hydrotomie qu’elle permet offre l’avantage de faciliter
physiquement l’intervention, de magnifier la couche graisseuse et
de diminuer notablement le saignement.
* Incisions
:
Elles sont courtes, à distance d’un vaisseau et d’un orifice naturel, à
la périphérie et non au milieu de la zone à traiter.
* Canule
:
Il convient de choisir la canule la plus fine et la plus courte possible
par rapport à la zone à traiter.
* Tunnels
:
Leur orientation correcte permet d’aspirer sélectivement la graisse
en respectant les vaisseaux et les éléments nerveux.
L’aspiration est régulière, dans différents plans en commençant, en
règle générale, par les plans les plus profonds et en remontant
progressivement vers les plans superficiels.
Au cours de
l’intervention, chacune des deux mains a un travail bien spécifique :
– la main qui tient la canule réalise des mouvements de va-et-vient
de pistons.
Il convient d’éviter tous mouvements latéraux qui
risqueraient de créer ou de favoriser un décollement ;
– la deuxième main est en fait le guide et l’oeil de la main qui tient
la canule.
C’est elle, en effet, qui permet de localiser la zone à traiter,
de l’immobiliser, de la raffermir et de la présenter, en quelque sorte,
à l’orifice de la canule.
Cette deuxième main permet aussi
d’apprécier l’épaisseur de la graisse entre les doigts, de la sentir
diminuer progressivement, et de choisir le moment le plus opportun
pour arrêter l’aspiration lorsque l’épaisseur souhaitée a été obtenue.
Dans notre expérience, nous utilisons alternativement la main droite
et la main gauche pour tenir la canule, ce qui permet de faciliter
l’orientation de celle-ci en fonction des zones anatomiques traitées,
et de diminuer les changements de côté par rapport à la table
opératoire.
On réalise en général une dizaine de mouvements de va-et-vient
dans un même tunnel.
Il faut ensuite créer une série de tunnels, les uns à côté des autres,
dans le même plan.
On remonte ensuite progressivement de la profondeur vers la
superficie avec des canules de plus en plus fines, la graisse
superficielle étant traitée à l’aide des canules de 3 et de 2 mm.
Cette technique d’aspiration superficielle complète remarquablement
l’aspiration profonde.
Elle a été codifiée à partir de 1989, principalement par Gasparoti,
Toledo et Lewis.
L’aspiration des plans superficiels permet d’améliorer la rétraction
cutanée.
Les indications de la lipoaspiration ont pu ainsi s’élargir au niveau
de certaines zones réputées difficiles, ou sous des peaux de moins
bonne qualité.
Quels que soient les progrès de cette composante superficielle de la lipoaspiration, et la complémentarité réelle qui existe entre les
lipoaspirations profonde et superficielle, il convient de ne pas
méconnaître les limites qui existent toujours en fonction de la qualité
de la peau.
B - LIPOASPIRATION ET CHIRURGIE PLASTIQUE
DE L’ABDOMEN :
La lipoaspiration a véritablement révolutionné la chirurgie plastique
de l’abdomen et rares sont, aujourd’hui, les plasties abdominales qui
ne comportent pas un temps de lipoaspiration.
En pratique, deux grands cas de figures doivent être distingués :
– la lipoaspiration isolée de l’abdomen ;
– la lipoaspiration associée à une abdominoplastie.
1- Lipoaspiration isolée de l’abdomen
:
Il est des cas où une lipoaspiration seule peut suffire à corriger une
surcharge adipeuse abdominale localisée chez une patiente dont la
peau est assez tonique.
Les progrès réalisés par la lipoaspiration, notamment les techniques
de lipoaspiration superficielle, joints à la très grande aptitude de la
peau abdominale à se retendre et à se rétracter, ont permis d’élargir
considérablement le champ de ces indications au cours des dernières
années.
Au plan technique, nous rappelons quelques points importants.
– Le repérage soigneux, en préopératoire et en position debout, des
zones de surcharges graisseuses, selon des courbes de niveaux,
réalisant une véritable cartographie altimétrique.
– L’importance de l’infiltration.
