La décision d’une réparation chirurgicale de l’artère rénale implique
la mise en oeuvre de compétences multiples qui, fédérées autour du
chirurgien, vont donner au malade l’assurance d’une prise en charge
optimale.
En préopératoire, chez l’enfant et l’adulte jeune, c’est l’évaluation
fonctionnelle et morphologique du rein à opérer, c’est aussi
l’évaluation des conséquences de l’hypertension artérielle (HTA)
rénovasculaire sur le coeur, l’encéphale et la rétine.
Chez l’adulte
athéromateux, c’est la place de la maladie rénovasculaire au sein de
la polyvasculopathie.
En per- et postopératoire, c’est la gestion hémodynamique et
pharmacologique du malade par les anesthésistes-réanimateurs,
pour éviter les détériorations de fonction rénale inhérentes au
clampage et à la reperfusion.
La qualité de l’acte chirurgical
constitue une condition nécessaire au bon résultat postopératoire.
Cette condition n’est toutefois pas suffisante.
Elle doit être associée
à la présence d’anesthésistes-réanimateurs entraînés aux problèmes
du remplissage et du maniement des agents vasoactifs, surtout chez
les malades opérés d’un rein unique ou ceux présentant une
insuffisance rénale avancée avant l’opération.
C’est donc logiquement que ce premier chapitre sur la chirurgie de
l’artère rénale s’attache à décrire la place des investigations
préopératoires, les modalités de l’anesthésie et du suivi
postopératoire des malades qui bénéficient d’une réparation de leur
artère rénale.
Bilan préopératoire
:
La découverte d’une HTA chez l’enfant ou l’adulte jeune avant
40 ans, l’aggravation rapide d’une HTA dans un contexte
athéromateux, une HTA non contrôlée par le traitement médical
doivent faire penser à une lésion de l’artère rénale.
De même, une
dégradation isolée de la fonction rénale, a fortiori dans un contexte
d’hypertension de diabète ou d’athérome, doit faire pratiquer un
bilan à la recherche d’une atteinte artérielle rénale.
A - INVESTIGATIONS MORPHOLOGIQUES
:
1- Échodoppler couleur
:
C’est l’examen de base pour le dépistage d’une lésion des artères
rénales.
L’obésité, l’interposition de gaz intestinaux, la graisse rétropéritonéale,
le caractère opérateur-dépendant ont longtemps été
des éléments en défaveur de cet examen.
Actuellement, les
performances des appareils existants, en particulier le doppler
couleur et le doppler énergie, permettent de déceler dans plus de
90 % des cas des lésions significatives.
Outre l’image planimétrique de la sténose, on peut calculer les
vitesses circulatoires, systoliques et diastoliques, les indices de
résistance à l’écoulement et donner ainsi un profil hémodynamique
complet du rein.
Ces données sont complétées par une analyse du
morphotype rénal : taille, aspect régulier ou bosselé, épaisseur
corticale peuvent être définis de façon précise, donnant d’emblée
une appréciation sur le bénéfice fonctionnel et tensionnel probable
ou non d’une revascularisation.
Parallèlement, l’opérateur précise
l’aspect dilaté ou non des voies urinaires, l’existence de formations
kystiques.
Enfin, l’examen de l’aorte et de ses branches définit s’il
s’agit d’une lésion unique isolée ou rentrant dans le cadre d’une
atteinte pluripédiculaire intéressant l’aorte et ses branches.
En cas de doute sur la valeur hémodynamique d’une sténose,
l’échodoppler est effectué avant et après l’administration de 50 mg
de captopril.
Cela permet d’enregistrer les variations de vitesse et
de résistance à l’écoulement.
Il s’agit d’un test simple qui affine
l’analyse et n’est pas perturbé par le degré d’insuffisance rénale.
Ainsi, en présence d’une suspicion clinique, la confirmation échodoppler d’une sténose critique artérielle rénale avec
parenchyme rénal peu ou pas altéré incite aujourd’hui à pratiquer
directement une angiographie avec arrière-pensée restauratrice
percutanée ou chirurgicale.
Dans le cadre de lésions non
significatives, avec un degré de sténose de 50 à 60 %, un contrôle échodoppler
annuel est souhaitable.
2- Angio-imagerie par résonance magnétique (IRM)
:
L’angio-IRM permet de réaliser une cartographie vasculaire
tridimensionnelle.
Elle explore non seulement la lumière artérielle
mais également la paroi vasculaire et les tissus environnants.
Les
indications de choix qui étaient hier limitées aux malades
insuffisants rénaux ou ayant une allergie avérée et grave à l’iode, se
sont élargies.
