Diabète et chirurgie de la cataracte
Cours d'Ophtalmologie
Présentation clinique de la cataracte
:
La vaste majorité des opacités cristalliniennes du diabétique
surviennent chez l’adulte.
Elles sont de type nucléaire, avec une
progression plus rapide ; la cataracte devient symptomatique à un
âge plus jeune.
Devenue plus rare, la cataracte diabétique juvénile apparaît chez
l’adulte diabétique insulinodépendant avant 30 ans ; elle est
exceptionnelle chez l’enfant.
La localisation est classiquement souscapsulaire
postérieure, avec un aspect neigeux (snow flakes), des
opacités polychromes et des vacuoles.
Épidémiologie
:
La cataracte est nettement plus fréquente (deux à cinq fois) chez le
diabétique que pour une population de référence.
Le cristallin du diabétique est plus volumineux, susceptible de
modification de la réfraction et enclin à présenter une cataracte.
Les facteurs de risque d’opacification cristallinienne relevés par
Klein sont l’âge, le mauvais équilibre glycémique, la durée du
diabète, la gravité de la rétinopathie diabétique, la durée
d’utilisation de l’insuline et la protéinurie.
Les facteurs de risque de cataracte nécessitant le recours à une
chirurgie sont l’acuité visuelle, l’âge, le sexe féminin, la vitrectomie
(risque de chirurgie du cristallin multiplié par sept) et l’existence
d’une protéinurie.
Le risque de recours à la chirurgie de la cataracte
augmente de 66 % par tranche d’âge de 10 ans, de 41 % pour la
femme par rapport à l’homme et de 52 % en présence de protéinurie
(Early Traitement Diabetic Retinopathy Study Report [EDTRS]).
Particularités techniques
de la chirurgie du cristallin
:
Au cours de ces dernières années, l’évolution technique s’est
orientée vers la phacoémulsification et l’abandon de
l’extracapsulaire, même chez le diabétique.
La phacoémulsification
semble être une meilleure indication chez le diabétique puisqu’il
s’agit d’une technique moins lourde, présentant moins de
complications immédiates : l’inflammation et le traumatisme irien
sont diminués et la réhabilitation de l’acuité visuelle s’avère
rapide.
Antcliff montre dans une étude rétrospective qu’il existe
moins de complications postopératoires immédiates (en dehors d’un
oedème cornéen transitoire) avec la phacoémulsification que dans la
série d’extracapsulaires.
Par ailleurs, cette étude permet d’affirmer
qu’à long terme il n’y a pas de différence significative concernant
l’acuité visuelle finale, la progression de la rétinopathie diabétique
et les taux de complications entre ces deux méthodes.
Les résultats sont similaires pour les deux méthodes que ce soit chez
les diabétiques avec ou sans rétinopathie diabétique.
Une incision courte et autoétanche donne de manière générale une
meilleure acuité visuelle non corrigée.
Une autre étude montre que le pronostic final n’est pas meilleur
avec une incision courte comparée à une incision large ; cependant,
une incision courte autoétanche permet de réaliser, sans risque, du
laser immédiatement après la chirurgie.
Le choix de l’incision de phacoémulsification en cornée claire ou par
volet scléral n’a pas d’impact sur le pronostic visuel, bien que
l’incision sclérale semble plus étanche et avec moins de risques
d’infection.
Une incision temporale paraît indiquée car le diabétique
a plus de risques de recours à une chirurgie filtrante.
Un capsulorhexis et un implant de grand diamètre (6,5 mm,
biconvexe en une pièce) sont recommandés.
La surveillance du fond
d’oeil est facilitée et une chirurgie du segment postérieur, si elle
s’avère nécessaire par la suite, est permise.
Il est donc recommandé
d’utiliser des implants de polyméthylméthacrylate (PMMA) une
pièce ou acryliques, larges (7 mm) pour permettre l’examen et le
traitement postopératoire de la rétine.
Un diamètre optique de 6,5 mm donne en effet 39,7 % d’aire optique
en plus par rapport à un diamètre de 5,5 mm.