– L’abord comporte :
– une seule incision de 4 mm dissimulée dans la collerette
ombilicale quand le traitement se limite à la paroi antérieure ;
– trois incisions : une ombilicale et une de chaque côté, dans la
région des épines iliaques antérosupérieures, chaque fois qu’on
associe le traitement des bourrelets latéraux des flancs.
– L’utilisation de canules mousses avec des orifices latéraux ;
canules de petit diamètre de 4, 3 et 2 mm.
– La création d’un réseau régulier de tunnels.
La topographie de ce réseau est déterminante. Le travail
s’effectue en trois dimensions et doit être doublement dégressif,
horizontalement et verticalement :
– horizontalement : la disposition des tunnels dans la zone
aspirée permet d’enlever progressivement et harmonieusement de
moins en moins de graisse du centre vers la périphérie, afin
d’obtenir un vrai dégradé et non un aspect en « marches
d’escalier » ;
– de plus, au-delà de cette zone aspirée, on complète par des
« crevées » réalisant une tunnellisation périphérique sans
aspiration, ce qui permet d’augmenter la surface cutanée appelée
à se rétracter ;
– à cette dégressivité horizontale, il convient d’ajouter une
composante verticale gérant la troisième dimension :
verticalement en effet, si la couche graisseuse profonde est traitée
initialement à l’aide des canules n° 4, le volume des canules
utilisées diminue progressivement vers la superficie, ce qui
permet de réaliser des tunnels de plus en plus nombreux et de
plus en plus fins, au fur et à mesure que l’on se rapproche de la
surface cutanée, à l’aide des canules de 3 puis de 2 mm.
Cette composante superficielle de la lipoaspiration, facilitée par
l’infiltration qui magnifie le tissu adipeux, est déterminante pour
optimiser la rétraction cutanée.
– La question du bourrelet latéral des flancs, retient un peu notre
attention, car elle nous paraît importante.
Il est bien rare, en effet,
que cette région ne soit pas le siège d’une surcharge adipeuse.
Lorsque la patiente formule une demande de traitement concernant
la seule paroi abdominale antérieure, nous lui suggérons toujours
l’aspiration concomitante de la graisse des hanches et des bourrelets
latéraux des flancs.
En effet, un tel geste offre un double intérêt :
– certes, il permet d’affiner la taille ;
– mais il augmente aussi notablement la surface de la peau
appelée à se rétracter.
Or, il s’agit là d’une peau dont la qualité
est, en général, excellente, dans la mesure où les grossesses ne
l’ont pas ou très peu affectée.
– L’étui cutané abdominal est alors sollicité presque de manière
circulaire, sur plus de 300°, ce qui accroît considérablement sa faculté
de remise en tension.
La rétraction de la peau latérale et postérolatérale des flancs
améliore nettement la remise en tension cutanée abdominale.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que l’abdomen est une
région difficile pour l’aspiration pure et que de plus, sur cette région,
la moindre imperfection sera particulièrement visible, notamment
par la patiente.
C’est l’expérience du chirurgien qui permet de réaliser un travail
régulier, un plan d’aspiration harmonieux, une bonne protection des
plans superficiels et l’ablation suffisante de graisse en évitant tout
excès.
Mais, quelles qu’aient été les améliorations de ces techniques de lipoaspiration isolée, il est des cas où l’état cutané oblige à réaliser
une plastie de réduction cutanée, donc une plastie abdominale
associée à une lipoaspiration.
2- Lipoaspiration associée à une abdominoplastie
:
Dans le cadre d’une plastie abdominale avec résection cutanée et
éventuellement geste sur l’ombilic, la lipoaspiration conserve très souvent un intérêt de premier ordre, car elle permet de désépaissir
la paroi abdominale et, de ce fait, améliore notablement le résultat
postopératoire.
Il est rare actuellement qu’une abdominoplastie se prive de
l’aspiration, complément utile, et permettant un raffinement dont
l’intérêt n’est plus discuté.
L’un des buts de l’aspiration est aussi de minimiser l’importance de
la plastie abdominale.
