Cancers du rhinopharynx et de l’oropharynx Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
De la situation anatomique du rhinopharynx, profonde,
sous la base du crâne, il résulte que le cancer du rhinopharynx
est de diagnostic tardif et difficile sur une symptomatologie
d’emprunt.
Les progrès de l’endoscopie et de
l’imagerie permettent d’établir le diagnostic et d’effectuer
le bilan d’extension.
Rappel anatomique
:
Le nasopharynx s’ouvre en avant sur les fosses nasales,
surplombe l’oropharynx par l’intermédiaire du voile du
palais, entre en rapport avec l’oreille moyenne par les
trompes auditives, et répond au-dessus à la base du crâne.
Sa paroi postéro-supérieure, osseuse, est appelée toit du
cavum et mur postérieur.
Elle est tapissée par la tonsille
pharyngée et dessine une arche de courbure variable.
Celle-ci
correspond à la base de l’occiput doublé des muscles
longs de la tête, au sphénoïde creusé des sinus sphénoïdaux,
à l’arc antérieur de l’atlas qui forme la limite inférieure
arbitraire du cavum et aux apex pétreux.
La paroi latérale est musculo-aponévrotique : muscles élévateurs
et releveur du voile en haut, muscle constricteur supérieur du pharynx en bas.
Elle est caractérisée par la présence
de l’orifice tubaire.
Il faut souligner la proximité de la carotide
interne qui peut n’être qu’à 2 ou 3 mm du fond de la
fossette de Rosenmüller lorsque celle-ci est profonde.
Le drainage lymphatique s’effectue au départ d’un riche
plexus pré-tubaire vers les ganglions spinaux et jugulodigastriques
directement ou par l’intermédiaire des ganglions
rétro-pharyngiens et ce, de façon bilatérale.
Épidémiologie
:
Le répartition géographique et ethnique est tout à fait particulière
pour les tumeurs du rhinopharynx.
L’incidence est variable selon la population
concernée.
En Europe et en France en particulier, ces tumeurs sont
rares avec une incidence de 0,1 à 0,5 pour 100 000 habitants
où elles concernent en règle une population maghrébine
immigrée.
Elles ne représentent que 1 à 3 % des cancers
de la voie aérodigestive supérieure (VADS).
Ce cancer affecte essentiellement l’homme : la répartition
est de 2 à 3 hommes pour une femme.
La répartition selon
l’âge varie en fonction de la répartition géographique.
Étiopathogénie
:
Les études actuelles ne permettent pas de conclure sur
l’existence d’un facteur génétique à l’heure actuelle.
Aucun facteur environnemental ne peut être formellement
retenu.
Tabac et alcool sont exclus.
Les nitrosamines issues des
poissons séchés, les euphorbiacées tirées de la pharmacopée
chinoise (huile de ricin) sont deux facteurs plus particulièrement
incriminés, mais leur mode d’action n’est pas
prouvé : action directe ou par réactivation d’une infection
latente par le virus Epstein-Barr (EBV).
Les facteurs immuno-virologiques sont encore incomplètement
élucidés ; toutefois, il existe un lien étroit entre carcinome
naso-pharyngé de type indifférencié (UNCT) et
EBV sans influence de l’origine géographique des patients.
Ce lien découvert de façon fortuite est prouvé sur l’existence
du génome EBV (ADN libre) dans les cellules épithéliales
tumorales et sur un profil sérologique particulier
des patients atteints du carcinome nasopharyngé.
L’élévation du taux d’anticorps immunoglobulines (Ig)G
et IgA anti-EBV permet la distinction entre sujets sains ou
atteints d’un cancer de la VADS et les patients porteurs
d’une tumeur du rhinopharynx.
Cette réactivité EBV est spécifique du cancer nasopharyngé
indifférencié.
Elle permet en zone d’endémie un diagnostic
précoce de dépistage et pourrait contribuer de façon spécifique
au suivi post-thérapeutique.
Anatomo-pathologie
:
Les carcinomes malpighiens représentent 80 % des tumeurs
du rhinopharynx.
Les adénocarcinomes, cylindromes ou tumeurs muco-épidermoïdes
sont rares et sans particularité au niveau du rhinopharynx.
Les lymphomes développés aux dépens du tissu lymphoïde
spécifique ou amygdale pharyngée représentent 10 à 15 %
des tumeurs du nasopharynx en Europe occidentale.