Les implants en silicone sont à éviter car ils entraînent une moins
bonne visibilité (adhérence du silicone) en cas de recours ultérieur à
une vitrectomie et injection de silicone (comme dans tous les cas à
risque de décollement de rétine élevé).
La position de l’implant dans le sac capsulaire minimise le
frottement irien ainsi que la dispersion pigmentaire, et permet de
limiter l’aggravation de la rétinopathie diabétique : on note 20 %
d’aggravation de la rétinopathie diabétique en cas d’extracapsulaire
avec implant dans le sulcus, contre 1,7 % en cas d’extracapsulaire
avec implant dans le sac.
La conservation de la capsule postérieure
intacte est également un facteur de protection contre la progression
de la rétinopathie diabétique, bien que, dans beaucoup de cas, la
rétinopathie diabétique évolue malgré une capsule postérieure
intacte.
La capsule postérieure intacte évite le passage de
facteurs inflammatoires du segment antérieur vers le segment
postérieur de l’oeil.
Les techniques chirurgicales doivent s’efforcer de diminuer l’atteinte
de la barrière hémato-oculaire déjà fragilisée chez le diabétique :
phacoémulsification, petite incision, utilisation de produit
viscoélastique, implant de chambre postérieure dans le sac,
traitement préopératoire éventuel de la rétinopathie diabétique.
Importance et particularités
de l’examen préopératoire,
de la période peropératoire
et du suivi postopératoire
:
A - EXAMEN PRÉOPÉRATOIRE :
Il doit chiffrer l’acuité visuelle de loin et de près et estimer la gêne
du patient.
L’examen à la lampe à fente comprend la recherche
attentive d’une rubéose irienne avant dilatation, l’examen du
segment antérieur (état de la cornée, de la chambre antérieure), la
mesure du tonus oculaire, l’étude précise du type et de l’importance
de l’opacité cristallinienne et l’examen du fond d’oeil.
L’état de la
dilatation pupillaire doit être noté en raison de la fréquence d’une
mauvaise dilatation chez le diabétique et de son importance lors de
la chirurgie.
Une étude fine de l’importance respective de l’opacité
du cristallin et de l’état du pôle postérieur est primordiale afin
d’évaluer la principale cause de la baisse d’acuité visuelle
(prédominance de la cataracte et/ou de l’oedème maculaire).
L’examen du fond d’oeil montre l’existence ou non d’une
rétinopathie diabétique, quantifie l’importance de celle-ci, apprécie
l’état de la macula (oedème maculaire, exsudats) ; il permet
d’éliminer une pathologie associée (dégénérescence maculaire liée à
l’âge [DMLA], rétinopathie hypertensive, déchirure rétinienne
périphérique…).
Le fond d’oeil, complété par une angiographie à la
fluorescéine, lorsqu’elle est réalisable, permet de porter et de guider
les indications de laser ; toute indication de photocoagulation
(rétinopathie diabétique non proliférante [RDNP] sévère,
rétinopathie proliférante, exsudats circinés du pôle postérieur) doit,
si possible, être réalisée avant la chirurgie lorsque la transparence
des milieux le permet.
L’information du patient doit être exhaustive
et mentionner la possibilité de non-amélioration ou d’aggravation
de l’acuité visuelle en postopératoire.
B - ATTITUDE PEROPÉRATOIRE :
Le diabétique est un sujet à risque infectieux plus élevé ; son taux
d’endophtalmie est également augmenté.
L’examen préopératoire
doit particulièrement éliminer tout foyer infectieux et une antibioprophylaxie en peropératoire s’avère systématique pour de
nombreux auteurs.
C - SUIVI POSTOPÉRATOIRE :
La surveillance postopératoire comprend un examen le lendemain,
à 8 jours et à 1 mois de l’intervention.
Chacun de ces examens
comprend l’étude de l’acuité visuelle, du segment antérieur (Tyndall, rubéose irienne, position de l’implant), du tonus oculaire et du fond
d’oeil.
Pour le diabétique, on doit insister sur l’importance de
l’examen de l’iris (rubéose) et du fond d’oeil (modification de la
rétinopathie diabétique).
Une angiographie précoce est d’autant plus
nécessaire que l’opacité cristallinienne la rendait impossible avant la
chirurgie ; elle apporte l’indication de compléter ou de débuter, si
nécessaire, une photocoagulation.
