Accidents vasculaires cérébraux Cours de Neurologie
Les accidents ischémiques cérébraux constitués (AIC) sont
cinq fois plus fréquents que les hémorragies intracérébrales
spontanées.
Ils réalisent un infarctus cérébral, c’est-à-dire
des lésions irréversibles du tissu nerveux.
Après des décennies
de nihilisme thérapeutique, un traitement désormais
existe lors de la phase aiguë de l’infarctus cérébral,
le rt-PA, utilisé depuis 2 ans en Amérique du Nord, capable
d’augmenter de 30 % le nombre de patients totalement guéris
à 3 mois sans augmentation de la mortalité, mais au prix
d’un risque hémorragique qui nécessite que ce traitement
soit utilisé sous certaines conditions et par des neurologues
entraînés.
C’est dire que l’action médicale doit tout entière être tournée
vers la guérison de l’ischémie cérébrale aiguë : reconnaître
les symptômes d’alerte d’une ischémie cérébrale,traiter
le patient moins de 3 heures après la survenue des
premiers symptômes ; vers la prévention : reconnaître et
explorer les accidents ischémiques transitoires, dépister des
sténoses carotidiennes symptomatiques O70 %, traiter
l’hypertension artérielle et les autres facteurs de risques
vasculaires, prescrire un traitement antithrombotique préventif
par antiplaquettaire chez les sujets à haut risque vasculaire,
prescrire des anticoagulants pour les cardiopathies
emboligènes ; vers la rééducation, la réadaptation fonctionnelle
et l’amélioration de la qualité de vie.
Rappel de la vascularisation cérébrale
:
La vascularisation de l’encéphale est assurée par 4 artères :
2 carotides internes et 2 artères vertébrales.
Le cerveau a
une circulation protégée car ces 4 artères viennent s’unir
pour former à sa base un cercle anastomotique (le polygone
ou cercle de Willis), si bien que l’occlusion de l’une
de ces artères peut théoriquement n’avoir aucune conséquence
pour le cerveau lorsque ce système anastomotique
est fonctionnel.
Les artères carotides irriguent le cerveau (système carotide).
Les artères vertébrales s’unissent pour former le tronc
basilaire et irriguent le tronc cérébral, le cervelet et les lobes occipito-temporaux (système vertébro-basilaire).
Le système carotide a pour principales branches de division
: l’artère choroïdienne antérieure ; l’artère ophtalmique
; l’artère cérébrale antérieure ;l’artère cérébrale
moyenne.
Le système vertébro-basilaire donne les artères spinales
antérieures ; les artères cérébelleuses postéro-inférieure, antéro-inférieure,
et supérieure ; les artères perforantes paramédianes du tronc
cérébral ; les artères cérébrales postérieures.
Ces deux systèmes communiquent par l’intermédiaire
du polygone de Willis : l’artère communicante antérieure
assure la communication entre les systèmes carotides
droit et gauche ; les 2 artères communicantes postérieures
assurent la communication entre le système carotide
et le système vertébro-basilaire des 2 côtés.
Épidémiologie
:
• L’accident vasculaire cérébral est la troisième cause de
mortalité en France après l’infarctus du myocarde et les
cancers, la deuxième dans le monde.
• Première cause de handicap (un handicap séquellaire atteint
75 % des patients et seulement 25 % des patients frappés par
l’accident vasculaire cérébral en pleine activité professionnelle
peuvent reprendre leur travail).
On définit par facteur de risque
tout facteur, inné ou acquis qui, lorsqu’il est présent prédispose
le patient à la survenue d’un infarctus cérébral.
Physiopathologie
:
A - Débit sanguin :
1- Débit sanguin cérébral normal :
Le débit sanguin cérébral est en moyenne de
50 mL/min/100 g de cerveau chez l’adulte normal.
La perfusion sanguine cérébrale est assurée par deux artères
carotides formant la circulation antérieure, et deux artères
vertébrales se réunissant en un tronc basilaire formant la
circulation postérieure. Des ponts anastomotiques existent,
congénitalement plus ou moins développés en fonction de
chaque individu, entre les deux artères carotides (1 artère
communicante antérieure), entre artères carotides et tronc
basilaire (2 artères communicantes postérieures) formant
le polygone de Willis.
D’autres ponts anastomiques existent
à la partie distale (corticales et parfois profondes) des
territoires artériels (entre circulation postérieure et antérieure
; entre cérébrale postérieure et artère sylvienne ; ou
entre artère sylvienne et artère cérébrale antérieure).
Le débit est régulé grâce aux capacités de vasodilatation
et de vasoconstriction des artères cérébrales (variation
des résistances vasculaires) constituant une véritable
réserve sanguine qui peut être recrutée en cas de nécessité ;
réserve hémodynamique cérébrale (variation du volume
sanguin cérébral).
Cette réserve s’ajoute à la réserve que
constitue l’extraction de l’oxygène du sang (EO2), qui n’est
pas maximale en situation de base, et peut augmenter jusqu’à
100 % en cas de nécessité.
2- Débit sanguin cérébral pathologique :
L’infarctus est le résultat de l’arrêt de la perfusion sanguine
du tissu cérébral, et de la défaillance des systèmes de suppléance chargés habituellement de maintenir le débit sanguin
cérébral : défaillance des anastomoses et des phénomènes
d’autorégulation du débit sanguin cérébral (diminution
des résistances vasculaires et augmentation du taux
d’extraction d’oxygène).
La gravité de l’expression clinique
d’une occlusion artérielle cérébrale varie en fonction
de l’importance de cette défaillance.
Il y a donc une
grande variété interindividuelle du retentissement d’une
même occlusion artérielle en fonction de la qualité des
suppléances anastomotiques qui sont congénitalement
acquises.
En pratique clinique, le polygone de Willis est étudié
par angiographie par résonance magnétique et l’hémodynamique
intracrânienne par Doppler transcrânien.