La lipoaspiration associée à une plastie abdominale peut améliorer
l’intervention en permettant de :
– dégraisser le lambeau supérieur : en effet, on prévient ainsi
l’incongruence d’épaisseur entre les berges des lambeaux supérieur
et inférieur, ce qui favorise les conditions de cicatrisation, et réduit
beaucoup, en pratique, l’incidence des cicatrices adhérentes et
« enterrées » ;
– dégraisser les parties latérales, ce qui affine encore le résultat, en
diminuant la longueur de la cicatrice, par suppression de la
composante adipeuse des « oreilles » externes ;
– diminuer l’ampleur et l’importance du décollement jusqu’à le
supprimer ; en effet, l’aspiration ayant aminci le lambeau supérieur
qui doit être abaissé, ne laissant théoriquement que les attaches vasculonerveuses, très élastiques, le lambeau supérieur « vient »
plus facilement et nécessite un décollement moindre en hauteur ;
– agir sur l’environnement par aspiration des surcharges graisseuses
voisines (abdominale, sus- et périombilicales, mont de Vénus,
bourrelet latéral des flancs et culotte de cheval).
L’aspiration peut aussi modifier la stratégie de la plastie abdominale
en permettant de :
– minimiser l’intervention ;
– supprimer la transposition de l’ombilic, ou la remplacer par une désinsertion-abaissement ou une néo-ombilicoplastie ;
– réduire l’importance de la résection cutanée ;
– réduire la longueur de la cicatrice ;
– réduire le décollement.
Ces cinq points permettent ainsi fréquemment de modifier la
stratégie en matière de chirurgie plastique de l’abdomen :
– en diminuant beaucoup l’importance de l’abdominoplastie ;
– et en remplaçant souvent une plastie abdominale étendue (avec
transposition de l’ombilic) par une plastie abdominale localisée (sans
geste sur l’ombilic).
Plan musculoaponévrotique
:
En revanche, nous développons les problèmes posés par les parois
musculaires hypotoniques, ou distendues, ainsi que par l’existence
d’un diastasis de la ligne blanche : de telles lésions, lorsqu’elles
existent, doivent toujours être prises en compte dans le schéma
thérapeutique.
Une distension plus ou moins importante du plan musculoaponévrotique
est la rançon de bien des grossesses.
Le diastasis des droits est défini par un écartement supérieur à 4 cm
entre les bords internes de chacun des muscles grands droits.
Il est important de noter que, même lorsque cette distance reste
inférieure à 4 cm, voire normale, la distension globale du plan musculoaponévrotique augmente la véritable arche formée par les
muscles grands droits et leur aponévrose, entre l’appendice xiphoïde
et le pubis, déterminant une protubérance antérieure de l’abdomen.
Chaque fois qu’il existe une telle distension, son traitement s’avère
souhaitable.
Il est assuré par une plicature des muscles grands droits, qui permet,
par la correction par la reconstruction de l’arche, de réduire la
protubérance abdominale antérieure.
La technique en est bien connue.
La plicature du plan musculoaponévrotique est réalisée dans l’axe vertical, aussi bien à
l’étage sus-ombilical, qu’à l’étage sous-ombilical.
Elle consiste en un
rapprochement des bords internes des muscles droits sur la ligne médiane, par une série de points inversants tous les centimètres, au
monofilament n° 0.
Ces points prennent en masse le bord interne
des muscles et de leur gaine, sans qu’il soit évidemment nécessaire
d’ouvrir le péritoine.
Cette plicature-adossement sur la ligne
médiane, importante sur le plan fonctionnel, est de même capitale
sur le plan morphologique, car elle améliore le galbe de la taille.
Lorsque les lésions cutanées sont peu importantes, une telle
correction de l’ensemble du diastasis des droits peut, avec un peu
d’expérience et l’aide d’une lumière froide, être obtenue au prix
d’une petite incision intrapileuse type Pfannenstiel, sans aucun
geste, ni de désinsertion, ni de transposition de l’ombilic.
Lorsque le plan cutané ne nécessite aucune résection, que le diastasis
des droits soit isolé ou associé à une surcharge graisseuse traitée par lipoaspiration, il est séduisant d’envisager la remise en tension du
plan musculoaponévrotique par chirurgie endoscopique.
La question du choix parmi ces différentes techniques est étudiée au
chapitre « Indications ».
Si cette plicature des droits est, en règle, souhaitable en cas de
distension musculoaponévrotique, elle est le plus souvent suffisante.
