Cancers bronchiques à petites cellules Cours
de pneumologie
Épidémiologie
:
A - Épidémiologie descriptive
:
Le cancer bronchique à petites cellules (CBPC) représente
15 à 25 % de l’ensemble des carcinomes bronchiques
observés en France, et serait responsable de 9 à
15 décès/100 000 habitants par an. En Europe,
il représente
20 à 25 % des tumeurs pulmonaires, mais seulement 15 %
d’entre elles au Japon.
Il représente à lui seul la quatrième
cause de mortalité par cancer. Les femmes sont moins souvent
atteintes par ce cancer, compte tenu de leur moindre
tabagisme ; en France, la répartition inégale des sexes
(6 hommes pour 1 femme) persiste mais le sex ratio tend
à se rapprocher de 1 dans certains états des États-Unis où
le tabagisme féminin continue d’augmenter alors que celui
des hommes diminue. Le CBPC est plus fréquent que les
autres types histologiques dans la tranche d’âge inférieure
à 50 ans.
Cependant, il survient surtout après l’âge de 50
ans (en nombre absolu), avec un pic de fréquence pendant
la 6e décennie.
B - Épidémiologie analytique
:
Le tabagisme est le principal facteur exogène associé à la
survenue du CBPC ; moins de 5 % des patients sont des
non fumeurs.
La durée du tabagisme et le nombre de cigarettes
quotidien sont des facteurs affectant le risque.
L’arrêt
du tabagisme diminue le risque de survenue sans le supprimer. Le tabagisme passif augmente le risque de 1 à 3
selon les études.
Nous n’insisterons pas sur les autres facteurs de risque
notamment professionnels qui sont communs à tous les types
histologiques de cancers broncho-pulmonaires, mais simplement
sur 2 facteurs qui semblent plus spécifiquement
associés avec le CBPC : le bis-chlorométhyl-éther (utilisé
notamment lors de la fabrication des résines échangeuses
d’ions) induit des cancers bronchiques qui sont plus de 2 fois
sur 3 de type à petites cellules ; le radon et ses dérivés, polluants
gazeux et particulaires émis dans les mines d’uranium
augmentent la survenue des carcinomes bronchiques : le
risque relatif est beaucoup plus élevé pour le CBPC (33,5
contre 8,3 et 4,3 pour le cancer épidermoïde et l’adénocarcinome
respectivement) ; la proportion de CBPC est encore
plus forte parmi les patients de moins de 55 ans.
Anatomo-pathologie :
Les cancers à petites cellules sont des tumeurs neuro-endocrines
malignes, caractérisées par : la présence de granules
neurosécrétoires en microscopie électronique, une argyrophilie
cytoplasmique dans 20 % des cas (Grimélius +), la
coexpression immunohistochimique d’une différenciation
neuro-endocrine et épithéliale, l’association à des syndromes
paranéoplasiques.
A - Macroscopie
:
Sur le plan macroscopique, il s’agit de tumeurs proximales
extensives, classiquement de type médiastino-pulmonaire,
ou très rarement d’un nodule périphérique. Le CBPC hilaire
naît au niveau de la muqueuse des troncs bronchiques et,
le plus souvent, des gros troncs bronchiques (2 fois sur 3).
Il s’étend rapidement le long des axes bronchiques de façon hilifuge, infiltrant les parois avec rétrécissement irrégulier
des lumières et surtout de façon lymphophile vers les ganglions
lobaires, hilaires et médiastinaux.
Cette extension
ganglionnaire importante explique l’élargissement habituel
des éperons et les aspects de compression extrinsèque
observés lors de l’endoscopie, tandis que la diffusion à la
surface de l’épithélium produit un aspect endoscopique de
rétrécissement en cheminée de pipe.
La progression tumorale du CBPC périphérique est de type
nodulaire ; la tumeur tend à combler les espaces alvéolaires
en entraînant peu de lésion au niveau des septa.
Ce mode
d’extension, ainsi que l’exiguïté du stroma pauvre en infiltrat
inflammatoire expliquent l’absence de tissu cicatriciel
après radiothérapie et chimiothérapie, si bien que dans certains
cas le site primitif ne peut plus être identifié.
À la
coupe, les masses tumorales sont friables, encéphaloïdes,
témoins de la discrétion de la stroma-réaction conjonctive.
