Causes cardiaques des embolies

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Introduction :

La recherche d’une source cardiaque potentiellement emboligène doit être systématique devant tout accident embolique périphérique et/ou cérébral.

Le territoire de l’embolie, son caractère récidivant et /ou multiple peuvent être des éléments d’orientation.

L’échocardiographie transoesophagienne a transformé l’approche diagnostique de ces accidents, permettant de découvrir une source possible d’embolie dans 57 % des cas contre 15 % en échocardiographie transthoracique.

Néanmoins, cet examen ne saurait se substituer à l’échographie transthoracique qui est complémentaire et doit être effectuée de première intention, en particulier pour visualiser l’apex du ventricule gauche.

Causes cardiaques des embolies

La majorité des embolies d’origine cardiaque proviennent des cavités gauches (90 %) et sont de type cruorique.

Les embolies cardiaques sont à l’origine de 80 à 90 % des embolies artérielles des membres et de 15 à 20 % des embolies cérébrales.

En dehors des causes classiques que sont les troubles du rythme, les valvulopathies, l’infarctus, la présence d’échos de contraste spontanés dans l’oreillette gauche représente un risque emboligène, de même qu’un anévrysme auriculaire septal, un foramen ovale perméable, un thrombus ou une tumeur de l’oreillette gauche.

Malgré l’échocardiographie transoesophagienne, 5 à 10%des accidents emboliques restent inexpliqués.

Embolies cardiaques cruoriques :

A – TROUBLES DU RYTHME :

Actuellement, les embolies cardiaques cruoriques sont, dans la majorité des cas, secondaires à un trouble du rythme, en particulier supraventriculaire.

Le trouble du rythme peut être permanent ou paroxystique, avec un risque majeur au moment du changement de rythme que celui-çi soit spontané ou provoqué, et ce sans anticoagulation efficace.

Une arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA) permanente ou paroxystique, quelle que soit son origine, est souvent en cause.

Elle intervient probablement par stase sanguine au niveau d’une oreillette gauche plus ou moins dilatée, associée dans certains cas à une diminution du débit cérébral. La présence d’une AC/FA multiplie le risque d’accident cérébral par un facteur de 1,8 à 7,5, majoritairement cortical.

Le risque est d’autant plus grand qu’il existe, en échocardiographie transoesophagienne, un contraste spontané dans l’oreillette ou l’auricule gauche et/ou une dilatation auriculaire et une valvulopathie rhumatismale sousjacente.

La mortalité est de 20 % et les risques de récidive spontanée, dans les 30 premiers jours, sont de 8 à 15%.

Il est donc impératif de rechercher parallèlement une cause au trouble du rythme.

Sa présence intervient directement lors de la prise en charge thérapeutique ultérieure. Les valvulopathies mitrales, les cardiopathies ischémiques et hypertensives, les myocardiopathies et les péricardites peuvent se compliquer d’arythmie.

Une hyperthyroïdie est à rechercher systématiquement, car elle se complique d’accidents emboliques dans 10 à 20 % des cas.

Le bilan comprendra, en dehors de l’interrogatoire et de l’examen clinique complet, une échocardiographie transthoracique et transoesophagienne, complétés par un holter ECG sur 24 heures, lorsque l’on suspecte un trouble paroxystique.

Dans de nombreux cas, aucune cause n’est retrouvée et la fibrillation auriculaire est dite idiopathique.

Le risque embolique d’une AC/FA chronique est de 16,2 % avec un risque de récidive de 5 %/an.

Le flutter auriculaire est moins fréquemment à l’origine d’accidents emboliques.

Cela est encore plus exceptionnel avec troubles du rythme ventriculaire.

La phase de réduction de l’arythmie, qu’elle soit médicamenteuse ou par choc électrique externe, est hautement emboligène.

Cela justifie la réalisation d’une échocardiographie.

Tous les patients doivent être parfaitement anticoagulés, durant et au décours de la phase de réduction, les embolies de régularisation survenant essentiellement dans les 8 premiers jours chez des patients mal anticoagulés.

B – VALVULOPATHIES :

1- Rétrécissement mitral :

Le rétrécissement mitral représente la valvulopathie la plus emboligène, et ce en dehors de tout trouble du rythme.

Une complication embolique émaille son évolution dans 10 à 20 % des cas.

