Atrésie des voies biliaires Traitement chirurgical Cours de Chirurgie
Introduction
:
L’atrésie des voies biliaires (AVB) est une anomalie de l’ensemble de
l’appareil biliaire observée chez le jeune nourrisson et dont
l’évolution spontanée se fait rapidement vers une cholestase
complète et une cirrhose biliaire irréversible.
C’est une des causes
les plus fréquentes de cholestase néonatale.
La fréquence de
l’affection en France métropolitaine est estimée à 5,12 cas pour
100 000 naissances vivantes.
Sa cause est, à ce jour, inconnue.
Deux étapes principales ont marqué les progrès du traitement
chirurgical de l’AVB : la première est l’opération de Kasai,
commencée en Europe dès 1969 et la deuxième, le recours à la
transplantation hépatique (TH) effectuée d’abord par Starzl pour
cette indication.
Les résultats de la chirurgie réparatrice sont
inconstants et parfois seulement transitoires.
Dans le meilleur des
cas, une récidive tardive de la cholestase avec le développement
d’une cirrhose biliaire reste une menace qui pèse sur l’avenir à très
long terme de ces malades
Ainsi, c’est l’AVB qui constitue à
l’heure actuelle la principale indication de la TH pédiatrique, et
parfois aussi beaucoup plus tard, chez dez adultes dont l’opération
de Kasai faite au cours de la première enfance avait semblé être un
succès.
Données générales
:
ÉTIOLOGIE. FORMES ANATOMIQUES
:
L’origine de l’anomalie est inconnue.
Il ne semble pas s’agir d’un
défaut de développement des voies biliaires, mais plutôt de leur
atteinte secondaire au cours de la vie foetale.
La dénomination
d’« atrésie » est d’ailleurs mal adaptée puisque la lésion ne se limite
pas à une solution de continuité accompagnée d’une dilatation canalaire en amont, comme dans une atrésie du tube digestif, mais qu’elle est diffuse, atteignant aussi les voies biliaires intrahépatiques
(VBIH), et de manière non systématisée1.
Il faut en tout cas admettre
qu’il s’agit dans tous les cas d’une atteinte anténatale du système
biliaire, même si dans de rares cas, les selles ne sont pas
complètement décolorées les premiers jours de vie.
Le diagnostic
par échographie avant la naissance en reste cependant exceptionnel,
seules les formes comportant un petit kyste hilaire pouvant être
suspectées.
De multiples hypothèses pathogéniques ont été évoquées, sans
qu’aucune n’ait encore été considérée comme une référence
parfaitement fiable.
Le rôle éventuel d’un virus a été recherché depuis fort longtemps.
Deux virus, le réovirus et le rotavirus, ont été considérés comme des
facteurs à l’origine de la lésion par un mécanisme immunitaire
faisant intervenir un néoantigène fixé sur l’épithélium biliaire.
L’association d’une AVB avec le cytomégalovirus, ou le virus
d’Epstein-Barr, ou encore le papillomavirus humain a été rapportée,
alors qu’il n’a pas été trouvé d’association avec les virus de l’hépatite
A, B ou C.
Le réovirus de type 3 provoque chez la souris un état de
cholangite qui ressemble à l’AVB, et pourrait être responsable
d’atrésie biliaire chez le singe.
Le rotavirus de type A peut
provoquer une obstruction ressemblant à l’AVB chez la souris ;
les effets délétères de cette infection peuvent aussi être prévenus par
l’interféron alpha.
L’origine génétique a aussi été évoquée, du fait de rares cas
familiaux, alors qu’il existe pourtant des observations discordantes
de cas survenant chez un seul de deux jumeaux homozygotes.
Une
variation raciale a aussi été observée dans des études faites chez des
populations multiraciales, notamment à Hawaï.
Dans un nombre non négligeable de cas, il faut cependant admettre
le rôle éventuel d’un facteur tératogène, ou tout au moins des
circonstances favorisantes.
S’il est en effet rare de voir associées à
l’AVB des malformations congénitales, il arrive que des anomalies
spécifiques intra-abdominales (regroupées sous la dénomination de
« syndrome de polysplénie »), soient retrouvées en association à
l’AVB avec une fréquence estimée aux alentours de 10 %.