Ce n’est que dans certains cas de parois très hypotoniques qu’il
faudra améliorer cette remise en tension du plan musculoaponévrotiquc
par des plicatures supplémentaires.
Deux orientations thérapeutiques nous paraissent à cet égard
intéressantes.
– Jackson décrit en 1978, sous le nom de waistline stitch une
plicature biaxiale.
Pour cet auteur, il existe, fréquemment associé au diastasis des
droits, un relâchement musculoaponévrotique dans le sens vertical,
de l’appendice xiphoïde au pubis.
Aussi, Jackson propose-t-il d’associer à la plicature axiale verticale
classiquement réalisée pour traiter le diastasis, une plicature
horizontale transversale, croisant la précédente au niveau de
l’ombilic et intéressant, de dedans en dehors, le muscle grand droit
et les muscles de la paroi antérolatérale de l’abdomen (grand
oblique, petit oblique, transverse).
Ainsi, la taille est-elle parfaitement redessinée par une double
plicature, biaxiale, convergeant au niveau de l’ombilic, d’où le nom
de waistline stitch, donné à ce procédé.
– Dans le même esprit, Psillakis propose la plicature du grand
oblique au bord externe de la gaine des droits : il est même possible,
après dissection des muscles grands obliques, de refouler en dedans
et en arrière leurs corps musculaires, pour suturer l’une à l’autre,
sur la ligne médiane, les aponévroses des grands obliques par une
série de points séparés de fils non résorbables.
Indications :
Nous avons vu que la lipoaspiration et ses développements les plus
récents permettaient de traiter radicalement les surcharges
graisseuses abdominales, mais qu’elle offrait aussi la possibilité de
générer, grâce à sa composante superficielle, une rétraction cutanée
importante, même en présence d’une peau de qualité moyenne.
On parvient ainsi a réduire de façon très significative le nombre des
plasties abdominales, mais aussi à limiter l’importance de celles-ci
(en diminuant notamment l’étendue des décollements et le nombre
des transpositions ombilicales).
Une telle stratégie a comme intérêt, non seulement de réduire la
rançon cicatricielle, mais aussi d’alléger considérablement
l’intervention et ses suites.
En pratique, le problème de l’indication dans le domaine de la
chirurgie plastique de l’abdomen peut en général se résumer à deux
questions :
– la lipoaspiration sera-t-elle suffisante (lipoaspiration abdominale
isolée), ou bien faudra-t-il y associer une plastie de réduction
cutanée ?
– si une plastie abdominale associée apparaît souhaitable, quel type
d’intervention choisir ?
La lipoaspiration sera t-elle suffisante ?
Les progrès réalisés dans le domaine de la lipoaspiration
superficielle, et l’intérêt qu’il y a à réduire autant les décollements
que les cicatrices, nous incitent à privilégier la lipoaspiration en
proposant, chaque fois que cela apparaît raisonnable, une
lipoaspiration abdominale isolée première.
Cette stratégie repose sur un contrat de soin très précis qui doit être
parfaitement exposé à la patiente, qui sera notamment avertie :
– qu’une lipoaspiration secondaire, complémentaire, peut être
souhaitable 8 à 12 mois plus tard, pour améliorer le résultat de la
première opération, en exploitant au mieux dans le temps le capital
élastique cutané et l’aptitude de la peau à se rétracter.
Ce second
geste, non obligatoire, ne devra pas alors être vécu comme un échec
mais comme un simple complément, habituellement réalisé sous
anesthésie locale, permettant d’améliorer encore un résultat déjà
considéré comme satisfaisant ;
– qu’il est toujours temps de réaliser une plastie de réduction
cutanée secondaire, chaque fois que la peau n’aura pu se retendre et se rétracter suffisamment.
Le fait de réaliser cette plastie abdominale
en dernier recours aura laissé toutes les chances à la patiente bien
informée d’éviter une rançon cicatricielle.
Une telle stratégie, que nous utilisons maintenant de manière
régulière depuis 1989, nous a permis de réduire de façon
extrêmement importante, même chez des patientes âgées, le nombre
des plasties abdominales associées à une lipoaspiration et par
conséquent de réduire :
– les cicatrices ;
– les décollements, avec ce que cela suppose de simplification des
suites opératoires.
