Chirurgie des paralysies laryngées
unilatérales Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les paralysies laryngées posent des problèmes différents selon
qu’elles sont unilatérales ou bilatérales.
Dans le cas de paralysie
unilatérale, il s’agit de la prise en charge d’un trouble fonctionnel
responsable de dysphonie, alors que les paralysies bilatérales, selon
qu’elles sont complètes ou non, confrontent le praticien à un
problème d’ordre respiratoire.
Le traitement est donc différent selon
ces deux cas, mais les problèmes occasionnés sont toujours difficiles
à résoudre, même si le développement de la chirurgie endoscopique
a beaucoup fait progresser les traitements.
Paralysies laryngées unilatérales
:
Étiologie
:
Les troubles de mobilité unilatéraux que l’on peut être amené à
traiter chirurgicalement sont le plus souvent d’origine périphérique.
La corde vocale se place en position médiane ou paramédiane ou en
abduction complète.
Les principales causes sont traumatiques,
accidentelles par traumatisme laryngé (intubation) ou lors d’un geste
opératoire (chirurgie thyroïdienne, chirurgie nerveuse cervicale,
chirurgie thoracique pour les lésions du nerf récurrent gauche), ou
volontaires par section délibérée du nerf récurrent ou du nerf vague
dans ses portions cervicales et thoraciques.
On peut être amené à
prendre en charge des patients traités pour une affection cancéreuse
guérie ou stabilisée (cancer bronchique, thyroïdien).
Il existe enfin
d’autres causes beaucoup plus rares qu’il est difficile de prouver
(atteintes infectieuses).
La symptomatologie est dominée par la dysphonie.
La voix est
soufflée, peu sonorisée et constitue la principale sinon l’unique
plainte du patient.
La compensation souvent partielle par la corde
vocale controlatérale entraîne un forçage vocal.
Ces facteurs peuvent
déterminer un handicap personnel ou professionnel important,
entraînant une limitation des activités de communication ou de chant.
L’examen s’applique à visualiser la position plus ou moins
latérale de la corde vocale ; si la paralysie est installée depuis un
certain temps, on observe une diminution de la masse musculaire
de la corde, une diminution de la tension cordale et une légère
bascule antérieure de l’aryténoïde.
Les deux champs glottiques sont
asymétriques et ne peuvent vibrer de façon synchrone en
stroboscopie.
Les interventions que l’on propose vont donc viser à
limiter la fuite glottique en médialisant la corde vocale paralysée et
éventuellement à augmenter la tension cordale.
Évaluation préopératoire
:
Tous les patients doivent être bilantés de la manière la plus complète
possible en préopératoire.
Une évaluation laryngée par laryngoscopie
directe et indirecte, complétée par des enregistrements de séquences
vidéo, est devenue indispensable.
Elle permet une appréciation
précise de la dynamique laryngée en phonation et de la fuite
phonatoire.
On pratique en plus actuellement une appréciation
objective de la voix (amplitude, moyenne, fréquence fondamentale, jitter, temps maximal de phonation, débit d’air buccal).
Techniques chirurgicales
:
A - MÉDIALISATION PAR VOIE EXTERNE : THYROPLASTIE
La correction chirurgicale de la paralysie laryngée unilatérale
symptomatique a ses origines au début du XXe siècle, puisque dès 1915, Payr propose la première technique de laryngoplastie, en
réalisant sur l’aile thyroïdienne un lambeau cartilagineux à charnière
antérieure qu’il impacte à l’intérieur du larynx pour médialiser la
corde paralysée.
Mais la technique n’est pas poursuivie car la
correction obtenue est insuffisante.
Seiffert en 1942, puis
Meurman en 1952 modifient la technique de Payr en utilisant un
greffon cartilagineux prélevé sur cadavre frais pour le premier et
autologue pour le second.
Ce greffon est inséré entre l’espace paraglottique et l’aile thyroïdienne, en regard de la corde vocale,
par thyrotomie paramédiane.
Des problèmes d’effraction muqueuse,
d’oedème laryngé nécessitant une trachéotomie en urgence,
d’infection et d’extrusion du greffon compliquent cette technique.
Opheim en 1955 publie une observation où il introduit un
fragment cartilagineux, prélevé sur le bord supérieur de l’aile
thyroïdienne, dans l’espace paraglottique, mais un hématome
postopératoire limite le succès de l’intervention.
Guerrier, en 1962,
décrit la laryngoplastie telle que nous la pratiquons encore
aujourd’hui.