Un suivi régulier du fond d’oeil doit être poursuivi chez le
diabétique (avec, selon les cas, la réalisation d’une angiographie), en
fonction de la sévérité de la rétinopathie diabétique, tous les 3 à
6 mois.
À noter que les anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens
doivent être utilisés de façon prolongée en postopératoire puisque
l’inflammation postopératoire est plus importante chez le diabétique
(surtout en cas de rétinopathie diabétique sévère).
L’utilisation d’un mydriatique en postopératoire (Mydriaticumt) est
particulièrement importante pour faire jouer la pupille et éviter les
synéchies plus fréquentes chez le diabétique (en rapport avec
l’augmentation de l’inflammation sur ce terrain).
Indication et résultat fonctionnel
sur l’acuité visuelle :
A - INDICATION :
La cataracte est une cause très fréquente de baisse d’acuité visuelle
chez les diabétiques mais l’indication n’est pas seulement
l’amélioration de l’acuité visuelle ; elle peut être nécessaire pour :
– la visualisation du fond d’oeil ;
– diagnostiquer le stade évolutif de la rétinopathie diabétique
quand l’opacification du cristallin l’empêche ;
– porter une indication de laser ;
– permettre la réalisation de cette indication ;
– la facilitation du suivi du segment postérieur.
D’après l’étude d’Edwards, un traitement par laser a été
recommandé dans 40 % des cas après chirurgie lorsqu’il n’a pas pu
être fait ou indiqué auparavant.
L’indication est donc indiscutable quand l’opacité rend impossible
le diagnostic et le traitement des désordres rétiniens (rétinopathie
diabétique, DMLA...).
B - RÉSULTAT VISUEL :
La proportion de patients récupérant une acuité visuelle supérieure
à 5/10 en postopératoire est plus faible chez les diabétiques que chez les non-diabétiques ; les patients diabétiques ont cinq fois plus de
risques d’aggravation de l’acuité visuelle après chirurgie que les
non-diabétiques.
La perte d’acuité visuelle est liée à l’aggravation
de la rétinopathie diabétique et/ou de la maculopathie après la
chirurgie aussi bien avec la phacoémulsification qu’avec
l’extracapsulaire.
Les causes de basse vision après chirurgie de la cataracte sont
essentiellement : l’oedème maculaire (73 %) en cas de RDNP
modérée ; une hémorragie intravitréenne ou un décollement de
rétine tractionnel (54 %) ; un oedème maculaire avec exsudats durs
(43 %) en cas de rétinopathie diabétique sévère ou proliférante.
Pour Sadiq et d’autres auteurs, les patients diabétiques
semblent atteindre un niveau d’amélioration de l’acuité visuelle
satisfaisant (94,2 %).
Le gain d’acuité visuelle est supérieur ou
égal à deux lignes de l’échelle de Snellen dans 83,5 % des cas.
L’acuité visuelle postopératoire est fonction de la sévérité de la
rétinopathie diabétique et de la présence ou non d’une maculopathie
avant l’intervention, l’acuité visuelle finale est supérieure à 6/12
dans :
– 84 % des cas sans rétinopathie diabétique ;
– 56 % des cas avec rétinopathie diabétique ;
– 50 % des cas avec maculopathie.
De même, Wagner rapporte un résultat fonctionnel favorable avec
un taux de récupération dépendant du stade de la rétinopathie
diabétique ; la récupération est supérieure à 5/10 dans :
– 79 % des cas sans rétinopathie diabétique ;
– 59 % des cas de RDNP ;
– 26 % des cas de rétinopathie diabétique proliférante.
Dowler met lui aussi en évidence différents résultats de l’acuité
visuelle en fonction du stade de la rétinopathie diabétique.
Les
patients obtiennent une acuité visuelle supérieure ou égale à 20/40
dans :
– 87 % des cas, s’il n’y a pas de rétinopathie diabétique ;
– 80 % des cas, s’il y a une RDNP sans maculopathie ;
– 57 % des cas, s’il y a une rétinopathie diabétique préproliférante
stabilisée sans maculopathie ;
– 41 % des cas s’il y a maculopathie ;
– 11 % des cas s’il y a une rétinopathie diabétique proliférante avec maculopathie ;
– aucun des cas en présence de rétinopathie diabétique proliférante
active.
