Le traitement chirurgical des éventrations postopératoires de la paroi
abdominale fait intervenir des considérations mécaniques,
infectieuses et plastiques sinon esthétiques.
La correction d’une éventration petite ou moyenne peut très bien se
concevoir sans le soutien d’un chirurgien rompu à la chirurgie
digestive.
Il n’en va pas de même si l’on envisage le traitement définitif d’une
grande éventration.
Il s’agit alors au moins autant d’une intervention
de chirurgie viscérale que de chirurgie plastique.
Dans cette situation, toute erreur par insuffisance thérapeutique ou
mauvaise connaissance du problème peut s’avérer catastrophique et
entraîner pour le patient un long parcours semé de séjours en
réanimation, de réinterventions multiples qui finalement
aggraveront son problème initial esthétique.
C’est dans cet esprit que l’on nous a demandé la rédaction de ce
chapitre.
La part laissée à la chirurgie plastique pariétale est obligatoirement
très limitée.
Les points de faiblesse postopératoires sont caractérisés par une zone
d’effraction pariétale musculoaponévrotique dont l’anatomie n’a pas
été restituée ad integrum.
Ils se compliquent d’éventrations, encore
appelées par les Anglo-Saxons : incisional hernia.
Les trois principaux sites d’implantation prothétique sont les
suivants :
– le site intrapéritonéal, qui nécessite une adhésiolyse large, mais
diminue la dissection pariétale ;
– l’espace rétromusculaire est retrouvé après incision de la gaine
des droits, entre le feuillet postérieur et le corps charnu ;
– l’espace pré-musculo-aponévrotique, mis en évidence après
décollement cellulocutané.
Lors de la reprise chirurgicale, le chirurgien doit s’efforcer de
retrouver les bons plans de dissection, notamment aponévrotiques
et musculaires ; pour cela, il doit aborder l’abdomen en territoire
sain, sans hésiter à changer de voie d’abord.
Sa stratégie doit être
définie avant l’intervention.
En cas d’interventions itératives, il doit redéfinir la stratégie en
changeant le site d’implantation prothétique ainsi que le matériel, si
le premier a fait la preuve de son inefficacité.
Anatomie de la paroi abdominale
:
A - DESCRIPTION DE LA PAROI ANTÉRIEURE
:
La paroi abdominale antérieure est limitée par le rebord costal
en haut, le pubis en bas ; elle est tapissée par le péritoine pariétal et
son fascia propria à sa face profonde, le tissu cellulocutané avec le fascia superficialis en avant ; elle est constituée d’un enchevêtrement
musculoaponévrotique réparti en trois plans et quatre étages, qui
soutient les viscères et participe à la cinétique respiratoire.
Classiquement, on retient :
– l’étage sus-ombilical, allant du rebord costal jusqu’à l’ombilic ;
– l’étage périombilical ;
– l’étage sous-ombilical, allant de l’ombilic jusqu’à la ligne arquée
(anciennement l’arcade de Douglas) ;
– l’étage sus-pubien, allant de la ligne arquée jusqu’au pubis.
À l’étage sus-ombilical, on distingue d’arrière en avant :
– sur la ligne médiane : le fascia transversalis, la ligne blanche
définie par l’enchevêtrement aponévrotique des muscles larges
(muscle transverse, muscle oblique interne, muscle oblique externe)
constituant la partie médiale de la gaine des droits ;
– latéralement, en dedans de la ligne semi-lunaire (anciennement la
ligne de Spiegel) et de manière symétrique : le fascia transversalis,
l’aponévrose du muscle transverse, le dédoublement postérieur de
l’aponévrose du muscle oblique interne, le corps charnu du muscle
grand droit, le dédoublement antérieur de l’aponévrose du muscle
oblique interne, enfin l’aponévrose du muscle oblique externe.
Tous
ces éléments constituent la gaine du muscle grand droit, en avant et
en arrière du corps charnu.
Sur la ligne médiane, le ligament rond du foie chemine dans le fascia propria, en arrière du fascia transversalis et en avant du péritoine
pariétal.
À cet étage, il faut préciser que le fascia transversalis a un rôle
négligeable puisqu’il est pellucide.
À l’étage périombilical, la ligne blanche disparaît pour laisser place à
l’ombilic, qui constitue l’une des zones de faiblesse de la paroi.
À l’étage sous-ombilical, la paroi abdominale est comparable à l’étage
sus-ombilical, jusqu’à la ligne arquée.
Cette ligne est définie par le
passage de l’aponévrose du muscle transverse, du dédoublement
postérieur du muscle oblique interne, en avant du muscle grand
droit, laissant le fascia transversalis comme seul renfort postérieur
de la gaine des droits.
À l’étage sus-pubien, on retrouve d’arrière en avant :
– le péritoine pariétal ;
– le fascia propria dans lequel chemine, sur la ligne médiane le canal
de l’ouraque et latéralement les artères ombilicales ;
– le fascia transversalis, véritable aponévrose à cet étage, tapisse la
face postérieure des muscles grands droits. L’artère épigastrique
inférieure chemine dans un dédoublement de ce dernier ;
– les muscles grands droits ;
– les muscles pyramidaux ;
– le feuillet antérieur de la gaine des droits, constitué de
l’aponévrose des muscles transverse, oblique interne, oblique
externe ;
– le tissu cellulocutané.
B - DESCRIPTION DE LA PAROI LATÉRALE
:
La paroi latérale de l’abdomen prolonge, de part et d’autre et
de façon symétrique, la paroi antérieure de l’abdomen ; on retrouve
donc d’arrière en avant le sac péritonéal, le fascia transversalis, le
muscle transverse, le muscle oblique interne, le muscle oblique
externe et les téguments.
Le muscle transverse a un trajet horizontal et s’étend sur toute la
hauteur abdominale de la colonne lombaire au bord externe du
muscle grand droit.
Le muscle oblique interne a un trajet de dehors
en dedans, de bas en haut.