B - Différentes variétés
d’accident vasculaire cérébral (AVC)
:
L’accident vasculaire cérébral est un déficit neurologique
soudain d’origine vasculaire présumée.
Cette
définition très large implique que tout accident vasculaire
cérébral comporte d’une part une lésion (ou au
minimum un dysfonctionnement) du parenchyme
cérébral responsable du déficit neurologique, et d’autre
part une lésion vasculaire sous-jacente qui est la cause
immédiate de l’accident.
C - Divers profils évolutifs
des accidents ischémiques cérébraux (AIC) :
1- Accident ischémique transitoire (AIT) :
Perte focale de la fonction cérébrale ou rétinienne durant
moins de 24 heures.
2- Accident ischémique cérébral constitué :
• Il est habituellement de début soudain, avec un déficit
d’emblée maximal, suggérant une occlusion embolique
de l’artère intracrânienne.
• Lorsqu’il est précédé d’accidents neurologiques
transitoires répétés (crescendo AIT) ou s’installe en
plusieurs paliers, cela suggère une occlusion in situ de
l’artère, comme lors d’une occlusion thrombotique sur
sténose athéroscléreuse d’une grosse artère extra- ou
intracrânienne ou encore d’une occlusion d’une
branche perforante capsulo-lenticulaire ou pontique,
ou enfin d’une petite artère de moins de 300 mm dans
le cadre d’une artériopathie lacunaire.
• Lorsque l’infarctus cérébral survient lors du passage
dans certaines positions comme un lever brusque,
ou lorsque le déficit neurologique s’aggrave dans les
mêmes circonstances (comme s’asseoir ou se lever) ou
encore lorsqu’il est réalisé une baisse de la pression
artérielle intempestive par une déplétion volémique
(anémie aiguë, diurétique) ou par inhibiteurs calciques,
cela suggère un accident hémodynamique ou une
instabilité hémodynamique, témoignant d’une perfusion
de misère dans le territoire ischémié qui est très
sensible à la pression artérielle résiduelle : toute baisse
de pression artérielle résiduelle se traduisant par une
aggravation du déficit.
Ces patients s’améliorent souvent
lorsqu’ils sont placés en décubitus dorsal strict,
voire la tête plus bas que les pieds, avec augmentation
des apports hydriques et de la pression artérielle.
• Rarement, le mode d’installation d’une occlusion
thrombotique de l’artère carotide ou du tronc basilaire
peut apparaître progressif, sans à-coups, sur quelques
heures, quelques jours voire quelques semaines, sur un
mode pseudo-tumoral.
• Le plus souvent l’évolution ultérieure se fait spontanément
vers la récupération plus ou moins complète.
• Dans les accidents ischémiques majeurs, l’oedème
cérébral peut être responsable d’une aggravation
secondaire de la vigilance et de signes d’engagement ;
le décès est alors fréquent, conséquence de l’engagement
(compression du tronc cérébral) ou de complications
de décubitus (embolie pulmonaire, pneumopathie
de déglutition).
Si le malade ne meurt pas, la récupération
est nulle ou très lente, et le handicap fonctionnel
restera souvent très lourd, et au pire le patient restera
grabataire.
D - Principaux mécanismes
des accidents ischémiques constitués :
1- Mécanisme embolique
:
Il est suggéré par l’installation soudaine du déficit neurologique
dont l’intensité est d’emblée maximale.
Il s’agit :
• d’embolies fibrino-plaquettaires provenant de thrombus
blanc formé par l’adhésion et l’agrégation plaquettaire
sur la plaque d’athérosclérose, donnant des accidents
ischémique transitoires ;
• d’embolies fibrino-cruoriques provenant de la fragmentation
d’un thrombus mural formé sur une plaque
d’athérosclérose ulcérée (le thrombus mural formant le
pansement de l’ulcération), ou d’une thrombose
formée dans une cavité cardiaque (oreillette ou auricule
gauche, ventricule gauche), ou exceptionnellement d’une
thrombose veineuse profonde avec passage de l’embolie
dans la circulation artérielle à travers un foramen ovale
perméable de la cloison interauriculaire ;
• d’embolies de cholestérol provenant de la vidange du
contenu athéromateux de la plaque à travers le perthuis
d’une ulcération non couverte par un thrombus ;
• d’embolies de matériel septique dans le cadre d’une endocardite
d’Osler (qui favorise aussi la thrombose) ;
• d’embolies de matériel tumoral exceptionnel, en présence
d’un myxome de l’oreillette gauche ou d’une tumeur
métastatique intracavitaire.
2- Accident hémodynamique :
Il est suggéré par la fluctuation de l’intensité des signes
neurologiques ayant souvent une origine posturale, avec
survenue des symptômes lors du passage dans certaines
positions comme un lever brusque, ou lorsque le déficit
neurologique s’aggrave dans les mêmes circonstances
(comme s’asseoir ou se lever) ou encore lorsqu’il est réalisé
une baisse de la pression artérielle intempestive par
déplétion volémique (anémie aiguë, diurétique) ou par un
hypotenseur, témoignant d’une perfusion de misère dans
le territoire ischémié qui est très sensible à la pression artérielle résiduelle : toute baisse de pression artérielle résiduelle
se traduisant par une aggravation du déficit.
Ces
patients s’améliorent souvent lorsqu’ils sont placés en
décubitus dorsal strict, voire la tête plus bas que les pieds,
avec augmentation des apports hydriques et de la pression
artérielle.
Il s’observe :
• en cas d’occlusion complète ou de rétrécissement sévère
d’une grosse artère (carotide, tronc basilaire, vertébrales…)
telles que peuvent le réaliser une sténose athéroscléreuse
serrée évolutive ou une dissection d’une artère ;
• en cas de baisse globale de la perfusion cérébrale lors
d’un choc cardiogénique ou d’un arrêt cardiaque transitoire.