Le
syndrome complet associe aux plus ou moins nombreuses petites
rates, une veine porte en situation préduodénale, un situs inversus
partiel ou complet, l’absence totale ou partielle de veine cave
rétrohépatique, avec un retour cave par le système azygos, un
drainage sus-hépatique du foie directement dans l’oreillette droite,
et une disposition intestinale en mésentère commun.
À côté de cette association rare, il faut savoir que la description des
formes anatomiques de l’AVB a été l’objet de classifications diverses,
et notamment de la part des auteurs japonais.
Ces dernières sont
fort complexes et à notre avis sans grande portée pratique.
Il faut
bien voir qu’il ne s’agit pas de lésions systématisées et qu’à ce titre,
nous pensons qu’il est sage de s’en tenir à une classification générale
se limitant aux différences nettes qui peuvent être effectivement
observées d’un cas à l’autre. Ainsi, il y a lieu de distinguer :
– type 1 : l’atrésie complète, où la « voie biliaire » que l’on voit
(extrahépatique) lors de la dissection est remplacée par un tissu
fibreux plus ou moins individualisé.
La vésicule, souvent enfouie
dans sa fossette, est très petite, blanchâtre, avec une paroi épaisse,
ou avec un contenu minime de quelques millimètres cubes de
liquide incolore, ou plus souvent à cavité virtuelle, sans aucun
contenu.
Le reste de la voie biliaire est constitué d’éléments fibreux,
parfois difficiles à distinguer de simples lymphatiques, avec par
place des zones plus épaisses.
Au niveau de la plaque hilaire, là où
l’on doit faire porter la réparation, on ne voit à la section que ce
tissu blanchâtre, fibreux, au sein duquel il arrive assez rarement que
l’on puisse distinguer à la loupe une ou deux taches verdâtres
correspondant à un « thrombus biliaire ».
L’étude histologique
postopératoire de ce « reliquat fibreux » renseigne sur l’existence
éventuelle à cet endroit de canaux microscopiques, mesurant
quelques dizaines ou centaines de microns de diamètre ;
– type 2 : l’atrésie qui a respecté la voie biliaire accessoire, avec une
perméabilité continue de la vésicule jusqu’au duodénum.
Dans ce
cas, l’aspect opératoire des reliquats des canaux hépatiques est
semblable à ce qui est observé dans le cas précédent ;
– type 3 : l’atrésie du segment distal de la voie biliaire, où la vésicule
est intacte, contient de la bile, et apparaît reliée au système intrahépatique, souvent par l’intermédiaire d’un petit kyste soushilaire
; toute le reste de la voie biliaire extrahépatique (VBEH) est le
siège des lésions d’atrésie ;
– type 4 : l’atrésie avec un kyste sous-hilaire.
Il s’agit de ces formes
autrefois considérées comme les seules curables, puisque le plus
souvent, on peut y mettre en évidence une communication entre la
formation kystique et les VBIH, permettant d’y raccorder sans peine
le tube digestif.
Le kyste, de volume variable, de quelques
millimètres cubes, à 1 ou 2cm3, est visible en soulevant la lèvre
antérieure du hile, émergeant en totalité ou seulement en partie du
parenchyme hépatique.
Cette formation, qui résulte
vraisemblablement d’une extravasation locale de bile au moment du
développement de l’atrésie avec le développement secondaire d’une
paroi non épithélialisée, contient de la bile verte ou jaune, avec
parfois quelques concrétions noirâtres.
Ce sont ces formes, dont
l’image du kyste est visible en échographie, où le diagnostic d’AVB
peut être suspecté avant la naissance.
Il arrive aussi que le contenu
de ces « kystes » ne soit que du liquide incolore, du fait de la
disparition de la communication avec le système intrahépatique et
ce type est à rapprocher de l’atrésie complète.
L’état anatomique des VBIH est particulier aussi, comme si la lésion
visible sous le foie n’était que le reflet de l’ensemble de l’arbre
biliaire.
Le plus souvent, du fait qu’aucune opacification rétrograde
n’est possible en l’absence de canal ou de cavité accessible à une
ponction, aucune information ne sera apportée lors de l’opération ;
l’échographie préopératoire n’aura d’ailleurs pas permis de les
visualiser, hormis le cas du kyste, ou de la vésicule encore
perméable.