La présence d’oedème maculaire et de rétinopathie évoluée
préopératoire est un facteur de mauvais pronostic de l’acuité
visuelle.
L’oedème maculaire cystoïde (OMC) postopératoire (38 %) est la
cause la plus fréquente de détérioration visuelle.
Il apparaît donc évident que le pronostic visuel chez le diabétique
est moins bon en cas de rétinopathie diabétique préexistante
du fait du risque accru de complications (rétinopathie diabétique
proliférante, oedème maculaire postopératoire, hémorragie
intravitréenne, glaucome néovasculaire).
L’étude récente de l’ETDRS réalisée sur 270 patients ayant une
rétinopathie diabétique de modérée à sévère ou proliférante donne
de bons résultats fonctionnels, meilleurs que les études précédentes.
Ces résultats favorables peuvent en partie être dus à une proportion
de patients traités par laser préopératoire plus importante (81 %).
Dans cette étude, 64 % des yeux ayant eu une photocoagulation
précoce et 49 % de ceux ayant eu une photocoagulation différée
augmentent de deux lignes leur acuité visuelle.
L’acuité visuelle
finale semble meilleure en cas de photocoagulation précoce mais
sans différence significative :
– en cas de photocoagulation précoce :
– 46 % ont une acuité supérieure à 20/40 ;
– 73 % ont une acuité supérieure à 20/100 ;
– 5 % ont une acuité inférieure à 5/200 à 1 an ;
– lors de photocoagulation différée, l’acuité visuelle finale est :
– supérieure à 20/40 dans 36 % des cas à 1 an ;
– supérieure à 20/100 dans 55 % des cas ;
– inférieure à 5/200 dans 17 % des cas.
Ces mauvais résultats sont réduits à 3-5 % si on retire les yeux vitrectomisés.
En effet, le pronostic visuel sur oeil vitrectomisé est
mauvais puisque 30-55 % auront une acuité inférieure à 5/200 à
1 an.
D’après cette étude, les autres facteurs de mauvaise acuité
visuelle après chirurgie sont une rétinopathie diabétique sévère
préopératoire et une baisse d’acuité visuelle importante avant la
chirurgie : 53 % d’acuité > 20/40 en cas de RDNP modérée contre
seulement 25 % en cas de RDNP sévère ou de rétinopathie
diabétique proliférante.
Évolution de la rétinopathie
diabétique après chirurgie
de la cataracte :
A - PHYSIOPATHOLOGIE :
Les facteurs d’aggravation de la rétinopathie diabétique après
extraction du cristallin sont multiples.
Le facteur principal est la rupture de la barrière hématorétinienne
liée au traumatisme chirurgical, barrière qui est déjà fragilisée
chez le diabétique, même en l’absence de modification rétinienne
apparente.
Le processus physiopathologique initial entraînant la survenue et la
progression de la rétinopathie n’est pas toujours clair : l’IGF 1
(insulin-like growth factor) semble avoir un rôle dans l’aggravation
de la rétinopathie diabétique.
En effet, l’injection de cette
substance en intravitréen conduit à la vasodilatation, à la formation
de microanévrismes et à la néovascularisation ; de même, la
destruction de la tige pituitaire, en entraînant la réduction du taux
d’IGF I, améliore la rétinopathie proliférante.
D’autres mécanismes sont suggérés :
– la disparition d’un facteur inhibiteur de l’angiogenèse présent
dans le cristallin ;
– l’inflammation intraoculaire postopératoire par libération de
médiateurs de l’inflammation ;
– la diminution de sécrétion de substance vaso-inhibitrice dans
l’épithélium pigmentaire ;
– l’augmentation de la production d’endothéline, facteur
angiogénique du stroma irien.
Le traumatisme opératoire aggrave donc, par l’intermédiaire de ces
médiateurs de l’inflammation, la rupture de la barrière hématorétinienne et contribue au développement de l’OMC
postchirurgical et, éventuellement, à l’aggravation de la
rétinopathie diabétique.