B - Étude microscopique :
La classification anatomo-pathologique des cancers bronchiques
actuellement en vigueur dans le monde est celle
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1981.
L’OMS décrit les CBPC comme des tumeurs faites de cellules
de petite taille, très peu différenciées et en individualise
3 sous-types :
– le CBPC en grains d’avoine est composé de petites cellules
monomorphes, à peine plus grandes qu’un lymphocyte,
à cytoplasme très peu abondant ; la chromatine
nucléaire est dense ou poussiéreuse, à nucléole petit ou
indistinct ;
– le CBPC de type intermédiaire comporte les mêmes critères
nucléaires que la forme en grains d’avoine, mais le
cytoplasme est plus abondant, les cellules ont des contours
polygonaux ou fusiformes ;
– le CBPC composite à grains d’avoine est constitué d’une
prolifération à nette prédominance de cellules en grains
d’avoine, accompagnée d’un contingent de cellules épidermoïdes
ou glandulaires.
En fait, cette classification correspond plutôt à des différences
morphologiques induites par des techniques de prélèvement
différentes.
Lors des prélèvements chirurgicaux,
les cellules sont mieux conservées et sont classées dans le
type intermédiaire, alors qu’il existe plus de cellules en
grains d’avoine sur un prélèvement par biopsie du fait d’artéfacts
induits par l’écrasement et la nécrose cellulaire.
La
corrélation entre l’aspect cytologique des frottis et le type
histologique est élevée pour les CBPC ; ainsi les prélèvements
cytologiques obtenus par brossage bronchique sont
aussi fiables que ceux obtenus lors de biopsies bronchiques
au cours de la fibroscopie.
Lorsque la tumeur est constituée de petites cellules tumorales
d’aspect non caractéristique du CBPC typique, le diagnostic
différentiel nécessite une étude immunohistochimique.
Le CBPC est surtout caractérisé en
immunohistochimie par une différenciation neuro-endocrine.
Le marqueur le plus sensible et le plus spécifique est
l’expression de molécules NCAM (Neural Cell Adhesion
Molecules).
La chromogramine et la synaptophysine,
constituants de la paroi du granule, sont très spécifiques.
La neurone spécifique enolase (NSE) est plus sensible mais
beaucoup moins spécifique (positivité de 30 % pour les
tumeurs non neuro-endocrines, notamment malpighiennes
et glandulaires).
Étiopathogénie :
Oncogenèse et CBPC :
1- Oncongènes :
Il s’agit de gènes dominants exerçant un rôle positif sur la
prolifération cellulaire (type myc et ras).
Ils dérivent de
l’altération de proto-oncogènes, séquences génétiques
constitutionnelles du génome cellulaire normal. Ils ont un
effet phénotypique dominant vis-à-vis de l’autre allèle.
Leur transcription correspond à un gain de fonction par surproduction
d’une protéine normale ou par production d’une
protéine anormale à fonction pervertie.
Les proto-oncogènes de la famille myc produisent des protéines
nucléaires phosphorylées impliquées dans la régulation
du cycle cellulaire. C-myc code pour un facteur de
transcription et peut induire l’apoptose (mort cellulaire)
dans certaines conditions.
Dans les cancers bronchiques,
on observe dans 18 % des cas une amplification du gène myc (plusieurs centaines de copies), entraînant une surproduction
de la protéine correspondante.
Plus souvent
(46 % des cas), il s’agit d’un mécanisme de surexpression
du gène myc (augmentation de l’ARN messager et non de
l’ADN).
Le gène ras n’est pas muté dans les TNEP.
2- Anti-oncogènes :
Ce sont des gènes récessifs exerçant un contrôle négatif sur
la prolifération et situés sur des bras chromosomiques fréquemment délétés dans les cancers (type p53 et Rb).
• Inactivation de p53 : p53 est un anti-oncogène impliqué
dans la régulation du cycle cellulaire ; il bloque le passage
de la phase G1 à la phase S, induisant ainsi l’apoptose
lorsque la cellule présente une accumulation anormale d’altérations
de son ADN.
L’altération du gène ou de la protéine p53 (17p13) est
actuellement l’événement le plus fréquent retrouvé dans
les cancers bronchiques, toutes histologies confondues.
Elle
concerne 50 % des CBPC testés. Par ailleurs, la mutation
du gène p53 serait un événement précoce au cours de l’oncogenèse
des cancers bronchiques.
