La gastrostomie consiste en la création d’un abouchement temporaire
ou définitif de l’estomac à la peau.
Principes :
La gastrostomie d’alimentation est une intervention grevée d’une
mortalité et d’une morbidité non négligeables.
Elle est en effet indiquée
chez des patients souvent fragilisés, voire cachectiques et expose aux
risques de reflux de liquide acide, de brûlures cutanées péristomiales, de
désunion stomiale et de sepsis pariétal, au maximum d’éviscération
septique avec fuite de liquide gastrique dans la cavité péritonéale.
Il
s’agit cependant parfois du seul mode d’alimentation possible et c’est la
raison pour laquelle le choix d’une gastrostomie nécessite de poser deux
questions.
– Est-ce la bonne indication ?
La réalisation d’une alimentation peut en effet se faire par voie
parentérale (intérêt des cathéters veineux centraux tunnellisés) ou par
d’autres voies entérales (intérêt des sondes gastriques lestées de petit
calibre, intérêt des forages endoscopiques et des endoprothèses dans les
tumeurs oesophagiennes, intérêt de la jéjunostomie).
Par ailleurs,
l’utilisation de l’estomac ne doit pas compromettre un geste chirurgical
ultérieur, en particulier un rétablissement de continuité oesophagienne
par gastroplastie.
– Quelle est la meilleure technique ?
De très nombreux procédés plus ou moins sophistiqués ont été décrits.
Il
faut dans tous les cas choisir le plus simple, le plus rapide, le plus
continent et par conséquent le moins grave pour le patient.
La prévention
d’une surinfection bronchopulmonaire, la prévention du reflux gastrique
et de l’inhalation bronchique, la qualité du geste opératoire ont une
importance considérable.
L’anesthésie doit à ce titre être si possible une
anesthésie générale afin de donner le meilleur confort au patient et les
meilleures conditions techniques au chirurgien.
L’anesthésie locale
permet dans tous les cas la confection d’une gastrostomie mais dans des
conditions difficiles.
Indications
:
Les gastrostomies d’alimentation représentent la principale indication
de ce type d’intervention et doivent être mises en balance avec toutes les
autres méthodes d’alimentation entérales et parentérales dont on dispose
actuellement.
Il s’agit essentiellement de gastrostomies définitives en aval de tumeurs
oropharyngées ou oesophagiennes rendues soit inextirpables, soit
infranchissables par les différentes techniques de forage endoscopique.
Les tumeurs du cardia qui s’accompagnent de coulées ganglionnaires
gênant la mobilisation gastrique représentent une contre-indication à la gastrostomie.
Les gastrostomies temporaires pour assurer une alimentation entérale
prolongée au cours d’affections digestives sévères (maladies
inflammatoires du tube digestif, intervention abdominale majeure,
pancréatites nécrosantes) ou pour le traitement médical d’une fistule
digestive postopératoire ont été abandonnées au profit d’autres
techniques nettement préférables.
Nous décrirons deux grands types de gastrostomie : les gastrostomies
« à ciel ouvert » et les gastrostomies laparoscopiques.
Les gastrostomies
endoscopiques, catégorie relevant plus de la compétence des
endoscopistes, sont décrites dans un autre chapitre.
Gastrostomies par laparotomie
:
Bien que de très nombreux procédés aient été précédemment rapportés,
nous décrirons les trois types de gastrostomies les plus utilisés. Le geste
chirurgical doit être le moins traumatisant possible.
L’incision doit être
suffisamment grande pour s’exposer.
La rétraction sur la paroi et l’auvent costal doit être modérée pour diminuer les douleurs
postopératoires, la traction sur la paroi gastrique doit être prudente et
douce pour ne pas blesser la rate, l’ouverture de l’estomac doit se faire
sans aucune contamination péritonéale.
A - Installation, instrumentation
:
Elles sont communes aux trois méthodes.
Patient sous anesthésie
générale, en décubitus dorsal.
L’utilisation d’un billot sousxiphoïdien
n’est pas nécessaire.
Deux piquets sont installés à la tête du
malade. L’opérateur est à droite, l’aide à gauche.
L’instrumentiste doit
prévoir des pinces de Babcock ou d’Allis, ainsi qu’un bon aspirateur.
Les
sondes de gastrostomie utilisées sont soit des sondes de Pezzer n° 23 ou
26 coudées, soit des sondes de Foley n° 22 avec ballonnet gonflable à
l’eau.