La médialisation de la corde vocale est
obtenue en impactant dans l’espace paraglottique en souspérichondral
un volet cartilagineux rectangulaire taillé dans l’aile
thyroïdienne et maintenu en place par une pièce cartilagineuse
prélevée sur le bord supérieur de l’aile thyroïdienne.
C’est Isshiki qui va formaliser les différentes techniques de
laryngoplastie en 1974.
Quatre types de thyroplastie sont décrits
en fonction du mécanisme de la dysphonie à traiter, le type I
correspondant à la médialisation de la corde vocale.
La fixation de
l’embarrure du fragment cartilagineux est réalisée au moyen d’un
implant en silicone.
La thyroplastie de type I a été ensuite reprise et
plus ou moins modifiée.
1- Technique opératoire
:
Ce geste peut être réalisé plus ou moins facilement sous anesthésie
locale avec une prémédication, mais on a assez souvent recours à
une anesthésie générale.
On reproche à l’anesthésie générale
l’intubation trachéale qui gêne la médialisation aryténoïdienne,
empêche la vérification endoscopique peropératoire. L’opération
peut être faite éventuellement sous jet ventilation.
Le patient est placé
en décubitus dorsal avec un léger billot sous les épaules, la tête
tournée du côté opposé à l’hémilarynx immobile.
Incision cutanée : horizontale ou légèrement curviligne, longue de
4 cm, latéralement à mi-hauteur de l’aile thyroïdienne.
Exposition de l’aile cartilagineuse thyroïdienne : le muscle sternocléido-
hyoïdien est sectionné le plus bas possible et récliné vers le
haut.
Le muscle sternothyroïdien est légèrement décollé et récliné
vers l’arrière.
Ainsi, l’aile thyroïdienne est exposée dans sa partie
purement laryngée entre l’angle antérieur en avant, les bords
supérieur et inférieur en haut et en bas, et en arrière la crête oblique.
Réalisation de la fenêtre cartilagineuse : de forme rectangulaire à grand
axe horizontal, la fenêtre cartilagineuse est tracée sur une ligne
située à mi-hauteur entre l’angle de l’échancrure thyroïdienne et le
bord inférieur du cartilage.
Ses dimensions sont chez l’homme de
5 mm de largeur pour 12 mm de long et chez la femme de 4 mm de
large pour 10 mm de long.
Le bord supérieur de la fenêtre doit se
positionner en regard du bord supérieur de la corde vocale, sur une
ligne située à mi-chemin entre le fond de l’échancrure thyroïdienne
et le bord inférieur du cartilage.
Chez l’enfant et la femme, le cartilage peut être sectionné au bistouri
en prenant garde de ne pas léser le périchondre interne.
On utilise
ensuite un décolleur mousse pour finir de libérer le volet
cartilagineux.
Chez l’homme, l’ossification cartilagineuse peut
rendre nécessaire l’utilisation d’une scie fine ou d’un foret.
Une fois le volet totalement libéré, il est impacté à l’intérieur et
maintenu par une ou plus volontiers aujourd’hui deux pièces
cartilagineuses préalablement prélevées au bord supérieur de l’aile
thyroïdienne.
Les fragments cartilagineux sont placés verticalement
en dehors du périchondre thyroïdien, l’un antérieur, l’autre
postérieur bloquant en dedans l’aile thyroïdienne impactée.
Le
fragment postérieur est taillé légèrement plus volumineux que
l’antérieur pour avoir un effet plus important à la partie postérieure
de l’espace paraglottique afin de bien médialiser l’aryténoïde.
Les muscles sous-hyoïdiens sont suturés et la fermeture effectuée en
deux plans sur drainage aspiratif.
2- Problèmes techniques
:
La thyroplastie de type I, simple dans sa description, reste de
réalisation délicate, avec un résultat conditionné par plusieurs
paramètres d’ordre technique.
* Repérage du niveau de la corde vocale
:
Si le tracé de la fenêtre cartilagineuse est trop haut situé, l’impaction
se fait au niveau du ventricule ou de la bande ventriculaire.
Si ce
tracé est trop bas, la médialisation s’effectue en sous-glotte dans le
cône élastique.
Plusieurs modèles de repérage anatomique ont été
proposés pour remédier à cette incertitude de situation du niveau
de la corde vocale.
Isshiki situe la corde vocale sur une ligne
horizontale passant à mi-chemin entre le fond de l’échancrure
thyroïdienne et le bord inférieur du cartilage.