Le muscle oblique externe a un trajet de
dehors en dedans, de haut en bas. On distingue donc quatre
régions : la région sous-costale, la région lombaire, la région
inguinale, la région iliaque et la ligne de Spiegel :
– la région sous-costale est anatomiquement sans particularité,
composée des trois plans musculaires décrits ci-dessus, mais
chirurgicalement intéressante puisqu’elle est souvent utilisée pour
aborder l’étage sus-mésocolique ;
– la région lombaire est composée de deux plans principaux : le
premier plan, profond, délimité par le muscle grand dentelé et les
dernières côtes en haut, le muscle petit oblique et la crête iliaque en
bas et en dehors, le rachis et les masses musculaires paravertébrales
en dedans ; délimitant ainsi un point de faiblesse postérieur : le
quadrilatère de Grynfelt.
Le second plan musculaire est superficiel,
délimité respectivement en dedans et en haut par les masses
musculaires pararachidiennes et le muscle grand dorsal ; en bas et
en dehors, par la crête iliaque et le muscle oblique externe,
délimitant un second point de faiblesse : le triangle de Petit ;
– la région inguinale est anatomiquement compliquée ; elle est
caractérisée par un point de faiblesse qui est le siège des hernies
inguinales ; ce point de faiblesse est délimité de la profondeur vers
la superficie, en haut par la ligne arquée, en bas par le ligament
inguinal (anciennement arcade crurale), en dedans par le tendon
conjoint et le muscle grand droit, en dehors par les fibres
musculaires des muscles transverse et oblique interne, en avant par
l’aponévrose du muscle oblique externe.
Par déduction, le fascia transversalis est le seul élément, à ce niveau, qui assure le tonus de
la paroi abdominale.
La déhiscence du fascia transversalis constitue
une hernie directe ;
– la région iliaque est sans particularité anatomique, mais prend
tout son intérêt en ce qui nous concerne dans ce chapitre, lorsqu’il
existe une éventration sur un ancien orifice de stomie ou un
prolapsus stomial ;
– la ligne semi-lunaire de Spiegel est souvent considérée, par abus
de langage, comme le bord externe du muscle grand droit ; il s’agit
en fait de la frontière entre le corps charnu du muscle transverse et
son aponévrose ; son aspect arciforme est dû au simple fait que la
jonction musculoaponévrotique n’est pas linéaire.
Cette région est
donc le siège des hernies dites « de la ligne blanche externe ».
C - VASCULARISATION ET INNERVATION
DE LA PAROI ABDOMINALE :
La vascularisation de la paroi abdominale est riche, complexe et se
distingue en deux réseaux artériels, un réseau superficiel et un
réseau profond, un réseau veineux se calquant sur la distribution
artérielle, un réseau lymphatique.
La vascularisation superficielle se compose de deux axes artériels
principaux, l’artère circonflexe iliaque superficielle et l’artère
épigastrique superficielle (ancienne artère sous-cutanée abdominale),
formant une véritable pince vasculaire inférieure.
Ces artères
naissent de l’artère fémorale commune, juste au-dessous du
ligament inguinal.
La distribution artérielle respecte la
métamérisation cutanée sous forme de rameaux perforants
anastomosés au réseau artériel profond.
On distingue quatre
rameaux sus- ombilicaux, trois rameaux sous-ombilicaux et un cercle
artériel périombilical superficiel.
Cette répartition prend tout son
intérêt dans les lambeaux cutanés pédiculisés ; l’artère épigastrique
superficielle vascularise la peau selon un trajet paramédian ; l’artère
circonflexe iliaque superficielle vascularise un territoire à cheval sur
la région inguinale et la racine de la cuisse.
La vitalité de la peau
n’est donc pas compromise lors des réinterventions ou des plasties
de recouvrement.
La vascularisation profonde intéresse le plan musculoaponévrotique
et se compose d’un axe artériel épigastrique principal, anastomose
entre l’artère épigastrique inférieure, qui est dominante, et l’artère
épigastrique supérieure ; cet axe vertical reçoit des rameaux
transversaux, branches des artères intercostales, des artères
lombaires et de l’artère circonflexe iliaque profonde.
L’artère
épigastrique inférieure est un repère anatomique important car elle
peut être lésée lors des abords chirurgicaux de la fosse iliaque,
notamment pour les cures de hernie de l’aine.
Comme à l’étage
superficiel, il existe un cercle artériel périombilical profond.
La paroi abdominale est donc très faiblement exposée au risque de
nécrose, qu’il s’agisse des téguments ou du plan musculoaponévrotique.
Le réseau lymphatique comprend des branches superficielles et
profondes selon un axe vertical, étroitement liées entre elles, qui
reçoivent des branches latérales lombaires.
Cette répartition des
canaux lymphatiques explique la dissémination possible de
métastase d’un cancer du sein ou d’une tumeur abdominale
profonde ; sont classiquement décrits les nodules de perméation
périombilicaux.
L’innervation de la paroi abdominale provient des derniers nerfs
intercostaux, plus particulièrement du cinquième au 11e, et des
racines nerveuses L1, L2.
On retrouve, à la partie la plus supérieure,
le cinquième nerf intercostal qui innerve le muscle oblique externe,
et le nerf sous-costal (11e nerf intercostal) qui innerve le muscle
grand droit ; ensuite, les septième, huitième, neuvième pour le
segment sus-ombilical du muscle grand droit ; le dixième vers
l’ombilic ; le nerf sous-costal pour le segment sous-ombilical du
muscle grand droit.
Enfin le nerf ilio-inguinal (racine L1 destinée à
la portion inférieure du muscle grand droit et au muscle pyramidal),
le nerf iliohypogastrique (racine L1 pour les muscles latéraux et le
tendon conjoint) et le nerf génitofémoral (racine L2 pour le
crémaster).
L’architecture nerveuse de la paroi abdominale, avec formation de
plexus latéraux et médians, autorise les abords itératifs de la paroi
abdominale (incisions médiane et sous-costale fréquemment
utilisées) sans risque de dénervation majeure ; pour mémoire, il faut
sectionner trois nerfs intercostaux pour paralyser un segment du
muscle grand droit ; dans ces conditions, il faut proscrire les
incisions latérorectales.
Sur les téguments, on retrouve des dermatomes correspondant aux nerfs décrits ci-dessus, qui
expliquent les douleurs projetées et les dysesthésies postopératoires.