B - Incision, exposition
:
Le champ opératoire doit être large, du pubis aux mamelons, badigeonné
à la chlorhexidine ou à la polyvidone iodée.
La peau sera protégée soit
par un champ collé soit par une jupe en plastique.
Il est fondamental de séparer l’incision pariétale de l’orifice de la gastrostomie.
C’est la raison pour laquelle nous proscrivons la voie
sous-costale gauche dans laquelle le liquide gastrique risque de surinfecter la plaie et de gêner l’appareillage.
Nous recommandons par
conséquent la laparotomie médiane sus-ombilicale jusqu’à quelques
centimètres au-dessous de l’appendice xiphoïde.
Une valve suspubienne
relève modérément l’auvent costal.
L’écartement pariétal est
obtenu par un écarteur de Ricard ou de Gosset.
L’accès à la face
antérieure de l’estomac nécessite de récliner le lobe gauche du foie par
une valve malléable fixée sur la valve sus-pubienne.
C - Gastrostomie sous anesthésie locale
:
L’installation du patient est identique.
L’anesthésie peut être faite à la Xylocaïnet ou à la Naropeinet en infiltrant successivement tous les
plans, en particulier le péritoine qui est très richement innervé.
L’incision doit être de petite taille, l’écartement doit être atraumatique
avec des écarteurs de type Farabeuf ou Hartmann, les manoeuvres de
traction sur l’estomac doivent être limitées.
La voie d’abord est étroite,
n’autorisant que les gastrostomies de type Fontan ou Witzel.
Ces gastrostomies sont de confection particulièrement simple et rapide mais
elles ont une morbidité postopératoire plus importante que les
gastrostomies continentes tubulées.
D - Fermeture
:
Après confection de la gastrostomie et vérification de l’étanchéité du
montage, l’aponévrose est fermée par un surjet de fil résorbable 0, sans
drainage péritonéal.
La peau est suturée par un surjet ou des points
séparés de fil non résorbable.
E - Gastrostomie directe de type Fontan
:
Il s’agit d’une gastrostomie de réalisation facile et rapide mais de qualité
médiocre exposant aux risques de reflux et de suppuration du point
d’entrée de la sonde.
– Le point de pénétration sur la face antérieure de l’estomac est repéré
entre deux pinces de Babcock ou d’Allis, le plus haut possible sur la
grosse tubérosité, en s’assurant que l’estomac vient sans traction à la
paroi abdominale.
– Confection d’une bourse au fil résorbable 4/0.
– Incision au bistouri électrique de la musculeuse, hémostase des
vaisseaux sous-muqueux, incision de la muqueuse et ouverture de
l’orifice à la pince de Kelly afin d’introduire la sonde de gastrostomie.
Il
est important de réaliser un orifice gastrique le plus étroit possible.
– La bourse est serrée autour de la sonde puis on confectionne une
deuxième bourse au fil résorbable 4/0 afin d’invaginer le cône gastrique
d’introduction de la sonde.
– La sonde de gastrostomie est alors extériorisée par une contre-incision
transrectale gauche de 1 cm.
Après incision cutanée et ouverture de
l’aponévrose antérieure, le muscle grand droit est traversé à la pince de
Kelly en veillant à ne pas blesser les vaisseaux épigastriques.
– Après extériorisation de la sonde, la paroi gastrique péristomiale est
fixée au péritoine pariétal antérieur par quatre points cardinaux de fil
résorbable 4/0.
– L’étanchéité du montage est vérifiée par injection d’eau à chacune des
étapes de cette intervention.
– La sonde de gastrostomie est fixée à la peau au fil non résorbable en
veillant à ne pas sténoser le montage.
F - Gastrostomie indirecte de type Witzel
:
Il s’agit d’une gastrostomie indirecte avec enfouissement de la
sonde.
Cette gastrostomie crée un système antireflux et permet un
changement ultérieur plus facile de la sonde.
– L’introduction de la sonde dans l’estomac et la confection de la bourse
d’enfouissement sont identiques.
– La sonde est alors tunnellisée sur 10 cm à la face antérieure de
l’estomac afin de ressortir sur une contre-incision transrectale gauche.
– Cette tunnellisation est faite par un surjet de fil résorbable 4/0 : il est
préférable d’inciser la couche séromusculaire sur toute la longueur du
tunnel afin de mieux enfouir la sonde.
On peut cependant utiliser toute
l’épaisseur gastrique. La sonde est extériorisée et fixée comme dans la
technique précédente.
