Le lymphome de Burkitt est une entité de mieux en mieux
caractérisée, tant sur le plan biologique que clinique.
Son association
dans sa forme endémique africaine avec le virus d’Epstein-Barr
(EBV) en fait un modèle de tumeur associée à un virus.
Néanmoins, le rôle, pourtant certain, de l’EBV dans la lymphomagenèse est
encore difficile à comprendre au niveau moléculaire.
Le rôle de
l’EBV semble en revanche mineur dans le cas des lymphomes de
Burkitt observés dans des zones non endémiques et dans la
population des patients infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH).
Malgré cette différence fondamentale, l’ensemble
des lymphomes de Burkitt présente des caractéristiques communes
qui en font une entité tant sur les plans anatomopathologique,
biologique, cytogénétique que clinique.
Les progrès récents de la
chimiothérapie ont fait de cette tumeur maligne particulièrement
agressive une tumeur chimiocurable.
L’utilisation de la
chimiothérapie, adaptée à la cinétique tumorale et au mode de
dissémination de ce lymphome, permet maintenant d’obtenir la
guérison de la grande majorité des enfants atteints de la maladie, au
prix d’une toxicité encore élevée.
Le pronostic semble légèrement
moins bon chez l’adulte, pour des raisons qui restent encore
inconnues.
Épidémiologie :
La forme endémique africaine de lymphome de Burkitt a été le
premier exemple de tumeur associée à un vecteur pathogène, en
l’occurrence l’EBV.
C’est en 1958 que le chirurgien anglais Burkitt
rapporta l’existence d’un lymphome de la mâchoire observé chez
l’enfant, représentant à lui seul 50 % des tumeurs pédiatriques en
Afrique équatoriale.
La répartition géographique de ce lymphome
(restriction aux régions tropicales dépendantes d’un climat chaud et
humide) suggérait fortement le rôle d’un agent infectieux dans sa
physiopathologie.
Les zones géographiques où était observé ce
lymphome correspondaient à celles de l’endémie palustre (Est
africain et régions proches du niveau de la mer dans l’Ouest
africain).
Dans un premier temps, Alexander Haddow supposa
qu’il s’agissait du virus de la fièvre jaune, et ce n’est que bien plus
tard et grâce à l’établissement de la première lignée cellulaire de
lymphome de Burkitt, que l’EBV fut identifié.
Après caractérisation histologique et cytologique de la forme
endémique du lymphome de Burkitt, des lymphomes présentant les
mêmes caractéristiques morphologiques ont été observés chez des
patients occidentaux.
À la différence des cas observés dans les zones
endémiques africaines, ce lymphome est beaucoup plus rare en
Occident (3 à 5 % des lymphomes) mais reste quand même le
lymphome le plus fréquent de l’enfant (environ 40 à 50 % des
lymphomes de l’enfant).
L’identification des anomalies
chromosomiques impliquant de manière systématique l’oncogène c-myc, tant dans les lymphomes de Burkitt africains que dans les
formes sporadiques occidentales, a confirmé que ces lymphomes
appartenaient bien à la même entité.
Une des différences
fondamentales entre les formes sporadique et endémique est la
fréquence avec laquelle l’EBV est présent sous forme épisomique (et
non intégré dans le génome) dans les cellules tumorales de
lymphomes endémiques africains (80 à 90 %), alors qu’il n’est
retrouvé que dans seulement 10 à 15 % des lymphomes
occidentaux.
Plus récemment a été rapportée une incidence anormalement élevée
de lymphomes de Burkitt chez les patients infectés par le VIH.
Ces lymphomes ne sont pas associés à l’EBV (fréquence identique à
celle des formes occidentales non VIH), et sont observés chez des
patients ayant un taux de lymphocytes CD4+ qui n’est pas
effondré.
Ils présentent en revanche les mêmes caractéristiques
histologiques et cytologiques que les autres lymphomes de Burkitt,
ainsi que des anomalies cytogénétiques impliquant c-myc.
Leur
fréquence est particulièrement élevée car ils représentent environ 30 % des lymphomes chez le sujet infecté par le VIH, alors que la
fréquence des lymphomes de Burkitt dans la population du même
âge en Occident n’est que d’environ 2 à 3%.
Les progrès récents
de la thérapie antirétrovirale semblent avoir, comme pour les autres
types de lymphomes observés dans cette population, diminué
l’incidence des lymphomes de Burkitt, peut-être dans une
proportion moindre que pour les autres lymphomes liés à l’EBV
(lymphomes cérébraux primitifs et immunoblastiques), qui
apparaissent classiquement à un stade plus avancé de la maladie
VIH.
Trois sous-groupes de lymphomes de Burkitt sont donc actuellement
démembrés.
Cette entité réelle repose néanmoins sur des
caractéristiques communes oncogéniques, cytologiques et
histologiques, alors que l’implication de l’EBV semble surtout
restreinte à la forme endémique.
Outre les différences d’incidence de l’EBV, les remaniements
chromosomiques entraînant une dérégulation de c-myc présentent
des différences au niveau moléculaire selon le type de lymphome
de Burkitt, bien que ces différences ne modifient pas l’événement
essentiel que représente l’hyperexpression de c-myc.
Physiopathologie du lymphome
de Burkitt :
A -
C-MYC ET LYMPHOME DE BURKITT :
1- Rôle physiologique de c-myc :
Alors que l’oncogène c-myc a été l’un des premiers oncogènes
reconnus en pathologie tumorale chez l’homme, toutes les fonctions
de ce gène ne sont pas encore connues.
C-myc joue un rôle dans de
nombreuses fonctions de régulation de l’homéostasie cellulaire, et
est régulé physiologiquement tant au niveau transcriptionnel que
post-transcriptionnel.
Les fonctions exactes de c-myc ne sont pas
toutes encore élucidées, probablement du fait de nombreuses
boucles de rétrocontrôle rendant difficile l’identification des
événements primaires.
De plus, les effets de c-myc dépendent de
son niveau d’expression et du contexte cellulaire dans lequel il est
étudié.
Plusieurs fonctions de c-myc pouvant être impliquées dans
la transformation ont été maintenant bien étudiées.