Koufman considère
cette ligne comme le repère du bord supérieur de la corde vocale et
situe à ce niveau la limite supérieure de la fenêtre cartilagineuse.
Meiteles, après une étude anatomique du larynx, donne comme
repère une ligne qui s’étend de la mi-hauteur du cartilage sur la
ligne médiane jusqu’à la jonction des deux tiers supérieurs et du
tiers inférieur du bord postérieur de l’aile thyroïdienne.
En fait, il
existe des différences anatomiques individuelles.
Aussi, il a été
proposé de localiser la corde vocale au moyen d’aiguilles fines transfixiant l’aile thyroïdienne et dont le positionnement dans la
lumière laryngée est contrôlé par nasofibroscopie souple.
Ce
système de repérage peut avoir un intérêt chez les patients aux
antécédents de thyrotomie ou de traumatisme laryngé.
* Situation et dimensions de la fenêtre cartilagineuse
:
La hauteur et la largeur de la fenêtre peuvent être établies au moyen
d’une formule qui tient compte des dimensions de l’aile
thyroïdienne. Koufman retrouve habituellement les dimensions
suivantes : 5-6 mm sur 12-15 mm chez l’homme, et 4-5 mm sur 10-
12 mm chez la femme.
Selon la technique d’Isshiki, des
dimensions de 5 mm sur 10 mm, qui sont en rapport avec le type d’implant en silicone, sont le plus couramment utilisées.
La
limite antérieure de la fenêtre doit se trouver à 5-7 mm de la ligne
médiane.
Il n’est pas nécessaire de médialiser trop la partie
antérieure de la corde vocale et le décollement du périchondre
interne très fin à proximité de la commissure antérieure expose à
une déchirure.
C’est principalement l’impaction du tiers postérieur
de la corde vocale qui corrige la fuite.
* Médialisation de la corde vocale
:
Sous anesthésie locale, il est possible d’ajuster le degré d’impaction
du fragment cartilagineux en demandant au patient de vocaliser afin
d’obtenir la meilleure voix possible.
On peut s’aider d’un nasofibroscope relié à une caméra vidéo pour contrôler le résultat
anatomique.
La tête du malade doit être en position neutre, le
larynx en position physiologique.
Sous anesthésie générale, une
vérification laryngoscopique apparaît indispensable sur larynx
extubé.
* Contention du fragment cartilagineux impacté
:
Elle est effectuée au moyen de deux autres fragments cartilagineux
prélevés au bord supérieur de l’aile thyroïdienne et dont les
dimensions sont adaptées à celles de la fenêtre.
L’épaisseur de ce
deuxième fragment est ajustée en fonction de l’importance de
l’impaction à réaliser.
Après décollement du feuillet périchondral
interne, plus important à la partie supérieure de la fenêtre, le greffon
est introduit en position verticale, en le poussant vers le haut.
Une
fois son extrémité supérieure totalement insérée, le greffon est
ramené vers le bas avec une pointe ou un microcrochet de façon à le
bloquer verticalement selon un dispositif en croix.
Deux taquets
cartilagineux sont ainsi positionnés pour bien répartir la pression
d’impaction.
Ce système empêche tout déplacement secondaire.
Il
faut surcorriger l’adduction de la corde vocale paralysée car
l’oedème postopératoire, inévitable, augmente temporairement le
volume de l’hémilarynx.
3- Variantes techniques
:
L’utilisation de fragments cartilagineux pour assurer le maintien
souffre quelques inconvénients : le volume et la forme des fragments
cartilagineux sont peu malléables, le positionnement et le blocage
du fragment peuvent être difficiles.
D’autre part, il existe une
certaine résorption dont on ne peut prédire l’importance.
Mais ce
matériel a l’avantage d’être très bien toléré. Pour pallier à ces
inconvénients, il a été développé des implants en silicone.
De nombreux types, de forme et de taille variables, ont été mis au
point ces dernières années.
Tous sont de forme asymétrique
triangulaire pour médialiser en priorité le tiers postérieur de la corde
vocale.
Ils peuvent être préformés et s’utiliser avec une
instrumentation spécifique, ou découpés dans un bloc de Silastic
en peropératoire.
Des prothèses en silicone sont utilisées en
retirant le fragment cartilagineux de l’aile thyroïdienne ; la prothèse
est insérée dans l’espace créé et maintenue emboîtée dans la fenêtre
cartilagineuse par son élasticité.