D - DÉDUCTIONS CHIRURGICALES
:
Parmi les points de faiblesse pariétaux, on distingue les points de
faiblesse anatomiques et les points de faiblesse postopératoires.
Les points de faiblesse anatomiques, tous décrits précédemment,
sont antérieurs et postérieurs :
– antérieurs : la ligne blanche médiane, la ligne semi-lunaire de
Spiegel, l’ombilic (pour mémoire, il se projette en regard de L4), la
région inguinale ;
– postérieurs : le quadrilatère de
Grynfelt, le triangle de Petit.
Physiopathologie de l’éventration
:
A - CARACTÉRISTIQUES DES ÉVENTRATIONS
:
La survenue d’une éventration en postopératoire dépend
principalement de facteurs mécaniques et infectieux, mais le
processus initial reste le même, quel que soit son type.
La zone de faiblesse n’a aucune tendance à cicatriser, bien au
contraire, elle s’agrandit progressivement et entraîne des
manifestations locales et locorégionales qui caractérisent cette
éventration.
Celle-ci se définit donc par :
– son siège ;
– ses dimensions ;
– la perte de substance.
1- Siège
:
* Éventrations médianes
:
Ce sont les plus fréquentes.
L’orifice prend naissance au niveau de
la ligne médiane, se développe dans une zone de defect
musculoaponévrotique avec parfois disparition de la gaine des
muscles grands droits, et où les fibres musculaires se sont rétractées,
sous l’effet des muscles larges.
Le diastasis et la perte de substance qui sont souvent associés sont
responsables de la déformation anatomique observée sur le patient.
Ils sont variables et dépendent de la localisation de l’orifice :
– dans la région épigastrique : l’orifice est grand, la rétraction du
muscle grand droit est importante, son bord externe peut atteindre
le rebord costal ;
– dans la région périombilicale : les désordres sont peu importants,
le développement du sac s’effectue à la partie inférieure du defect et
s’expand vers le bas par gravité ;
– dans la région sous-ombilicale : les muscles grands droits peuvent
être réduits à leur plus simple expression ; les déformations peuvent
être importantes, la partie inférieure de l’orifice est limitée par le
contour osseux du bassin qui agit comme un véritable billot sur
lequel repose le sac d’éventration.
* Éventrations latérales
:
Elles sont moins fréquentes que les médianes.
La déformation est peu importante, sauf lorsque les muscles larges
ont été sectionnés transversalement ou que leur vascularisation et
leur innervation n’ont pas été respectées.
La partie distale de ces muscles s’atrophie et se rétracte, la perte de
substance est alors importante et difficile à réparer.
La mise en place d’un treillis prothétique est moins aisée que dans
les éventrations médianes, compte tenu des différents plans
musculaires et de la proximité des structures osseuses (rebord costal,
os iliaque, pubis).
2- Dimensions
:
Classiquement, il existe trois groupes d’éventration :
– grande éventration : diamètre supérieur à 10 cm ;
– moyenne éventration : diamètre compris entre 5 et 10 cm ;
– petite éventration : diamètre inférieur à 5 cm.
Dans une étude prospective (en cours et non encore publiée),
l’Association universitaire de recherche en chirurgie (AURC) a
proposé de réserver le terme de :
– grandes éventrations à celles dont le diamètre transversal est
supérieur ou égal à 15 cm, avec possibilité ou non de rapprochement
des bords ; celles dont les bords ne peuvent pas être rapprochés,
quel que soit le diamètre ;
– éventrations moyennes à celles dont le diamètre est compris entre 6
et 14 cm et dont les bords peuvent être rapprochés ;
– petites éventrations à celles dont le diamètre est inférieur à 5 cm.
3- Perte de substance
:
Elle est synonyme de grande éventration.
Elle est l’apanage de la
rétraction des muscles droits sous l’effet des muscles larges en cas
d’éventration médiane, et de l’atrophie des muscles larges sectionnés
transversalement en cas d’éventration latérale.
Cette perte de substance est responsable de déformation anatomique
importante, surtout quand l’orifice est limité par le rebord costal.
4- Cas particuliers
:
* Éventrations infectées
:
Le sepsis doit être maîtrisé le plus rapidement possible, avant la
cure de l’éventration ; un sepsis évolutif réduit le capital
pariétocutané et peut compromettre la cure chirurgicale ultérieure.
Un délai minimal de 6 mois est impératif entre la fin du sepsis et
une nouvelle tentative de réparation.
En cas de sepsis, il faut s’astreindre à changer de site d’implantation
prothétique, d’où notre préférence pour le site intrapéritonéal.
* Éviscération couverte
:
C’est une forme compliquée de l’éventration, en postopératoire
précoce, qui traduit un lâchage complet des points musculoaponévrotiques.
Son traitement doit être immédiat en raison
des phénomènes inflammatoires pariétaux, du risque septique et
surtout du traumatisme viscéral potentiel avec survenue possible de
perforation digestive et plus tardivement de fistules.
B - CONSÉQUENCES POUR LE CHIRURGIEN
:
Compte tenu des données physiopathologiques décrites ci-dessus,
le chirurgien ne peut envisager la cure chirurgicale d’une éventration
sans respecter trois grands principes :
– la fermeture pariétale (raphie ou plastie avec ou sans renfort
prothétique) ;
– la réinsertion médiane des muscles larges de la sangle
abdominale, si possible ;
– le rétablissement d’une pression intra-abdominale correcte, sans
risque de décompensation respiratoire, en particulier chez les sujets
fragiles ou âgés.
Préparation du patient
:
Certaines précautions sont à prendre.
A - AVANT L’INTERVENTION
:
– Équilibre et traitement des tares associées, kinésithérapie
respiratoire et abdominale.
– Diététique cherchant à lui faire perdre du poids.
– Préparation colique (régime sans résidu, purges) dans les grandes
éventrations ; le risque d’une brèche viscérale lors de la viscérolyse
doit toujours être présent à l’esprit.
– Tonte, nettoyage et badigeonnage de la paroi.
Il est indispensable de procéder à une désinfection cutanée
préopératoire aussi soigneuse que possible.