Leur
architecture est particulière, de forme diffuse, à grandes
cellules.
Chez l’enfant, le rhabdomyosarcome n’est pas exceptionnel.
Diagnostic
:
Le cancer du rhinopharynx se développe en règle dans
l’angle postéro-latéral du cavum, au-dessus et en arrière de
l’orifice tubaire, zone d’accès difficile pour l’examen clinique
standard.
L’extension locale aux structures osseuses
voisines rend compte d’une symptomatologie d’appel
trompeuse.
La dissémination ganglionnaire est souvent au
premier plan ; les métastases à distance sont présentes dans
10 % des cas dès le premier examen.
Clinique
:
L’association des signes rhinologiques, otologiques et ganglionnaires
est rarement complète et ne permet d’établir le
diagnostic qu’après un délai de 8 à 10 mois.
Les adénopathies cervicales, dont la situation haute et postérieure
spinale est très évocatrice, sont volontiers bilatérales
et représentent dans un tiers des cas le motif initial de
consultation.
L’hypoacousie progressive de transmission unilatérale,
associée à une autophonie, à une sensation de plénitude de
l’oreille et à des acouphènes, doit alerter avant d’envisager
la pose d’un aérateur transtympanique.
L’obstruction nasale uni- ou bilatérale avec rhinorrhée,
voire épistaxis, n’est guère caractéristique.
L’extension de contiguïté exo- ou endocrânienne peut
conduire à l’atteinte des nerfs crâniens ; une diplopie par
atteint du VI, des névralgies faciales atypiques dans le territoire
du V ou du IX, un trismus par atteinte du V ou extension
aux muscles ptérygoïdiens.
Ces atteintes neurologiques peuvent être uni- ou bilatérales
par compression ou envahissement.
Elles peuvent être isolées ou regroupées pour réaliser : un
syndrome de la fente sphénoïdale avec atteinte des nerfs oculo-moteurs et du trijumeau ; le syndrome de l’apex orbitaire
est suspecté devant une amaurose ; un syndrome du
sinus caverneux entraîne une exophtalmie avec atteinte de
l’oculomotricité et du V1 ; l’atteinte des IX, X et XIe paires
crâniennes réalise un syndrome du trou déchiré postérieur ;
l’envahissement sous-parotidien postérieur est révélé par
l’atteinte des nerfs mixtes, du XII et du sympathique cervical.
L’examen neurologique doit donc être complet et méthodique
pour reconnaître l’extension tumorale périnerveuse
ou dépister une simple compression par une adénopathie
cervicale haute.
L’examen clinique nécessite un examen soigneux du cavum
devant tout symptôme ORL ou neurologique.
Il comprend une rhinoscopie antérieure après rétraction de
la muqueuse à l’aide de tampons imbibés de Xylocaïnenaphazolinée.
Cette rhinoscopie est actuellement au mieux
réalisée à l’aide d’optiques.
La rhinoscopie postérieure indirecte est effectuée à l’aide
de miroir ; elle reste difficile et incomplète et rend la nasofibroscopie
indispensable.
L’examen clinique doit être complété par un examen des
tympans sous microscope et insufflation.
La tympanométrie
apporte des arguments complémentaires pour une otite séro-muqueuse ; l’audiométrie confirme l’hypoacousie de
transmission et permet de chiffrer la perte auditive.
L’examen endobuccal peut être limité en raison d’un trismus
; il recherche une asymétrie du voile au repos ou lors
de la contraction.
La palpation cervicale bilatérale complète précise siège et
taille d’une adénopathie qui sera consignée sur un schéma
daté.
L’examen général doit rechercher des manifestations à distance
osseuses, pulmonaires ou hépatiques ; l’état général
du patient doit être évalué selon l’indice de Karnofsky.
L’endoscopie, réalisée au mieux sous anesthésie générale,
avec rétraction du voile, permet d’établir le diagnostic à
l’aide de biopsies et évalue l’extension locorégionale de la
tumeur.
L’examen anatomo-pathologique standard est complété
d’une étude sur empreintes et d’immunomarquages,
indispensables au diagnostic différentiel.
Les explorations radiologiques par tomodensitométrie et
imagerie par résonance magnétique sont indispensables
pour apprécier l’extension locorégionale : atteinte de la base
du crâne, des apex pétreux, envahissement parapharyngé,
extension à l’orbite ou présence d’adénopathies cervicales
infracliniques ou rétropharyngées.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet une
étude plus précise des parties molles en différenciant les
phénomènes inflammatoires des extensions tumorales au
niveau des cavités sinusiennes ; la prise de contraste après
injection de gadolinium au niveau des structures nerveuses
confirme l’envahissement.