La taille de la fenêtre
cartilagineuse est prédéterminée en fonction de la grosseur du
taquet en silicone que l’on souhaite mettre en place.
Ces implants
en silicone ont l’intérêt de pouvoir être retirés plus ou moins
facilement, et ainsi de permettre la mise en place de la prothèse la
plus adaptée.
On peut rapporter l’utilisation de différents matériaux autres que le
silicone tels que des bandelettes de Gore-Tex ou des implants en
céramique ou en titane.
4- Complications
:
Les complications semblent peu fréquentes.
Ont été rapportés
des oedèmes laryngés, des hématomes postopératoires, responsables
d’une dyspnée obstructive nécessitant rarement une trachéotomie.
À distance de l’intervention, des cas de migration de
l’implant ou de laryngostome ont été rapportés.
5- Résultats
:
Plusieurs méthodes subjectives d’évaluation sont décrites.
Sur une
échelle de qualité vocale, plus de 80 % des patients s’estiment
satisfaits de la qualité de leur voix après thyroplastie.
Les
patients apprécient l’amélioration de l’intensité de la voix projetée,
la baisse de la fatigabilité vocale.
Ces résultats assez favorables
contrastent avec les résultats d’analyse vocale.
La persistance d’une
fuite glottique est retrouvée dans 79 % des cas, même si celle-ci n’est
fonctionnellement gênante que pour 26 % des patients.
La mesure
du débit d’air buccal, qui mesure la compétence du sphincter
glottique, demeure abaissée dans la plupart des cas.
À long terme,
on peut observer une certaine détérioration vocale quelques mois
après l’intervention, due à une rétraction progressive de la corde médialisée laissant réapparaître une béance postérieure.
Une
résorption du cartilage thyroïdien au contact de l’implant pourrait
aussi se produire et diminuer les résultats vocaux.
L’imagerie par
résonance magnétique peut s’avérer, dans ces cas, utile pour
déterminer les causes et préciser les corrections à apporter.
B - MÉDIALISATION PAR ADDUCTION ARYTÉNOÏDIENNE
:
Cette technique vise à mobiliser le cartilage aryténoïde vers la ligne
médiane.
En 1948, Morisson propose l’opération inverse de King qui
permet le déplacement et la fixation de l’aryténoïde en position
médiane.
Par la suite, Montgomery décrit une technique
d’arthrodèse cricoaryténoïdienne réalisée par thyrotomie
médiane.
Les problèmes liés à la fixation du cartilage font
abandonner ce procédé.
En 1978, Isshiki, après analyse de ses échecs
de thyroplastie, met au point une technique d’adduction de
l’aryténoïde qui vise à la rotation médiale de l’aryténoïde.
Celle-ci
lui permet de traiter des patients présentant une large fuite
postérieure ou un décalage de hauteur des deux cordes vocales.
L’adduction de l’aryténoïde permet une remise en tension et corrige
la différence de niveau en abaissant le processus vocal de la corde
paralysée.
Cette technique est toutefois d’exécution
délicate.
De plus, l’irréversibilité du geste, par le traumatisme
articulaire occasionné, et un taux de complications postopératoires
plus important qu’après une thyroplastie obligent à bien étudier
chaque indication.
1- Technique opératoire
:
L’intervention se déroule sous anesthésie locale, pour pouvoir
moduler l’importance de la médialisation aryténoïdienne en fonction
de la voix en peropératoire.
L’intubation trachéale interdit cette
intervention, l’appui de la sonde d’intubation empêchant la rotation
de l’aryténoïde.
L’incision cutanée est pratiquée à la même hauteur,
mais s’étend légèrement plus latéralement.
* Exposition du bord postérieur de l’aile du cartilage thyroïde
:
Il est exposé après section de la moitié du muscle sternohyoïdien et
réclinement du muscle constricteur moyen. Un crochet maintient
l’aile thyroïdienne en avant et le périchondre est incisé verticalement
le long du bord de l’aile thyroïdienne.
Chez l’homme, où la largeur de l’aile thyroïdienne est importante,
on peut être obligé de sectionner la corne inférieure et supérieure
du cartilage thyroïde ou toute l’aile thyroïdienne à 1 cm environ de
son bord postérieur.
Ceci a pour objectif de ménager un abord de
l’aryténoïde suffisamment large.
On peut recommander d’exposer l’articulation cricothyroïdienne, surtout si l’on pratique la section de
la petite corne du cartilage thyroïde, car c’est un bon repère pour
localiser le processus musculaire.