La paroi est tondue
avant d’être nettoyée avec un savon chirurgical la veille de
l’intervention ; l’évolution tendant à abandonner le rasage au profit
de la tonte.
Chez les patients obèses, les lésions suintantes
d’intertrigo doivent être totalement asséchées et désinfectées.
En cas
d’ulcère trophique, dont il est rare d’obtenir la cicatrisation par les
seuls soins locaux, il est classiquement nécessaire de pratiquer une exérèse-suture chirurgicale de l’ulcération quelques semaines avant
la cure chirurgicale de l’éventration proprement dite.
Mais, dans
notre expérience, cette proposition reste le plus souvent utopique et
la résection des lésions cutanées reste tout à fait réalisable dans le
même temps chirurgical que la cure d’éventration proprement dite,
à condition de soigneusement isoler les différents sites opératoires.
B - PENDANT L’INTERVENTION
:
– Respect des règles d’asepsie.
– Antibiothérapie peropératoire par une céphalosporine de
troisième génération : la première injection à l’induction, la seconde
4 heures après.
Nous utilisons le protocole suivant : 2 g de céfazoline
à la première injection et 2 g à la seconde.
– Anesthésie : ventilation artificielle, analgésie, curarisation ; ou, et
cette technique a notre préférence, anesthésie générale et péridurale,
l’effet antalgique de la péridurale pouvant être prolongé en postopéraroire et facilitant ainsi la toux et la mobilisation du patient.
– Le réveil est le temps crucial de l’anesthésie, il doit être doux, en
évitant les efforts de toux et de vomissements.
C - APRÈS L’INTERVENTION
:
– Surveillance respiratoire étroite pendant 72 heures, plus ou moins
associée à une ventilation assistée.
– Poursuite de la kinésithérapie respiratoire.
D - PNEUMOPÉRITOINE PROGRESSIF
:
Cette technique, décrite en 1947 par Moreno et prônée par Stoppa, a
pour but de faciliter la réintégration des viscères dans la cavité
abdominale ; c’est une technique que nous n’avons jamais utilisée.
Techniques de cure des éventrations
avec prothèse pariétale :
Si l’intérêt des prothèses semble actuellement largement reconnu, le
choix du matériel et du site d’implantation reste très discuté.
Nous
exposons ici les caractéristiques des matériaux prothétiques, les
différents sites d’implantation possibles et les principes chirurgicaux
de la mise en place des prothèses de renforcement et de comblement,
avec les avantages, les inconvénients et les résultats de chacune des
techniques.
A -
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :
Tous les patients qui présentent une éventration devraient en
principe faire l’objet d’une réparation chirurgicale de leur paroi
abdominale, à l’exception des patients très âgés, ou porteurs
d’énormes éventrations, ou bien encore de tares médicales pour
lesquelles l’agression anesthésiologique et la réintégration des
viscères feraient courir un risque vital.
1- Éventrations médianes
:
Les éventrations de la ligne blanche médiane sont de loin les plus
fréquentes.
Il est classique de distinguer trois tailles d’éventration
selon le diamètre de l’orifice musculoaponévrotique :
– petite éventration, de diamètre inférieur à 5 cm ;
– éventration moyenne, dont le diamètre se situe entre 5 et 10 cm ;
– grande éventration de diamètre supérieur à 10 cm.
Il est plus chirurgical de considérer que le defect pariétal peut être
soit virtuel, soit réel. Dans le cas d’un defect virtuel, sans véritable
perte tissulaire, la fermeture pariétale directe par suture reste
possible.
Elle peut être doublée par une prothèse de renforcement
pariétal, le plus souvent positionnée dans l’espace rétromusculaire,
ou pour certaines équipes, en situation prémusculaire.
Cette
prothèse de renforcement est toujours séparée des viscères par un
plan tissulaire profond, ce qui permet de protéger ces derniers du
contact direct avec certains matériaux agressifs à l’origine
d’adhérences et de fistules.
Dans le cas d’un defect pariétal réel, avec un délabrement
musculoaponévrotique par dégénérescence et sclérose tissulaires, le
rapprochement direct des berges de l’éventration est impossible,
malgré la curarisation peropératoire.
Cette situation justifie la mise
en place d’une prothèse de comblement pour ponter la perte de
substance pariétale.
Elle est placée en principe à la face profonde de
la paroi, dans l’espace intrapéritonéal, au contact direct des viscères.
Le choix d’un matériel prothétique bien toléré par le contenu
abdominal est donc ici essentiel.
Les indications chirurgicales dépendent de la formation et de
l’expérience du chirurgien.
Il est possible de les schématiser de la
manière suivante :
– orifice de petit diamètre : indication de suture plan par plan après
avivement des berges, au bord à bord selon une fermeture
conventionnelle ou après une plastie en « paletot » ;
– orifice de moyenne dimension : indications très discutées entre les
défenseurs des méthodes de pariétorraphie simple et les partisans
des prothèses.
Certaines équipes réalisent des incisions de décharge
aponévrotiques pour la raphie musculoaponévrotique.
Pour notre
part, nous ne réalisons pas ce type d’incisions, au même titre que les
grandes incisions de décharge externes, car il nous paraît illogique
de créer un defect pariétal pour en réparer un autre.
Nous optons
donc pour le renforcement par une prothèse rétromusculaire, après
suture d’un plan postérieur péritonéoaponévrotique, qui est
largement disséqué latéralement afin de diminuer les tractions
pariétales.
Depuis quelques années, il est également possible de
travailler sous coelioscopie pour réaliser l’adhésiolyse viscérale puis
agrafer ou suturer un patch à la face profonde de la paroi pour des
éventrations modérées ;
– orifice de grande dimension : le recours au matériel prothétique est
admis par la plupart des équipes, mais le site prothétique peut être rétromusculaire, prémusculaire ou intrapéritonéal.
C’est ce dernier
qui a notre préférence, à condition d’utiliser du matériel avec une
excellente tolérance intrapéritonéale et donnant le minimum
d’adhérences viscérales.
2- Éventrations latérales
:
Les éventrations latérales sont beaucoup moins fréquentes.
On décrit
des éventrations sous-costales, iliaques, lombaires ou atypiques, en
fonction de la voie d’abord initiale.
