La césarienne en cas de présentation par le siège avant terme est-elle justifiée ? Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
L’une des principales décisions dans la prise en charge des
accouchements par le siège avant terme, et certainement la plus
controversée, est le choix entre l’accouchement par voie vaginale et
la césarienne.
Afin de choisir la meilleure approche, on pourrait
espérer qu’il existe une abondance d’information disponible dans la
littérature publiée sur ce problème.
Cependant, la plupart des
données publiées sont observationnelles et rétrospectives, et sont
prédisposées à de sérieux biais dus à plusieurs facteurs
potentiellement confondants.
Par exemple, les foetus en présentation
par le siège peuvent se présenter avec divers degrés de flexion de la
tête et en trois classifications différentes du point de vue
pronostique, qui sont basées sur la disposition des membres
inférieurs : siège complété, siège décomplété mode des fesses, et
mode des pieds.
Un siège peut aussi être associé à la présence
d’anomalies congénitales qui peuvent avoir un effet sur la survie et
la morbidité.
Il a été suggéré que la présentation par le siège pouvait
être due à des troubles neurologiques antérieurs qui ne peuvent être
prévenus par une intervention pendant le travail ou
l’accouchement.
Ces considérations soulignent le fait que la
population des foetus en présentation par le siège avant terme est
hétérogène en termes d’affections intercurrentes et de complexité
mécanique potentielle de l’accouchement par voie vaginale.
La population des foetus en présentation par le siège avant terme
pouvant être encore plus variée que la population totale des foetus
avant terme, il est très important de classer les patientes en fonction
des nombreux facteurs de risque de confusion.
Cette tâche semble
exceptionnellement difficile et n’est que rarement effectuée dans les
études.
Il faut prendre en compte le fait que la césarienne en début de
gestation est techniquement difficile, ne garantit pas un
accouchement facile, et est associée à des risques maternels.
Les
difficultés chirurgicales sont liées au segment utérin inférieur peu
formé.
Des difficultés graves sont rencontrées dans presque la moitié
des césariennes du segment inférieur dans la série de Bodmer et
al.
Trois décennies d’études cliniques sur le meilleur mode
d’accouchement des sièges avant terme sont résumées sous les
rubriques : études hospitalières, études cas-contrôles, étude de
cohortes et études randomisées.
Parmi ces études de différentes
conceptions, l’étude hospitalière a la plus faible valeur scientifique,
avec une validité externe faible ou nulle, alors que l’étude
randomisée a la plus grande valeur et représente le gold standard.
L’étude cas-contrôle et l’étude de cohorte sont entre les deux.
Études hospitalières :
En 1977, Goldenburg et Nelson ont publié une étude hospitalière
comprenant 1 326 grossesses non gémellaires avec un poids de
naissance de 500 à 2 500 g.
Sur ces cas, 141 étaient des sièges
accouchés par voie vaginale.
Dans 45 pour cent des cas où l’on
avait des informations disponibles pour un poids de naissance
inférieur à 1 500 g, les situations suivantes ont été observées : un
cordon prolabé et une extraction du siège, ou une rétention de la
tête et/ou un forceps indiqué pour la rétention de tête dernière.
Le
nombre d’accouchements par le siège n’était pas spécifiquement
défini.
Les résultats indiquent que le travail et l’accouchement des
présentations par le siège avaient une morbidité et une mortalité
beaucoup plus importantes que celles qui pourraient être attribuées
à la prématurité seule.
En 1998, Karp et al ont conclu que la césarienne est probablement le
plus sûr des traitements des patientes ayant un siège décomplété mode des pieds, en particulier lorsque le nourrisson pèse 1 500 g ou
moins.
Les données, comprenant 66 présentations du siège non gemellaires prématurées de poids inférieur à 2 500 g indiquent
qu’une épreuve de travail pourrait être entreprise en toute sécurité
en présence d’un siège complété ou décomplété avant terme.
En
tout, 18 nourrissons ont été accouchés par césarienne et 48 par voie
vaginale.