* Localisation du processus musculaire de l’aryténoïde
:
Son repérage est difficile et Isshiki décrit quatre repères qui peuvent
aider à sa découverte :
– la projection de la corde vocale sur l’aile thyroïdienne, qui est au
même niveau ;
– l’articulation cricothyroïdienne, qui est située à moins de 1 cm ;
– le bord supérieur du cartilage cricoïde, qui indique son niveau ;
– la proéminence du processus musculaire, qui est palpable.
Les
fibres musculaires du cricoaryténoïdien postérieur et du
thyroaryténoïdien latéral, que l’on voit bien, convergent vers
l’articulation cricoaryténoïdienne et aident ainsi au repérage.
Durant ce temps, il faut veiller à maintenir vers le haut le sinus
piriforme qui peut recouvrir l’articulation.
* Ouverture de l’articulation cricoaryténoïdienne
:
L’ouverture de l’articulation met en évidence une structure d’aspect
brillant et blanc.
L’ouverture de l’articulation facilite le passage du
fil au travers du muscle et du cartilage ; elle entraîne une ankylose
de l’articulation qui maintient la position du cartilage après
mobilisation.
On utilise un fil de 3-0 ou 4-0, non résorbable, qui doit
être passé assez profondément dans le muscle et le cartilage pour
maintenir durablement l’aryténoïde.
Si la béance est
importante, on peut être amené à ouvrir largement la partie
postérieure de l’articulation cricoaryténoïdienne pour accentuer la
médialisation.
La correction du déplacement vertical de
l’aryténoïde est difficile à apprécier mais semble être un facteur
important de la réussite fonctionnelle de l’intervention.
Aussi, pour
favoriser la bascule de l’aryténoïde, il a été proposé un deuxième fil
de maintien, passé à la partie postérieure de l’aryténoïde et serré
sur le cricoïde ou la corne inférieure du cartilage thyroïde.
* Suture et traction
:
Ces deux actions déterminent la position de l’aryténoïde.
Il faut
déterminer au mieux la direction des fils et l’emplacement des deux
orifices à faire dans le cartilage thyroïde.
Il faut que l’un soit au tiers
antérieur et l’autre à la moitié de l’aile thyroïdienne (5 et 10 mm de
la ligne médiane), à 1 ou 2mm en dessous du niveau de la corde
vocale.
On doit veiller, lors du placement des pertuis à effectuer
dans le cartilage thyroïde, à ce qu’ils n’interfèrent pas avec une
possible thyroplastie de type I.
L’aile thyroïdienne est remise en place médialement, un fibroscope
est introduit par la narine, et la traction à exercer sur les fils est
réglée au cours de la phonation, jusqu’à limiter la fuite glottique et
améliorer la voix.
On peut aider à la mobilisation en comprimant
l’aile thyroïdienne latéralement et en avant, ou en faisant une
approximation cricothyroïdienne.
Une tension excessive est
décelable en fibroscopie car la corde devient arquée, l’apophyse
vocale dépassant la ligne médiane.
Si malgré une tension correcte il persiste une fuite, il faut coupler la
technique avec un déplacement médian de la corde vocale.
Sinon,
les fils sont serrés sur un fragment de Silastic.
2- Complications
:
Le repérage du processus musculaire de l’aryténoïde peut entraîner
quelques complications, en particulier l’ouverture du sinus
piriforme.
Celui-ci peut recouvrir l’articulation cricoaryténoïdienne.
On doit donc veiller, avant d’ouvrir l’articulation, à bien palper le
plan dur qui indique son emplacement.
Le sinus piriforme doit, le
cas échéant, être maintenu récliné vers le haut.
La qualité du cartilage thyroïde qui va assurer le maintien des fils
de traction est un élément important à prendre en compte.
Une
dislocation du cartilage thyroïde pendant son maintien en avant
compromet l’intervention.
Si le cartilage est trop large, il ne faut pas
hésiter à le sectionner en avant de son bord postérieur.
Cette
manoeuvre donne un accès suffisant à l’articulation cricoaryténoïdienne
et limite l’écartement.
Il est important de ne pas surcorriger en amenant le processus vocal
au-delà de la ligne médiane, car le résultat vocal est alors mauvais.
Si l’on n’arrive pas à obtenir une voix satisfaisante en réglant la
tension sur les fils, on peut avoir recours à trois méthodes : une
approximation aryténoïdienne qui médialise légèrement la corde
vocale, une ouverture plus importante de l’articulation
cricoaryténoïdienne, ou la combinaison avec une thyroplastie.