Ces embolies sont multiples, répétitives et peuvent siéger sur n’importe quel territoire.

Les plus fréquentes et les plus graves sont les embolies cérébrales, en particulier sylviennes, avec un risque majeur de récidive.

Le risque est d’autant plus grand qu’il existe des échos de contraste spontanés dans l’oreillette gauche.

2- Prolapsus valvulaire mitral :

Le prolapsus valvulaire mitral semble s’associer à une fréquence accrue d’accident embolique, en particulier d’accident ischémique transitoire, d’infarctus cérébral, d’amaurose, d’occlusion de l’artère centrale de la rétine semble-t-il par hyperactivité plaquettaire.

La rupture de continuité endothéliale favorise l’agrégation plaquettaire, la formation du complexe fibrine-thrombine.

À tout cela s’associe des arythmies paroxystiques plus fréquentes.

De ce fait, des prescriptions empiriques d’aspirine ont été proposées.

C – THROMBOSES SUR PROTHÈSE VALVULAIRE :

Les thromboses sur prothèse valvulaire surviennent chez 5 à 25% des patients, à l’origine d’accidents emboliques dans à 1 à 4% par an.

Cette fréquence varie en fonction des séries, du recul, du type de prothèse, mais aussi en fonction de la position de la prothèse.

En effet, les embolies s’observent plus fréquemment lorsque les prothèses sont en position mitrale par rapport à la position aortique, surtout s’il s’y associe une AC/FA.

Les embolies sont nettement plus fréquentes dans le territoire cérébral. Les accidents emboliques sont moins fréquents avec les bioprothèses.

Ainsi, certains auteurs proposent pour tenter de réduire le risque embolique, d’associer au traitement anticoagulant, de l’acide salicylique à dose faible (100 mg/j).

D – BOURRELETS VALVULAIRES :

Les bourrelets valvulaires définis par une expansion tissulaire fine très mobile peuvent s’observer sur des valves natives et des prothèses valvulaires. Leur présence est un facteur emboligène.

E – INFARCTUS DU MYOCARDE :

L’infarctus du myocarde à sa phase initiale est à haut risque d’accidents emboliques qui surviennent chez 2 à 4 % des patients.

Plus de 50 % d’entre eux sont diagnostiqués durant les 5 premiers jours.

Les études autopsiques montrent la présence d’un thrombus mural dans 44 % des cas, essentiellement au niveau de la pointe du ventricule gauche.

En cas d’infarctus septal, le thrombus peut siéger au niveau des deux ventricules. Un accident embolique est noté chez 10 % des patients décédés d’infarctus, localisé dans 50 % des cas au niveau de l’encéphale.

Les autres localisations fréquentes sont les reins, la rate, la bifurcation aortoiliaque et l’artère fémorale.

La présence d’un thrombus est corrélée à l’étendue de la nécrose myocardique et sa localisation antérieure ; elle est très rare en revanche lors des nécroses inférieures.

Les facteurs prédictifs d’accidents emboliques cérébraux sont à la phase initiale, un infarctus antérieur, des antécédents d’accident cérébral, une fibrillation auriculaire chronique, une fibrillation auriculaire contemporaine de l’infarctus, une surélévation de ST supérieure à 2,4 et une hypertension artérielle.

À la phase tardive, les accidents emboliques sont corrélés avec la présence d’un anévrysme ventriculaire ou d’un pseudoanévrysme. Celui-ci s’accompagne d’un accident embolique dans 38 % des cas.

F – CARDIOPATHIES CONGÉNITALES :

1- Chez l’enfant :

Les cardiopathies cyanogènes sévères chez l’enfant de moins de 2 ans peuvent être à l’origine d’accident vasculaire cérébral. Un accident paradoxal, à partir de la circulation cave, peut s’observer au cours de tous les shunts droite-gauche, lors de la persistance du canal artériel et en présence d’un foramen ovale perméable.

2- Chez l’adulte :

Une perméabilité du foramen ovale souvent associée à un anévrysme du septum auriculaire devra être recherchée systématiquement chez l’adulte, en l’absence d’autres causes par une échographie cardiaque de contraste.

Les fréquences de ces malformations sont dans la population générale respectivement de 27 à 35 % des cas et de 1 % des cas.