G - Gastrostomie tubulée
:
Ce type de gastrostomie est de réalisation un peu plus longue et délicate
mais améliore considérablement les suites postopératoires :
l’interposition d’un lambeau gastrique tubulé permet de créer un
système antireflux efficace et de rendre la sonde inutile.
De plus, la
traversée musculaire du tube gastrique augmente la continence du
système et diminue les risques de suppuration pariétale.
L’apport des
pinces automatiques facilite ce type de gastrostomie.
La méthode la plus répandue consiste à confectionner aux dépens de la
face antérieure de l’estomac (parfois de la grande courbure) un lambeau
tubulé de 1 cm de diamètre environ.
– Il est essentiel de repérer d’emblée la base du tube gastrique, que l’on
situe comme pour les gastrostomies directes sur le haut de la grosse
tubérosité, à proximité de la grande courbure.
– Selon la plasticité de l’estomac et la largeur du fundus, on réalisera un
tube horizontal de droite à gauche, ou oblique en haut et à gauche.
On
peut aussi réaliser un tube vertical.
– Deux pinces de Babcock réalisent le pli gastrique correspondant au
futur tube.
La pince GIAest appliquée dans le sens choisi (horizontal ou
oblique), et avant de pousser le couteau on vérifie deux points :
– l’épaisseur du pli gastrique mesure environ 3 cm ;
– la base du tube est large d’au moins 2 cm.
– Après section gastrique (parfois deux applications de pince GIA sont
nécessaires), il faut compléter l’hémostase de la ligne d’agrafes au
bistouri électrique, au mieux à la pince bipolaire.
– La ligne d’agrafes sur la face antérieure de l’estomac est enfouie par
un surjet de fil résorbable 4/0.
La base du tube est soigneusement enfouie
par un ou deux points séparés.
Mieux vaut également enfouir la ligne
d’agrafes du tube gastrique à condition de ne pas trop rétrécir son
calibre.
– L’extrémité du tube est extériorisée en transrectal gauche dans les
mêmes conditions qu’une sonde de gastrostomie directe.
L’incision
cutanée excise une pastille de 1 cm.
Le tube gastrique est ouvert puis
directement ourlé à la peau par des points séparés de fil résorbable 4/0.
Ces points prennent largement la séromusculeuse du tube gastrique et le
tissu cutané, sans fixation aponévrotique ou péritonéale
complémentaire.
L’ouverture de la gastrostomie a donc été faite au
dernier moment et l’étanchéité du système est vérifiée par injection
d’eau ou de bleu de méthylène.
Une sonde d’aspiration de petit calibre
est introduite pendant les premières heures dans le tube.
Gastrostomies par laparoscopie
:
La laparoscopie, qui limite le retentissement respiratoire et la fréquence
des complications pariétales par rapport à la laparotomie, trouve tout son
intérêt dans la réalisation des gastrostomies chez des patients dénutris et
insuffisants respiratoires.
Ses indications sont limitées par la tolérance
du patient à la création d’un pneumopéritoine et l’expérience pratique
de l’opérateur, bien que cette technique ne présente pas de difficulté
majeure.
Nous décrirons la gastrostomie tubulée laparoscopique qui n’est autre
que la gastrostomie tubulée précédemment décrite, réalisée par
laparoscopie.
A - Instrumentation
:
Il est nécessaire de disposer, en plus du matériel habituel pour
laparoscopie, d’une pince EndoGIA avec ses recharges, d’un trocart de
12 mmavec réducteur universel, d’une pince à griffes autobloquante ou
d’un écarteur pour récliner le lobe gauche du foie, de deux pinces
fenêtrées à préhension sans griffes et éventuellement d’une pince de
Babcock, d’un porte-aiguille.
B - Installation
:
Le malade est en décubitus dorsal, sans billot, sur table basculante, en
particulier latéralement, les jambes écartées.
L’opérateur est entre les
jambes du malade, l’aide est à droite de l’opérateur, un deuxième aide
éventuellement est à gauche pour récliner le foie.
La colonne de vidéo
est à droite de la tête du malade.
Le champ opératoire est le même que
celui d’une gastrostomie par laparotomie.
C - Position des trocarts, exposition
:
Après création du pneumopéritoine à l’aiguille de Palmer, le trocart
optique (10 mm) est positionné sur la ligne médiane, 3 cmau-dessus
de l’ombilic.
Il peut néanmoins être légèrement décalé sur la gauche
en transrectal.
L’exposition est assurée, comme dans tout abord susmésocolique
coelioscopique, en réclinant le lobe gauche du foie.