3- Résultats
:
Il existe peu de travaux rapportant des résultats sur des séries
conséquentes.
Il s’agit d’une intervention dont les indications sont
assez rares, et elle est peu proposée en première intention.
Mais les
résultats rapportés semblent excellents pour des cas bien choisis.
Elle peut être couplée ou complétée avec des techniques
d’injection, surtout pour les cas où il existe une rétraction de la
partie membraneuse de la corde vocale.
C - MÉDIALISATION PAR VOIE ENDOSCOPIQUE :
INJECTIONS INTRALARYNGÉES
L’idée de médialiser la corde vocale paralysée est ancienne, datant
du début du XXe siècle.
Bruning, en 1911, met au point une seringue
spéciale pour l’injection de paraffine.
Cette méthode fut ensuite
abandonnée à cause des effets secondaires, en particulier les paraffinomes et les embolies qui survinrent.
Différents produits
furent testés ensuite, en particulier le Gelfoamt qui a l’inconvénient
d’être résorbé assez rapidement.
On attend trois caractéristiques du
produit à injecter : qu’il soit bien toléré par le tissu qui le reçoit,
qu’il ne soit pas résorbé, qu’il soit suffisamment malléable pour être
injecté.
1- Injection de
Téflon :
C’est le
Téflon qui, à partir de 1960, fut utilisé.
Ce produit composé
de particules de 50 à 100 µm a l’avantage d’être inerte dans
l’organisme qui le résorbe peu.
Les résultats rapportés sont dans la
majorité des cas corrects, mais des effets secondaires ont été
observés, en particulier une inflammation chronique par corps
étranger, une tendance à la formation de nodules et la possibilité de
migration et d’obstruction respiratoire.
Le bord libre de la corde
vocale peut prendre un contour irrégulier, modifiant les vibrations
vocales.
L’injection se pratique plutôt sous anesthésie générale, à l’aide d’un
pistolet à piston cranté.
Il est recommandé d’injecter en un seul
point, à 2 mm en avant et en dehors de l’apophyse vocale, un
volume de 1,5 à 3 mL.
L’appréciation du volume à injecter est en
fait empirique et sous contrôle visuel.
On peut également injecter en
un deuxième point au tiers moyen.
L’injection doit se faire dans le
muscle vocal.
Il faut veiller à ne pas être trop en profondeur ou trop
superficiel et à ne pas transfixier la corde car le produit se dépose
alors en sous-glottique.
Les complications de cette technique sont rares, mais il a été
rapporté des détresses respiratoires par obstruction laryngée due à
un oedème glottique ou à des volumes injectés trop importants, des
granulomes qui semblent être la conséquence d’une injection trop
superficielle.
La voix, immédiatement après l’injection, retrouve une certaine
puissance, la fuite glottique est beaucoup moins importante.
Ces
résultats ont tendance à se dégrader ultérieurement par la résorption
de la glycérine constituant la pâte du produit.
Il est aussi reproché
au Téflon de rendre la corde vocale rigide et de ne pas permettre
de bonnes vibrations en phonation.
2- Injection de collagène
:
Ce produit a suscité beaucoup d’intérêt.
Il a été ces dernières années
le produit de référence des injections intracordales.
Les produits
commercialisés en France, d’origine bovine, ont été retirés en partie
à cause des risques liés aux injections de produits allogènes.
Certains, d’origine bovine, restent commercialisés mais n’ont pas
d’autorisation de mise sur le marché pour les injections intracordales.
Ces restrictions peuvent être contournées en
pratiquant des injections de collagène autologue obtenu à partir de
la graisse du patient.
Mais le coût d’une telle mesure semble
interdire son utilisation en pratique courante.
Les résultats rapportés
étaient bons, tous les patients étant améliorés, la plupart
considérablement.
Il pouvait exister des réactions allergiques qui
obligeaient à la pratique préalable de tests sous-cutanés, mais le
produit était en général bien toléré.
3- Injection de bioplastique
:
Ce sont des particules solides de silicone élastomère
(polydiméthylsiloxane), en suspension dans un gel vecteur.
Le
produit s’emploie avec un pistolet adapté sur lequel on monte la
seringue de 1,3 mL.
L’injection se fait à la jonction du tiers postérieur
et du tiers moyen de la corde vocale, en sous-muqueux et
éventuellement en intramusculaire à la partie antérieure de la corde,
jusqu’à obtenir un bombement suffisant.