• L’inactivation de Rb, autre anti-oncogène situé sur le
chromosome 13, région 13q14, empêche le
contrôle négatif au point de restriction G1 et
accélère le passage G1/S.
L’inactivation de Rb
est un phénomène très fréquemment retrouvé
au cours des CBPC (90 % des cas), et beaucoup
plus rarement au cours du cancer bronchique
non à petites cellules (CBNPC, 10 à 15
% des cas).
• Il existe des anti-oncogènes potentiels non
encore identifiés sur le bras court du chromosome
3, presque constamment délétés dans le
CBPC.
3- Facteurs de croissance :
Il existe d’une façon générale une surproduction
ou une production inappropriée de facteurs
de croissance dans les tissus néoplasiques.
De nombreux oncogènes codent soit
pour des facteurs de croissance, soit pour leurs
récepteurs, soit pour des enzymes associés à
la transmission du signal mitotique.
Les lignées cellulaires de CBPC sécrètent de nombreux
peptides in vitro.
In vivo, l’excrétion de ces peptides s’exprime
sous la forme de syndromes paranéoplasiques.
Diagnostic :
A - Clinique
:
L’expression clinique du CBPC est conditionnée par la rapidité
de l’extension médiastinale et métastatique, jointe à la
fréquence des syndromes paranéoplasiques.
Le délai
moyen entre les premiers signes fonctionnels et le diagnostic
est assez bref, inférieur à 2 mois.
La découverte de
la maladie sur une radiographie systématique est rare (5 %
des cas).
Les signes thoraciques lors du diagnostic sont
communs avec les autres types histologiques de cancers
pulmonaires.
Par ordre de fréquence, on retrouve la toux,
l’infection révélatrice d’une obstruction bronchique, la
douleur thoracique, l’hémoptysie, la dyspnée, l’épanchement
pleural ; puis les signes témoignant plus spécifiquement
de l’atteinte médiastinale ganglionnaire avec compression
des différents éléments médiastinaux : sifflements
intrathoraciques, paralysie récurrentielle gauche, syndrome
cave supérieur, dysphagie, adénopathies sus-claviculaires
(le CBPC est la cause la plus fréquente du syndrome cave
supérieur).
Ces signes d’installation rapide sont évocateurs
dans un contexte de tabagisme.
Les signes généraux (amaigrissement,
asthénie) sont présents dans environ 50 % des
cas lors du diagnostic initial de même que les métastases
symptomatiques.
B - Radiographie
:
La radiographie pulmonaire montre des opacités hilaires
tumorales (irrégulières, spiculées) ou ganglionnaires
(régulières) et des opacités parenchymateuses par trouble
de la ventilation, ou pneumopathie, ou plus rarement
d’origine tumorale.
Ces anomalies sont le plus souvent
unilatérales et toujours asymétriques.
La radiographie
peut être normale.
C - Syndromes paranéoplasiques :
Présents dans environ 15 à 20 % des cas de CBPC, ils sont
majoritairement endocriniens et métaboliques, mais aussi
neurologiques.
1- Syndromes endocriniens et métaboliques :
• Le syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (antidiuretic
hormone) est presque exclusivement associé aux
carcinomes à petites cellules, avec des taux sériques d’ADH
anormaux dans 50 % des cas ; toutefois seulement 1 à 5 %
des patients présentent des signes cliniques ou biologiques
évocateurs : confusion, coma, crises comitiales associés à
une hyponatrémie et à une augmentation de l’osmolalité
urinaire.
• Le syndrome de Cushing paranéoplasique (1 à 5 % des
cas de CBPC) est lié à la production dérégulée par les cellules
tumorales d’ACTH (adreno-corticotrophic hormone)
et de précurseurs de l’ACTH tels que la propiomélanocortine.
Ces peptides peuvent être dosés dans le sang des
patients où ils sont en général à des taux plus élevés que
dans la maladie de Cushing et surtout avec une grande prédominance
de précurseurs de l’ACTH.
Le tableau clinique
est beaucoup plus fruste, d’apparition rapide : les patients
se présentent avec une asthénie, une amyotrophie récente
avec perte de poids, ces signes étant non spécifiques dans
un contexte tumoral ; l’obésité tronculaire, les vergetures
et la « bosse de bison » sont généralement absents.
Les
signes plus spécifiques sont la mélanodermie, l’alcalose
métabolique difficile à corriger, ou encore l’hypertension
artérielle, l’hyperglycémie et les oedèmes.