Les principaux obstacles actuels à sa diffusion sont
économiques : coût et disponibilité.
L’angio-IRM de l’aorte et des artères rénales se pratique avec
injection de gadolinium en séquence T1.
Une cartographie vasculaire
des artères rénales est réalisable en 15 minutes, de manière précise
simple et en trois dimensions.
Concernant la détection des sténoses
athéromateuses de l’artère rénale, l’angio-IRM a une sensibilité allant
de 85 à 100 % et une spécificité de 71 à 98 %.
Elle aurait tendance
à surestimer l’importance des sténoses, mais a l’avantage sur
l’angiographie de pouvoir apprécier des signes indirects comme
l’état du parenchyme rénal.
Pour certains auteurs, les excellents résultats de cette technique
laissent présager une substitution de l’angiographie numérisée par
l’angio-IRM.
3- Angioscanographie hélicoïdale
:
Il s’agit d’un moyen d’exploration simple, largement diffusé, dont
les performances ne cessent de s’améliorer.
Elle nécessite une
injection d’iode et donc requiert certaines précautions chez les
patients allergiques bien que les quantités injectées soient de plus
en plus faibles.
L’acquisition hélicoïdale permet de couvrir un grand volume
d’exploration en quelques secondes.
L’étude du lit vasculaire, de la
paroi et les reconstructions tridimensionnelles permettent une
cartographie préopératoire de bonne qualité.
Ces performances en
termes de résolution spatiale, dans l’exploration de l’aorte et des
artères rénales, sont supérieures à l’angio-IRM.
En termes de
dépistage de sténose de l’artère rénale, elle offre une sensibilité entre
90 et 100 %.
Avec l’apparition des scanners dits « multibarrettes »,
pour un même temps d’exposition, et ceci avec une meilleure
résolution spatiale, les volumes photographiés sont multipliés par
un facteur égal au nombre de barrettes. Inversement pour un même
volume, le temps et la quantité de contraste injectée sont divisés par
ce même facteur.
4- Scintigraphie rénale au diéthylène-triamino-pentaacétate
(DTPA)
:
Le DTPA est un marqueur rénal sélectif.
Il permet une analyse
séparée de la fonction de chaque rein et permet de calculer la valeur
fonctionnelle du rein affecté.
Sa réalisation n’est pas impérative
dans le cadre du bilan préopératoire.
Nous la réalisons cependant
volontiers car elle sert de référence et permet de quantifier le
bénéfice postopératoire obtenu après revascularisation.
Couplé à la
clairance de la créatinine ou mieux, de l’inuline qui est spécifique de
la filtration glomérulaire, on peut ainsi calculer en mL/min
l’importance du gain induit par la revascularisation.
Par ailleurs, cet
examen non invasif peut être répété dans le temps et permet de
suivre d’éventuelles dégradations de fonction rénale.
La
scintigraphie au DTPA a enfin une valeur pronostique préopératoire
tout à fait intéressante dans le cadre des sauvetages de reins qui
présentent une thrombose ou une sténose de leur artère.
En présence
d’une fonction rénale séparée inférieure à 15 % de la fonction
globale, les chances d’amélioration postopératoire sont tout à fait
modestes.
5- Angiographie digitalisée
:
Elle ne sert plus aujourd’hui au diagnostic, sauf s’il existe un doute
avec les autres méthodes.
La réalisation de clichés sélectifs permet d’obtenir une analyse
particulièrement fine au niveau du hile de l’artère rénale,
information que l’on obtient plus difficilement avec les autres
techniques.
En cas de lésions associées aortiques, il importe de
demander au radiologue une analyse complète de l’aorte et de ses
branches avec des clichés de profil de façon à dégager l’ostium du
tronc coeliaque et de la mésentérique supérieure.
Ceci est impératif,
en particulier lorsque le chirurgien a une arrière-pensée de
revascularisation rénale à partir des artères digestives.
Il est probable
que dans les années à venir, sa primauté sera remplacée par celle de
l’IRM ou de l’angioscanner.
B - INVESTIGATIONS BIOLOGIQUES
:
L’analyse de la fonction rénale constitue un élément important du
bilan préopératoire.
Plus que la créatininémie ou l’azotémie qui
donnent une idée globale du statut rénal du patient, c’est la clairance
de la créatinine, ou mieux de l’inuline, témoins directs de la fonction
glomérulaire, qui est importante à connaître.
Elle est normalement
égale à 120 mL/min.
On parle d’insuffisance rénale grave lorsqu’elle
est abaissée en dessous de 30 mL/min.