C-myc comporte
un domaine N-terminal activateur, qui interagit avec le complexe de
transcription de l’acide ribonucléique (ARN) polymérase, un
domaine bHLH-leucine zipper qui sert à la dimérisation avec d’autres
protéines, et un domaine C-terminal capable de se lier à une
séquence héxamérique de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
5’-CACGTG-3’ (élément central E-box).
Un mécanisme important
de régulation de c-myc tient à sa dimérisation avec Max, une autre
protéine ayant un motif bHLH-leucine zipper. Les hétérodimères
Myc/Max lient des séquences E-box et non canoniques de l’ADN
activant la transcription. D’autres partenaires de Max sont connus
(Mad, Mxi-1 (Mad2), Mnt).
Les complexes protéiques Max/Max,
Max/Mad, Max/Mnt ont la capacité de lier les séquences E-box en
réprimant la transcription, et ont donc un effet antagoniste sur le
dimère Myc/Max.
La protéine Max ayant, à l’inverse de Myc,
une demi-vie longue, c’est la quantité de Myc qui régule l’effet
transcriptionnel du dimère.
Il a d’ailleurs été observé que les souris
ayant un knock-out homozygote de mxi-1 développaient des
lymphomes (souris déficientes en protéine Mxi-1), ce qui montre
l’importance de la quantité d’hétérodimère Myc/Max par rapport
aux autres hétérodimères impliquant Max dans la genèse de
lymphomes.
Il a de plus été récemment étudié, comme pour d’autres facteurs transcriptionnels oncogéniques, la relation qu’il existe entre
Myc/Max et la structure de la chromatine, par l’intermédiaire de
l’acétylation ou désacétylation des histones.
Il a ainsi été montré que c-myc interagit avec des protéines (TRRAP) pouvant recruter GCN5,
protéine ayant une activité histone acétyltransférase pouvant jouer
un rôle dans l’activation de la transcription induite par c-Myc.
À
l’inverse, Mad, Mxi-1 et Mnt interagissent avec des complexes
répresseurs de la transcription ayant une activité histone
désacétylase.
C-myc pourrait aussi avoir un rôle de répression de la transcription
dans des lignées lymphoblastoïdes, en particulier sur LFA1 (codant
une protéine impliquée dans l’adhésion cellulaire), ce qui pourrait
avoir un rôle dans l’échappement de ces tumeurs au système
immunitaire.
2- Dérégulation de c-myc et ses conséquences
biologiques
:
La découverte de translocations chromosomiques responsables de
la dérégulation de c-myc et impliquant systématiquement la région
q24 du chromosome 8 et, soit la région q32 du chromosome 14 (dans
80 % des cas), soit la région p11 du chromosome 2 (15 % des cas),
soit la région q11 du chromosome 22 (5 % des cas) a rendu l’étude
des gènes partenaires particulièrement importante dans la
physiopathologie des lymphomes de Burkitt.
Il a ainsi été montré que dans la translocation t(8 ; 14)(q24 ; q32), en
regard du loci de c-myc (situé en 8q24) se trouvait impliqué le locus
des chaînes lourdes des immunoglobulines (situé en14q32).
Deux
autres translocations chromosomiques minoritaires peuvent être
observées.
Elles ont des conséquences moléculaires identiques à la
translocation t(8 ; 14)(q24 ; q32) et impliquent, outre le locus de c-myc, celui de la chaîne légère kappa (situé en 2p11) ou de la chaîne
légère lambda (situé en 22q11).
Ces translocations sont
responsables de l’hyperexpression de c-myc dans les lymphomes de
Burkitt, en juxtaposant la région codante de c-myc à des régions
enhancers des gènes des immunoglobulines qui ont une fonction
transactivatrice, sur des gènes situés jusqu’à une distance de 500 kb.
Du fait de l’activité physiologique de ces enhancers dans les
lymphocytes B (impliqués dans la genèse des immunoglobulines),
la résultante en est donc l’existence d’un taux très élevé de protéine
c-myc dans les tumeurs présentant ces translocations.
Les points de
cassure sur les chromosomes 8 et 14 sont différents, selon qu’il s’agit
de lymphome de Burkitt sporadique ou endémique.
Dans les formes endémiques, le point de cassure sur le chromosome
8 se situe à distance (jusqu’à 100 kb) de la région 5’ de l’exon 1 de
c-myc, et le point de cassure sur le chromosome 14 se situe dans la
région IgH (jh).
Il a été montré que la construction d’un transgène fusionnant les régions codantes de c-myc sous la dépendance de
l’enhancer Em IgH était responsable d’une expansion polyclonale de
précurseurs lymphoïdes B, associée à un déficit de cellules B
matures.
Les souris portant ce transgène exprimé spécifiquement
dans les cellules lymphoïdes (du fait de l’enhancer Em IgH
spécifiquement exprimé dans la lignée lymphoïde) développent
dans 30 % des cas un lymphome durant leurs 100 premiers jours de
vie.
Dans tous les cas, il s’agit d’une prolifération tumorale
monoclonale, confirmant qu’un deuxième événement est nécessaire
pour développer une tumeur dans le cadre de cette expansion polyclonale de cellules B immatures.
Dans le cas des formes sporadiques, ainsi que dans les formes
associées au VIH, le point de cassure sur le chromosome 8 se situe
entre les exons 1 et 2 de c-myc, et au niveau de la région sµ IgH.
Ce
point de cassure conduit à la perte de l’exon 1 de c-myc, qui contient
des séquences non transcrites qui régulent négativement la
transcription.
Les séquences codantes de c-myc sont en revanche
conservées (exons 2 et 3), mais sous la dépendance d’un promoteur
alternatif situé au niveau de l’intron 1, les promoteurs habituels de
c-myc (P1 et P2) n’étant pas classiquement conservés dans les formes
sporadiques, à la différence des formes endémiques.
Dans les deux formes, peuvent exister des mutations dans l’exon 2,
responsables de stabilisation de la protéine c-myc.
La mutation de la
thréonine 58, classique dans les lymphomes de Burkitt, diminue la
dégradation liée au protéosome de c-myc.
Les points de cassure sur le chromosome 14 suggèrent que les
événements moléculaires observés dans les lymphomes endémiques
et sporadiques surviendraient à des étapes différentes lors de la
différenciation lymphoïde B.