Les VBIH sont cependant présentes au moins à l’échelle
microscopique, comme le montre la biopsie peropératoire en
périphérie du foie, et l’image est tout à fait différente du syndrome
d’hypoplasie ductulaire (syndrome d’Alagille).
Un cas particulier est celui des formes avec kyste sous-hilaire :
l’opacification intrahépatique obtenue parfois par une injection sous
pression du kyste peut mettre en évidence un réseau divergent de
traînées opaques, à bords souvent peu nets, s’élargissant sous forme
de petites flaques opaques.
Cet aspect peut correspondre en
partie au passage du produit dans des voies biliaires parahilaires
pathologiques plus ou moins perméables, mais aussi et surtout à
une extravasation du produit le long des travées interlobulaires.
Lors de l’évolution ultérieure, et pas seulement lorsque l’opération
n’a pas donné de résultat sur la reprise de la cholérèse, il arrive que
l’on voit apparaître à l’échographie des images kystiques
intrahépatiques, souvent importantes et nombreuses, et dont le
contenu biliaire témoigne de la rétention intrahépatique et de son
extravasation dans le parenchyme avoisinant.
Les cholangiograhies
transhépatiques tardives qui ont été faites plusieurs années après
l’opération n’ont jamais objectivé des images normales des VBIH.
Quand on réussit à les opacifier, elles apparaissent fines, moniliformes, irrégulières, en partie masquées par des flaques
d’extravasation du produit de contraste dans le parenchyme et les structures avoisinantes (veines, lymphatiques).
Le rôle de
ces lymphatiques dans la réapparition de l’excrétion biliaire vers le
montage digestif réalisé lors de l’opération de Kasai est certainement
loin d’être négligeable.
On peut rappeler à ce sujet qu’une très
ancienne opération, celle de Sterling, reposait sur la mise en place
dans le parenchyme d’un système de drainage lymphatique, à base
de tubes métalliques...
Éléments diagnostiques
et âge à l’intervention
:
L’AVB est la principale cause de cholestase « chirurgicale » chez le
nourrisson.
Son diagnostic repose sur la sagacité clinique du
pédiatre : un nourrisson né à terme, apparemment normal,
développe très tôt, parfois dès les premiers jours, un ictère qui
persiste et s’accompagne dès le début de selles complètement
décolorées, d’aspect « mastic ».
En dehors de l’échographie, il n’y a
pas d’examen complémentaire spécifique de l’AVB.
Alors que toutes
les investigations spécifiques d’autres causes d’ictère du nourrisson
sont négatives, l’échographie apporte un argument de poids en ne
permettant pas, même après plusieurs examens, de mettre en
évidence une image vésiculaire.
Il existe même des signes
échographiques directs, avec l’image d’une zone triangulaire hypoéchogène dans le hile, dont la topographie pourrait aussi être
retrouvée à l’imagerie par résonance magnétique.
Une notion fondamentale : connaissant le fait que les risques
importants d’échec des tentatives de réparation sont d’autant plus
grands que l’enfant est opéré plus tard2, il importe que l’intervention
soit programmée dès que l’on suspecte ce diagnostic.
La fibrose intrahépatique qui accompagne toujours cette cholestase devient de
plus en plus importante à partir du premier mois, pour transformer
le foie en un gros bloc fibreux et verdâtre dès le quatrième ou
cinquième mois, en même temps que se développent et menacent
une hypertension portale et une ascite.
Ces conditions peuvent
rendre alors illusoire la tentative de réparation chirurgicale.
On doit
cependant reconnaître qu’un bon nombre d’enfants opérés après les
2 ou 3 premiers mois ont été nettement améliorés.
Les
chirurgiens du King’s College à Londres considèrent d’ailleurs que
la relation de la « survie avec l’âge de l’opération n’est pas si simple
et n’est pas linéaire ».
Ainsi peut se poser la question de la décision thérapeutique pour
un enfant dont le diagnostic serait fait tardivement, et par exemple
après l’âge de 4 mois : faut-il tenter l’opération de Kasai, ou doit-on
d’emblée envisager dès que possible une TH ?
Si son état
nutritionnel est encore correct, il y a certainement lieu de procéder à
ce traitement dit « conservateur ».