La dialyse est généralement
commencée lorsqu’elle est en dessous de 10 à 15 mL/min.
Ainsi,
le chirurgien est d’emblée fixé sur le statut fonctionnel rénal de son
patient et sur les menaces d’hémodialyse qui pèsent sur lui.
Chez l’enfant et l’adulte jeune, les lésions artérielles rénales
s’accompagnent d’un parenchyme rénal sain, sans néphroangiosclérose
ou embole de cholestérol.
La fonction rénale est
normale hormis les rares cas de lésions majeures artérielles
bilatérales.
Il en va différemment des lésions du sujet âgé qui cumule
volontiers hypertension, athérome, diabète, néphroangiosclérose.
Chez ces malades, l’atteinte parenchymateuse participe de façon
plus ou moins importante, mais généralement prédominante, à la
dégradation de la fonction rénale.
L’amélioration de cette fonction
objectivée par l’élévation postopératoire des clairances est donc
variable. Dans notre expérience, elle ne peut être que de quelques
millilitres par minute malgré la levée d’un obstacle préocclusif.
À
l’inverse, certains malades à parenchyme rénal peu ou pas atteint
peuvent retrouver, après revascularisation, une clairance de la
créatinine ou de l’inuline tout à fait satisfaisante alors qu’ils étaient
déjà dialysés ou sur le point de l’être.
Chez le malade
athéromateux, a fortiori diabétique, la discrimination entre la part
tronculaire et parenchymateuse de l’insuffisance rénale est difficile à
faire en préopératoire.
Ceci explique que les bénéfices attendus par
la revascularisation sont de pronostic incertain.
L’IRM
fonctionnelle rénale permettra peut-être de lever cette incertitude.
La protéinurie, qui doit être systématiquement demandée en préopératoire, reste le marqueur biologique pronostique le plus
simple.
En cas de protéinurie supérieure à 1 g/L, l’atteinte
parenchymateuse peut être considérée comme significative et laisse
peu d’espoir pour une remontée importante des clairances après
revascularisation rénale.
L’association d’une réduction importante
de l’index corticomédullaire en échographie et d’une protéinurie
constitue une contre-indication à la revascularisation et peut faire
discuter une néphrectomie en cas d’HTA mal ou non contrôlée.
La biopsie rénale est jugée par certains comme particulièrement
discriminante et utile en préopératoire. Nous ne partageons pas
cet avis.
Même réalisée sous échographie, elle est aveugle et ne peut
rendre compte correctement de la réalité rénale.
Le dosage de
la rénine plasmatique par cathétérisme sélectif des veines rénales ne
constitue plus aujourd’hui l’examen biologique de référence pour
proposer une indication de restauration artérielle rénale.
En effet, la
correction de l’HTA n’est plus le seul but de la revascularisation
percutanée ou sanglante.
La protection du capital néphronique est,
aujourd’hui, jugée aussi importante, voire plus, compte tenu de la
puissance des médicaments antihypertenseurs existant sur le
marché.
Son dosage est donc devenu le plus souvent caduc.
Nous
le réservons aux HTA avec petit rein atrophique non revascularisable
pour savoir s’il y a lieu ou non de proposer une néphrectomie.
C - INVESTIGATIONS CARDIOVASCULAIRES
:
La mise en évidence d’une lésion chirurgicale de l’artère rénale
impose dans tous les cas un bilan cardiovasculaire préopératoire.
Chez l’enfant et l’adulte jeune, le bilan doit comporter cinq
examens :
– un Holter tensionnel sur 24 heures qui servira de référence pour
évaluer le résultat postopératoire et adapter les nouvelles doses
d’antihypertenseurs si ceux-ci sont encore nécessaires ;
– une échocardiographie pour analyser le retentissement
ventriculaire de l’hypertension ;
– un fond d’oeil pour juger d’une éventuelle rétinopathie
hypertensive ;
– un échodoppler cervical et une angio-IRM cérébrale pour s’assurer
de l’absence de lésions dysplasiques cervicales, anévrismales ou
angiomateuses intracérébrales.
Chez le sujet âgé athéromateux, l’existence de lésions significatives
coronariennes et rénales simultanées est non négligeable.
Nous
l’avons évaluée dans une étude prospective à 11 %.
Elle est
retrouvée dans la littérature comprise entre 11 et 18 %.
En cas
d’antécédents cliniques ou de signes électriques de coronaropathie,
une coronarographie est demandée d’emblée.
Il en est de même
pour les malades porteurs de lésions artérielles diffuses pouvant
intéresser outre les artères rénales, les axes carotidiens, les membres
inférieurs ou la plaque viscérale aortique.