Dans la forme endémique, le type de
réarrangement suggère que celui-ci se produit lors de la
recombinaison VDJ (prégerminatif), alors que dans les formes
sporadiques, celui-ci surviendrait lors des mutations somatiques de
la région IgH, signant le passage par le centre germinatif des cellules
lymphoïdes B.
Cette observation pose la question du stade précis de
différenciation cellulaire de la cellule normale dans laquelle la
transformation se produit (cellule B immature ou du centre
germinatif ganglionnaire).
Ce problème n’est pas encore résolu.
Dans le cas des formes impliquant les chromosomes 2 et 22, les
points de cassure sont situés en 5’ de la région constante des gènes
codant les chaînes j et k des immunoglobulines.
En ce qui concerne
le locus de c-myc, le point de cassure se situe en 3’ de celui-ci.
Grâce aux nouvelles techniques de puces à ADN complémentaire, il
a été possible d’étudier dans des fibroblastes humains les gènes
dérégulés quand c-myc est hyperexprimé.
Sur les 6 416 gènes
étudiés, 27 étaient très activés et 9 réprimés.
Ces nouvelles
techniques vont ainsi permettre d’étudier précisément l’ensemble
des anomalies de l’homéostasie cellulaire lors d’événements
oncogéniques dans une cellule.
Le rôle de c-myc dans la régulation
du cycle cellulaire est complexe.
Dans un modèle de knock-out de c-myc, ont été observés un allongement net de la durée des phases
G1 et G2 du cycle, ainsi qu’une diminution nette des protéines
kinases cycline D1/CDK4 et CDK6 ayant un effet promoteur sur le
cycle cellulaire.
Cette prolifération anormale est aussi associée à un blocage de
différenciation cellulaire, dans lequel c-myc joue aussi un rôle
essentiel.
Dans un modèle de souris où c-myc est sous la
dépendance d’un promoteur doxycycline-sensible, il a en effet été
clairement observé que, lors de la répression de c-myc dans des
tumeurs myéloïdes et lymphoïdes, survenaient un arrêt du cycle
cellulaire, la différenciation des cellules tumorales et la régression
des tumeurs.
C-myc joue aussi un rôle dans l’apoptose spontanée observée dans
les lymphomes de Burkitt (aspect en « ciel étoilé »).
La régulation de
l’apoptose dans les lymphomes de Burkitt n’est pas encore bien
comprise, et pourrait être médiée par des voies P53-dépendantes
(rôle de ARF montré dans les modèles murins transgéniques de
c-myc) ou P53-indépendantes.
D’autres dérégulations de l’homéostasie cellulaire ont été associées
à l’hyperexpression de c-myc, comme l’induction des télomérases
pouvant jouer un rôle dans l’immortalisation cellulaire, ou la
répression de LFA-1 jouant un rôle dans l’adhésion cellulaire et la
reconnaissance cellulaire par le système immunitaire.
L’implication de c-myc dans les lymphomes de Burkitt semble être
un événement systématique.
L’ensemble des études biologiques
actuelles sur cet oncogène montre bien toutes les implications
cellulaires qu’une hyperexpression de ce gène peut entraîner.
Il
semble certain que l’hyperexpression isolée d’une protéine c-myc
normale ne suffit pas à induire une tumeur maligne.
D’autres
partenaires cellulaires semblent nécessaires pour conférer un
phénotype malin aux précurseurs cellulaires tumoraux responsables
des lymphomes de Burkitt.
3- Partenaires de c-myc pouvant jouer un rôle dans
la genèse des lymphomes de Burkitt :
Jusqu’à présent ont été étudiés des gènes jouant un rôle dans
l’homéostasie cellulaire, et plus particulièrement dans le cycle
cellulaire et/ou l’apoptose, et pouvant avoir un effet coopérateur
avec c-myc.
Il semble qu’à la différence de c-myc, il n’y ait pas
d’anomalie systématiquement retrouvée concernant ces partenaires
potentiels.
Cette constatation suggère que ces anomalies
oncogéniques sont secondaires, et ne représentent pas une étape
essentielle dans l’oncogenèse des lymphomes de Burkitt. Parmi les
gènes suppresseurs de tumeur, P53 et P73 ont été étudiés.
Ces deux
gènes jouent un rôle dans le cycle cellulaire et dans les mécanismes
d’apoptose. Des anomalies (mutation pour la P53 et méthylation
pour P73) ont été observées dans environ 30 à 40 % des tumeurs
analysées.
Néanmoins, il n’a pas été observé d’anomalie
touchant les deux allèles de P53, ce qui rend peu probable son
implication majeure dans la genèse des lymphomes de Burkitt.
Il
a toutefois été rapporté, dans des lignées de lymphomes de Burkitt,
une hyperexpression de mdm2 qui pourrait se lier à la P53 et être
responsable de son inactivation.
Le rôle de mdm2 dans les
lymphomes de Burkitt, et son éventuelle coopération avec P53
restent à étudier.
L’étude du gène Bax, directement impliqué dans l’apoptose, a révélé
des mutations responsables de la perte d’activité proapoptotique de
la protéine correspondante dans un tiers des lignées testées.
Des
gènes régulateurs du cycle cellulaire, impliqués dans l’oncogenèse lymphoïde B comme P15 et surtout P16 qui jouent un rôle direct
dans la régulation de complexes protéiques régulateurs comportant
les cyclines D1/CDK4 et CDK6, ont aussi été étudiés.
Des anomalies
de méthylation de l’exon 1 de P16 ont ainsi été observées dans la
majorité des lignées de lymphome de Burkitt analysées, et dans 40 %
des échantillons de tumeurs humaines.
Il n’y a donc pas de partenaire de c-myc identifié actuellement et
systématiquement présent, qui jouerait un rôle initiateur dans la
lymphomagenèse des lymphomes de Burkitt.
En effet, si ce gène
jouait un rôle essentiel en coopération avec c-myc dans l’apparition
de la tumeur, son rôle devrait être identifié dans la majorité de ces
lymphomes, ce qui n’est pas le cas de ceux étudiés à ce jour.