La sécrétion
d’ACTH paranéoplasique est un critère de gravité dans le
CBPC de par la fréquence et la sévérité des complications
infectieuses opportunistes et aussi par une moindre réponse
à la chimiothérapie.
• L’hypercalcémie paranéoplasique est plus rare et plus
souvent associée aux carcinomes épidermoïdes.
2- Syndromes neurologiques :
Les syndromes paranéoplasiques neurologiques sont rares
(2 % des cancers bronchiques) mais le plus souvent le fait
de carcinomes à petites cellules, et sont en rapport avec une
réaction auto-immune, fondée sur la réactivité croisée entre
des épitopes de la tumeur et du tissu nerveux.
Le rôle pathogène
d’anticorps dirigés contre différents antigènes du tissu
nerveux et du CBPC est bien identifié dans le syndrome de
Lambert-Eaton (pseudo-myasthénie) mais reste imprécis
dans la majorité des autres affections neurologiques paranéoplasiques
: syndrome anti-Hu (ou polyencéphalomyélites
subaiguës), neuropathies gastro-intestinales paranéoplasiques,
rétinopathie associée au cancer.
Les signes
neurologiques peuvent précéder l’apparition de la tumeur
ou sa rechute de plusieurs mois.
Ces signes sont indépendants
du volume tumoral et la maladie neurologique évolue
et se complique pour son propre compte.
L’hippocratisme digital est le plus souvent rencontré au
cours des cancers non à petites cellules, le CBPC n’en est
responsable que dans 5 % des cas.
D - Stratégie diagnostique :
Le CBPC ayant une présentation le plus souvent médiastino-hilaire, le diagnostic est le plus souvent réalisé par
fibroscopie, plus rarement par médiastinoscopie et biopsie
ganglionnaire périphérique.
Le diagnostic positif repose
habituellement sur l’endoscopie bronchique avec biopsies
multiples, associées aux prélèvements cytologiques (aspiration
bronchique ou brossage).
Cette technique permet
d’accéder au diagnostic de CBPC chez plus de 90 % des
patients.
L’aspect macroscopique n’est pas spécifique : élargissement
des éperons, muqueuse irrégulière et infiltrée.
Un bourgeon unique est rarement observé en cas de CBPC.
Ailleurs, le diagnostic reposera sur la répétition de l’endoscopie
bronchique, sur un prélèvement obtenu par médiastinoscopie si la tomodensitométrie a montré une
extension ganglionnaire accessible par cette technique, ou
encore sur la ponction et la biopsie-exérèse d’une localisation
métastatique accessible, notamment ganglionnaire.
L’ensemble du bilan d’extension initial permet de distinguer
2 stades cliniques de la maladie : les formes limitées
au thorax (où la masse tumorale ne déborde pas les limites
d’un hémithorax) et les formes disséminées (métastatiques
d’emblée).
Cette classification en 2 groupes semble mieux
adaptée au CBPC où la tumeur est le plus souvent volumineuse
et inopérable et l’atteinte médiastinale ganglionnaire
pratiquement constante, que la classification TNM
(surtout destinée à l’estimation de l’extirpabilité des cancers
non à petites cellules).
Le stade limité au thorax représente
environ 30 % des cas au moment du diagnostic.
Il se
définit par : une tumeur primitive limitée à un hémithorax,
des adénopathies hilaires homolatérales, des adénopathies
médiastinales homo- ou controlatérales ; des adénopathies
sus-claviculaires homo- ou controlatérales.
Cela correspond
à la notion de tissu tumoral pouvant être inclus dans
un champ d’irradiation et il s’agit donc de tumeurs sans
métastase extrathoracique, envahissant l’hémithorax (T1 à
T4), le médiastin (N0 à N3), mais n’envahissant ni le poumon
controlatéral ni la plèvre.
Cela correspondant aux
sous-groupes I, II et IIIA de la stadification TNM.
La forme diffuse (au-delà de l’hémithorax) représente environ
70 % des cas et se définit par : des lésions hilaires ou
pulmonaires controlatérales, des lésions métastatiques à
distance du thorax, l’existence d’un épanchement pleural
métastatique, une seule de ces conditions étant suffisante.
Cela correspond aux sous-groupes IIIB et IV de la stadification
TNM.
Le pronostic et la stratégie thérapeutique diffèrent
pour ces 2 groupes.