Une embolie paradoxale à partir d’une thrombose veineuse de membre inférieur doit être suspectée s’il existe un foramen ovale ou une communication interauriculaire avec shunt droite-gauche et ce, à l’occasion d’une élévation des pressions dans la cavité droite.

La recherche d’une phlébite par échodoppler des membres inférieurs (voire une phlébographie), d’une embolie pulmonaire par scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion est nécessaire.

G – EMBOLIES DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE :

L’endocardite infectieuse se complique d’embolies artérielles dans 15 à 20 % des cas, pourcentage nettement inférieur à celui observé lorsqu’il n’existait pas d’antibiotiques (70 à 97 % !).

Les risques sont inférieurs lorsqu’il s’agit de formes subaiguës (embolie clinique dans 6 à 35% des cas), alors qu’elle est présente dans 60 % des cas des formes aiguës.

Tous les organes peuvent être intéressés.

Les localisations emboliques préférentielles sont les reins (56 %), la rate (44 %), le cerveau (33 %), en particulier au niveau de l’artère cérébrale moyenne et de ses branches.

Les occlusions des grosses artères sont rares, sauf s’il s’agit d’endocardites fungiques ou à Staphylococcus aureus.

Du fait de la lenteur de recouvrement des végétations par l’endothélium (6 mois), les accidents emboliques peuvent survenir des semaines, voire des mois après l’éradication du processus infectieux, avec un risque tardif de 5 %.

H – CARDIOMYOPATHIES :

1- Cardiomyopathies dilatées :

Toutes les cardiomyopathies dilatées, quelle que soit leur cause, peuvent se compliquer d’accident embolique.

Ce risque augmente parallèlement à l’aggravation de la dysfonction ventriculaire gauche, particulièrement si le malade est en AC/FA.

Le diagnostic est facile et repose sur l’échocardiographie.

2- Cardiomyopathies du post-partum ou syndrome de Meadows :

Cette cardiomyopathie rare, sous nos climats, est à sa phase aiguë à haut risque emboligène, un accident étant observé dans plus de 20 % des cas. Cela justifie un traitement anticoagulant systématique.

I – FIBROSES ENDOMYOCARDIQUES :

Les fibroses endomyocardiques sont rares et relèvent de causes variées.

Le risque de thrombus intra-auriculaire et intraventriculaire est élevé, surtout s’il s’y associe une hyperéosinophilie.

J – THROMBUS INTRACAVITAIRE :

Un thrombus intracavitaire est rarement isolé et survient dans un contexte particulier : AC/FA, rétrécissement mitral, chez des porteurs de prothèse valvulaire, en cas de dysfonctionnement sévère du ventricule gauche et lors de dilatation de l’oreillette gauche.

K – ÉCHOS SPONTANÉS INTRACAVITAIRES :

La présence d’échos spontanés intracavitaires associés à l’AC/FA, le rétrécissement mitral, une prothèse valvulaire, un dysfonctionnement ventriculaire gauche augmentent chacun significativement le risque d’accidents emboliques.

Embolies tissulaires :

Les embolies tissulaires sont beaucoup plus rarement en cause :

– myxome : tumeur bénigne de l’oreillette essentiellement gauche, a un risque embolique élevé (30 à 50 % des cas) ;

– végétations marastiques des néoplasies observées dans 0,5 à 1 % des cas ;

– embolies calcaires du rétrécissement aortique calcifié, toujours gravissime au niveau cérébral.

Ce risque est majoré lors des cathétérisme et valvuloplastie ;

– calcifications de l’anneau mitral : cette cause n’est pas encore formellement reconnue. Leur diagnostic repose sur le contexte clinique et l’échocardiographie.

Conclusion :

Malgré des investigations bien conduites, il est, dans 5 à 10% des cas, impossible de connaître la source de l’embolie.

À l’inverse parfois, chez un même patient, coexistent plusieurs pathologies emboligènes comme une prothèse valvulaire cardiaque, une AC/FA, et une anticoagulation inefficace.

Actuellement est en cours d’évaluation le doppler transcrânien qui, en révélant la présence de HITS (échos emboliques unidirectionnels transitoires observés au niveau des artères cérébrales) permettrait peut être de définir des patients à haut ou bas risque.

La prévention repose sur une anticoagulation efficace et/ou un traitement antiagrégant plaquettaire.

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