B - RÔLE DE L’EBV DANS LES LYMPHOMES DE BURKITT :
Le rôle de l’EBV dans les lymphomes de Burkitt a depuis toujours
fait l’objet de nombreux travaux.
La découverte de ce virus est
intimement liée à cette tumeur, puisque c’est grâce à une lignée de
lymphomes de Burkitt que le virus a été isolé.
Le rôle de l’EBV est
certainement majeur dans la forme endémique de la maladie (où il
est présent dans plus de 90 % des cas), mais probablement pas dans
la forme sporadique des pays occidentaux ou dans la population
infectée par le VIH, car il n’est retrouvé que dans 30 à 40 % des
lymphomes observés dans ces deux groupes de patients.
Dans
tous les cas de lymphome de Burkitt où l’EBV est présent, celui-ci
est sous forme épisomique et monoclonale (monoclonalité
démontrée par l’étude des LTR (long terminal repeat), qui sont
variables d’un virus à l’autre).
Le fait que le virus soit monoclonal
confirme que l’infection survient donc au tout début de l’expansion
de cellules du lymphome de Burkitt.
Le rôle potentiel de l’EBV
dans l’oncogenèse des lymphomes de Burkitt se situe donc au stade
initial du processus.
Par la suite ou de façon concomitante, vont se
produire d’autres événements cellulaires responsables de
l’apparition d’une tumeur maligne.
L’âge auquel survient l’infection EBV pourrait être capital dans
l’implication de celui-ci dans l’oncogenèse des lymphomes de
Burkitt.
En effet, l’infection EBV survient très tôt dans la vie dans
les régions où sévissent les formes endémiques, mais lors de
l’adolescence ou chez l’adulte jeune dans les régions où sont
observées les formes sporadiques.
Les patients infectés par le VIH
chez lesquels apparaît un lymphome de Burkitt sont pratiquement
tous infectés par l’EBV avec des charges virales importantes, alors
que leur lymphome n’est pas lié à l’EBV.
Ces observations suggèrent
fortement des voies d’oncogenèse différentes selon que le contact
est plus ou moins précoce dans la vie.
Une autre explication est que
l’EBV ne produit pas les mêmes événements immunitaires chez les
enfants et chez les adultes.
Un argument pour cette théorie est que
les mononucléoses infectieuses sont exceptionnelles chez le jeune
enfant, alors qu’elles sont observées chez l’adulte jeune.
Le rôle de l’EBV dans l’oncogenèse des lymphomes de Burkitt n’est
pas encore clairement élucidé.
Une hypothèse avancée serait que
l’EBV joue un rôle précoce dans l’expansion lymphoïde B, sans rôle
clair sur la persistance du clone tumoral.
L’infection EBV
entraînerait une expansion polyclonale de cellules B infectées
exprimant un ensemble de protéines (nucléaires : EBNA 1, 2, 3A, 3B,
3C et LP ainsi que membranaires : LMP1, 2A et 2B) pouvant être
responsables de transformation et surtout d’immortalisation.
La
persistance de cellules infectées par l’EBV en grandes quantités
pourrait être favorisée par l’immunosuppression chez des patients
par ailleurs infectés par la malaria ou le VIH.
L’ensemble de ces
facteurs pourrait ainsi favoriser l’apparition de réarrangements
génomiques impliquant c-myc, et donc être responsable de
l’apparition d’un lymphome de Burkitt.
L’EBV, par l’intermédiaire
direct de la protéine BHRF-1, pourrait aussi avoir un rôle facilitateur
dans la transformation induite par c-myc, en inhibant les voies
d’apoptose induites par celui-ci sans interférer sur la prolifération
cellulaire.
Une deuxième hypothèse tient compte de la latence EBV observée
dans les lymphomes de Burkitt, où seules les protéines EBNA 1,
RK-BARF0 et EBER-1 et -2 sont exprimées.
Aucune de ces protéines
n’est responsable de transformation par elle-même. Il a été
néanmoins montré que EBNA-1 peut induire des lymphomes dans
des modèles de souris transgéniques.
Cette phase de latence de
l’EBV entraîne, au niveau des cellules infectées, une diminution de
l’expression de certaines molécules d’adhésion (LFA3 et HLA de
classe I) pouvant être responsable de tolérance du système
immunitaire vis-à-vis de cellules.
Ces deux hypothèses ne sont
pas exclusives et pourraient expliquer dans un premier temps
l’expansion clonale, puis la tolérance par le système immunitaire visà-
vis du lymphome.
Formes histologiques :
Ce lymphome est considéré comme une entité pathologique de haut
grade de malignité, désigné selon les classifications comme
« lymphome indifférencié » par Rappaport en 1966, « lymphome de
Burkitt » dans la classification de Kiel en 1968, « lymphome à petites
cellules non clivées de type Burkitt » dans la formulation
internationale à usage clinique en 1981 et « lymphome de Burkitt »
dans la classification REAL en 1994.
La dernière classification
proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2001
différencie plusieurs sous-types de lymphome de Burkitt,
comprenant une forme dite typique, le lymphome de Burkitt
classique, et deux formes variantes : le lymphome de Burkitt à
différenciation plasmocytoïde et le lymphome de Burkitt atypique
ou Burkitt-like.
A - CARACTÉRISTIQUES MORPHOLOGIQUES :
1- Lymphome de Burkitt classique
:
Ce type de lymphome de Burkitt est le plus fréquent, surtout chez
l’enfant.
Il est formé d’une prolifération cellulaire diffuse monotone,
constituée d’éléments cellulaires lymphoïdes de taille moyenne,
présentant un aspect souvent cohésif.
De nombreux macrophages
réactionnels à corps tingibles sont retrouvés au sein de cette
prolifération cellulaire, lui conférant un aspect en « ciel étoilé ».
Les
cellules tumorales sont de taille moyenne avec un noyau arrondi ou
ovalaire, à contour régulier, la chromatine apparaît réticulée avec
plusieurs nucléoles de taille moyenne, localisée dans la partie
centrale du noyau.
Le cytoplasme de ces cellules, moyennement
abondant, apparaît basophile, avec parfois quelques vacuoles
lipidiques visualisées plus aisément sur les empreintes cytologiques.