Les résultats phonatoires
de ce produit sont identiques à ceux du collagène.
Le produit est
très bien toléré et devrait faire prochainement l’objet de publication
de résultats.
4- Injection de graisse autologue
:
Cette technique est d’introduction récente.
C’est après des travaux
préliminaires chez le chien que son utilisation chez l’homme
commence, en 1991 et 1992.
La graisse autologue peut être
transplantée dans n’importe quel endroit de l’organisme où elle
s’incorpore au tissu qui la reçoit sans entraîner de réaction à corps
étranger.
De petites quantités de produit injectées se
revascularisent rapidement au contact des tissus adjacents.
Ce
matériau autologue a donc l’intérêt d’entraîner très peu d’effets
secondaires, mais il est en partie résorbé par l’organisme et il est
impossible d’en prédire l’importance.
Des études ont montré la
persistance d’environ 20 % du produit dans les cordes vocales de
chien.
Pour compenser la résorption, il est donc recommandé de surcorriger.
La graisse est prélevée au niveau abdominal par une canule à
liposuccion ou une seringue de 14 G montée sur une seringue de
50 mL qui permet une pression suffisante pour aspirer la graisse.
La pression ne doit pas être trop importante pour ne pas
endommager les cellules, mais malgré ces précautions, environ la
moitié des adipocytes prélevés sont endommagés.
On peut
estimer à 90 % la viabilité des adipocytes prélevés non
traumatisés.
Il est nécessaire de prélever environ 4 cm3.
La
graisse est placée ensuite dans le fût d’un pistolet à injection muni
d’un piston cranté.
On peut également prélever la graisse par
excision.
Aucune étude n’a montré une meilleure conservation des
cellules par l’une ou l’autre méthode.
L’injection est effectuée sous microlaryngoscopie en suspension,
patient sous anesthésie générale et intubé ou sous anesthésie locale
avec sédation.
L’injection est pratiquée en trois points dans le muscle
vocal (thyroaryténoïdien), jusqu’à obtenir un aspect concave du
bord libre de la corde qui est le témoin de la surcorrection.
Une
antibiothérapie peropératoire est prescrite.
Aucune restriction vocale
postopératoire ne semble nécessaire.
La qualité vocale obtenue est le plus souvent excellente, la corde
vocale conservant de bonnes qualités vibratoires.
La graisse, même
si une quantité non négligeable est résorbée, peut être mise en
évidence histologiquement plusieurs mois après l’injection.
5- Limitations des injections intracordales
:
Ces méthodes rapides, simples, pratiquées sous laryngoscopie en
suspension, nécessitent cependant une exposition suffisante du
larynx.
Il existe quelques limites à leur emploi.
La principale est
l’impossibilité d’arriver à obtenir une fermeture postérieure
suffisante.
Même dans le cas d’injection satisfaisante, il persiste
toujours une béance postérieure due à la position en abduction de
l’aryténoïde.
Elle peut être la cause d’une détérioration vocale
ultérieure.
Cette béance est éventuellement compensée par la bascule
de l’aryténoïde saine, mais seule une technique d’adduction aryténoïdiennne peut complètement améliorer la configuration de
la glotte postérieure.
L’autre problème est la difficulté d’injecter le produit exactement
dans l’espace voulu, surtout en cas d’atrophie cordale ou de perte
de substance due à une chirurgie.
Dans ces cas, le tissu cicatriciel
peut empêcher la médialisation correcte, empêcher la répartition du
produit injecté dans la corde qui s’agglutine au point d’injection,
donnant un aspect bosselé au bord libre de la corde vocale.
D -
RÉINNERVATIONS :
1- Anastomoses nerveuses
:
Elles sont du domaine de la chirurgie expérimentale et n’ont pas
pour l’instant d’implications cliniques en dehors de cas très
particuliers.
2- Lambeau neuromusculaire
:
Dérivée de la description de Tucker, cette technique est surtout
utilisée pour les paralysies bilatérales, mais a été utilisée pour les
paralysies unilatérales en implantant le pédicule neuromusculaire
dans le muscle thyroaryténoïdien latéral.
* Technique
:
On repère le tendon du muscle omohyoïdien et sa branche motrice
provenant de la branche descendante du XII.
On peut effectuer un
test de stimulation du nerf à 1 mA pour vérifier la contraction
musculaire.