Dans ces cas les signes cliniques et radiologiques
sont volontiers bilatéraux, et l’infarctus siège aux confins
des territoires artériels cérébraux.
3- Spasme :
C’est le mécanisme des occlusions artérielles observées
après hémorragie méningée.
Son intensité est directement
liée à l’importance de l’hémorragie.
Ce mécanisme est
depuis longtemps suspecté dans la survenue de certains
infarctus lacunaires, notamment ceux qui sont immédiatement
précédés d’une salve d’accident ischémique transitoire.
4- Hyperviscosité :
Comme l’élévation de l’hématocrite, la polyglobulie ou
l’hyperplaquettose, elle pourrait être une cause ou un facteur
favorisant ou aggravant une ischémie cérébrale.
Elle
s’observe dans les grands pics de protéine monoclonale.
Étiologie
:
A - Accident ischémique
lié à l’athérosclérose (25 à 30 %
de l’ensemble des infarctus cérébraux) :
Une plaque d’athérosclérose compliquée de thrombose
murale est capable d’occlure l’artère qui la porte ou d’envoyer
une embolie bouchant une artère distale de plus petit
calibre.
Le siège le plus fréquent est la bifurcation carotide et les
2 ou 3 premiers centimètres de l’artère carotide interne.
Viennent
ensuite le siphon carotide, la terminaison carotide et le
segment M1 de l’artère cérébrale moyenne dans la circulation
antérieure.
Dans la circulation postérieure, il s’agit de
l’origine de l’artère vertébrale ainsi que sa terminaison (segment
V4), la partie proximale du tronc basilaire, puis l’origine
de l’artère cérébrale postérieure et de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure.
À noter que l’athérosclérose du
segment M1 de l’artère cérébrale moyenne (sylvienne) et
celle du tronc basilaire peut bloquer l’origine des artères perforantes
et être ainsi à l’origine d’infarctus dans le territoire
de ces artères.
Enfin, l’athérothrombose peut aussi siéger dans
la crosse de l’aorte, particulièrement dans sa portion ascendante
ou horizontale.
La sténose carotide interne O 70 % homolatérale à l’infarctus est trouvée dans moins de 10 % des cas dans les
séries de patients consécutifs.
B - Accident ischémique
lié à une cardiopathie emboligène
(20 à 30 % des causes selon l’âge)
:
Il s’agit le plus souvent d’embolies à partie de thrombus développé
dans les cavités cardiaques ou sur prothèse valvulaire.
• Fibrillation auriculaire (45 % des causes cardiaques,
augmente avec l’âge ).
• Infarctus du myocarde (surtout antérieur), 15 % des
causes cardiaques, d’où la règle de répéter les électrocardiogrammes
et de faire systématiquement un dosage d’enzymes
cardiaques devant tout accident ischémique constitué.
• Anévrisme ventriculaire, 10 % des causes cardiaques.
• Valvulopathie, rétrécissement mitral ; plus souvent que
rétrécissement aortique calcifié donnant des embolies calcaires.
• Endocardite d’Osler : toute hémiplégie fébrile est suspecte
d’endocardite d’Osler et nécessite en urgence la prescription
d’hémoculture et d’une échographie cardiaque transoesophagienne à la recherche de végétations.
• Endocardite marastique (dépôt de fibrine sur les valves
cardiaques, à l’origine d’embolies) chez les cancéreux
(pancréas en premier) souvent en association à une coagulation
intravasculaire dissiminée, dans le cadre d’un syndrome
des antiphospholipides ou d’un lupus, ou encore
dans celui d’une intoxication médicamenteuse (fenfluramine).
• Cardiomyopathies dilatées.
• Myxome de l’oreillette gauche, exceptionnel.
Les autres anomalies morphologiques cardiaques dépistées
par l’échographie transoesophagienne ne sont que des facteurs
de risques potentiels dont le lien de causalité avec
l’ischémie cérébrale n’est à ce jour pas encore établi : foramen
ovale perméable, anévrisme du septum interauriculaire,
strands (ou filament) de la valve mitrale, prolapsus
valvulaire mitral, calcifications mitrales.
Ils ne peuvent pas
être tenus pour la cause de l’infarctus cérébral, et la discussion
d’un traitement préventif spécifique lié à leur présence
doit être extrêmement prudente et toujours faite au
cas par cas en attendant les résultats de grandes études prospectives
évaluant actuellement le risque annuel de récidive
(les études rétrospectives ont par exemple évalué le risque
de récidive d’infarctus cérébral en présence d’un foramen
ovale perméable à moins de 1 % par an).
C - Lacunes (20 % des causes) :
Il s’agit d’infarctus limités de très petite taille (petite
cavité de 2 à 15 mm de diamètre), situés dans le territoire
des artères perforantes (putamino-capsulo-caudées
ou pontiques le plus souvent) dans la substance blanche
ou les noyaux gris centraux en rapport avec une modification
de la paroi des artères de moins de 300 mm
comportant un épaississement de la paroi artérielle fait
d’une lipohyalinose artériolaire, une sclérose collagène, une nécrose fibrinoïde, et dont on pense qu’ils sont
favorisés par la présence d’une hypertension artérielle.
Le mécanisme de l’occlusion est moins clair : spasme,
thrombus artériolaire, micro-embolie ou occlusion par
épaississement des vaisseaux.
Ils affectent habituellement
un seul faisceau anatomique (pyramidal ou sensitif)
ou une seule fonction, expliquant leur expression
clinique souvent monosymptomatique.
D - D’autres causes, plus de 100,
sont plus rarement rencontrées
(2 à 3 % des causes) :
• Les dysplasies et les traumatismes des vaisseaux cervicaux,
à l’origine de dissection des artères extracrâniennes,
plus rarement intracrâniennes, principalement rencontrés
chez le sujet jeune (environ 2 % des causes).