Leurs conséquences sont limitées
si l’incision a respecté le sens des fibres musculaires, en les dissociant sans les couper.
Elles sont en revanche très délabrantes et difficiles à
réparer quand les muscles ont été sectionnés transversalement avec
leurs pédicules vasculonerveux : la partie distale du muscle
dégénère, et les éléments musculaires sont en général irrécupérables.
Nos indications chirurgicales sont bien codifiées :
– éventration de petite dimension (incision de Mc Burney, orifice de
drainage...) : réfection pariétale simple, sans tension ;
– éventration de moyenne et grande dimension : la rétraction et
l’atrophie musculaire imposent en principe la mise en place d’un
patch prothétique interposé en intrapéritonéal, ou entre deux plans
musculaires selon la situation, en s’appuyant éventuellement sur les
structures osseuses adjacentes.
B - CHOIX D’UN MATÉRIEL PROTHÉTIQUE
POUR LA PAROI ABDOMINALE :
Différents matériaux prothétiques ont été proposés pour la
réparation de la paroi de l’abdomen, qu’il s’agisse d’une éventration,
d’une éviscération, d’une perte de substance tumorale ou
traumatique.
L’étude de leurs caractéristiques biomécaniques et de
leur comportement in situ est évidemment déterminante dans le
choix d’un type de prothèse chirurgicale.
1- Évolution et caractéristiques matérielles
des prothèses
:
L’idée de recourir à un matériel prothétique pour renforcer la paroi
abdominale remonte à la fin du XIXe siècle.
On utilisa alors un treillis
métallique en argent, dont le principal inconvénient était la survenue
d’une corrosion importante par les fluides biologiques.
L’argent fut donc progressivement abandonné au profit de métaux
inoxydables, à type de filets en acier ou de plaques de tantale.
Ces
prothèses métalliques se caractérisaient par une grande rigidité qui
les rendait peu maniables.
Des érosions viscérales ou vasculaires ont
été observées, conséquences de la fragmentation progressive du
métal lors des mouvements du tronc et de la migration des
fragments à travers la peau et le péritoine.
Les prothèses métalliques sont ensuite devenues obsolètes avec
l’apparition des premiers filets synthétiques.
Quelques chirurgiens
garderaient néanmoins des indications pour le treillis d’acier
inoxydable Toilinox, en faisant état de son excellente tolérance à
l’infection.
L’apparition des prothèses synthétiques est liée au développement
de l’industrie des plastiques.
Elles se présentent sous deux formes :
les treillis synthétiques, les plus anciens, et les patchs imperméables.
Divers matériaux vont apparaître, se succéder, et être abandonnés
au fur et à mesure des progrès technologiques et de l’évaluation des
résultats cliniques.
Les premières prothèses synthétiques ont été les treillis de Nylont,
et le premier cas d’éventration traité avec succès par cette méthode
a été rapporté en 1944.
Il a rapidement été mis en évidence que les
tissus synthétiques renforcent la paroi par la réaction fibreuse qu’ils
induisent, et non par leurs seules qualités de résistance mécanique,
comme dans le cas des prothèses métalliques.
Le Nylont a ensuite été supplanté par d’autres plastiques
polymères, comme le polypropylène et le Dacron, qui permettent
d’obtenir par tissage ou tricotage, des treillis beaucoup plus souples
et faciles à travailler, surtout lorsqu’il s’agit de pièces de grandes
dimensions.
Le polypropylène a été largement employé par les équipes anglosaxonnes,
sous forme de treillis (Marlex) ou de polypropylène
extrudé (Prolène).
En France, les travaux de Rives et de Stoppa ont
popularisé le Dacron tricoté (Mersuture), remarquablement souple
et fin.
Ces prothèses restent actuellement les plus utilisées au niveau
de la paroi abdominale.
Mais leurs très bons résultats fonctionnels
et esthétiques ne doivent pas faire oublier les complications
rapportées : sepsis pariétal, extrusion prothétique, ulcérations et
fistules viscérales.
Les premiers patchs prothétiques imperméables sont apparus dans
les années 1970 : en silicone (Silastix et Silastix-Dacron), en velours
de Dacron siliconé (Rhodergon) ou en polytétrafluoroéthylène
(Téflon).
Tous ont été rapidement abandonnés car provoquant la
formation d’une épaisse capsule scléreuse périprothétique qui
favorise les épanchements et les infections et qui gêne la bonne
intégration pariétale de la prothèse.
Un dérivé du Téflont, le polytétrafluoroéthylène expansé (Gore-Tex), a permis la réalisation d’un nouveau type de patch
imperméable mais microporeux, ce qui permet sa colonisation par
les éléments conjonctifs, condition essentielle pour son intégration
tissulaire et pour un renforcement pariétal correct.
Des
perfectionnements du produit ont ensuite été proposés : surface
alvéolée pour une meilleure réhabitation cellulaire, macropores pour
permettre le drainage des exsudats, antibiotiques intégrés dans la
structure.
Ces dernières années, des prothèses résorbables sont apparues, à
base d’acide glycolique (Dexon et Vicryl).
Leur résorption est une
caractéristique originale, qui a suscité l’espoir de pouvoir disposer
d’un produit de renforcement temporaire de la paroi qui
provoquerait la réaction cicatricielle fibreuse sans les risques des
prothèses à demeure.
Malheureusement, la résistance mécanique de
la fibrose induite par de telles prothèses reste médiocre, et leurs
indications restent donc limitées aux contre-indications des
prothèses définitives, le plus souvent en rapport avec un risque
infectieux.
Plus récemment, des treillis dits « composites », qui associent un
matériel résorbable avec une prothèse non résorbable, ont été
proposés, mais ils restent à évaluer.
Quant à la dure-mère humaine conservée, proposée comme
alternative aux matériaux prothétiques, elle est actuellement
proscrite malgré des résultats cliniques intéressants, du fait de la
transmission possible de viroses lentes.
2- Comportement des prothèses in situ
:
Les critères de tolérance et d’acceptabilité d’une « bonne » prothèse
chirurgicale, tels qu’ils ont été définis par Cumberland et Scales, sont
bien connus.