B - ÉVALUATION CLINIQUE ET ANGIOGRAPHIQUE :
Plusieurs études montrent une aggravation de la rétinopathie
diabétique après chirurgie de la cataracte.
– Jaffe note une progression asymétrique de la rétinopathie
diabétique après chirurgie de la cataracte unilatérale (37 % des yeux
opérés présentent une aggravation de la rétinopathie diabétique
alors qu’aucune aggravation de l’oeil non opéré n’a été notée).
– Pollak trouve également une différence significative entre oeil
opéré (38,2 % d’évolution) et non opéré (12,8 % d’évolution).
– De même, selon Shatz et Sadiq, la chirurgie peut initier ou
aggraver une rétinopathie diabétique préexistante.
L’aggravation de la rétinopathie diabétique étant plus fréquente en
cas de RDNP présente initialement, il est donc recommandé pour
les patients avec RDNP qui subissent une extraction du cristallin
d’avoir un examen rétinien approfondi et précoce.
L’attitude est
différente pour les patients non opérés pour lesquels un suivi tous
les 6 à 12 mois suffit.
En cas de rétinopathie diabétique proliférante préopératoire, une rubéose survient dans 40 % des cas et une hémorragie intravitréenne
dans 11 % des cas après chirurgie.
Il est donc indispensable de
réaliser autant que faire se peut une panphotocoagulation avant la
chirurgie.
Des études montrent que, avec une prise en charge rétinienne
adéquate et des techniques récentes (phacoémulsification), il n’y a
pas de différence d’évolution de la rétinopathie diabétique entre les
yeux opérés ou non.
Sebestyen trouve également une progression
symétrique de la rétinopathie diabétique que ce soit dans l’oeil opéré
ou dans l’oeil controlatéral.
Wagner et Pollack montrent que l’évolution est davantage liée
à l’histoire naturelle de la rétinopathie diabétique qu’à la chirurgie
elle-même, contrairement aux autres études effectuées avec des
techniques plus anciennes souvent sur un plus petit nombre de
patients.
Pour Henricsson, la progression de la rétinopathie diabétique est
liée au taux moyen d’hémoglobine A1C, à la durée du diabète, au
traitement à l’insuline et à la présence d’une rétinopathie diabétique
avant la chirurgie ; mais la chirurgie elle-même n’entraîne pas de
progression significative.
L’étude de l’ETDRS montre (après ajustement du stade de
rétinopathie, de la durée du diabète et du contrôle glycémique) une
tendance à la progression de la rétinopathie diabétique après
chirurgie mais non significative.
C - OEDÈME MACULAIRE CYSTOÏDE
:
Le principal facteur péjoratif pour le pronostic chez les diabétiques
est la survenue d’un OMC postopératoire (38 %).
La fréquence de
cette complication passe de 0,9-4 % chez les patients non diabétiques
à 9,5-13 % pour les patients diabétiques sans rétinopathie, et à
72,7-74 % pour les patients diabétiques avec RDNP.
La survenue d’un oedème maculaire est donc plus fréquente en cas
de rétinopathie diabétique préopératoire qu’en cas de fond d’oeil
normal et la fréquence de l’OMC augmente avec la sévérité de la
rétinopathie diabétique préopératoire puisqu’elle passe de 13 % pour
les yeux sans rétinopathie diabétique à 76 % en cas de rétinopathie
diabétique préopératoire.
Il semble que, chez les patients exempts de rétinopathie diabétique,
l’OMC ressemble à celui du pseudophaque avec cependant un
caractère plus persistant.
Chez le patient présentant une rétinopathie diabétique, l’OMC
semble différer à la fois du syndrome d’Irvine-Gass chez le nondiabétique
et de l’OMC du diabétique phaque puisqu’il est durable
et occupe tout le pôle postérieur jusqu’à l’arcade des vaisseaux
temporaux.
Le moment de la photocoagulation est controversé car il est difficile
de prévoir l’amélioration spontanée de l’OMC ou son évolution vers
des lésions permanentes.