Cette prolifération cellulaire présente un index mitotique élevé.
Des
images d’apoptose sont retrouvées le plus souvent au sein de cette
prolifération cellulaire.
2- Formes variantes :
* Lymphome de Burkitt avec différenciation plasmocytoïde :
Cette forme variante est le plus souvent observée chez des patients
immunodéprimés, mais peut se voir également chez des enfants.
Cette variante associe aux cellules de Burkitt typiques une
composante à différenciation plasmocytoïde marquée, caractérisée
par un noyau excentré présentant un nucléole central unique, avec
un cytoplasme basophile et relativement abondant.
Une
immunoglobuline intracytoplasmique monotypique est parfois
retrouvée.
Dans certains cas, associée à ces aspects, on note
l’existence, au niveau d’éléments cellulaires tumoraux, d’un
pléomorphisme nucléaire touchant la forme et la taille.
* Lymphome de Burkitt atypique ou Burkitt-like :
Ce type de lymphome de Burkitt est observé surtout chez l’adulte.
Il se caractérise par la présence d’éléments cellulaires tumoraux
atypiques, associée à une composante relativement importante
d’éléments cellulaires présentant un grand pléomorphisme nucléaire
intéressant la taille et la forme, avec présence de nucléoles
proéminents.
L’activité mitotique reste très élevée au niveau de cette
prolifération tumorale, et l’aspect en « ciel étoilé » y est parfois
retrouvé.
B - CARACTÉRISTIQUES IMMUNOPHÉNOTYPIQUES :
Ces différents types de lymphomes de Burkitt présentent un profil
immunophénotypique identique, avec une expression des antigènes
associée aux cellules B (CD19, CD20, CD22, CD79a).
L’origine centrofolliculaire de ces cellules tumorales est confirmée par
l’expression de CD10 et de Bcl6.
La molécule CD21 représentant un
récepteur pour la fraction CD3d du complément, peut être exprimée
de façon variable au sein de cette prolifération cellulaire.
Les cellules
tumorales expriment une immunoglobuline (Ig)M membranaire
avec restriction pour une chaîne légère au niveau des cellules de
Burkitt classiques ; en revanche, au niveau des cellules avec
différenciation plasmocytoïde, il est possible de retrouver une
immunoglobuline intracytoplasmique monotypique.
Au sein de ces
différentes variétés de lymphomes de Burkitt, près de 100 % des
cellules expriment Ki67.
C - CARACTÉRISTIQUES CYTOGÉNÉTIQUES :
Les cellules tumorales montrent un réarrangement clonal des gènes
codant les chaînes légère et lourde d’immunoglobuline.
La t(8 ; 14)
est la plus communément retrouvée dans plus de 80 % des
lymphomes de Burkitt, alors que les t(8 ; 22) et t(2 ; 8) ne sont
retrouvées que dans une faible proportion de ces lymphomes.
Ces aspects morphologiques, ce profil phénotypique et ces
anomalies cytogénétiques caractérisent le lymphome de Burkitt
classique et les formes variantes, mais certains lymphomes malins
non hodgkiniens diffus à grandes cellules B à cellules de taille
moyenne, peuvent prendre des aspects morphologiques proches de
ceux observés au niveau de ces lymphomes de Burkitt.
L’analyse immunophénotypique et cytogénétique permettra dans certains cas
de les différencier des lymphomes de Burkitt.
En effet, ces
lymphomes, bien qu’exprimant les antigènes associés aux cellules B
(CD19, CD20, CD22, CD79a) n’expriment pas Bcl6 et plus rarement
CD10 ; en revanche, ils expriment souvent Bcl2.
De plus, au sein de
ces lymphoproliférations, Ki67 est exprimé dans moins de 90 % des
cellules tumorales.
Ces lymphomes ne présentent pas toujours une
t(8 ; 14) et lorsqu’elle est présente, elle s’accompagne d’un caryotype
complexe comprenant de nombreuses autres anomalies associées.
Présentation clinique
et bilan d’extension
:
Les lymphomes de Burkitt peuvent envahir n’importe quel tissu,
mais la présentation clinique reste dans la grande majorité des cas
stéréotypée.
Il existe des différences cliniques nettes entre la forme
endémique et la forme sporadique, indépendamment d’un
diagnostic plus tardif en Afrique.
A - FORME ENDÉMIQUE :
La forme endémique est caractérisée chez le jeune enfant par sa
présentation mandibulaire, alors qu’avec l’âge, les localisations
abdominales deviennent plus fréquentes.
Dans une étude en
Ouganda, 70 % des enfants de moins de 5 ans avaient une
localisation mandibulaire, alors que celle-ci n’était présente que dans
25 % des cas après 14 ans.
Cette localisation est anatomiquement
associée à la croissance dentaire.
L’atteinte abdominale, mode de
présentation classique dans les formes sporadiques occidentales,
n’est présente que dans 60 % des formes endémiques africaines mais
n’a pas exactement les mêmes caractéristiques.
Les localisations
semblent beaucoup plus diffuses, avec une atteinte péritonéale et rétropéritonéale (péritonéale, mésentérique, rénale et ovarienne chez
la fille).
Les localisations du système nerveux central
(neuroméningées) semblent être plus fréquente que dans les formes
sporadiques occidentales (environ 30 à 40 % des cas contre 10 à
20 %) avec, en revanche, une fréquence plus faible d’atteintes
médullaires (environ 10 %).
B - FORME SPORADIQUE :
Les présentations cliniques de la forme sporadique sont communes,
que le patient soit ou non infecté par le VIH.
Les localisations
principales sont digestives (jonction iléocoecale essentiellement avec
une tumeur cliniquement palpable dans la fosse iliaque droite),
médullaires et du système nerveux central.
Le temps de doublement
est très rapide, et les localisations digestives présentes dans 70 % à
90 % des cas peuvent se compliquer d’occlusion, beaucoup plus
rarement d’hémorragies, voire de perforations liées à l’infiltration
diffuse de la paroi digestive par le lymphome et non à la destruction
de celle-ci.
Chez l’enfant, les localisations iélocoecales sont
classiquement responsables d’invagination intestinale sur la tumeur.
Cette présentation clinique peut être associée à des tumeurs
accessibles à une résection chirurgicale complète.