• Les sténoses radiques des vaisseaux cervicaux, post-radiothérapiques.
• Les artérites inflammatoires (Horton, périartérite
noueuse, Wegener) et infectieuse (syphilis, tuberculose,
aspergillose).
• Les dissections spontanées ou traumatiques de l’aorte
thoracique (exceptionnel).
• Les anévrismes carotides sacciformes à l’origine d’embolie
à partir du sac anévrismal.
• Certains états d’hypercoagulabilité : déficit congénital en
protéine inhibitrice de la coagulation (AT III, protéine C,
ou protéine S), thrombocytémie, polyglobulie, syndrome
hyperéosinophilique, anticorps anti-phospholipides (anticoagulant
circulant de type lupique et anticorps anti-cardiolipine
surtout), coagulation intravasculaire dissiminée.
• Les toxiques : cocaïne (crack), prise de sympathomimétique
de type phénylpropanolamine ou éphédrine (Actifed, Denoral…).
E - Infarctus cérébraux inexpliqués
:
Ils sont les plus nombreux puisqu’ils constituent 30 % de l’ensemble
des accidents ischémiques constitués.
C’est dans ce
groupe que l’on classe ceux pour lesquels aucune anomalie
artérielle ou cardiaque n’est trouvée, ou les anomalies dont le
lien de causalité n’a pas été prouvé (foramen ovale perméable,
anévrisme du septum interauriculaire, anticorps anti-phospholipides isolés,
etc.).
À noter l’existence de thromboses veineuses
cérébrales à l’origine d’infarctus veineux
Diagnostic
:
A - Clinique : principaux signes cliniques
des accidents ischémiques constitués :
1- Mode d’installation des signes cliniques :
• Souvent il ne permet pas de trancher formellement entre
infarctus et hématome, devant un tableau d’installation soudaine
ou très rapide.
• Parfois il peut orienter vers telle ou telle cause :
– en faveur d’un accident ischémique cérébral lié à l’athérosclérose
(AICLA) : précession d’accidents ischémiques transitoires, évolution par à-coups, par paliers ;
– en faveur d’une embolie : installation soudaine, présence
de palpitations ;
– une douleur cervicale oriente vers une dissection de l’artère
carotide interne ou de l’artère vertébrale.
• Rarement le mode d’installation d’une occlusion thrombotique
carotide peut être apparemment progressif sans
à-coups, sur quelques heures voire quelques jours, dit
«pseudo-tumoral».
• C’est dire la non-spécificité de tous ces modes d’installation,
et les pièges sont fréquents : tel symptôme installé sur un
mode pseudo-vasculaire (d’un instant à l’autre, ou sur 24/48
heures) révélera un abcès ou une tumeur maligne cérébrale, tel
autre installé sur un mode pseudo-tumoral (progressivement
sur une ou plusieurs semaines) révélera une occlusion
thrombotique carotide ou du tronc basilaire.
Différents signes cliniques précèdent une attaque cérébrale.
2- Après avoir précisé l’heure du début
des troubles, l’examen clinique apprécie le degré
de gravité :
• Niveau de conscience, raideur de la nuque, importance du
déficit hémiplégique, paralysie oculomotrice, pupille, réflexe
cornéen, troubles végétatifs, signes d’engagement temporal
(décérébration du côté de l’hémiplégie, mydriase et paralysie
du III homolatérale à la lésion).
• Ainsi on peut distinguer des accidents « mineurs » et
«majeurs », ceux vus dans les 3 heures et ceux vus après :
– les accidents majeurs : le malade est dans le coma et (ou) la
totalité d’un territoire artériel est touchée massivement; dans
ces cas seul un traitement symptomatique s’impose dans l’immédiat;
– les accidents mineurs : ne touchent qu’une partie limitée d’un
hémisphère ou d’un territoire artériel (hémiplégie motrice pure,
aphasie isolée…), ou l’atteinte de ce territoire est d’intensité
modérée ; ces cas réalisent des urgences médicales, qu’il
s’agisse d’un accident ischémique transitoire ou d’un accident
en évolution afin d’éviter une aggravation possible dans les
heures ou les jours suivants.
3- Topographie artérielle de l’infarctus :
• Carotide : syndrome optico-pyramidal: cécité monoculaire
homolatérale à l’occlusion (par atteinte de l’artère ophtalmique),
hémiplégie contralatérale.
• Sylvien superficiel :
– hémiplégie à prédominance brachio-faciale (non proportionnelle)
;
– aphasie, en cas d’atteinte de l’hémisphère dominant (aphasie
de Broca: atteinte antérieure; aphasie de Wernicke : atteinte
postérieure) ;
– syndrome d’Anton-Babinski, en cas d’atteinte de l’hémisphère
mineur (anosognosie: refus d’admettre l’existence de
l’hémiplégie ; anosodiaphorie : indifférence à l’hémiplégie ;
hémiasomatognosie: refus d’admettre comme sien l’hémicorps
paralysé) ;
– troubles sensitifs à tous les modes, avec souvent extinction
sensitive (la stimulation sensitive appliquée sur le seul côté
atteint est normalement perçue, alors qu’appliquée de façon bilatérale simultanée elle n’est perçue que du côté sain) ;
– hémianopsie latérale homonyme, souvent incomplète.
• Sylvien profond: hémiplégie proportionnelle (affectant l’ensemble
de l’hémicorps avec une intensité identique) et absence
d’aphasie ou de syndrome de l’hémisphère mineur.
• Sylvien total: hémiplégie proportionnelle avec aphasie totale,
déviation de la tête et des yeux.
• Cérébral antérieur : hémiplégie prédominant au membre
inférieur, à la racine, avec ou sans trouble sphinctérien, avec
ou sans anomie de la main gauche, trouble sensitif de même
topographie, grasping reflex; atteinte fréquemment bilatérale
avec possibilité de mutisme akinétique (le patient n’émet aucun
son et n’a aucune activité gestuelle spontanée).