Une augmentation des exsudats et des hémorragies évoque un
oedème maculaire diabétique et indique une photocoagulation ;
sinon, on retarde le laser de 3 à 4 mois pour permettre la résolution
spontanée.
Pour Dowler, les OMC présents au moment de la
chirurgie n’ont pas tendance à se résoudre spontanément alors que
ceux apparaissant seulement dans les 6 premiers mois ont une
évolution naturelle relativement favorable, ce qui signifie que si
l’OMC est présent immédiatement en postopératoire le traitement
focal est conseillé ; s’il apparaît après, l’attitude peut être plus
expectative.
Jaffé et Burton conseillent d’effectuer un traitement focal avant
intervention pour les oedèmes maculaires cliniquement significatifs
quand l’accès au fond d’oeil est possible.
Le pronostic de l’OMC est
médiocre chez les patients ayant une rétinopathie proliférante,
même traitée.
L’étude de l’ETDRS ne montre pas de différence significative
d’oedème maculaire avant et après chirurgie (29 % et 31 %) ; de
même, la proportion d’oedème maculaire clinique est identique dans
le groupe opéré et non opéré.
Dans tous les cas, les patients présentant une rétinopathie diabétique
préopératoire doivent être prévenus de la grande fréquence de cette
complication qui peut grever le résultat visuel.
Les améliorations techniques ont conduit à élargir l’indication
opératoire chez le diabétique au cours des 15 dernières années ;
cependant, celle-ci repose toujours sur une évaluation préopératoire
précise concernant l’acuité visuelle et l’état rétinien.
Les avantages
d’une opération doivent toujours être mis en balance avec les risques
d’aggravation de la rétinopathie.
Complications per- et postopératoires.
Particularités évolutives :
En général, la cataracte chez le diabétique s’accompagne de
difficultés opératoires plus fréquentes : mauvaise dilatation
pupillaire, augmentation de la fragilité endothéliale, augmentation
de la perméabilité vasculaire, augmentation de l’inflammation,
dépôt de fibrine, plus grande sensibilité aux phototraumatismes ; le
taux de rupture capsulaire postérieure n’est a priori pas plus élevé.
Les complications postopératoires sont pour le segment antérieur :
le risque plus élevé d’iridocyclite, de synéchies, de bloc pupillaire,
d’opacification capsulaire, d’hypertension oculaire, de glaucome
néovasculaire.
Pour le segment postérieur, les complications sont l’OMC,
l’évolution de la rétinopathie diabétique et l’hémorragie
intravitréenne.
A - INFLAMMATION POSTOPÉRATOIRE :
L’association cataracte et diabète est considérée comme un risque
supplémentaire d’inflammation postopératoire : le traumatisme
chirurgical aggrave la rupture de la barrière hématorétinienne déjà
anormale chez le diabétique, entraînant la libération de protéines de
l’inflammation et une réaction cellulaire dans l’humeur aqueuse.
La phacoémulsification avec implant de chambre postérieure dans
le sac capsulaire permet de façon certaine de diminuer la rupture de
la barrière hématorétinienne par rapport aux techniques
anciennes et à l’extracapsulaire.
Plusieurs études ont comparé la réaction inflammatoire de chambre
antérieure chez les patients diabétiques à différents stades de
rétinopathie diabétique après phacoémulsification et implant de
chambre postérieure PMMA hépariné.
Les mesures sont faites avec
un laser flare meter reflétant le degré de rupture de la barrière
hématorétinienne.
L’étude de Zaczek montre un flare plus élevé
chez les patients avec rétinopathie diabétique évoluée en
préopératoire que chez les patients non diabétiques, diabétiques sans
rétinopathie diabétique ou diabétiques avec rétinopathie diabétique
modérée.
Après phacoémulsification, le flare est augmenté au
premier jour dans tous les cas et seul le groupe présentant une
rétinopathie diabétique avancée présente un taux significativement
plus élevé.
L’intensité du flare chez le diabétique est parallèle au
degré de rétinopathie diabétique, à la sévérité du diabète.
D’autres études montrent également que l’atteinte de la
barrière hématorétinienne augmente avec la durée d’évolution du
diabète.