Dans notre expérience,
chez ces polyvasculaires, l’incidence des atteintes coronariennes
significatives avoisine 30 % des cas. Une revascularisation
coronarienne chirurgicale ou percutanée précède alors la réparation
rénale.
Dans certains cas rares avec menace immédiate de dialyse,
nous préférons réaliser les gestes de façon simultanée en réalisant la
revascularisation coronarienne à coeur battant.
Lorsqu’il n’y a pas
de signe aussi marqué de polyvasculopathie, lorsque les malades
sont asymptomatiques sur le plan coronarien, ce bilan comporte plus
simplement une échocardiographie de stress ou une scintigraphie
myocardique au thallium.
Ce n’est qu’en présence d’une anomalie
décelée au cours de ces examens qu’une coronarographie est alors
programmée.
Anesthésie et prise en charge périopératoire
:
A -
PRÉPARATION PHARMACOLOGIQUE À L’ANESTHÉSIE :
L’existence d’une hypertension amène à choisir entre l’arrêt ou la
poursuite jusqu’à l’intervention du traitement antihypertenseur pris
par le malade.
L’attitude actuelle est la suivante.
– Les bêtabloquants sont prescrits chez les hypertendus coronariens.
Leur arrêt brutal peut entraîner une ischémie myocardique et un
rebond d’hypertension. Leur intérêt est indiscutable et leur
poursuite nécessaire.
– L’arrêt des calciums bloqueurs est également déconseillé. Outre
leur action au niveau systémique, ils ont une action vasodilatatrice
préférentielle sur l’artériole afférente et un rôle cytoprotecteur direct
sur les cellules rénales.
Ils sont très souvent utilisés pendant
l’intervention.
– Les antihypertenseurs d’origine centrale (clonidine) sont
poursuivis jusqu’à l’intervention, d’autant qu’ils ont une action
analgésique et que leur arrêt peut également provoquer un rebond
hypertensif.
– Seuls, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) restent un
sujet de controverse car leur action vasodilatatrice périphérique peut
être potentialisée par les agents anesthésiques et surtout par
l’hypovolémie peropératoire.
Ainsi, certains auteurs préconisent leur
arrêt systématique 24 à 48 heures avant une opération.
D’autres,
dont nous sommes, sont en faveur d’une attitude plus nuancée afin
de conserver au maximum les effets bénéfiques de ce traitement
qui atténue, dans notre expérience, les à-coups cardiovasculaires peropératoires.
Ainsi, nous poursuivons les IEC jusqu’à la veille de
l’intervention en étant particulièrement vigilants lors de l’induction
anesthésique.
En cas d’hypotension, de petites doses d’éphédrine et
un remplissage vasculaire de 500 mL à 1 L de cristalloïdes
permettent un retour rapide à la normale.
B - AUTOTRANSFUSION
:
Bien que les interventions soient généralement peu hémorragiques,
surtout en cas de chirurgie de l’artère rénale isolée, il est intéressant
de pratiquer une autotransfusion programmée chez l’enfant et
l’adulte jeune mais aussi chez le patient âgé si l’état clinique et
coronarien le permet.
Chez l’enfant, l’autotransfusion programmée
est autorisée par circulaire ministérielle depuis le 3 juillet 1990.
En
pratique, elle est difficile à effectuer en dessous d’un poids de 15 à
20 kg pour des raisons de prélèvement veineux.
Lorsqu’on la
pratique, elle est effectuée sans compensation volumique sur la base
d’une soustraction de 7 mL de sang par kg de poids, soit 10 % de la
masse sanguine.
L’obtention du consentement parental est
nécessaire.
C - PRÉMÉDICATION
:
Chez l’enfant, on utilise le midazolam intrarectal à la posologie de
0,3 mg/kg de poids.
L’accompagnement par l’anesthésiste de la
chambre du jeune patient jusqu’à la salle d’opération est essentiel
pour calmer le stress et permettre l’induction anesthésique dans les
meilleures conditions.
Chez l’adulte, la prémédication prise par voie
orale comporte dans notre pratique et de façon constante un
antihistaminique, l’hydroxyzine, associé ou non à une
benzodiazépine.
L’hydroxyzine est prescrite à la dose de 1 mg/kg.
Ses avantages sont multiples : activité antisécrétoire et
antiémétique plus nette que celle des benzodiazépines, effet
bronchodilatateur et antiallergique, activité antiarythmique.