• Cérébral postérieur: hémianopsie latérale homonyme avec
ou sans alexie, ou agnosie visuelle (selon le côté), avec ou sans
trouble amnésique, cécité corticale en cas d’infarctus bilatéral
(avec conservation des réflexes pupillaires).
• Thalamique: troubles sensitifs à tous les modes d’un hémicorps
intéressant la face; avec ou sans syndrome cérébelleux,
hémianopsie latérale homonyme, syncinésies d’imitation, syndrome
de Claude-Bernard Horner, du côté opposé à l’infarctus.
Dans les semaines suivantes des douleurs de l’hémicorps peuvent
apparaître.
Des troubles neuropsychologiques sont fréquents
(négligence motrice et spatiale); aphasie sous-corticale,
caractérisée par une répétition excellente et un manque du mot
et d’incitation verbale; troubles de la mémoire).
• Du tronc cérébral: ils réalisent fréquemment un syndrome
alterne; paralysie directe des nerfs crâniens et hémiplégie sensitivo-
motrice croisée.
– Bulbaire: le plus fréquent est le syndrome de Wallenberg par
infarctus de la fossette latérale du bulbe (V, IX, X, XI, paralysie
de l’hémivoile et de l’hémipharynx, syndromes cérébelleux
et vestibulaire, Claude-Bernard-Horner homolatéraux; perte de
la sensibilité à la température et à la douleur contralatérale).
– Pontique:
. latéral inférieur: paralysie directe de la latéralité du regard et
du VII, paralysie croisée sensitivo-motrice respectant la face
(syndrome de Millard-Gubler ou syndrome de Foville inférieur);
. le locked-in syndrome ou syndrome de déafférentation pontopédonculaire:
infarctus bilatéral massif médian du pont donnant
une tétraplégie, une double paralysie faciale périphérique,
une ophtalmoplégie totale par atteinte des bandelettes longitudinales
postérieures.
Ces patients paraissent dans le coma, en
fait ils sont parfaitement conscients et le seul geste moteur qui
leur reste (grâce auquel on peut communiquer avec eux) est
l’élévation des paupières toujours (car il s’agit du seul geste
strictement pédonculaire) et parfois des yeux.
– Mésencéphalique :
. paralysie directe du III, hémiplégie croisée affectant la face
(syndrome de Weber) ;
. paralysie directe du III, syndrome cérébelleux croisé (syndrome
de Claude).
• Du cervelet : cliniquement ils sont indistinguables d’une
hémorragie cérébelleuse ; céphalée, vertige rotatoire,
vomissement, dysarthrie, impossibilité de se tenir debout ou de marcher, auxquels peuvent s’associer des signes de
compression du tronc cérébral avec troubles de la vigilance
et paralysie du VI.
4- Orientation vers tel ou tel mécanisme :
Cliniquement rien ne permet de formellement distinguer un
accident ischémique par embolie cérébrale ou par thrombose
artérielle.
Par contre les lacunes ont un tableau particulier par le fait qu’il
s’agit le plus souvent d’accidents se manifestant par un signe isolé,
mais cela est loin d’être une règle absolue.
On distingue 4 grands
syndromes lacunaires: les lacunes sont des petits infarctus profonds
situés dans le territoire de petites artères de moins de 300
mm de diamètre dont la cause est inconnue.
Ils sont si petits qu’ils
n’affectent le plus souvent qu’une voie anatomique, pyramidale
ou sensitive.
Ils siègent principalement dans la profondeur de la
substance blanche ou dans les noyaux gris centraux: noyaux caudés,
lenticulaires, thalamus, centre semi-ovale, couronne rayonnante,
capsules internes et externes, tronc cérébral, en particulier
le pont.
La sensibilité de ces signes cliniques pour détecter de petites
lésions est bonne.
En revanche leur spécificité est mauvaise car
les mêmes signes cliniques peuvent parfois révéler un petit hématome
ou un infarctus non lacunaire par occlusion athéroscléreuse
ou embolique d’une artère perforante voire du premier segment
(M1) de l’artère cérébrale moyenne.
L’association de ces signes
cliniques à des critères scanographiques ou d’imagerie par résonance magnétique
( IRM ) (infarctus < 15 mm de diamètre)
et à des critères morpho-étiologiques comme l’absence
de sténose carotide homolatérale et l’absence de source cardiaque
d’embolie, permet d’obtenir une très grande sensibilité et spécificité
pour le diagnostic d’infarctus lacunaire par occlusion artériolaire.
5- Au terme de l’examen neurologique, il faut :
• Rechercher une cardiologie emboligène: antécédents rhumatismaux,
existence d’un souffle valvulaire, d’une douleur thoracique,
de palpitations, régularité ou non du rythme cardiaque.
• Ausculter soigneusement les vaisseaux du cou à la recherche
d’un souffle.
• Rechercher un antécédent d’hypertension artérielle et prendre
la pression artérielle aux 2 bras.
• Prendre la température.
B - Place des examens ultrasonores
et de l’imagerie
dans les accidents ischémiques constitués
:
Au terme de l’examen neurologique, ayant établi avec précision
l’heure de survenue de l’infarctus, le mode et les circonstances
d’installation, la topographie présumée de l’infarctus, l’intensité
du déficit neurologique et le niveau de vigilance, et apprécier son
évolution, l’état artériel et cardiaque, des examens complémentaires
sont ensuite nécessaires immédiatement.
1- Électrocardiogramme :
Il recherche une fibrillation auriculaire ou des signes d’ischémie
myocardique.
Dans cette optique, on prélève systématiquement
des enzymes cardiaques, dosage à répéter ultérieurement.