Kruger montre dans son étude une augmentation du flare
du premier au vingt-huitième jour postopératoire (avec un
maximum le premier jour) avec un retour au taux antérieur après le
vingt-huitième jour chez tous les patients diabétiques sans rétinopathie diabétique ou non diabétiques opérés en phacoémulsification
; il ne note pas de différence d’inflammation postopératoire
entre les personnes diabétiques sans rétinopathie et non
diabétiques.
Cette étude montre que la barrière hématoaqueuse
semble être préservée dans le diabète type 2, avant l’apparition
d’une rétinopathie diabétique et souligne l’importance du stade de
rétinopathie diabétique dans le retentissement sur le flare :
augmentation du flare seulement en cas de rétinopathie diabétique
sévère.
D’autres études antérieures avec mesure du flare après
extracapsulaire montraient un flare accru dans les yeux diabétiques
avec rétinopathie diabétique et même chez les diabétiques
sans rétinopathie diabétique évidente.
La sévérité de l’inflammation postopératoire est donc liée à de
nombreux facteurs : au degré de la rétinopathie diabétique
(peu de variation du flare avant le stade de rétinopathie diabétique
sévère), à la technique chirurgicale (moins d’inflammation en
phacoémulsification qu’en extracapsulaire), au type d’implant (les
implants PMMA héparinés permettent de diminuer l’inflammation),
à la durée opératoire (la durée chirurgicale peut être une des causes
de l’augmentation du flare dans les rétinopathies diabétiques
évoluées).
B - OPACIFICATION CAPSULAIRE ET DIABÈTE :
La cataracte chez le diabétique survient à un âge plus précoce
entraînant une inflammation postopératoire plus sévère et des
complications postopératoires plus fréquentes.
Pour ces raisons, l’opacification de la capsule postérieure devrait être
plus importante ; cependant, plusieurs études montrent que
l’incidence d’opacification capsulaire postérieure n’est pas
statistiquement plus importante chez le diabétique que chez le nondiabétique.
Une forte incidence d’opacification capsulaire
postérieure était retrouvée après extracapsulaire chez le diabétique
avec réalisation d’une capsulotomie Yag quasi systématique.
Mais
une étude rétrospective de 900 patients montre que l’opacification
de la capsule postérieure du diabétique après extracapsulaire n’est
pas plus fréquente que chez le non-diabétique après une chirurgie
similaire.
L’étude de Zaczek montre même un taux de progression
d’opacification capsulaire postérieure moins important chez le
diabétique après phacoémulsification et implant de chambre
postérieure PMMA à surface héparinée que chez le non-diabétique.
Ionides et Sadiq trouvent une incidence de recours au Yag plus
importante chez le diabétique avec rétinopathie diabétique, mais
non significative : l’opacification capsulaire postérieure serait plus
importante en présence de rétinopathie diabétique par un
mécanisme de diffusion de facteurs de croissance à partir de la rétine
ischémique, qui entraînerait la prolifération de cellules épithéliales.
D’autre part, l’incidence plus faible d’opacification de la capsule
postérieure du diabétique trouvée dans certaines études pourrait
s’expliquer par la diminution de la prolifération de cellules
épithéliales grâce à l’accumulation de sorbitol intracellulaire créant
un choc osmotique.
Les facteurs habituels favorisant l’opacification de la capsule
postérieure de manière générale sont la chirurgie traumatique ou
compliquée, les masses corticales restantes, l’inflammation
postopératoire, un implant de surface postérieure plan, la
rupture de la barrière hématorétinienne.
Les facteurs permettant de diminuer l’opacification capsulaire sont :
la qualité de l’implant (implant hépariné, implant acrylique), sa
forme (face postérieure convexe avec contact étroit avec la capsule
postérieure, prévenant la migration des cellules épithéliales dans
l’axe visuel) et sa position dans le sac.
Ces facteurs sont importants à prendre en compte chez le diabétique
afin de garder une capsule postérieure transparente, non seulement
pour l’acuité visuelle, mais aussi pour la visualisation du fond d’oeil
et la facilité du traitement laser ; de plus, on sait que le maintien de
l’intégrité de la capsule postérieure et de la hyaloïde antérieure
diminue le risque de décollement de rétine, d’oedème maculaire et d’aggravation de la rétinopathie diabétique.