Le matériel prothétique idéal doit :
– avoir une résistance mécanique suffisante ;
– être chimiquement inerte et non toxique ;
– ne pas être altéré par les fluides biologiques ;
– être ni allergisant ni carcinogène ;
– ne pas induire de réaction inflammatoire de rejet à « corps
étranger » ;
– pouvoir être formaté aux dimensions requises, et stérilisé.
Pour les prothèses de la paroi abdominale, notre expérience
personnelle nous autorise à penser qu’elles doivent également :
– induire une réaction fibroblastique intense pour obtenir une
intégration et un renforcement pariétal optimaux ;
– ne pas migrer secondairement après positionnement au niveau du
site chirurgical adéquat, ce qui implique qu’elles doivent être fixées ;
– ne pas être agressives pour les viscères (avec risque de fistule ou
d’hémorragie) dans le cas des prothèses intrapéritonéales ;
– ne pas gêner une éventuelle laparotomie ultérieure si un nouvel
abord chirurgical de l’abdomen venait à être indiqué.
De nombreuses études cliniques ou expérimentales ont été
consacrées aux interactions entre les prothèses, la paroi abdominale
et le contenu viscéral.
Même si leur méthodologie n’est pas toujours
exempte de critiques, elle reste indispensable pour évaluer les
différentes prothèses commercialisées.
Les principaux points étudiés
sont la qualité de l’intégration pariétale, les réactions des viscères au
contact et la résistance à l’infection.
Sur le plan mécanique, la paroi intègre, dans des conditions à peu
près similaires, les treillis de polypropylène ou de Dacron, et les patchs microporeux de
Gore-Tex.
Ces prothèses induisent une
réaction inflammatoire à « corps étranger » réduite, témoin de leur
bonne tolérance biologique, et une intense réaction fibroblastique,
condition essentielle pour une intégration pariétale de bonne qualité
sur le plan mécanique.
La différence essentielle entre les treillis et
les patchs microporeux concerne l’organisation secondaire des fibres
de collagène, denses et anarchiques entre les mailles des treillis et
sous forme de fines fibrilles, qui vont progressivement assurer
l’adhérence de la prothèse pour le polytétrafluoroéthylène expansé.
La solidité mécanique de la réparation de la paroi étant, à terme,
tout à fait comparable pour le Prolène, le Dacron et le Gore-Tex.
La réaction viscérale est au contraire radicalement différente pour
les treillis synthétiques et le polytétrafluoroéthylène.
Ce dernier offre
une surface douce et régulière qui est parfaitement bien tolérée, alors
que les treillis tricotés ou tissés sont abrasifs pour les viscères avec
un risque d’ulcération, de fistules et de migration progressive de
tout ou partie de la prothèse vers les lumières digestives.
Enfin, le risque infectieux reste majeur pour toutes les prothèses
mises à demeure dans la paroi abdominale.
Les résultats
expérimentaux sont contradictoires.
Seule l’antibiothérapie peropératoire a démontré son efficacité.
Les précautions générales
de la chirurgie prothétique doivent être rigoureusement respectées.
C - PRINCIPES TECHNIQUES DE LA CHIRURGIE
PROTHÉTIQUE DE LA PAROI DE L’ABDOMEN :
Il existe théoriquement quatre sites prothétiques possibles
pour la cure d’une éventration médiane.
Le site rétromusculaire
préfascial est le plus employé, ainsi que le site prémusculoaponévrotique.
Le site prépéritonéal est réservé aux rares
éventrations situées uniquement sous la ligne arquée.
Enfin, le site intrapéritonéal a été longtemps considéré comme un pis-aller
seulement indiqué de nécessité pour les grands délabrements
pariétaux, mais il connaît actuellement un regain d’intérêt avec
l’apparition de prothèses fiables, bien tolérées par les viscères
intra-abdominaux.
1- Principes communs à toutes les cures d’éventration
:
Toute chirurgie pour cure d’éventration commence par la libération
du contenu du sac péritonéal et le bilan de la paroi de l’abdomen.
Un certain nombre de points techniques sont communs à tous les
types d’intervention.
* Excision cutanée
:
L’incision cutanée doit idéalement reprendre le tracé de l’ancienne
cicatrice et réaliser son excision pour éliminer tout foyer infectieux
potentiel (inclusions épidermiques, anciens fils chirurgicaux,
sacrifice de l’ombilic quand celui-ci est inclus dans la cicatrice
initiale...).
S’il existe un excédent cutané important, une résection
elliptique en « quartier d’orange » reste la solution la plus
raisonnable.
Il est parfois possible d’associer la cure d’éventration à
une dermolipectomie plastique qui est réalisée en fin d’intervention
après fermeture des plans musculoaponévrotiques, à condition que
les décollements pariétaux ne compromettent pas la vascularisation
des téguments de l’abdomen.
Enfin, il est quelquefois nécessaire de
changer de voie d’abord chez certains patients multiopérés qui
présentent des difficultés majeures d’abord de l’abdomen :
laparotomie sus-pubienne, ou pararectale.
* Dissection du sac péritonéal
:
La dissection du sac herniaire et la viscérolyse sont plus ou
moins laborieuses selon les patients.
La libération de toutes les
adhérences intestinales intrasacculaires et intra-abdominales est
indispensable, surtout si l’opéré présentait une symptomatologie à
type de douleurs fonctionnelles digestives, voire d’épisodes
subocclusifs.
C’est au cours de ce temps opératoire que le chirurgien
doit mener une dissection minutieuse, pas à pas, en évitant autant
que possible les effractions luminales viscérales.
* Bilan de la paroi abdominale
:
L’exploration de la face profonde de la paroi abdominale permet la
recherche d’éventuels orifices herniaires secondaires, pas toujours
reconnus par l’examen préopératoire, et dont la méconnaissance
entraînerait une récidive postopératoire.
En cas d’éventration
multiloculaire, en « échelle », la dissection des différents sacs et
orifices herniaires et la section des ponts fibreux sans solidité qui les
séparent permettent d’aboutir à un orifice pariétal unique. Une
éventration apparemment modérée peut alors devenir une
éventration de grande dimension.