Lorsque l’on associe une benzodiazépine, notre préférence va à
l’alprazolam à la dose de 0,25 à 0,5 mg/kg ou au flunitrazépam à la
dose de 1 mg/kg.
Ces produits ont un large spectre d’activité : effet
sédatif, hypnotique, amnésique, myorelaxant, antiarythmique,
anticonvulsivant.
D - INDUCTION ET ENTRETIEN DE L’ANESTHÉSIE
:
Chez l’adulte, l’induction est réalisée sous étomidate à la dose de
0,25 à 0,4 mg/kg et sous Sufentanil à la dose de 0,2 à 0,5 c/kg avec
de très faibles doses de midazolam (1 à 2 mg).
La curarisation est
dépendante du degré d’insuffisance rénale.
Si la fonction rénale est
normale, on peut utiliser le bromure de pancuronium à la dose de
0,1 mg/kg, sinon, l’atracurium à la dose de 0,3 à 0,6 mg/kg ou le
bromure de rocuronium à la dose de 0,1 mg/kg.
L’entretien de
l’anesthésie est assuré par le propofol ou le desflurane.
Chez l’enfant, l’induction et l’entretien de l’anesthésie font appel au propofol.
Le midazolam n’est pas utilisé. L’atracurium entretient la
curarisation, le fentanyl ou le sufentanil entretiennent l’analgésie.
Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’antibioprophylaxie par le
céfuroxime est débutée à l’induction et poursuivie 24 heures.
E - INSTALLATION ET MONITORAGE
:
Les malades, selon la voie d’abord utilisée, sont installés en
décubitus strict ou en décubitus latéral à 30° sur un matelas
chauffant.
Ils bénéficient tous de la mise en place d’un cathéter
artériel radial et d’un cathéter sous-clavier ou jugulaire pour mesure
des pressions artérielles et veineuses centrales.
Une sonde de Swan-Ganz est mise chez trois types de patients :
– ceux qui ont un clampage de l’aorte coeliaque ou thoracique ;
– ceux qui ont une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure
à 35 % ;
– ceux qui ont une valvulopathie aortique grade II ou III.
Le reste de la surveillance est fait au moyen d’un électrocardiogramme
cinq pistes avec mesure du segment ST, au moyen
d’un saturomètre et d’un capnographe.
Tous les malades ont une
sonde urinaire et un thermomètre rectal.
Le cell-saver pédiatrique ou
adulte est toujours installé.
F - PROTECTION RÉNALE
:
Quelle que soit la technique de réparation rénale utilisée, celle-ci va
comporter un temps plus ou moins long d’ischémie rénale,
préjudiciable pour le rein que l’on revascularise.
Si l’ischémie est
courte, inférieure à 20 ou 30 minutes, les conséquences sur la
fonction rénale sont minimes ou nulles.
Au-delà peut se développer,
en postopératoire, une insuffisance rénale plus ou moins grave. Il
existe trois façons de protéger le rein.
1- Protection hémodynamique
:
Elle est basée sur le maintien d’un bon débit sanguin rénal avant et
après déclampage.
Trois facteurs interviennent : la volémie, le niveau
de pression artérielle, le débit cardiaque.
Le maintien d’une volémie optimale a un effet immédiat sur le débit
et l’excrétion urinaire de sodium en inhibant la libération
d’aldostérone, d’antidiuretic hormone (ADH) et en stimulant la
libération du facteur atrial natriurétique.
Le débit sanguin rénal
de chaque néphron est constant, pour des variations de pression
artérielle moyenne entre 80 et 140 mmHg.
Cette autorégulation du
débit sanguin rénal, indépendante des influences hormonales ou
nerveuses extrinsèques, résulte d’une adaptation des résistances de
l’artériole afférente alors que celles de l’artériole efférente restent
constantes.
Cette autorégulation inefficace pour des pressions
moyennes, inférieures à 80 mmHg dépendrait d’un mécanisme
myogénique et du rétrocontrôle négatif tubuloglomérulaire.
Enfin, il faut maintenir un débit cardiaque suffisant, surtout chez le
sujet âgé dont la performance cardiaque peut être limitée.
Dans ces
cas, le cathéter de Swan-Ganz permet de juger s’il est utile ou non
d’introduire de la dobutamine.
2- Protection mécanique
:
Dans la chirurgie in situ, la protection rénale mécanique est basée
sur des temps de clampage aussi courts que possible, auxquels on
peut rajouter une réfrigération locale, voire une perfusion rénale
avec du liquide de Ringer glacé.
Cette protection rénale est
particulièrement utile chez les malades avec insuffisance rénale
préopératoire et chez qui on prévoit un temps de clampage aortique
sus-rénal préalable à la réparation rénale.