C’est pourquoi
l’attitude est de retarder la capsulotomie au Yag après le sixième
mois postopératoire si elle est nécessaire, sauf si l’état rétinien oblige
à intervenir plus précocement.
C - FIBROSE DE LA CAPSULE ANTÉRIEURE :
La réduction de la surface du rhexis antérieur et son opacification
sont plus intenses chez les patients diabétiques, surtout en présence
de rétinopathie diabétique.
La rupture de la barrière hématoaqueuse et hématorétinienne semble stimuler les cellules épithéliales capsulaires
avec production de matériel extracellulaire, conduisant à la fibrose
et au phimosis capsulaire.
La capture capsulaire d’une portion de l’optique en dehors du sac
est également plus fréquente en cas de rétinopathie diabétique, ce
qui accélère la fibrose de la capsule postérieure.
La réduction du rhexis antérieur peut provoquer une baisse d’acuité
visuelle, des modifications réfractives et rendre difficile le
traitement par photocoagulation périphérique.
D - ENDOPHTALMIE :
Le risque d’endophtalmie postopératoire est plus important chez le
diabétique.
Une étude effectuée sur 162 cas d’endophtalmie
trouve une association à un diabète dans 21 % des cas ; le
staphylocoque est responsable dans la majorité des cas (74 %) mais
les germes à Gram négatif sont plus fréquemment retrouvés que
chez les non-diabétiques.
Le pronostic visuel semble plus mauvais
chez les diabétiques.
Cataracte et rubéose irienne
:
La rubéose irienne est habituellement considérée comme une contreindication
absolue.
Les rares études de la chirurgie de la cataracte
en cas de rubéose portent sur un petit nombre de patients.
L’étude de Kuchle conclut que l’intervention en cas de rubéose
n’entraîne pas de complication per- ou postopératoire inacceptable.
L’acuité visuelle est améliorée dans 85 % des cas et la chirurgie
permet de poursuivre le laser ou la cryothérapie rendus difficiles
par une cataracte dense.
La phacoémulsification entraîne moins
d’hémorragie irienne (12 %) que l’extracapsulaire (50 %).
Les incidents opératoires (iridotomie, hémorragie du segment
antérieur, rupture de la capsule postérieure, vitrectomie) et
postopératoires (hyphéma, fibrine, hypertonie transitoire) sont
acceptables et réversibles.
Une extraction du cristallin ne doit être envisagée que si un
traitement adéquat de la rétinopathie diabétique a été réalisé par
laser ou cryothérapie, ou si une cataracte dense empêche la
réalisation de ce traitement sous contrôle ophtalmoscopique.
Vitrectomie et cataracte
:
Une vitrectomie est indiquée chez le diabétique en cas de
complication de la rétinopathie proliférante (hémorragie
intravitréenne dense durant plus de 1 mois, décollement de rétine
tractionnel avec soulèvement maculaire ou décollement de rétine
avec une composante rhegmatogène).
Les buts sont de supprimer
l’opacité des milieux, de relâcher les tractions sur la rétine, d’assurer
l’hémostase et de traiter les déchirures rétiniennes.
Cette chirurgie
entraîne le développement rapide d’une cataracte dans la majorité
des cas.
Le risque de recours à une chirurgie de cataracte après vitrectomie est multiplié par sept.
La chirurgie de la cataracte
peut être indiquée d’emblée s’il existe déjà une opacification
significative du cristallin.
Conclusion
:
La cataracte est plus fréquente chez le diabétique mais l’indication
opératoire doit être proposée avec discernement.
En cas de
rétinopathie diabétique concomitante, en particulier s’il existe une maculopathie, le pronostic visuel est assombri.
La fréquence accrue
de complications sur ce terrain ne doit pas être oubliée : la première
de ces complications est l’OMC, particulièrement fréquent s’il existe
une rétinopathie diabétique préopératoire.
Cependant, un bon
suivi permettant la mise en route de traitements rétiniens
adéquats complétés par les techniques modernes de chirurgie du
cristallin permettent d’obtenir des résultats encourageants chez le
diabétique.