Woods, en 1979, a observé que la prise en charge intrapartum et
l’accouchement d’enfants de petit poids en présentation du siège
doivent être individualisés, et que la césarienne systématique n’était
pas justifiée.
Cette recommendation était basée sur 77
accouchements par le siège d’enfants viables mais de petit poids de
naissance.
Deux cent quarante enfants en présentation par le siège pesant
moins de 1 500 g ont été inclus dans une étude portant sur
plusieurs hôpitaux urbains de St Louis et sur des hôpitaux ruraux
du Missouri (États-Unis).
Vingt-neuf pour cent de ceux accouchés
par césarienne sont décédés, par rapport à 58 % des enfants en
présentation par le siège de poids similaire qui avaient été accouchés
par voie vaginale.
Des différences significatives comparables ont été
trouvées pour les enfants accouchés dans une clinique universitaire
et dans un groupe d’hôpitaux non universitaires.
Les scores d’Apgar,
ainsi que l’incidence et la sévérité des hémorragies
intraventriculaires, ne différaient pas chez les enfants en
présentation par le siège accouchés par césarienne ou par voie
vaginale.
Bodmer et al, en 1986, n’ont pu mettre en évidence de diminution
de l’incidence des détresses foetales à la naissance ou de mortalité
périnatale sur 286 enfants en présentation du siège lorsque les
césariennes sont passées de 8 à 89%.
Cependant, la rétention de
la tête a été responsable du décès de sept des 55 enfants nés vivants
par voie vaginale de 25 à 28 semaines de gestation, tous pesant
moins de 1 000 g.
Cibils et al, en 1994, dans une étude de 262 foetus de moins de
1 500 g et en utilisant la régression logistique, n’ont trouvé aucune
modification significative de la mortalité entre accouchement par
césarienne et par voie vaginale.
Cependant, la conclusion a été
que l’accouchement par voie abdominale apporte certains bénéfices
au foetus dans le siège mode des pieds.
Dans une étude rétrospective aux Pays-Bas, Wolf et al ont comparé
les résultats des accouchements précoces par le siège avant terme
(de 26 à 31 semaines) dans deux centres de haute spécialité, qui
pendant la période de l’étude ont traité environ 20 % des naissances
avant terme aux Pays-Bas.
Dans l’un des centres (n = 101), le
traitement préféré pour les présentations par le siège avant terme
était l’accouchement par voie vaginale ; dans l’autre centre (n = 46),
la méthode préférée était la césarienne.
Les taux de césarienne ont
été de 17 versus 85 %, respectivement.
Il n’y a pas eu de différence
dans la survie sans incapacité ou handicap entre les centres (odds
ratio pour l’accouchement abdominal versus vaginal 1,5, intervalle
de confiance à 95 % de 0,6-3,9).
Cependant, la survie sans incapacité
a été influencée négativement par le mode des pieds.
Les études hospitalières des présentations du siège, dont certaines
sont résumées ici, sont importantes, parce que leurs résultats ont été
à la base de la pratique clinique dans de nombreux services
d’accouchement pendant les dernières décennies.
Cependant, du fait
du (très) petit effectif pris en compte, des descriptions rares des cas
perdus de vue et de la surreprésentation des cas rapportés de centres
spécialisés avec un biais de sélection potentiel, la validité externe de
ces études hospitalières doit être sérieusement mise en doute.
L’indication de la césarienne est rarement décrite.
Études cas-contrôles :
Dans une étude avec témoins historiques accouchés par voie
vaginale, Ingemarsson et al, en 1978, ont observé une diminution de
l’incidence de la mortalité néonatale de 14,6 % à 4,8 % lorsque les
enfants avant terme (moins de 37 semaines) en présentation par le
siège ont été accouchés par césarienne.
En tout, 92 présentations
par le siège avant terme ont été incluses dans l’étude.
Depuis cette
étude, le mode d’accouchement préféré en Suède de tels enfants est
la césarienne.
Duenhoelter et al, en 1979, ont rapporté une étude contrôlée
appariée de 44 accouchements par voie vaginale et de 44
accouchements abdominaux de foetus en présentation par le siège
de petit poids de naissance, inférieur à 2 500 g.