Une fois l’aortotomie faite,
on canule sélectivement les artères rénales au moyen d’une sonde à
ballonnet permettant d’infuser directement le liquide réfrigérant.
La
quantité de liquide passée doit être précisée à l’anesthésiste pour
éviter toute hyperhydratation.
Elle est généralement de 300 à 400 mL
par rein. Lors du temps spécifique de réparation rénale, nous
enlevons les sondes qui encombrent le champ opératoire et gênent
la réalisation des anastomoses.
Dans la chirurgie ex vivo, la protection mécanique est basée sur les
principes de la transplantation rénale, réfrigération du rein à + 4 °C,
perfusion rénale avec du liquide d’Eurocollins ou de Belsey
auxquels on rajoute un calcium bloqueur.
Dans la chirurgie in
situ, ces liquides de conservation ne sont pas utilisés car leur charge
en potassium pourrait induire des troubles du rythme cardiaque.
3- Protection pharmacologique
:
Les calciums bloqueurs ont un effet protecteur rénal évident.
Ils sont
utilisés en per- et postopératoire de façon préférentielle à tout autre
antihypertenseur.
Le furosémide reste un objet de controverse.
Les études déjà
anciennes ont montré une amélioration de l’hémodynamique
rénale lorsqu’il est injecté avant ou au moment du clampage rénal.
D’autres plus récentes ont montré que l’injection du furosémide ne
modifie ni le pronostic rénal ni la mortalité globale des malades en
insuffisance rénale.
La majorité des études ne comportant pas de
groupe contrôle, les résultats favorables peuvent être interprétés, par
la réponse diurétique qu’ils entraînent, comme une identification des
patients ayant des lésions rénales initialement moins sévères que les non-répondeurs.
Malgré ces incertitudes, on peut utiliser le
furosémide de façon systématique car il réduit la consommation
d’oxygène rénal et augmente la vasodilatation intrarénale.
Un bolus
de 20 mg est injecté pendant le clampage.
Un relais est ensuite pris,
après déclampage, en injection continue à la seringue électrique.
En
fonction de la diurèse, la posologie est diminuée ou le produit arrêté.
Le mannitol, librement filtré au niveau glomérulaire, agit par son
effet osmotique tubulaire.
Il augmente le flux sanguin rénal, stimule
la libération intrarénale de prostaglandines et capte les radicaux
libres produits par l’agression tissulaire.
Il permet l’augmentation
de la diurèse sans vraiment prévenir l’insuffisance rénale. Nous
l’utilisons à la dose de 100 mL à 20 % injecté pendant le clampage.
L’action de la dopamine est actuellement mal définie. Elle
n’entraînerait pas d’amélioration significative de la fonction rénale
ni d’augmentation de la diurèse horaire de façon constante.
Les
bénéfices seraient à rapporter à une amélioration de
l’hémodynamique rénale par baisse des résistances vasculaires
rénales mais surtout par une amélioration de l’hémodynamique
générale.
Là encore, malgré ces incertitudes, nous l’utilisons de façon
systématique après déclampage de l’artère rénale à la dose de 0,5 à
3 c/kg/min.
La dopexamine, catécholamine synthétique vasodilatatrice, n’est pas
utilisée dans cette indication car elle entraîne une augmentation du
débit cardiaque proportionnellement supérieure à celle du débit
rénal.
Des travaux récents suggèrent l’intérêt que peut avoir
l’administration d’hormone atriale natriurétique dans le traitement
des nécroses tubulaires aiguës postischémiques.
Il n’est pas exclu
que ce produit puisse avoir un intérêt dans la période
postopératoire.
G - RÉVEIL ET SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE
:
Le patient est extubé entre la 4e et la 7e heure postopératoire, une
fois l’hypothermie initiale corrigée.
Les soins postopératoires à
donner sont généralement simples mais nécessitent toutefois, pour
une meilleure surveillance, 24 à 48 heures de soins intensifs au cours
desquels le maintien de l’équilibre hémodynamique, le contrôle
continu de la pression artérielle et de la diurèse horaire sont
essentiels à poursuivre.
Du fait d’une chirurgie par voie rétropéritonéale, la reprise du transit est généralement rapide.
La
boisson est autorisée vers le 2e jour, l’alimentation vers le 3e jour
postopératoires.
À cette date, les cathéters centraux et la sonde
urinaire sont enlevés.
Le lever est autorisé au 2e jour, date à laquelle
le rein est généralement fixé et ne risque pas de basculer sur son
pédicule, surtout s’il a été réalisé une néphropexie.