Tout se passe comme si la limite d’une telle stratégie ne se situait
pas au niveau de la peau dont la rétraction est volontiers
spectaculaire, mais au niveau du plan musculoaponévrotique.
On sait en effet que, même en l’absence d’un diastasis des droits
véritable, la distension globale du plan musculoaponévrotique
augmente l’arche formée par les muscles grands droits, entre
l’appendice xiphoïde et le pubis, déterminant une protubérance
antérieure de l’abdomen.
Devant un tel aspect :
– on peut dans certains cas ne pas réaliser un traitement spécifique,
notamment en présence d’une distension modérée chez une femme
d’un certain âge ;
– en revanche, chaque fois que la distension est assez importante et
que le traitement se veut radical, la distension musculoaponévrotique
nécessite un geste spécifique qui peut être réalisé :
– soit de manière classique, par une petite incision transversale intrapileuse ;
– soit par chirurgie endoscopique, qui met aujourd’hui à notre
disposition toute l’instrumentation permettant de traiter non
seulement une simple distension musculoaponévrotique, mais
aussi un véritable diastasis des droits, même important.
Il faut remarquer cependant que, pour séduisant qu’il soit, l’abord
endoscopique nécessite un décollement étendu, en tout point
comparable à celui du traitement classique d’un diastasis des
droits : or, c’est ce décollement qui est à l’origine de l’essentiel de
la morbidité et des complications (épanchements lymphatiques,
hématomes, rétractions adhérentielles, etc).
Dans le cas où une plastie abdominale associée apparaît souhaitable, quel
type d’intervention choisir ?
Il est des cas où, à l’évidence, une plastie abdominale s’avère
indispensable (abdomen pendulum, excès cutané manifeste avec
peau de mauvaise qualité).
Il existe aussi des cas où la patiente manifeste clairement sa
préférence pour une stratégie thérapeutique radicale vis-à-vis de
l’excès cutané, sans que la perspective d’une cicatrice ne
l’incommode.
Dans de tels cas, une plastie abdominale est programmée et choisie
en fonction des lésions et de la morphologie de la patiente.
Cependant, chaque fois qu’il existe une surcharge graisseuse
locorégionale, même modérée, le premier temps de l’intervention
consiste en une lipoaspiration de la paroi abdominale antérieure et
des bourrelets latéraux des flancs.
En effet, nous avons vu que cette lipoaspiration permettait :
– de réduire l’importance de la résection cutanée ;
– de réduire la longueur des cicatrices ;
– de réduire l’étendue du décollement ;
– de réduire le nombre de transpositions ombilicales, transformant
ainsi bon nombre de plasties abdominales étendues, en plasties
abdominales localisées ;
– de simplifier globalement l’intervention et ses suites, en réduisant
notablement l’incidence des complications.
Les éléments qui président au choix du schéma de plastie
abdominale ont déjà été largement développés dans le chapitre
consacré au traitement du plan cutané.
Ce choix sera fait :
– après un examen clinique complet, non seulement de la paroi
abdominale, mais aussi du morphotype et de l’état général ;
– après une étude soigneuse des motivations de la patiente, et de ce
qu’elle attend réellement de l’intervention.
Ainsi, compte tenu des différents tableaux cliniques possibles, et à
partir des éléments d’analyse de la paroi abdominale, il est possible
d’envisager une classification technique, et d’en tirer des conclusions
chirurgicales établies en fonction :
– de l’état de la distention tissulaire globale (comprenant certes
l’étage sous-ombilical, mais surtout l’étage sus-ombilical, pour
apprécier les possibilités de couverture tissulaire après la résection) ;
– de la surcharge adipeuse de la paroi abdominale et des flancs ;
– de la situation de l’ombilic ;
– de la distance xiphopubienne ;
– des distances xipho-ombilicale et ombilicopubienne et du rapport
entre elles ;
– de l’existence de cicatrices abdominales et de points de faiblesse
pariétale.
Cette analyse pariétale et morphologique complète nous amène à
distinguer avec Psillakis sept types anatomocliniques différents,
auxquels correspondent des réponses adaptées, en sachant qu’une
telle classification a forcément un aspect un peu schématique.
1- Association éventuelle d’autres interventions
aux plasties abdominales :
Il s’agit d’une question fréquemment posée dans la pratique.