Les autres
localisations sont beaucoup plus rares, en particulier les localisations
ganglionnaires périphériques qui ne sont observées que dans
environ 10 à 20 % des cas.
Les localisations médullaires sont
fréquentes (40 % des cas). Des atteintes osseuses, mammaires
bilatérales au cours de la grossesse, et testiculaires ont été
rapportées.
Les localisations neuroméningées sont fréquentes (15 % à 20 %) et
doivent être systématiquement recherchées, étant donné l’impact
qu’elles ont sur le traitement.
Elles seraient plus fréquentes en cas
d’atteinte ganglionnaire cervicale.
Un des signes cliniques classiques
de cette atteinte, et pratiquement pathognomonique de
l’envahissement du système nerveux central par un lymphome, est
l’hypoesthésie de la houppe du menton, probablement en rapport
avec une infiltration tumorale du nerf dentaire inférieur.
Les formes leucémiques pures sont rares et sont classées en LAL3
dans la classification FAB.
Les anomalies cytogénétiques sont les
mêmes que pour les autres présentations des lymphomes de Burkitt,
ce qui rend la distinction entre LAL3 et lymphome de Burkitt avec
atteinte médullaire pratiquement inutile.
Le traitement des LAL3
suit les mêmes règles (intensité et brièveté) que pour les lymphomes
de Burkitt.
Il est donc radicalement différent de celui des autres LAL.
La présentation clinique est la même que pour les autres leucémies,
avec une insuffisance médullaire au premier plan pouvant être
associée à des cellules lymphomateuses/leucémiques circulantes.
Les atteintes neuroméningées sont aussi fréquentes que dans les
lymphomes de Burkitt.
C - DIAGNOSTIC ET BILAN D’EXTENSION :
Le diagnostic suit les mêmes règles que pour toutes les proliférations
lymphomateuses ou leucémiques.
Il repose sur l’histologie et/ou la
cytologie. Le phénotype est essentiel, ainsi que la
recherche d’un réarrangement de c-myc en cytogénétique ou
biologie moléculaire (difficile vu les points de cassure de c-myc).
La très grande agressivité des lymphomes de Burkitt impose que le
diagnostic et le bilan soient rapides.
Les localisations neuroméningées sont systématiquement recherchées par ponction
lombaire, et/ou imagerie par résonance magnétique (IRM) si
suspicion d’épidurite (les localisations encéphaliques sont rares), les
localisations médullaires par myélogramme voire biopsie
médullaire.
Les autres atteintes ganglionnaires sont recherchées par
l’examen clinique, la radiographie de thorax, l’échographie abdominopelvienne et surtout le scanner thoraco-abdomino-pelvien.
Le bilan a pour objet de définir le stade clinique de la maladie.
La
classification actuellement utilisée la plus fréquemment pour les
lymphomes de Burkitt est basée sur celles antérieurement publiées
par Murphy et le National Cancer Institute (NCI).
Elle a
pour intérêt sa simplicité, son adéquation avec les facteurs
pronostiques cliniques connus concernant l’extension clinique des
lymphomes de Burkitt et donc son utilisation pour la stratification
des traitements.
Le bilan biologique est identique à celui des autres lymphomes, en
insistant sur la recherche d’une infection VIH et sur la recherche
d’un syndrome de lyse tumorale spontanée (uricémie, phophatémie,
kaliémie, urée, créatininémie, acidose).
En effet, celui-ci est fréquent
avant tout traitement, du fait d’un taux élevé d’apoptose cellulaire
spontanée des lymphomes de Burkitt associé à une forte masse
tumorale.
Le début du traitement majorant le syndrome de lyse, sa
gravité et ses conséquences (tout particulièrement rénales) doivent
donc être précisément évaluées avant tout traitement
chimiothérapique.
En cas d’insuffisance rénale d’emblée associée à
un syndrome de lyse tumorale spontanée, l’épuration extrarénale
doit être discutée d’emblée.
D - FACTEURS PRONOSTIQUES :
De nombreuses études ont été faites pour identifier des facteurs
pronostiques dans les lymphomes de Burkitt comme pour les autres
types de lymphomes.
La présentation particulière, essentiellement extraganglionnaire, et la très grande prédominance des séries
pédiatriques publiées comparées aux séries adultes ont fait que les
facteurs pronostiques classiques des autres lymphomes de l’adulte
ont été peu évalués (âge > 60 ans, stade Ann Arbor).
Une atteinte neuroméningée ainsi qu’une atteinte médullaire sont
des facteurs pronostiques défavorables.
Dans une étude
récemment rapportée et portant sur plus de 500 enfants, l’âge est
également associé à un pronostic plus défavorable (âge > 15 ans).
La réponse à la chimiothérapie évaluée dès le début du traitement,
et la non-obtention d’une rémission complète (disparition de tout
signe clinique, histologique, cytologique et biologique de la maladie)
en fin de traitement, sont associées à un pronostic défavorable.
L’association à une infection par le VIH est classiquement associée à
un pronostic défavorable.
Les raisons pourraient être multiples,
et peut-être davantage liées au terrain qu’à la résistance du
lymphome à la chimiothérapie.
Il a été observé un taux élevé de
décès d’origine toxique en cours de traitement.
De plus, dans les
séries rapportées, de nombreuses associations chimiothérapiques ont
été utilisées souvent à des doses inférieures à celles proposées aux
patients non infectés par le VIH.
Les nouvelles thérapeutiques antirétrovirales introduites récemment pourraient donc améliorer le
pronostic de ces patients.
Peu d’études ont été rapportées dans cette
population particulière de patients, mais il semble que, en cas
d’obtention d’une rémission complète, la survie sans récidive soit
identique à celle observée chez les patients non VIH.
Cette
constatation pose donc particulièrement la question du traitement
par des protocoles polychimiothérapiques classiques dans les formes
sporadiques de lymphomes de Burkitt dans cette population
particulière de patients.
Il semble que certaines anomalies cytogénétiques associées, telles
que l’existence d’une t(14 ; 18), soient de mauvais pronostic.
En
revanche, les anomalies de la P53 ne semblent pas être associées à
un pronostic défavorable.