Une
pince à griffes (ou un écarteur spécifique) est introduite à cet effet à
droite de l’appendice xiphoïde par un trocart de 5 mm puis traverse
le ligament suspenseur et soulève la face inférieure du lobe gauche
du foie pour se fixer sur le diaphragme.
Il est parfois nécessaire de
demander à un deuxième aide de tenir cette pince.
Lorsque le
ligament rond est trop épais, on peut le suspendre par un fil transpariétal introduit sous contrôle de la vue à droite du ligament,
ressorti à gauche et noué à l’extérieur sur un rouleau de compresses
pour ne pas marquer la peau.
Il reste à introduire trois autres trocarts :
12 mm dans l’hypocondre droit pour la pince EndoGIA, 10mm
dans l’hypocondre gauche pour le canal opérateur et 5 mm
xiphoïdien gauche pour une pince à préhension.
D - Technique
:
Cette intervention ne nécessite pratiquement aucune dissection mais une
exposition parfaite.
Il est indispensable de présenter correctement la face
antérieure du fundus afin de repérer l’emplacement de la base du tube et
la direction de la pince automatique.
– Il est souvent plus aisé de réaliser un tube oblique allant en haut et à
gauche.
On place ainsi la base du tube vers le haut à proximité de la
grande courbure.
La confection du pli gastrique est obtenue par la pince
xiphoïdienne gauche qui soulève le tissu gastrique, ou mieux, par un
point transfixiant pariétal venant accrocher la paroi gastrique à l’endroit
choisi.
La pince EndoGIA est alors introduite par le trocart 12 mm avec
l’orientation oblique souhaitée.
Deux ou trois applications sont
nécessaires pour obtenir un tube gastrique.
– L’hémostase de la ligne d’agrafes est parfois complétée à la pince
bipolaire et l’enfouissement de la ligne d’agrafes n’est pas
indispensable.
– L’extrémité du tube est amenée au contact de la paroi abdominale par
une pince à préhension.
On repère alors le meilleur endroit de
l’extériorisation, en transrectal gauche.
Après incision cutanée
emportant une pastille de 1 cm de diamètre, l’aponévrose antérieure est
incisée, le muscle grand droit est traversé à la pince de Kelly en
ménageant le pédicule épigastrique et l’extrémité du tube est saisie par
la pince pour l’extérioriser après exsufflation du pneumopéritoine.
– Une variante consiste à utiliser l’orifice du trocart de l’hypocondre
gauche comme orifice de sortie, à condition qu’il soit situé à
équidistance de la ligne médiane et du rebord costal gauche.
– Le tube est alors ouvert et ourlé à la peau.
La cavité péritonéale est
réinsufflée pour vérifier la bonne position du tube sans torsion et
l’étanchéité du montage.
– En fin d’intervention, on vérifie l’absence d’hémorragie aux points
d’introduction des trocarts que l’on retire avant exsufflation.
– Des orifices aponévrotiques 10 et 12 mm sont suturés au fil
résorbable.
Une sonde d’aspiration est placée temporairement dans le
tube.
Surveillance des gastrostomies
:
La prévention de l’infection est assurée par antibioprophylaxie
périopératoire (injection parentérale d’une céphalosporine à l’induction
anesthésique).
Il est conseillé d’aspirer la gastrostomie pendant les 6 premières heures
postopératoires.
La sonde d’une gastrostomie tubulée pourra être retirée
à la 12e heure.
À j1 et j2 on introduit 50 à 100 mLd’eau dans la gastrostomie et, dès j3,
il est possible de débuter l’alimentation entérale selon un programme
progressif généralement établi par un diététicien.
Les soins infirmiers sont particulièrement importants pour prévenir les
lésions péristomiales.
Ces soins doivent être quotidiens, surtout le premier mois.
La peau péristomiale doit être lavée au sérum
physiologique et toute irritation cutanée doit être traitée aussitôt par
application d’une pâte à l’eau, ou mieux, par mise en place d’une poche
étanche adhésive à base de poudre de Karaya.
Le premier changement de sonde peut avoir lieu dès j21. La perméabilité
des sondes doit être régulièrement vérifiée ainsi que leur fixation à la peau.
En l’absence de sonde tutrice, le trajet d’une gastrostomie non tubulée se
ferme rapidement en quelques jours.
Pour retrouver un ancien trajet de gastrostomie, il faut avoir recours à des sondes de petit calibre (type sonde
urétérale) et tenter de passer un guide sous contrôle radiologique.