Seuls les
accouchements non gémellaires ont été inclus.
Sept décès se sont
produits dans le groupe des accouchements par voie vaginale, par
rapport à un seul dans le groupe des accouchements abdominaux.
L’asphyxie, les traumatismes et les hémorragies intracrâniennes
étaient également plus fréquemment retrouvés chez les foetus
accouchés par voie vaginale.
Ces résultats indiquent que
l’accouchement par césarienne est préférable.
Étude de cohorte
:
Dans une étude nationale coopérative menée aux Pays-Bas, des
données périnatales et de suivi portant sur 899 naissances vivantes
non gémellaires non malformées nées en 1983 avec un âge
gestationnel inférieur à 32 semaines ou un poids de naissance
inférieur à 1 500 g ont été recueillies.
La mortalité néonatale des
enfants en présentation par le siège, nés par césarienne, par rapport
au groupe des accouchements par voie vaginale, est apparue
significativement moindre (odds ratio ajusté de 0,4 ; intervalle de
confiance à 95 % de 0,2-1,0).
Cependant, l’odds ratio pour les
handicaps à 5 ans des accouchements abdominaux versus vaginaux
dans les présentations par le siège, et après réajustement pour l’âge
gestationnel, le poids de naissance, l’hypertension ainsi que la
rupture prolongée des membranes, a été de 0,9 (ce qui n’est pas
significatif).
La conclusion était que, du fait de la nature
observationnelle de l’étude, l’analyse statistique n’a identifié qu’une
possible tendance et n’a pu prouver le résultat.
Études randomisées
:
Grant a fait une revue sur la base du « Cochrane Pregnancy and
Childgroup Trials Register » pour évaluer les effets d’une politique
d’accouchement par césarienne planifiée pour tous ou d’une
politique de prise en charge sélective avec recours à la césarienne
lorsqu’elle est indiquée.
De ces cinq études, deux ne traitaient que
des présentations par le siège avant terme.
Viegas et al, en 1985, ont
réparti randomiquement (méthode non définie) 12 parturientes pour
une césarienne planifiée et 15 pour une sélective.
Le contexte était
cinq grandes unités d’accouchement à Singapour et les critères
d’inclusion étaient « toute femme en travail avant terme »,
présentation par le siège et 28 à 36 semaines de gestation.
Les
résultats comprenaient les prolapsus du cordon, la rétention de la
tête, les scores d’Apgar bas à 5 minutes, les convulsions néonatales,
le syndrome de détresse respiratoire, les pathologies intracrâniennes,
la mort après entrée dans l’essai, les complications maternelles
majeures du post-partum et l’infection de la plaie maternelle.
Zlatnik a utilisé la méthode des enveloppes scellées, avec
consentement postrandomisation et des règles d’inclusion
semblables à celles de l’étude de Viegas et al.
Le contexte était les
hôpitaux de l’Université de l’Iowa (1978-1983) et le nombre de
participantes randomisées était de 18 parturientes électives et de 20
sélectives.
Les résultats enregistrés étaient similaires à ceux de
l’étude de Viegas et al.
L’essai a été interrompu à 52 mois du fait de
difficultés de recrutement.
Les auteurs ont fourni des données non
publiées.
Du fait
du petit effectif, il n’a été possible que dans quelques cas de calculer
l’intervalle de confiance à 95 % de l’odds ratio.
Il est évident que le
faible effectif invalide toute comparaison statistique ou clinique.
Ceci
est renforcé par le très large intervalle de confiance (par exemple,
pour la durée d’hospitalisation maternelle supérieure à 10 jours, de
0,18 à 176,80).
En conclusion, il n’y a pas suffisamment de preuves pour évaluer
l’utilisation d’une politique d’accouchement par césarienne élective
des sièges avant terme.
Des essais randomisés dans ce domaine vont
probablement continuer à rencontrer des problèmes de
recrutement.
Suivi à long terme :
Ingemarsson et al, en utilisant des contrôles historiques, ont observé
une diminution des handicaps tardifs lors du suivi à 12 mois après
l’accouchement.