La persistance d’un allèle P53 normal dans tous les cas étudiés pourrait en partie expliquer ce résultat.
D’autres anomalies moléculaires comme celles touchant Bax, P73 et
bcl2 ne sont pas encore définitivement validées, du fait du faible
nombre de lymphomes de Burkitt étudié.
Traitement
:
A - PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE ET DE LA CHIRURGIE :
Ces deux modalités thérapeutiques ont été utilisées dans les
lymphomes de Burkitt, et leur rôle reste accessoire vu les excellents
résultats des associations chimiothérapiques actuelles dans ces
lymphomes.
Ces traitements locaux ne s’adressent jamais à des
formes étendues, et leur rôle curatif reste très limité.
Selon une
compilation de huit études de patients présentant des formes
localisées traitées par l’association de radiothérapie et de monochimiothérapie, le taux de guérison était de 18 %, alors
qu’actuellement celui-ci est supérieur à 90 % avec les protocoles
récents de polychimiothérapie.
L’utilisation de la radiothérapie
après chimiothérapie a été peu étudiée, mais les études publiées
confirment l’augmentation de la toxicité de cette association sans
réel bénéfice démontré.
Il semble donc que la place de la
radiothérapie reste limitée à des cas particuliers de complications
aiguës, ou à des localisations « sanctuaires » (compression
médullaire ou atteinte testiculaire) sans que son intérêt, même dans
ces cas, ait été formellement démontré dans les lymphomes de Burkitt.
La radiothérapie délivrée selon des schémas fractionnés
classiques se heurte de plus à la cinétique de croissance rapide de
ces lymphomes.
La radiothérapie hyperfractionnée n’est pas encore
bien évaluée.
La place curative de la chirurgie n’existe pas clairement dans cette
maladie systémique, comme cela est le cas pour tous les lymphomes
agressifs.
La chirurgie ne doit pas retarder la chimiothérapie, et la
résection complète de la tumeur n’est plus actuellement utile vu
l’efficacité des chimiothérapies.
La résection complète des masses
résiduelles après chimiothérapie ne semble pas avoir d’intérêt
curatif.
B - CHIMIOTHÉRAPIE DES LYMPHOMES DE BURKITT :
1- Syndrome de lyse tumorale. Sa prévention :
Il associe essentiellement hyperkaliémie, hyperuricémie,
hyperphosphatémie avec hypocalcémie et élévation des
lactodéshydrogénases (LDH).
Trois facteurs doivent être réunis pour
l’observer :
– une sensibilité extrême à la chimiothérapie ;
– une masse tumorale importante ;
– un nombre important de cellules tumorales en cycle.
* Néphropathie uratique :
L’acide urique est un acide organique essentiellement éliminé par
voie rénale.
Lors d’un traitement chimiothérapique actif, la lyse
cellulaire tumorale induit la libération d’une quantité importante
d’acides nucléiques, dont le catabolisme génère de l’acide urique.
Celui-ci subit une glomérulofiltration, une réabsorption puis une
sécrétion tubulaire, proportionnelle à son taux plasmatique.
Le pH
urinaire est un facteur essentiel à son élimination urinaire (à pH = 5
la limite de solubilité de l’acide urique est de 150 mg/L ; à pH = 7,
elle est de 2 000 mg/L).
Lors du syndrome de lyse, la baisse du pH
urinaire, associée à l’augmentation du pool d’acide urique, peut
entraîner une précipitation de cristaux d’urates dans la lumière des
tubes contournés distaux et des tubes collecteurs, pouvant être
responsable d’une insuffisance rénale souvent anurique.
La
prévention de ce phénomène est donc simple, reposant sur la
diminution de la concentration tubulaire d’acide urique et sur
l’alcalinisation urinaire (pH > 7 maintenu tant que l’hyperproduction
d’acide urique n’est pas contrôlée par les médicaments hypouricémiants).
Les médicaments hypo-uricémiants ont pour effet
d’hydrolyser l’acide urique (urate oxydase : Uricozymet et plus
récemment rasburicase) en allantoïne 10 à 20 fois plus facilement
éliminée par le rein que l’acide urique, ou de bloquer la synthèse
d’acide urique (en inhibant la xanthine oxydase par l’allopurinol).
L’urate oxydase, qui dégrade directement l’acide urique, est donc le
médicament de choix en cas de néphropathie uratique.
L’allopurinol agit plus lentement que l’urate oxydase, et peut de
plus interférer avec le métabolisme de certains agents anticancéreux
(Purinétholt) voire accroître la toxicité cutanée de certains
antibiotiques (cotrimoxazole, bêtalactamines).
* Hyperkaliémie :
Elle peut être brutale et d’apparition précoce (8 à 24 heures après le
début du traitement).
Elle est responsable de troubles de la
conduction ventriculaire, voire d’arrêt cardiaque.
* Hyperphosphatémie :
Elle peut aussi se constituer rapidement après le début du
traitement, pouvant entraîner une hyperphosphaturie et une
hypocalcémie secondaire (le produit calcium ionisé X phosphore est
stable, toute augmentation d’un des deux ions entraîne la
diminution de l’autre du fait de la précipitation de phosphate de
sodium).
La limite supérieure à partir de laquelle apparaît cette
précipitation de phosphate de calcium est évaluée à Ca X PO4
= 4,6 X 106.
Ce phénomène peut se produire aussi dans l’urine où il
est favorisé par un pH alcalin, et être responsable d’une néphrocalcinose aiguë.
* Insuffisance rénale aiguë :
Elle n’est pas systématique mais peut en revanche être présente
avant toute chimiothérapie en cas de syndrome de lyse spontanée.
Une insuffisance rénale aura pour conséquence d’aggraver ces
anomalies métaboliques, raison pour laquelle une épuration extrarénale doit être discutée précocement chez les patients ayant
une insuffisance rénale avant chimiothérapie.
Son objectif est
d’obtenir une diurèse efficace.
Ses indications sont classiques.
* Prévention du syndrome de lyse tumorale :
Son but est notamment d’éviter la constitution d’une insuffisance
rénale, en favorisant l’épuration des urates et des phosphates pour
éviter la précipitation tubulaire de ces molécules.