Il faut
en fait, distinguer plusieurs cas de figures, selon le type
d’intervention, notamment en fonction de la nécessité ou non d’une
ouverture du péritoine.
* Association avec une autre intervention de chirurgie plastique
:
Bien qu’une plastie abdominale ne doive jarnais être considérée
comme un geste mineur, il est logique d’envisager d’y associer une
autre intervention de chirurgie plastique.
C’est souvent le cas d’une plastie mammaire : l’expérience, et
plusieurs séries de la littérature montrent que l’association
plastie mammaire et plastie abdominale est envisageable sous certaines réserves et dans certaines conditions, avec des suites
comparables à celles d’une simple plastie abdominale.
D’autres associations sont possibles, à condition de rester
raisonnable, de ne pas exagérer la durée globale de l’intervention et
de ne pas transformer, comme l’écrit Courtiss, les « candidates à la
chirurgie esthétique » en « participantes à un marathon ».
L’incidence médicolégale de telles associations ne doit pas être
sous-estimée.
* Association avec le traitement d’une éventration
:
L’association est bien évidemment légitime et il est logique, dans le
cadre de la réhabilitation d’une paroi abdominale, de traiter dans le
même temps opératoire, les lésions musculoaponévrotiques et les
désordres cutanéograisseux.
Cependant, en cas d’éventration importante nécessitant l’ouverture
du péritoine ou la mise en place d’un implant, il sera prudent,
notamment chez l’obèse, de ne pas réaliser un décollement trop
important lors de l’abdominoplastie.
* Association avec une chirurgie viscérale abdominale
:
C’est le cas le plus délicat.
En principe, le traitement d’une lésion
viscérale intra-abdominale et l’abdominoplastie doivent être
dissociés pour des raisons évidentes de sécurité : tout est alors
question de « proportionnalité ».
Il s’agit bien évidemment chaque fois de cas particuliers dont chacun
des paramètres doit être bien pesé, en fonction notamment du
terrain.
En présence d’une patiente dont l’état général est bon, et sous
réserve que l’intervention soit réalisée par deux équipes spécialisées,
une chirurgie pariétale peut, dans certains cas, être associée à une
chirurgie intra-abdominale réglée.
La prudence doit cependant toujours rester la règle première : Voss
et al, dans une série publiée en 1986 concernant 76 associations
d’abdominoplasties et de chirurgie gynécologique, rapportent un
taux de 6,6 % d’embolies pulmonaires, chiffre remarquablement plus
élevé que celui observé après plastie abdominale seule ou
hystérectomie isolée ; sa casuistique isole un groupe à haut risque
de complications thromboemboliques : celui des femmes ayant
dépassé 50 ans et pesant plus de 70 kg.
2- Conclusion
:
Au total, on peut résumer les indications ainsi :
– privilégier au maximum la lipoaspiration isolée primaire chaque
fois qu’il n’existe ni excès cutané manifeste, ni vrai diastasis des
droits ;
– si une plastie de réduction cutanée s’avère nécessaire, il convient
d’utiliser au mieux la lipoaspiration en début d’intervention, chaque
fois que celle-ci est possible, afin de réduire l’importance de la
plastie abdominale.
A - ÉTUDE CRITIQUE
:
Avant d’envisager les problèmes les plus fréquents posés par ce type
d’intervention, nous souhaitons faire une remarque concernant
l’appréciation des résultats.
Il faut bien reconnaître que les photographies face et profil des
parois abdominales opérées sont souvent décevantes : tout se passe
comme si les résultats de la chirurgie plastique de l’abdomen étaient
traités de manière impitoyable, presque injuste, par l’objectif de nos
appareils photographiques.
Pourtant, il ne nous semble pas que la chirurgie proprement dite et
ses limites soient seules en cause.
Cela tient peut-être au fait qu’un ventre de femme peut certes être
joli, agréable à l’oeil en position allongée, lascive, mais que cela
devient plus incertain voire problématique avec des incidences
strictes et presque policières, debout, de face et de profil.
Quelles qu’en soient les causes, le fait est que la chirurgie plastique de
l’abdomen (comme d’ailleurs la chirurgie plastique mammaire) est peu
photogénique, à la différence par exemple de la rhinoplastie ou de la
chirurgie du veillissement cervicofacial.