2- Scanner cérébral sans injection
de produit de contraste :
C’est l’étape suivante et obligatoire du diagnostic d’un accident
vasculaire cérébral (nature ischémique ou hémorragique,
topographie, éventuellement cause de l’accident,
conduite à tenir).
Si le scanner ne peut être obtenu sur place
en urgence, le patient doit être transféré aussitôt dans un
service susceptible de l’obtenir immédiatement.
• Sémiologie :
– l’infarctus apparaît alors soit isodense, soit hypodense
(l’hypodensité n’apparaît qu’après un délai minimum de
3 à 4 heures et parfois seulement après quelques jours).
Le
scanner cérébral en urgence est ainsi souvent normal.
Cette
normalité exclut l’hémorragie et constitue un argument
indirect en faveur de l’ischémie ;
– l’hypodensité au début est une simple atténuation de la
densité normale du parenchyme avec des bords flous,
ensuite elle s’accentue pour atteindre la densité du liquide
céphalorachidien en même temps que ses bords deviennent
nets ;
– son siège est cortico-sous-cortical respectant les limites
d’un territoire artériel ;
– l’effet de masse, lié à l’oedème, n’est pas obligatoire
(25 à 70 % des cas) ; il peut apparaître dès la 3e heure, mais
le plus souvent entre la 12e et la 48e heure ; il se traduit par
un refoulement des structures adjacentes, notamment les
ventricules qui peuvent être effacés ;
– les pièges à éviter sont de prendre :
. une hypodensité d’origine tumorale pour un accident
ischémique constitué (la topographie non cortico-sous-corticale
et les limites ne respectant pas un territoire vasculaire)
; scanner après injection de produit de contraste ou
IRM;
. une hypodensité d’accident ischémique constitué ancien
pour un accident récent ;
– l’infarctus hémorragique se traduit par une hyperdensité
hétérogène, des limites floues, prenant un aspect « gyriforme
» (suivant les contours sous-corticaux des sillons) ou
« en motte » et un oedème périlésionnel important ; il doit
faire rechercher en premier lieu une cause embolique ;
– une hyperdensité spontanée de l’artère sylvienne peut
parfois être constatée dans la vallée sylvienne : elle est le
signe direct d’un thrombus occlusif de l’artère sylvienne.
• Topographie :
– il est généralement facile de reconnaître des infarctus
massifs du territoire des artères sylviennes, cérébrales postérieures
et cérébrales antérieures ;
– en revanche, les petits infarctus, les infarctus du tronc
cérébral, et les lacunes ne sont fréquemment pas vus, pour
des raisons d’épaisseur de coupe du scanner et de résolution
spatiale de l’appareil.
L’imagerie par résonance magnétique
cérébrale permet souvent dans ces cas de préciser la topographie
de la lésion ;
– certains infarctus du cervelet se traduisent radiologiquement
par l’effacement du IVe ventricule et une dilatation des ventricules sus-tentoriels, avec pour conséquence une hypertension
intracrânienne aiguë.
Ces infarctus nécessitent une intervention
chirurgicale d’urgence.
3- Imagerie par résonance magnétique de diffusion :
C’est une nouvelle technique permettant d’imager la zone de
souffrance cérébrale dès les toutes premières heures, ce qui l’a
fait comparer à l’électrocardiogramme à la phase aiguë de l’infarctus
du myocarde qui montre un courant de lésion dans le territoire
de souffrance myocardique: l’IRM de diffusion va devenir
dès qu’elle sera largement répandue la technique
indispensable au diagnostic et au traitement de l’infarctus cérébral
à la phase aiguë, au même titre que l’électrocardiogramme
pour l’infarctus du myocarde.
4- Examen ultrasonore en urgence :
Doppler cervical, Doppler transcrânien, échographie des artères
cervicales recherchent une sténose hémodynamiquement significative
(supérieure à 75 %).
5- Angiographie par résonance magnétique (ARM) :
Dans un deuxième temps, elle permet d’identifier une sténose
serrée de l’origine de l’artère carotide interne et dans certaines
conditions une sténose plus distale ou de l’artère sylvienne (mais
les artéfacts techniques sont encore nombreux en intracrânien);
elle montre le polygone de Willis et les anastomoses existantes;
elle est aussi désormais l’examen de référence, couplée à l’imagerie
par résonance magnétiqueen coupes axiales, pour la détection
d’une dissection carotide.
La nouvelle technique d’ARM
en T1 avec injection de gadolinium permettra en moins de 6
secondes d’obtenir des images de qualité voisine de l’angiographie
conventionnelle de tout l’arbre artériel cérébral.
6- Échographie cardiaque :
Faite en l’absence de cause évidente, elle recherche notamment
un thrombus intracavitaire, des végétations d’endocardite, etc.).
Elle est réalisée par voie transoesophagienne (ETO).
L’échographie transthoracique seule n’a pas d’intérêt étiologique en
matière d’infarctus cérébral.
La place de l’échographie transoesophagienne
reste floue, en attendant les résultats des études
actuellement en cours, car, en dehors d’un exceptionnel thrombus
intracavitaire, elle ne montre que des lésions qui, en 1998,
ne modifient pas l’attitude thérapeutique (athérome aortique,
anomalies du septum interauriculaire).
7- Angiographie cérébrale par voie fémorale :
Méthode invasive (morbidité de 1 %), elle ne sera proposée que
lorsqu’il y a discordance entre les résultats de l’examen ultrasonore
et l’angiographie par résonance magnétique (ce qui se produit
dans moins de 20 % des cas), ou lorsque l’on ne dispose pas
de l’angiographie par résonance magnétique et uniquement
lorsque l’on envisage une endartérectomie qui ne pourra se faire
qu’au-delà d’un mois après avoir vérifié que la lésion est «cicatrisée
», c’est-à-dire ne prend plus le contraste au scanner après
injection d’iode.
La seule exception est l’infarctus du sujet jeune
où l’artériographie est précocement demandée en l’absence de
cause évidente.