On prélève un fragment de muscle d’environ 2-3 cm,
l’aile thyroïdienne est exposée et un fragment de cartilage et son
périchondre interne sont retirés en regard de la corde vocale.
Le
muscle thyroaryténoïdien latéral ainsi exposé, on suture le fragment
neuromusculaire.
Il a été montré par des prélèvements histologiques
la réalité de la réinnervation.
D’après Tucker, les résultats sont bons
puisqu’il est rapporté 88 % de remobilisation, soit complète avec une
adduction et une abduction, soit partielle avec une adduction
constante.
Indications
:
Le traitement dépend du degré d’abduction de la corde vocale et de
l’étiologie.
L’importance de la dysphonie est fonction de la fuite
phonatoire et de l’atrophie cordale.
En cas de dénervation, la corde
va progressivement s’atrophier et la dysphonie sera d’autant
augmentée.
Il faut attendre au moins 6 mois avant d’envisager un
traitement chirurgical, que l’on n’entreprend qu’après une
rééducation.
Il faut insister dans tous les cas sur la difficulté à évaluer le problème
vocal, souvent multifactoriel lors du bilan préopératoire, et à prédire
les résultats d’une intervention.
L’oedème postopératoire,
l’atrophie ultérieure par la cicatrisation, la résorption des matériaux
implantés ou du cartilage de maintien rendent le résultat longtemps
incertain.
Le collagène, qui avait donné de bons résultats, ne peut plus être
utilisé.
Le Téflon, malgré certains inconvénients (résultats vocaux
irréguliers, problèmes de migration, doutes sur une oncogénicité du
matériau) reste utilisé.
D’Antonio, lors d’une analyse objective
postopératoire des fonctions laryngées, compare la thyroplastie de
type I et l’injection de Téflon : une meilleure qualité vocale et des
données aérodynamiques plus proches de la normale après
thyroplastie sont rapportées.
Depuis quelques années, l’injection
de graisse autologue est utilisée avec succès.
Actuellement, c’est
probablement la méthode la plus utilisée en première intention.
Elle
bénéficie d’une technique de prélèvement simple, est bien tolérée,
donne des résultats durables et la graisse, en permettant les
vibrations normales de la corde vocale, procure une bonne qualité
vocale.
Elle permet une résolution rapide et simple du problème
vocal, elle peut être reconduite et la pratique de thyroplastie en cas
d’échec ou d’insuffisance reste possible.
D’autres techniques, en
particulier les injections de macroplastique, devraient se développer
dans l’avenir.
La thyroplastie de type I est donc actuellement préconisée dans le
traitement de la paralysie laryngée unilatérale non régressive, après
6 mois de rééducation et après échec des techniques d’injection.
La thyroplastie est une technique idéale en cas de sacrifice nerveux
obligatoire, car elle peut être réalisée dans le même temps opératoire
et minimise au mieux les inconvénients de la section nerveuse.
Cette
technique reste peu efficace en cas d’atrophie cordale et de béance
postérieure importante.
L’atrophie cordale entraîne une différence
de niveau des cordes vocales.
Or, la thyroplastie corrige peu ce
défaut et les vibrations vocales ne sont pas améliorées.
Une béance
postérieure importante est la limite principale des thyroplasties de
type I.
Même en plaçant la fenêtre le plus en arrière possible sur le
cartilage thyroïde, on agit mal sur l’espace interaryténoïdien.
Dans
ces cas, on est amené à proposer une adduction aryténoïdienne qui
est une technique assez spécifique de correction des béances
postérieures.
En dehors de la remise en tension de la partie
membraneuse de la corde vocale, elle agit peu sur la partie
antérieure des cordes vocales.
Il peut être nécessaire de compléter
l’intervention par une injection intracordale ou une thyroplastie.
C’est plus particulièrement le cas s’il existe une atrophie cordale
avec un aspect arqué.
Dans les paralysies anciennes, il a été bien
constaté que la correction de la béance postérieure n’amène pas
obligatoirement d’amélioration vocale, car il est difficile d’agir sur la
longueur de la corde atrophiée.
Mais l’adduction aryténoïdienne
est une intervention d’exécution délicate, à pratiquer sous anesthésie
locale pour obtenir un réglage précis de la tension à appliquer sur
les fils de rappel.
Les réinnervations, compte tenu des techniques à disposition et de
leurs résultats (injection, thyroplastie et adduction) ne peuvent
trouver d’indication en pratique courante, hormis des cas très
particuliers.