Au-delà de ces avatars photographiques, il n’en demeure pas moins
que, même si on met de côté les complications qui seront étudiées
dans le paragraphe suivant, les abdominoplasties posent un certain
nombre de problèmes liés à des imperfections de résultats que nous
allons maintenant étudier.
Problèmes et imperfections des résultats
:
– L’asymétrie de la cicatrice et la cicatrice de « guingois ».
Elle n’est
pas rare et sera prévenue au mieux par un dessin préopératoire le
plus précis possible avec, dans certains cas, un schéma préétabli.
– L’ascension de la berge inférieure avec étirement, étalement et
ascension du triangle pileux pubien donne au pubis un aspect
inesthétique et un effet de vieillissement.
Cet aspect est en rapport avec une mauvaise indication ou des tracés
erronés, dans la mesure où une traction excessive a dû être
appliquée sur le lambeau sus-ombilical pour le faire descendre au
niveau du pubis, avec de surcroît un risque de nécrose.
– La cicatrice adhérente et enfouie confère un aspect de barre
inextensible et déprimée, majorée par la position penchée en avant.
Cet aspect est la conséquence de l’incongruence entre la graisse de
la région du pubis et celle du lambeau supérieur, plus épaisse quand
il n’a pas été dégraissé, sauf au niveau de l’ancien ombilic qui peut
être à l’origine d’une dépression médiane.
La solution préventive en a été apportée par la lipoaspiration.
– La situation de l’ombilic trop proche du triangle pileux pubien.
La
distance ombilic-triangle pileux pubien doit être au minimum de
10 cm, faute de quoi l’aspect sera inesthétique et dénué de naturel.
La rigueur apportée à l’indication et à la stratégie opératoire doit
éviter un tel écueil.
– L’ombilic peut aussi être incorrectement extériorisé après
transposition :
– soit qu’il ne soit pas exactement sur la ligne médiane ;
– soit que sa morphologie trop large, trop étalée ou déplissée
altère son naturel : rappelons que normalement l’ombilic est
enfoui au fond de son cratère et non à « fleur de peau » comme
cela se voit trop souvent après une plastie abdominale.
À cette étude critique des difficultés observées au décours des
plasties abdominales, il convient d’ajouter les aléas de la cicatrisation.
Même si cette énumération de problèmes esthétiques peut paraître
excessive ou caricaturale, il faut bien reconnaître qu’il n’est pas rare,
lors de l’analyse objective de nos résultats, d’observer l’un, voire
plusieurs de ces défauts.
C’est pourquoi cette chirurgie des plasties abdominales n’est à aucun
moment assimilée à une chirurgie esthétique stricto sensu : il s’agit
en fait le plus souvent d’interventions de confort avec un objectif
esthétique relatif et variable selon les cas.
Les abdomens ainsi opérés sont dignes d’être revêtus d’un vêtement
ou d’un « maillot une-pièce ».
C’est une « chirurgie des formes » et
c’est là qu’est le bénéfice réel :
– certes, il y a peu de perte de poids : la pièce de résection ne pèse
pas très lourd ;
– certes, il y a toujours une cicatrice importante, mais la patiente
perd volontiers une ou deux tailles de jupe et de ce point de vue le
gain personnel est réel.
Ce gain est indéniable dans la façon de se mouvoir, de s’habiller,
voire de perdre du poids après l’intervention.
Ce gain est sans rapport avec ce qui se voit sur les photographies
de résultat, qui, nous l’avons dit, sont parfois objectivement
décevantes.
Cependant, la patiente est souvent satisfaite et le service rendu est
habituellement réel, ce qui explique que cette chirurgie, pour peu
que le contrat de soins ait été loyalement et correctement établi,
donne lieu à bien peu de procès.
Mais c’est l’extension de ces interventions de chirurgie plastique
abdominale à des lésions modérées, donc chez des patientes ayant
un psychisme différent, qui va être à l’origine de difficultés
médicolégales.
De ce point de vue, il y a bien peu de point commun entre l’ancienne
obèse plus ou moins repentie, et la femme qui a vu son abdomen
brutalement altéré au décours d’une grossesse et caresse l’illusion
d’un retour à l’état antérieur.