8- Autres examens
:
Des hémocultures sont réalisées en cas de fièvre.
La ponction
lombaire peut être dangereuse, notamment en cas d’infarctus cérébelleux ou hémisphérique très oedémateux, mais est
parfois utile en cas d’infarctus cérébral inexpliqué.
Évolution et pronostic
:
A - Évolution
d’un accident ischémique constitué :
1- Au plan clinique :
• Dans les accidents majeurs (par exemple l’infarctus sylvien
total), l’oedème cérébral est responsable d’une aggravation
secondaire de la vigilance et de signes d’engagement; le
décès est fréquent, conséquence de l’engagement (compression
du tronc cérébral) ou de complications de décubitus
(embolie pulmonaire, pneumopathie de déglutition); si le
malade ne meurt pas, la récupération sera nulle ou très lente,
et le handicap fonctionnel restera très lourd, et au pire il restera
grabataire.
• Dans les accidents mineurs (infarctus sylvien partiel,
lacune…), l’évolution peut se faire vers une récupération
complète en quelques jours (accident ischémique rapidement
régressif); ou vers la persistance de séquelles plus ou moins
importantes.
• À distance, un syndrome dépressif survient dans 15 à 20%
des cas.
• Des crises d’épilepsie surviennent dans 5 à 10 % des cas.
2- Au plan radiologique :
• L’effet de masse atteint son maximum au cours de la première
semaine pour disparaître vers la 4e semaine.
• À partir de quelques jours, et pendant plusieurs semaines,
l’injection de produit iodé entraîne une prise de contraste dans
le territoire infarci de façon homogène.
• Ensuite l’hypodensité peut disparaître, ou plus souvent rester
définitive; il se crée une atrophie, avec radiologiquement
élargissement des sillons à la convexité et une dilatation ventriculaire,
en regard du territoire nécrosé.
B - Pronostic :
1- Mortalité :
• Environ un tiers des infarctus cérébraux meurent dans le
premier mois, la moitié dans les 6 premiers mois, et deux tiers
dans les 5 ans.
• La mortalité immédiate est presque exclusivement liée à l’infarctus
cérébral et à ses complications thrombo-emboliques
(phlébite et embolie pulmonaire) et infectieuses (pneumopathie
de déglutition).
• La mortalité tardive est liée soit à un nouvel accident vasculaire
cérébral, soit à un accident cardiaque +++ (25 à 50 % des
cas).
• Pour les accidents vasculaires cérébraux, 3 éléments influent
surtout sur le pronostic vital: l’altération de la conscience(le
coma initial est de très mauvais pronostic)l’âge( la survie à 6
mois passe de 65 % avant
75 ans à 33 % après 85 ans) la rapidité d’installation et la massivité
d’un déficit hémiplégique.
2- Pronostic fonctionnel :
• Les prédicteurs d’un déficit fonctionnel résiduels sont :
l’âge plus élevé ; la présence d’un déficit moteur du membre
inférieur ; une déviation du regard ; des troubles de la vigilance
; une incontinence urinaire ; la topographie hémisphérique
de l’accident vasculaire cérébral et son étendue ; la
nature ischémique de l’accident vasculaire cérébral ; l’existence
d’un antécédent d’accident vasculaire cérébral (1/4 des
cas) ; la précocité de la récupération (plus elle est tardive, plus
le déficit fonctionnel sera sévère) ; radiologiques : la précocité
et l’importance d’une hypodensité et de l’effet de masse
au scanner sont des facteurs prédictifs d’un infarctus important
et étendu.
• Quinze pour cent des malades ne garderont pas de
séquelle, 37 % des séquelles discrètes, 16 % modérées.
• Un tiers des malades gardent un déficit neurologique ou
neuropsychologique sévère ou très sévère.
3- Pronostic à plus long terme :
• Il est lié à l’âge, à l’hypertension artérielle (qui multiplie
par 6 le risque de récidive) et aux autres complications de la
maladie athéroscléreuse.
• Au plan social , les indicateurs favorables pour le retour à
domicile sont : la vie avec un conjoint, l’indépendance dans
la vie quotidienne, des contacts sociaux fréquents avant l’accident
vasculaire cérébral, une incapacité modérée ; la contribution
de la famille est primordiale pour le maintien à domicile
; la reprise professionnelle dépend de l’âge, de l’état
fonctionnel à l’admission, de la présence d’une aphasie, et
de la profession exercée avant l’accident vasculaire cérébral
(les professions manuelles présentent plus de difficultés lors
de la reprise).
Traitement
:
A - Démarche diagnostique :
Devant des symptômes d’infarctus cérébral, il faut transporter
d’urgence le patient dans un hôpital équipé pour recevoir
ce type de pathologie, assurer la liberté des voies
aériennes, la respiration, l’état hémodynamique, prévenir
durant le transport qu’un scanner urgent est nécessaire à l’arrivée,
et faire un examen neurologique qui doit établir avec
précision (cet examen ne prend que quelques minutes) :
l’heure de survenue des premiers symptômes (si le déficit
neurologique a été constaté au réveil, on considère l’heure
du coucher comme heure de survenue et non pas l’heure du
lever) ; le mode et les circonstances d’installation ; la topographie
présumée de la lésion (côté ; circulation antérieure
versus postérieure ; cortical versus profond ; éventuellement
territoire artériel présumé) ; l’intensité du déficit neurologique
et niveau de vigilance, et apprécier son évolution
(régression spontanée, stabilité ou aggravation) et la présence
de signes de gravité ; l’état artériel et cardiaque : rechercher
une cardiopathie emboligène : antécédents rhumastismaux,
existence d’un souffle valvulaire, d’une douleur
thoracique, de palpitations, régularité ou non du rythme cardiaque, ausculter soigneusement les vaisseaux du cou à la
recherche d’un souffle, rechercher un antécédent d’hypertension
artérielle et prendre la tension aux 2 bras, prendre la
température.