E - Bilan d’extension ou préthérapeutique :
Le bilan préthérapeutique comporte un examen clinique
complet, avec pesée et estimation de la perte de poids, et
évaluation de l’indice de Karnofsky (ou du performance
status).
Sur le plan biologique : numération formule sanguine,
ionogramme, clairance de la créatinine-vitesse de
sédimentation, lactico-déshydrogénase, bilan hépatique, et
NSE (neuron specific enolase) sont communément réalisés.
La tomodensitométrie thoracique, élément essentiel du
bilan locorégional, permet de préciser le siège de la tumeur,
son extension à la paroi, au médiastin, de visualiser des adénomégalies homolatérales ou controlatérales et de juger
de l’envahissement des vaisseaux, en particulier de la veine
cave supérieure.
La recherche de métastases est systématique, même en l’absence
de signe clinique d’appel, par le scanner cérébral,
l’échographie ou le scanner abdominal, la scintigraphie
osseuse et la biopsie ostéomédullaire ou le myélogramme.
En pratique, en dehors d’essais thérapeutiques où le bilan
d’extension doit être complet, les examens peuvent être interrompus
à la première métastase découverte, le traitement
étant alors de toute façon celui des formes disséminées.
Lors du bilan d’extension au moment du diagnostic, on
retrouve 35 à 40 % de métastases osseuses, 20 à 30 % de
localisations hépatiques, 20 à 25 % pour la moelle osseuse
mais en fait beaucoup plus avec des techniques très sensibles
(55 % avec immunomarquage sur biopsie médullaire
couplée à l’IRM), 10 à 15 % pour la glande surrénale de
même que pour le système nerveux central, puis viennent
l’atteinte de la peau, des ganglions périphériques et de la
plèvre de fréquence moindre.
Ces localisations métastatiques
sont globalement sous-estimées par manque de sensibilité
des moyens de détection utilisés, et le pourcentage
de formes disséminées augmente progressivement avec le
développement des techniques de détection (65 à 70 %
actuellement selon les équipes).
Évolution
:
La médiane de survie des patients non traités est de 4 à 6
semaines.
L’introduction de la chimiothérapie au début des
années 1970 a amélioré le pronostic de la maladie, du moins
à court terme, avec des médianes de survie s’établissant
entre 7 et 17 mois selon l’extension de la maladie, les survies
à long terme restant rares.
Le taux de survie global à
2 ans est de 5 à 10 %, et de 3 % à 5 ans.
Pronostic :
Le performance status ou index d’activité est le facteur pronostique
le plus important de la survie ; il est en effet corrélé
à la masse tumorale et au taux de LDH ; c’est un facteur
de pronostic indépendant dans les formes disséminées.
Le stade d’extension initial : pour les formes localisées le
taux de survie est respectivement à 2 et 5 ans de 13 et 4 %.
Pour les formes diffuses, il est de 4 et 2 %.
La médiane de
survie est de 7 à 11 mois pour les formes diffuses et de 10
à 17,5 mois pour les formes localisées.
Plus récemment, il
a été mis en évidence un pronostic plus sombre des formes
limitées au thorax avec atteinte ganglionnaire médiastinale
ou sus-claviculaire par rapport aux autres formes limitées,
et l’on s’achemine à nouveau vers une classification plus
précise, proche du TNM.
La réponse complète au traitement
constitue également un facteur pronostique majeur.
Les autres facteurs sont d’importance moindre ; la NSE est
plus élevée en cas de maladie disséminée qu’en cas de
maladie localisée mais ne permet pas de prédire l’extension
de la maladie.
Son augmentation transitoire constitue
un facteur prédictif de la réponse à la chimiothérapie.
Traitement
:
A - Principes
:
Le CBPC est une maladie systémique avec peu de survivants
après un traitement local ou locorégional seul [chirurgie
et (ou) radiothérapie].
La chimiothérapie est donc
l’élément thérapeutique dominant et augmente de façon
significative la survie. L’attitude thérapeutique diffère en
fonction de la forme localisée ou diffuse.
En cas de CBPC localisé, deux objectifs s’imposent : le
contrôle local de la tumeur et le traitement des micrométastases.
L’association radio-chimiothérapie permet une
amélioration modeste mais significative de la survie à 2 ans
d’environ 5 à 6 % (de 16 à 20 %) et de 5,4 % à 3 ans par
rapport à la chimiothérapie seule.