Elle associe
plusieurs éléments :
– hyperdiurèse (alcalinisation actuellement très discutée du fait de
l’efficacité des hypo-uricémiants et des risques de néphrocalcinose) ;
– hypo-uricémiants (urate oxydase) ;
– chimiothérapie entreprise de façon progressive quand un
syndrome de lyse est prévisible (COP/COPADEM des lymphomes
de Burkitt, corticoïdes seuls dans les LAL) ;
– surveillance biologique stricte jusqu’à normalisation des
paramètres biologiques.
En cas de non-efficacité de ces mesures, une épuration extrarénale
doit toujours être rapidement discutée.
2- Conduite de la chimiothérapie
:
* Historique
:
Le traitement des lymphomes de Burkitt repose sur des associations
polychimiothérapiques intensives, et non pas sur l’utilisation de
monochimiothérapies.
Peu de données sont disponibles sur l’activité
des agents anticancéreux étudiés seuls dans les lymphomes de Burkitt sporadiques.
Il existe en revanche quelques données dans
les formes endémiques.
Les agents testés les plus
efficaces sont les agents alkylants (dont le cyclophosphamide :
Endoxant) et le méthotrexate, qui forment la base des associations
utilisées actuellement dans les traitements des lymphomes de
Burkitt.
La stratégie de traitement de ces lymphomes repose sur l’utilisation
d’associations polychimiothérapiques intensives et de durée brève.
Différentes associations sont utilisées dans les pays occidentaux,
mais globalement leur schéma est identique, que ce soit chez l’enfant
ou chez l’adulte.
Ces associations ont été développées par
différents groupes, et semblent donner des taux de réponse et de
guérison comparables.
Elles reposent d’ailleurs sur les mêmes
médicaments délivrés selon des schémas voisins.
Le rationnel de ces protocoles repose sur l’expérience
progressivement accumulée dans le traitement de cette maladie.
Un
exemple peut être donné en suivant la chronologie et les avancées
des protocoles de la SFOP (Société française d’oncologie
pédiatrique).
La première étude rapportée montrait qu’avec un
traitement de type COPAD (doxorubicine, vincristine,
cyclophosphamide et prednisone), la survie était excellente dans les
rares formes localisées et/ou réséquées en totalité, mais elle n’était
que de 32 % dans les stades avancés (essentiellement avec une
atteinte médullaire ou du système nerveux central).
L’introduction du méthotrexate à doses intermédiaires (3 g/m2)
permit d’obtenir un taux de rémission durable et donc de guérison
de plus de 70 % dans les formes avancées, mais les patients ayant
une atteinte initiale du système nerveux central conservaient un
pronostic défavorable (moins de 20 % de ces patients étaient guéris
avec ce traitement).
L’utilisation de hautes doses de méthotrexate
(8 g/m2) associées à un renforcement du nombre de ponctions
lombaires (11 en tout) a permis d’obtenir un taux de guérison
supérieur à 80 % chez ce type de patients.
Avec les associations
chimiothérapiques actuelles, plus de 85 % des enfants atteints de
lymphome de Burkitt, quel que soit le stade, obtiennent une
rémission complète durable.
L’atteinte initiale du système nerveux
central, l’âge (> 15 ans) et l’absence de chimiosensibilité évaluée
d’emblée (réponse au septième jour de traitement) sont toujours des
facteurs pronostiques défavorables.
Les résultats chez l’adulte avec
les mêmes schémas de traitement sont moins bons, mais permettent
néanmoins une guérison dans plus de 60 % des cas.
* Principes du traitement :
Le traitement actuel des lymphomes de Burkitt repose donc sur les
principes suivants :
– en cas de forte masse tumorale au diagnostic, réduction tumorale
avec une première chimiothérapie délivrée à des faibles doses pour
ainsi mieux contrôler le syndrome de lyse induit par le traitement ;
– utilisation d’une chimiothérapie caractérisée par un traitement
intensif du système nerveux central dans la plupart des cas (stades
avancés selon la classification clinique) ;
– association de méthotrexate à haute dose, de cyclophosphamide
et de cytarabine à haute dose dans les formes avancées de la
maladie.
Les chimiothérapies sont délivrées dès la reconstitution
hématologique des patients, et non pas à un rythme prédéfini.
Ce
type de schéma tient compte de la cinétique de la prolifération
tumorale (temps de doublement court des lymphomes de Burkitt) ;
– à la différence des autres lymphomes agressifs de l’adulte ayant
des critères de mauvais pronostic au diagnostic, les chimiothérapies
intensives avec réinjection de cellules hématopoïétiques ne semblent
pas jouer un rôle dans le traitement des lymphomes de Burkitt dans
la très grande majorité des cas.
En pédiatrie, il n’y a pas non plus de
place pour cette procédure, sauf dans des cas très particuliers en cas
de non-obtention d’une rémission complète lors du traitement de
première ligne.
Dans le cas des patients en réponse partielle après
traitement classique ou en rechute, le caractère chimiosensible de la
maladie est essentiel pour obtenir un taux de rémission d’environ
50 % à 2 ans avec les hautes doses de chimiothérapie.
Dans
le cas d’une maladie chimiorésistante, cette procédure thérapeutique
n’est pas curative.
L’allogreffe de moelle n’a été que peu étudiée
dans les lymphomes de Burkitt, mais les résultats ne semblent pas
supérieurs à ceux des hautes doses de chimiothérapie avec
réinjection de cellules autologues hématopoïétiques.
Conclusion :
Des progrès importants ont été accomplis au cours de ces dernières
années dans la compréhension et le traitement des lymphomes de Burkitt.
De nouvelles possibilités technologiques comme les puces à
ADN complémentaire vont probablement permettre d’identifier de
nouveaux gènes importants dans la physiopathologie de cette forme
particulière de lymphome, et peut-être ouvrir des pistes pour identifier
de nouvelles cibles thérapeutiques.
L’utilisation récente des anticorps
monoclonaux associés à la chimiothérapie classique dans le traitement
d’autres groupes de lymphomes agressifs, a définitivement montré sa
supériorité par rapport à des traitements chimiothérapiques seuls.
L’utilisation de ces anticorps thérapeutiques mérite d’être évaluée dans
les lymphomes de Burkitt.