Le patient a alors
un contrôle échodoppler et scintigraphique qui sert de référence
initiale.
Si celui-ci est anormal, une angiographie est demandée ; si,
en revanche, la scintigraphie ne montre pas d’image inquiétante,
l’artériographie de contrôle n’est pas obligatoire.
Elle peut favoriser
une nécrose tubulaire sur un rein récemment clampé.
La durée moyenne d’hospitalisation est d’une dizaine de jours.
Le suivi tardif des malades est réalisé par l’analyse de la fonction
rénale et la surveillance tensionnelle.
Une scintigraphie est réalisée
la première année puis tous les 2 ans si celle-ci est normale.
Une
nouvelle angiographie n’est demandée qu’en cas d’événement
intercurrent : poussée d’insuffisance rénale, survenue ou majoration
d’une hypertension, contrôle échodoppler anormal.
En
postopératoire précoce, quelques points particuliers nous
apparaissent importants.
1- Surveillance tensionnelle
:
Chez l’enfant et l’adulte jeune, l’hypertension ne cède pas
immédiatement, l’activité rénine se poursuivant plusieurs jours
après l’opération.
Chez le malade plus âgé, athéromateux, il persiste
très souvent une hypertension résiduelle consécutive aux autres
facteurs comme le diabète ou la néphroangiosclérose.
Dans les deux
populations on peut observer, à l’inverse, des hypotensions
consécutives au réchauffement ou secondaires à une hypovolémie.
Certains malades présentent un syndrome de reperfusion rénale
avec hyperdiurèse pouvant induire un retard au remplissage.
Ainsi,
au cours des premières 24 heures et dans les jours qui suivent, on
observe très souvent des variations tensionnelles importantes qui
demandent à être contrôlées par adaptation de la volémie et des
drogues antihypertensives.
2- Surveillance de la fonction rénale
:
Après revascularisation rénale, l’évolution de la fonction rénale peut
se faire sur trois modes.
– Il n’y a pas de problème de diurèse, celle-ci est régulière sans
support pharmacologique. Le dosage biquotidien de l’urée et de la
créatinine sanguine ne montre pas d’anomalie.
Dans ces cas, les plus
fréquents, le malade quitte les soins intensifs postopératoires à la
24e ou 48e heure.
Il bénéficie de principe d’un échodoppler et d’une
scintigraphie rénale quelques jours plus tard comme examens
postopératoires de référence.
– La diurèse nécessite un support pharmacologique ; l’urée et la créatininémie montent régulièrement dès le soir de l’opération.
Le diagnostic le plus fréquent est celui d’une insuffisance rénale à
diurèse conservée, consécutive au temps d’ischémie rénale.
Il faut
cependant éliminer par échodoppler ou scintigraphie une altération
de la fonction rénale par thrombose de restauration artérielle qui
impliquerait une reprise chirurgicale.
La durée de cette insuffisance
rénale fonctionnelle à diurèse conservée, consécutive à l’ischémie
tubulaire, est variable.
La régénération de l’urothélium peut
demander 3 à 4 semaines.
En cas d’ischémie relative, la récupération
peut se faire beaucoup plus vite.
On observe alors une phase
d’insuffisance rénale en plateau avec des créatininémies qui peuvent
atteindre 400 à 500 µmol/L avant de redescendre progressivement.
Il s’agit souvent de malades âgés, diabétiques ou de malades plus
jeunes avec un seul rein fonctionnel ou de patients ayant bénéficié
d’une revascularisation bilatérale.
Durant toute cette période, les
drogues néphrotoxiques (aminosides, produits de contraste, antiinflammatoires
non stéroïdiens) sont contre-indiquées.
La gestion de
cette insuffisance rénale à diurèse conservée est basée sur le maintien
d’une volémie efficace avec hydratation adaptée.
Il importe
également de maintenir une pression artérielle moyenne supérieure
à 80 mmHg de manière à assurer une perfusion rénale suffisante.
Le
soutien pharmacologique est fait par de la dopamine et du
furosémide.
En fait, le traitement de cette insuffisance rénale à
diurèse conservée résume tous les moyens de prévention
hémodynamiques et pharmacologiques de l’insuffisance rénale.
Dans certains cas, une ou deux séances de dialyse peuvent être
nécessaires avant réautonomisation du malade.
– Le malade présente une cassure brutale de diurèse qui ne réagit
pas au remplissage et au diurétique.
À ce tableau oligoanurique
peuvent se rajouter des douleurs abdominales, voire une hématurie
témoin d’un infarctus rénal.