Cette association apporte
un meilleur contrôle local (seul garant d’une réponse complète
prolongée), et une action sur l’émergence de clones chimiorésistants apparaissant précocement après le début
de la chimiothérapie.
Un autre intérêt du traitement combiné
est l’existence d’une toxicité indépendante, et une
meilleure protection du tissu dain.
Les formes disséminées de CBPC, les plus graves des
tumeurs solides, ont un pronostic sombre.
La notion de dissémination, bien qu’elle soit un élément pronostique fondamental,
est à relativiser ; de nombreuses formes dites
localisées sont en fait disséminées avec de multiples micrométastases
non détectées lors du bilan d’extension classique
; certaines formes métastatiques limitées à l’atteinte
d’un site, osseux ou médullaire notamment, ont un pronostic
proche des formes en apparence localisées.
La notion
de dissémination, même très étendue, ne doit pas être une
contre-indication à la chimiothérapie, mais les traitements
locorégionaux (chirurgie et radiothérapie) n’ont plus
aucune indication autre qu’exceptionnelle ou palliative.
B - Modalités thérapeutiques :
1- Chimiothérapie :
Le bénéfice obtenu par la chimiothérapie dans les CBPC
repose sur l’emploi d’une polychimiothérapie associant 2
à 4 médicaments actifs en monothérapie, avec un taux de
réponse objective d’au moins 20 % pour chacun des médicaments
utilisé seul.
Douze substances ont été ainsi mises
en évidence comme étant efficaces.
Parmi elles, on retrouve
l’ifosfamide, le cisplatine (CDDP), le carboplatine pour
lequel le taux de réponses chez des patients non prétraités
peut atteindre 60 %, l’étoposide (VP16) qui peut être administrée
per os avec 33 % de réponses complètes (dans les
formes limitées), la vinorelbine, dérivé semi-synthétique de
la 5’ norvinca-alcaloïde, et agissant par inhibition de la polymérisation
de la tubuline pendant la mitose.
Actuellement,
les associations comportant l’étoposide (75 à 100 mg/m2
trois jours consécutifs) et le cisplatine (100 mg/m2 un jour)
sont les schémas de référence les plus couramment utilisés
en association avec la radiothérapie compte tenu d’une
synergie prouvée entre l’étoposide et les radiations, et entre
l’étoposide et le cisplatine.
D’autres protocoles de chimiothérapie
de première ligne incluant de nouveaux médicaments
ont montré des résultats encourageants comme les
associations CDDP/paclitaxel, ou CDDP/VP16/paclitaxel.
En seconde ligne, de nouveaux médicaments peuvent être
étudiés dans le cadre de protocoles.
Il n’y a pas de différence entre les protocoles utilisant 3 ou
4 médicaments en terme d’efficacité.
En ce qui concerne le concept de dose-intensité, la sensibilité
des CBPC à la chimiothérapie a conduit à se poser la
question de l’intérêt d’une augmentation de l’intensité de
la dose.
L’augmentation des doses initiales a augmenté la
survie, ce qui montre l’importance du contrôle initial de la
maladie et de l’obtention précoce d’une réponse complète.
Par contre, la chimiothérapie intensive tardive avec autogreffe
de moelle augmente la médiane de survie sans récidive,
mais n’a pas d’impact sur la survie en raison de l’existence
de rechutes locales et d’une forte toxicité.
Le nombre de cures de polychimiothérapie se situe entre 4
et 6 selon les équipes, à intervalle de 3 à 4 semaines.
Parmi les perspectives thérapeutiques, de nouveaux médicaments
actifs ont été identifiés : paclitaxel (Taxol), docétaxel
(Taxotère), difluorodéoxycytidine (Gemcitabine) et
CPT-11 (Irinotecan).
2- Radiothérapie :
Le CBPC est caractérisé par une importante radiosensibilité.
Le volume à traiter en radiothérapie thoracique externe
correspond classiquement à l’ensemble du volume tumoral
présent avant le début de la chimiothérapie avec une
marge de 1,5 à 2 cm.
La dose totale optimale de radiothérapie
à administrer est de l’ordre de 45 à 55 Gy, ce qui permet
un bon contrôle local immédiat au prix d’une toxicité
acceptable.
L’irradiation des creux sus-claviculaires et du
hile controlatéral reste un sujet controversé actuellement.