La recherche de métastases, fréquentes, présentes dans
10 % des cas dès le premier examen, nécessite une radiographie
pulmonaire, une échographie hépatique.
La scintigraphie osseuse n’est guère spécifique ; la suspicion
de métastases osseuses peut nécessiter un bilan tomodensitométrique.
Au terme de cet examen, la classification TNM peut être
établie.
L’examen ophtalmologique est justifié devant toute sympatomatologie
fonctionnelle oculo-orbitaire.
Le bilan stomatologique clinique complété d’un cliché
panoramique dentaire est nécessaire avant d’instaurer le
traitement par irradiation.
Le sérologie EBV comporte les dosages des anticorps IgG et
IgA dirigés contre l’antigène précoce EA, l’antigène de capside
VCA et l’antigène nucléaire EBNA.
Des études récentes
ont mis en évidence l’intérêt des anticorps anti-Zebra (IgGZ)
qui serviraient de marqueur dans le suivi des patients ; de
même la b2-microglobuline augmenterait avec le degré d’indifférenciation
cellulaire et le stade de la maladie.
La recherche de l’ADN viral au sein des cellules tumorales
ou ganglionnaires est le meilleur marqueur tumoral mais,
nécessite des techniques complexes de biologie moléculaire.
Complications du traitement
:
Le traitement repose sur l’association radiothérapie-chimiothérapie.
Érythème et mucite surviennent
en cours de traitement ou au décours immédiat et
seront passagers ; ils relèvent de soins locaux assidus.
La sclérose sous-cutanée, les télangiectasies, le lymphoedème
facio-cervical sont d’importance variable selon
les patients.
La sclérose musculaire avec trismus permanent résiduel est
retrouvée dans 15 % des cas.
La rhinite croûteuse est habituelle et nécessite des soins
locaux appropriés et continus.
Elle peut être associée à une
sténose narinaire ou pharyngée.
L’asialie est constante à 60 Gy.
Plus ou moins bien tolérée,
elle est majeure dans un tiers des cas, entravant l’alimentation.
Elle génère des caries dentaires qui doivent être prévenues
par des soins ou extractions appropriés avant l’irradiation
et par l’utilisation quotidienne de gel fluoré
appliqué à l’aide de gouttières après l’irradiation.
L’hypoacousie transmissionnelle par catarrhe tubaire, les
acouphènes, l’atteinte cochléaire résiduelles se voient dans
35 à 40 % des cas.
L’ostéoradionécrose est un risque majeur au niveau des
cavités naso-sinusiennes du rocher ou de la base du crâne.
D’évolution térébrante, imprévisible, son traitement avant
tout médical est difficile et décevant.
La myélite radique est une complication grave.
L’atteinte
vasculaire en est à l’origine et explique la latence observée
: de 5 à 70 mois après l’irradiation.
Chez l’enfant, selon le volume irradié et les doses utilisées,
peuvent être observées des séquelles sur la croissance du
massif facial ou des séquelles endocriniennes par insuffisance
somatotrope (dose supérieure à 30 Gy sur l’hypophyse).
Sur ce terrain, il faut encore souligner la possibilité de cancers radio-induits.
De ce fait, on tend à l’heure actuelle chez l’enfant à limiter
les indications d’irradiation, à réduire les volumes irradiés,
à diminuer les doses d’irradiation grâce à une chimiothérapie
préalable.
En dehors de certaines localisations, les cancers de l’oropharynx
sont accessibles à un examen simple : l’examen endobuccal à l’abaisse-langue.
Les signes d’appel sont pauvres, banals, expliquant bien
souvent le diagnostic tardif d’une tumeur déjà évoluée.
Rappel anatomique
:
L’oropharynx est situé entre nasopharynx (ou cavum) en
haut et hypopharynx (ou pharyngolarynx) en bas.
Il siège
en arrière de la cavité buccale et correspond au carrefour
des voies aérodigestives supérieures.
Ses limites sont comprises
entre, en haut et en arrière, le voile du palais, cloison musculo-aponévrotique qui le sépare du rhinopharynx ;
en avant le V lingual, en bas et en avant l’épiglotte.