L’examen neurologique doit être complété par : un scanner
cérébral sans injection, un électrocardiogramme, un examen
ultrasonore des artères cérébrales ; une numération globulaire,
taux de prothrombine, temps de céphaline activé
(TCA), ionogramme sanguin, créatinine, glycémie, une
radiographie thoracique ; dans certains cas gaz du sang.
B - Démarche thérapeutique :
Au terme de ces examens, il est habituellement possible de
poser un diagnostic topographique de la lésion, de suspecter
un mécanisme vasculaire, de porter un diagnostic étiologique
afin de définir une attitude thérapeutique.
En urgence, celle-ci dépendra du temps écoulé depuis les premiers
symptômes (< ou > 3 heures), de la présence de troubles
de la vigilance, de l’intensité du déficit neurologique, de la
présence et de l’étendue de signes précoces d’ischémie au
scanner.
Ces critères sont susceptibles de changer dans les
prochaines années avec l’apparition de nouvelles techniques
telles que l’IRM de diffusion et les résultats des essais en
cours .
Ainsi lorsque le déficit moteur est sévère et stable, sans trouble
de la vigilance, installé depuis moins de 3 heures, en l’absence
de signes précoces trop étendus d’ischémie cérébrale
au scanner, un traitement hyper-urgent peut être envisagé dans
un service spécialisé en neurologie vasculaire afin d’éviter
ou de limiter l’étendue de l’infarctus cérébral (la thrombolyse
par le rt-PA est utilisée aux États-Unis depuis juin 1996 si les 6 conditions
ci-dessus sont réunies mais n’a pas encore l’autorisation de mise
sur le marché dans cette indication en France en 1998);
– dans tous les autres cas (patient ayant des troubles de la vigilance,
ou au contraire un déficit neurologique modéré ou
incomplet, ou arrivé au-delà de la 3e heure), l’admission dans
un service spécialisé (unité de soins intensifs neurovasculaires)
permet de réduire de 30 % la mortalité hospitalière et la durée
moyenne de séjour grâce essentiellement à des soins de nursing
adaptés, à la prévention des phlébothromboses et des complications
des troubles de la déglutition, à une rééducation précoce.
En cas d’accident majeur , surtout ne pas nuire, seul un traitement
symptomatique s’impose.
1- Traitement général :
Il associe le maintien d’une bonne hydratation, d’une pression
artérielle suffisante (il faut à la phase aiguë éviter toute
baisse de la pression artérielle qui retentirait sur le territoire
infarci, aggravant l’ischémie), des apports caloriques
suffisants en pratiquant une gastrostomie percutanée en cas
de troubles persistants de la déglutition, la prescription d’
héparine de bas poids moléculaire à faible dose en prévention
des thromboses veineuses, kinésithérapie avec
mobilisation passive des articulations, prévention des attitudes
vicieuses, puis mise précoce au fauteuil, traitement
des pneumopathies de déglutition par pénicilline (20 millions intraveineux/j) et Flagyl (3flacons d’unités en intraveineux
/j), traitement d’un diabète.
2- Traitement local :
Les anti-oedémateux sont déconseillés (le Mannitol car il
n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans cette indication,
les corticoïdes en raison de leur inefficacité et des
complications morbides
– infectieuses pulmonaires et urinaires
– dont ils sont la cause dans cette indication), on évitera
simplement de mettre du chlorure de sodium dans la
perfusion ; les inhibiteurs calciques n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité à la période aiguë de l’infarctus cérébral,
ils sont même délétères par voie veineuse ; les neuroprotecteurs,
vasodilatateurs et oxygénateurs cérébraux n’ont
pas fait la preuve de leur efficacité ; les vasodilatateurs sont
susceptibles de créer un hémo-détournement au profit des
territoires sains au détrimet de la zone ischémiée.
3- Traitement antithrombotique :
Il n’est pas prouvé que les anticoagulants à dose efficace
diminuent la mortalité et améliorent la récupération.
Au
cas par cas, leur utilisation peut être envisagée dans certaines
indications après avoir mis en balance le bénéfice
attendu du traitement et le risque hémorragique qui est de
5 % en moyenne, en l’absence de contre-indication (pas de
trouble de la conscience, d’un infarctus de grande taille,
d’hypertension artérielle non contrôlée, d’hémorragie au
scanner) : prévention des récidives d’embolies en cas de
cardiopathie emboligène sévère (valvulaires et infarctus du
myocarde avec thrombus mural) en respectant un délai d’au
moins 48 heures après la constitution de l’infarctus, ou certaies
dissections des artères cérébrales, ou encore certains
accidents en évolution.
Des études sont en cours pour
mieux cerner ces indications.
Dans tous les cas l’aspirine
160 ou 300 mg/j reste le traitement de base à la phase aiguë.
C - Prévention secondaire :
Optimisation du traitement des facteurs de risque vasculaire
en particulier de l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie,
arrêt de l’intoxication tabagique, exercice
physique régulier, perte de poids.
Traitement anticoagulant par antivitamines K en cas de
cardiopathie emboligène (fibrillation auriculaire, prothèse
valvulaire mécanique, valvulopathie rhumatismale, cardiomyopathie
non obstructive, thrombus intracardiaque).
Traitement antiagrégeant plaquettaire (aspirine, ticlopidine,
dipyridamole, association aspirine-dipyridamole,
clopidogrel) en cas d’accident ischémique cérébral lié à
l’athérosclérose.
Endartérectomie en cas de sténose symptomatique O
70% de l’origine de l’artère carotide interne ipsilatérale à
l’infarctus, mais pas avant 4 à 6 semaines après la constitution
de l’infarctus.
Traitement spécifique des autres causes : thrombocythémie
(antiplaquettaire et chimiothérapie), polyglobulie (saignée),
etc.