Les berges musculoaponévrotiques
sont ensuite rapprochées de la ligne médiane par des pinces atraumatiques afin d’évaluer les tensions à ce niveau.
C’est l’importance des dégâts musculoaponévrotiques qui décide du
choix thérapeutique définitif, et donc du site d’implantation
prothétique.
* Règles de la chirurgie prothétique
:
La chirurgie prothétique impose une prévention rigoureuse du
risque infectieux.
L’éradication des foyers infectieux potentiels doit
être complétée : résection de l’ancienne cicatrice cutanée, avec
sacrifice ombilical chaque fois que nécessaire, ablation des anciens
fils chirurgicaux sources de microabcès résiduels, recherche et
élimination des noyaux d’épiploïte, avec prélèvements
bactériologiques.
Dans le cas des éventrations récidivées, du matériel prothétique a
pu être laissé en place au cours d’une précédente cure chirurgicale,
qu’il conviendrait de déposer.
Son ablation peut cependant poser de
délicats problèmes de dissection, au risque d’aggraver le
délabrement pariétal.
En l’absence de complications infectieuses
avérées, il est préférable de le laisser en place et de choisir un autre
site d’implantation.
Lors de la mise en place de la prothèse, celle-ci est manipulée en
respectant les règles habituelles dans ce type de chirurgie : absence
de contact manuel direct, utilisation d’instruments propres, site
opératoire protégé en permanence par des champs imbibés d’une
solution antiseptique, antibioprophylaxie par une céphalosporine de
troisième génération à l’induction anesthésique, puis renouvelée en
cas d’intervention longue.
2- Mise en place d’une prothèse rétromusculaire
:
*
Avantages et inconvénients
:
Le site rétromusculaire préfascial est en principe le site idéal puisque
la prothèse renforce directement la paroi au niveau du plan
musculoaponévrotique déficient, tout en protégeant les viscères du
contact direct avec le matériel.
Cette technique a été largement
popularisée par les travaux de Stoppa et de Rives sur la mise
en place des prothèses de Dacron.
Elle n’est en pratique possible que lorsqu’il n’existe qu’un orifice
pariétal modéré correspondant à un defect pariétal seulement
« virtuel ».
La reconstitution d’un plan aponévrotique entre la
prothèse et les viscères est en effet réalisée à partir de la gaine
postérieure des muscles droits, qui doit être préservée pour
permettre des sutures sans tension excessive.
* Technique
:
Le bord libre médian de la gaine de chaque muscle droit est incisé
sur toute sa hauteur, et son corps charnu libéré sans difficulté de
l’aponévrose postérieure sur toute sa hauteur.
Le plan de clivage est
exsangue jusqu’aux anastomoses vasculaires entre les branches
perforantes des pédicules intercostaux et les pédicules épigastriques
supérieurs et inférieurs, sur la ligne blanche externe.
Les feuillets
aponévrotiques droit et gauche sont ensuite suturés sur la ligne
médiane par un ou plusieurs surjets de fil non résorbable, pour
reconstituer un plan postérieur solide.
Si la tension apparaît
excessive, c’est que la perte de substance a été sous-estimée.
Pour
diminuer la perte de substance aponévrotique, il est possible
d’inciser la gaine du muscle grand droit de chaque côté, à la face
antérieure du muscle et non sur son bord interne, réalisant une
plastie d’allongement du feuillet antérieur et autorisant une
fermeture sans tension (procédé de Quenu, procédé de Welti-Eudel).
Il faut alors changer de technique opératoire et préférer
la mise en place d’une prothèse de comblement.
La prothèse est ensuite découpée aux dimensions du plan
aponévrotique qui vient d’être reconstitué, qu’elle va doubler sur
toute sa surface.
Elle est fixée aux bords externes et à la face
postérieure des muscles droits par des points séparés non
résorbables, régulièrement disposés à sa périphérie.
Il est préférable
de ne régler la tension des fils qu’après les avoir tous passés et
repérés sur pinces, et de ne les nouer qu’après avoir tendu la plaque
dans le sens transversal.
La recoupe du matériel excédentaire, en
laissant une marge de sécurité de 1 cm, évite la formation d’ourlets
périphériques qui gêneraient l’intégration pariétale de la prothèse.
Lors de la mise en place d’une prothèse asymétrique, type Mersilène, l’élasticité doit être horizontale pour résister à la traction
des muscles larges.
Les muscles sont ensuite rapprochés sur la ligne
médiane, après vérification soigneuse de l’hémostase.
Un ou deux
drains aspiratifs sont laissés à la face profonde du muscle, au contact
de la prothèse, et un ou deux autres drains sont également laissés
dans le décollement sous-cutané laissé par la dissection du sac pour
permettre l’évacuation d’un éventuel sérome ou hématome.
Le pansement postopératoire, comme pour toute cure d’éventration,
doit réaliser un sanglage correct de l’abdomen, et le réveil de l’opéré
doit être bien contrôlé, sans effort de toux excessif.
3- Mise en place d’une prothèse intrapéritonéale
:
*
Avantages et inconvénients :
Il s’agit pour nous de la technique de référence dans les cas difficiles
où le defect pariétal est réel et le délabrement pariétal majeur :
– grande éventration, dont le diamètre transversal est égal ou
supérieur à 15 cm, ou dont les bords ne peuvent être rapprochés
sans tension excessive, quel que soit son diamètre ;
– séquelles d’éviscération couverte ou de laparostomie ;
– certaines éventrations récidivées, en particulier si du matériel a
déjà été intégré dans la paroi.
Le principal inconvénient de ces prothèses est lié à leur situation au
contact direct des viscères, ce qui impose le choix d’un matériel
extrêmement fiable et bien toléré.
La prothèse est donc en principe
du polytétrafluoroéthylène.
* Technique
:
La prothèse est mise en place dans l’espace intrapéritonéal, encore
appelé omentopéritonéal.
L’adhésiolyse viscérale doit être
particulièrement soigneuse avec cette technique ; en revanche, elle
ne nécessite pas d’autre dissection pariétale que la reconnaissance
des orifices herniaires.