Toute perte de temps peut alors
compromettre l’avenir du patient, surtout s’il s’agit d’une réparation
bilatérale ou d’un rein unique.
Un contrôle échodoppler ou
scintigraphique doit immédiatement être demandé.
L’absence de
perfusion rénale doit conduire à une réintervention sur-le-champ.
En cas d’incertitude sur les résultats de ces examens, l’angiographie,
du fait de son caractère néphrotoxique, est à éviter.
Mieux vaut
réopérer le malade pour observer de visu l’aspect du rein.
Le mode
de réparation de celui-ci est fonction du montage initial, thrombectomie ou pontage itératif dans la chirurgie in situ.
Dans la chirurgie ex vivo, cette réintervention ne doit pas se
satisfaire d’une simple thrombectomie artérielle.
L’expérience de la
transplantation rénale a en effet montré qu’il existe très souvent une
thrombose associée de la veine rénale.
Il faut donc défaire les deux
anastomoses et ressortir le rein.
On pratique alors une
désobstruction sélective des branches de l’artère rénale avec une
sonde de Fogarty n° 2.
Une fois le maximum de thrombose enlevé
de façon mécanique, on reperfuse le rein sous pression avec de
l’urokinase.
Cette perfusion doit être réalisée jusqu’à ce que le rein
se redécolore et que le retour veineux soit de nouveau clair.
Il faut
alors déterminer quelle a été la cause de l’accident pour la traiter
avant de pratiquer une nouvelle autotransplantation.
3- Décoagulation
:
Dans les réimplantations isolées, les pontages simples ou les
revascularisations à partir des artères digestives, il n’y a pas lieu de
protéger le geste par une héparinothérapie.
Les malades sont mis
sous antiagrégants plaquettaires.
La décoagulation postopératoire est
celle habituellement utilisée dans la prévention de la maladie
thromboembolique.
Dans la chirurgie ex vivo, du fait de la petite taille des anastomoses,
il est préférable de décoaguler le malade par de l’héparine injectée
au pousse-seringue électrique.
Nous démarrons cette décoagulation
4 à 6 heures après l’intervention en fonction du bilan de coagulation
postopératoire immédiat.
Un relais à l’héparine calcique est secondairement mis en route, vers
le 2e ou le 3e jour postopératoire pour 2 semaines environ, de façon
à passer la phase inflammatoire postopératoire.
Ultérieurement, les
malades sont laissés sous simple traitement antiagrégant
plaquettaire.
Cette décoagulation postopératoire nous fait réinsister
sur la nécessité d’une hémostase particulièrement soigneuse en fin
d’intervention, ce d’autant que les décollements réalisés sont
importants.
Les drainages sont surveillés attentivement et enlevés
lorsqu’ils ramènent moins de 50 mL/24 h, c’est-à-dire généralement
vers le 3e jour.
4- Analgésie postopératoire
:
Au sortir du bloc, les malades sont sédatés sous propofol et
sufentanil ou fentanyl pendant 12 à 24 heures en association avec
du paracétamol.
Ensuite, on utilise une analgésie contrôlée par le
patient (ACP)-morphine (dès l’âge de 5 ou 6 ans) associée au
paracétamol en systématique.
En cas de chirurgie ex vivo, l’incision peut remonter haut dans le
dixième espace intercostal et être très douloureuse au réveil.
On
utilise donc très volontiers une analgésie péridurale à la bupivacaïne
ou à la ropivacaïne (Naropeine). Le cathéter est mis en place en
salle d’opération.
L’injection d’analgésique démarre dès l’arrivée en
service de soins intensifs.
Elle est associée à une consommation
d’analgésique moindre, à un délai d’extubation plus précoce et à
une meilleure qualité d’analgésie au repos et au mouvement
pendant les 48 premières heures postopératoires.
Conclusion
:
Le bilan préopératoire des lésions de l’artère rénale est aujourd’hui en
pleine mutation et celle-ci va probablement continuer dans les années à
venir pour devenir totalement non invasive.
À ce jour, le choix des moyens diagnostiques est souvent affaire d’école.
À cet égard, le chirurgien ne doit pas se laisser imposer une imagerie
qu’il juge insuffisante et doit pouvoir bénéficier d’une analyse
morphologique précise des lésions artérielles pour pouvoir les réparer
dans les meilleures conditions possibles.
L’anesthésie-réanimation peret
postopératoire est, en revanche, mieux codifiée et permet aujourd’hui
de traiter des patients plus âgés avec mauvaise fonction rénale initiale
sans aggravation de la morbi-mortalité.