Le scanner dosimétrique permet de mieux déterminer le
volume à irradier avec une réduction de la toxicité pulmonaire.
Le fractionnement habituellement proposé délivre 2 Gy par
fraction 5 fois/semaine, mais plusieurs études récentes suggèrent
comme fractionnement optimal un bifractionnement
quotidien qui permettrait une amélioration du contrôle local
(au prix d’une plus importante toxicité immédiate).
L’administration
de la dose quotidienne est alors faite en deux
fois avec un délai de 6 à 8 heures, ce qui permet la réparation
des radiolésions des tissus sains mais pas du tissu tumoral
; la seconde fraction permet de tuer un nouveau contingent
tumoral.
Les métastases cérébrales sont fréquentes et surviennent à
n’importe quel stade de la maladie : l’incidence est de
10 % lors du diagnostic et de 20 % durant le traitement.
L’irradiation cérébrale prophylactique consiste à irradier
l’ensemble du cerveau avec une dose totale d’environ 30 Gy en 10 fractions.
Elle permet une diminution du taux de
rechute cérébrale mais n’a pas d’impact significatif sur la
survie pour l’instant.
Les patients susceptibles d’en tirer
bénéfice sont ceux mis en rémission complète par le traitement
systémique.
3- Chirurgie :
La majorité des CBPC considérés comme limités se présente
avec une maladie localement évoluée, par envahissement
ganglionnaire médiastinal homolatéral et (ou)
controlatéral.
Néanmoins, quelques patients ont une petite
tumeur et un envahissement ganglionnaire modéré (stades
I et II TNM).
Chez ces patients, une exérèse chirurgicale
peut être discutée.
La chirurgie seule ne peut en aucun cas
apporter une guérison mais, dans les stades extrêmement
limités, elle pourrait donner un meilleur contrôle local de
la maladie sans limiter l’intensité des doses de chimiothérapie.
On ne sait pas si la meilleure survie de ces stades
localisés avec résection complète suivie ou précédée de
chimiothérapie est attribuable à la résection elle-même ou
liée à un meilleur pronostic initial.
4- Autres thérapeutiques
:
Les autres traitements hors chimiothérapie sont les facteurs
de croissance hématopoïétiques et les anticoagulants, à
l’étude pour l’optimisation de l’action de la chimiothérapie.
L’interféron a joue un rôle de régulation de la réponse
immune du poumon en augmentant l’activité cytotoxique
des macrophages et des lymphocytes (également à l’étude).
C - Indications :
Pour le traitement du CBPC localisé, la radiothérapie thoracique
externe associée à la chimiothérapie apporte un
gain de survie par rapport à la chimiothérapie seule, mais
80 % des patients présentent une rechute, le plus souvent
dans les 2 premières années suivant la première manifestation
de leur maladie.
En cas de rechute locale, une confirmation
histologique est indispensable car il peut s’agir d’un
cancer non à petites cellules dont la thérapeutique serait
alors différente.
Une irradiation est possible si le patient
n’en a pas bénéficié auparavant.
Si la rechute se fait à plus
d’un an de la fin du traitement d’induction, la reprise de la
même polychimiothérapie peut entraîner une réponse.
En
cas de récidive précoce, il faut introduire d’autres familles
cytostatiques que celles utilisées dans le protocole initial
pour éviter les résistances croisées.
Le taux de réponses
espéré est de 20 à 25 % avec une médiane de survie de 3 à
4 mois.
L’association étoposide et cisplatyl donne une assez
bonne réponse en deuxième ligne si elle n’a pas été utilisée
en première ligne.
Pour le traitement du CBPC diffus la polychimiothérapie
est toujours retenue, avec comme risque majeur celui d’une
toxicité hématologique compte tenu d’une atteinte médullaire
osseuse quasi constante. En cas de non-réponse après
2 cures, une modification de traitement peut être proposée
si l’état général le permet.
La chimiothérapie est sinon
abandonnée.
En cas de réponse partielle, le même protocole
est maintenu jusqu’à évidence de progression.
La
radiothérapie est utile à titre symptomatique pour : des douleurs
osseuses sur une métastase osseuse localisée, une
localisation cérébrale, un syndrome cave supérieur ou
encore un foie hyperalgique.
Enfin les soins palliatifs sont
d’une extrême importance, puisqu’ils intéresseront 95 %
des patients atteints de CBPC au terme de l’évolution de
la maladie.