Les dimensions du patch prothétique sont toujours largement
supérieures à celles de l’orifice pariétal qui doit être largement
recouvert, avec un étalement large de la prothèse : pièce de Gore-Tex de 20 X 30 cm pour un orifice supérieur à 15 cm de diamètre.
Elle est fixée par ses bords en tissu sain au péritoine pariétal et aux
éléments musculoaponévrotiques profonds, par des points séparés
non résorbables plutôt que par un surjet trop ischémiant.
Il convient de ne pas tendre la prothèse au cordeau en travers de
l’abdomen, mais de lui laisser un peu d’aisance pour qu’elle épouse la courbure physiologique de la paroi abdominale antérieure et ne
soit pas une gêne lors de la réplétion digestive.
La ligne blanche médiane est fermée en avant de la prothèse à
chaque fois que ce geste est réalisable sans tension, mais dans
certains cas où le rapprochement s’avère inefficace, l’orifice musculoaponévrotique est laissé ouvert sous des téguments
soigneusement suturés.
Un drainage aspiratif est laissé à la face antérieure de la prothèse.
Il
n’est en principe pas nécessaire à sa face profonde, compte tenu de
sa situation dans la cavité abdominale qui est suceptible de résorber
une collection séreuse ou hématique.
Le celluleux sous-cutané est capitonné par des points de fil
résorbable, et la peau soigneusement refermée par un surjet ou des
agrafes laissées en place au moins 15 jours.
4- Mise en place d’une prothèse prémusculoaponévrotique
:
*
Avantages et inconvénients
:
Ce site prothétique, préconisé par Chevrel, continue à être
recommandé par certaines écoles.
Il s’agit d’une prothèse de
renforcement associée à une plastie musculaire en « paletot », dont
le principal avantage est la grande faisabilité, y compris par des
chirurgiens peu habitués à l’abord de la cavité péritonéale.
La principale critique faite à cette technique est de laisser la prothèse
directement sous la peau de l’abdomen, au niveau de téguments de
mauvaise qualité, mal vascularisés, ce qui impose des précautions
d’asepsie drastiques pour limiter le risque de sepsis postopératoire.
* Technique
:
Après libération du contenu du sac péritonéal, on poursuit par un
grand décollement prémusculoaponévrotique qui doit être poussé
très loin latéralement, jusqu’à la ligne axillaire si nécessaire.
Le
feuillet antérieur de la gaine des droits est alors incisé verticalement,
à 2 cm de son bord médian, et sa face profonde est libérée du corps
charnu du muscle.
Ce décollement ne présente pas de difficulté
particulière si on réalise soigneusement l’hémostase des vaisseaux
perforants à la face antérieure du muscle.
La paroi musculoaponévrotique de l’abdomen est ensuite refermée
en deux ou trois plans : fermeture du plan péritonéal, suture bord à
bord de l’orifice fibreux après avivement des berges, suture en
« paletot » des volets aponévrotiques antérieurs des muscles droits,
à points séparés non résorbables.
La prothèse vient alors renforcer la paroi ainsi refermée.
Il s’agit
d’un treillis synthétique de Dacron ou de polypropylène dont les
dimensions doivent largement dépasser la hauteur de l’incision
antérieure de la gaine des muscles droits.
Elle est fixée à sa
périphérie par quatre surjets et capitonnée par quelques points
séparés paramédians.
Un drainage aspiratif est nécessaire à la face antérieure de la
prothèse, et la fermeture cutanée réalise le rapprochement du fascia superficialis.
5- Technique en cas d’éventration antérolatérale
:
La cure d’une éventration antérolatérale est conduite selon les
mêmes principes.
La voie d’abord reprend l’incision initiale, iliaque, pararectale ou sous-costale.
Après dissection et résection du sac
péritonéal, un patch synthétique est positionné à la face profonde de
la paroi.
Les dimensions sont un peu plus réduites que par voie
médiane car le jour chirurgical sur la paroi est moins large par une
voie d’abord élective ; mais la pièce de renforcement doit déborder
d’au moins 2 à 3 cm les bords de l’orifice musculoaponévrotique.
6- Technique en cas d’éventration lombaire
:
L’intervention est menée par une voie médiane ou pararectale
homolatérale à l’éventration ce qui offre une excellente exposition de la face profonde de la paroi lombaire.
L’abord intrapéritonal
permet également la réintégration dans de bonnes conditions des
viscères herniés.
Les berges de l’orifice musculoaponévrotique sont
ensuite rapprochées par une suture directe ou quelques points
séparés, renforcés par une prothèse intrapéritonéale de grande
dimension qui est plaquée contre la face profonde de la paroi
lombaire.
Il ne faut pas hésiter à appuyer les points de fixation sur
les structures ostéopériostées costales ou iliaques.
Conclusion-Résultats
:
Si nous nous référons à notre expérience personnelle de 110 cas de
grandes éventrations traitées entre 1989 et 1999 et à l’enquête nationale
de l’Association française de chirurgie déjà citée, la mortalité immédiate
de cette chirurgie se situe entre 0,5 à 1,5 %, par décompensation
respiratoire ou sepsis grave.
Les complications immédiates sont, par
ordre de fréquence, les hématomes (5 %), les sepsis superficiels (5 à
6 %) et les sepsis profonds (moins de 1 %).
Les bons résultats des prothèses sont actuellement supérieurs à 95 %.
Mais deux idées directrices doivent être clairement rappelées : la
première est que la chirurgie des éventrations ne s’improvise pas et que
la suture simple doit être prohibée.
La seconde est qu’il n’existe pas une
technique de référence susceptible de répondre de façon satisfaisante à
toutes les éventrations.
Le chirurgien doit connaître les différents
procédés qui existent pour pouvoir les utiliser à bon escient et obtenir
un taux de récidives aussi bas que possible.
Enfin, le traitement des éventrations compliquées nécessitant un geste
d’entérolyse représente un acte chirurgical grave, nécessitant souvent
un travail d’équipe.
Les gestes de chirurgie plastique correctrice ne peuvent être associés au
traitement des éventrations que lorsqu’il s’agit d’éventrations
moyennes.
En matière de grande éventration, la correction esthétique doit être
réservée à un geste ultérieur.