En tout, 24 % des contrôles avaient des troubles
du développement ou neurologiques, par rapport à 2,5 % des
enfants accouchés par voie abdominale.
Faber-Nijholt et al, en 1983, ont principalement étudié les sièges
avant terme (40 sur 46) nés entre 1969 et 1977.
Ils ont conclu que les
principaux risques des présentations par le siège provenaient des
complications associées à la grossesse, qu’il n’y avait pas de raison
de conseiller une plus haute fréquence des accouchements
abdominaux que les 20 % observés dans leur étude.
Cox et al, en 1982, ont observé une augmentation des taux de
handicap de 5 % à 22 % chez les enfants accouchés par césarienne.
Cependant, la césarienne n’a été effectuée dans leur étude que pour
des pathologies associées, et ces pathologies pourraient donc avoir
été la cause de nombre des handicaps observés.
Effectifs nécessaires à la validité :
Dans le bilan des études précédentes et dans la planification de
futures études, le nombre des cas inclus est crucial pour la validité
des résultats finaux.
Dans l’étude de Wolf et al, les odds ratios
observés de 1,5 de survie sans incapacité ou handicap en faveur des
naissances vaginales n’auraient atteint une significativité statistique
que si 1 000 femmes avaient été incluses dans l’étude.
Les auteurs
ont aussi calculé que l’incidence des accouchements prématurés
d’un foetus en présentation par le siège sans autre pathologie
obstétricale est d’environ 1/5 000 dans une population non
sélectionnée.
Wolf et al ont conclu que pour obtenir une validité
dans le type d’étude semblable à celui de l’essai randomisé de Penn
et al qui avait échoué, environ 1,5 million de femmes auraient dû
être informées et auraient dû donner leur consentement en vue
d’une randomisation, en cas de travail avant terme avec un foetus
en présentation par le siège.
Discussion
:
Il est impossible d’évaluer suffisamment précisément toutes les
circonstances qui interviennent dans le choix entre l’accouchement
abdominal et par voie vaginale pour pouvoir faire des comparaisons
non biaisées.
Il y a peu de domaines où la question des biais de
sélection est aussi importante que dans les accouchements des
présentations par le siège avant terme.
Les enfants accouchés par
voie vaginale ont de plus grandes probabilités d’être considérés (à
juste titre ou non) comme trop petits, d’âge gestationnel trop bas ou
trop malades pour tirer un bénéfice suffisant de la césarienne.
Ces
mêmes enfants sont également susceptibles de recevoir moins de
soins spécialisés lors de l’accouchement par voie vaginale.
Les
enfants accouchés par voie vaginale sont plus susceptibles d’être
ceux dont les mères arrivent trop tard au deuxième stade du travail
pour pouvoir bénéficier d’une césarienne.
À l’inverse, les enfants
accouchés par césarienne sont plus susceptibles d’être ceux dont
l’accouchement pourrait être planifié par avance.
Ils sont plus
susceptibles de naître par intervention obstétricale élective pour
terminer une grossesse ; plus susceptibles aussi de naître plus tard
au cours de la gestation et d’avoir des poids de naissance qui sont
plus élevés que ceux des enfants nés pas voie vaginale.
Conclusion
:
Pour toutes les raisons mentionnées précédemment, seule une étude
randomisée comprenant un nombre suffisant de cas pourra fournir la
réponse finale au problème de savoir s’il existe une justification à la
césarienne systématique dans le cas des enfants se présentant par le
siège avant terme.
En l’absence de cette information, l’unité
d’accouchement ou l’équipe périnatale peut décider du traitement
approprié de ce groupe de parturientes et d’enfants avant terme, y
compris du mode d’accouchement.
Dans le département où l’auteur a été responsable de l’unité
d’accouchement (2 500-3 000 accouchements chaque année), le mode
d’accouchement des foetus en présentation par le siège non gemellaires
avant terme.
Dans le cas des parturientes
de moins de 33 semaines de gestation, la césarienne d’urgence est
effectuée de manière routinière.