La pénurie chronique d’organes qui rendrait très faibles ses possibilités de bénéficier d’une TH dans
un délai raisonnable est un argument supplémentaire pour tenter le Kasai.
Principes de la réparation chirurgicale :
opération de Kasai et ses limites
Pendant longtemps, seules étaient considérées comme « curables »
ces formes d’AVB avec kyste biliaire au niveau du hile, ce dernier
permettant de faire une véritable anastomose biliodigestive sur une
anse montée en Y.
Dans les autres cas, de loin les plus fréquents, la
chirurgie se limitait à une simple exploration, ou encore à des
tentatives de drainage de la bile intrahépatique par l’interposition
de prothèses entre le foie et le tube digestif.
C’est en 1954 que Kasai eut l’idée de réséquer le reliquat fibreux de
la voie biliaire principale, avec le but d’ouvrir ainsi la lumière de
canalicules biliaires qui pourraient encore être perméables et
fonctionnels au niveau du hile.
C’est cette intervention qui porte
le nom d’ « hépato-porto-entérostomie » (HPE) (ou selon les cas,
celui d’ « hépato-porto-cholécystostomie » [HPC]) parce que le
raccordement de ces canalicules au tube digestif (ou à la voie biliaire
accessoire, si elle est intacte), n’est possible que par une suture au
pourtour de la tranche de section de la plaque hilaire où se trouvent
ces canaux, en appuyant les points sur le parenchyme hépatique en
avant, et sur la capsule du hile en arrière.
Ce montage particulier,
qui est plutôt un ventousage qu’une anastomose au sens chirurgical
du terme, est en réalité le seul qui permette de rétablir un flux
biliaire chez ces enfants.
Et plutôt qu’une réparation stricto sensu de l’anomalie, on devrait
plutôt évoquer une dérivation palliative de la bile, puisqu’il n’est
pas possible de rétablir une anatomie normale chez ces enfants.
Par ailleurs, lorsque le montage devient fonctionnel et que la preuve
en est apportée par la recoloration des selles, la chute du taux de
bilirubine et la disparition progressive de l’ictère, il importe de
signaler qu’ il y a alors un risque de voir s’installer un état infectieux
sévère en rapport avec une « cholangite ».
Un point qui ne doit pas être perdu de vue au cours de
l’intervention est la notion que certains de ces enfants risquent
malheureusement d’être exposés tôt ou tard à l’obligation de subir
une TH, et donc une hépatectomie.
Il faut donc penser à cette
chirurgie future, en limitant dans la dissection ce qui peut être
source d’adhérences, d’accolements vasculaires et digestifs
anormaux qui ne feraient qu’ajouter des risques à la réalisation de
la greffe hépatique.
Malgré l’indiscutable progrès apporté par l’opération de Kasai, les
effets de celle-ci sont en effet inconstants et bien souvent
temporaires.
Même si les résultats précoces peuvent sembler encourageants avec
un taux de reprise de la cholérèse de 80 %, tout au moins pour ceux
qui ont été opérés avant 6 semaines de vie, la proportion d’enfants
classés « bons résultats » après l’intervention diminue au fil des
années3.
Kasai, de son côté, fait état d’une proportion relativement
importante de sujets anictériques parmi les survivants de plus de
10 ans, mais admet aussi que les effets de la réparation sont
aléatoires si l’enfant est opéré après l’âge de 2 mois.
Dans les facteurs de gravité, il y a la fibrose hépatique, constante et
persistante malgré la reprise de la cholérèse, et dont la conséquence
la plus menaçante est l’hypertension portale.
L’évolution cirrhogène
est plus ou moins inéluctable, même lorsqu’il n’y a pas eu de
cholangites (comme après une HPC, par exemple).
À cet effet de la
cirrhose, il faut ajouter les shunts pulmonaires artérioveineux,
complications des lésions hépatiques et aussi de l’hypertension
portale elle-même, avant ou après dérivation.
La cause pourrait en
être la libération de substances vasoactives libérées de l’intestin et
non éliminées du fait des shunts portosystémiques.
Outre des
complications cardiopulmonaires, cette complication expose aussi à
la mort subite.
Toutes ces raisons sont l’explication du taux important d’AVB dans
les indications de TH pédiatrique : en 2000, en France, 32 greffes
pour AVB ont été faites, dont trois chez l’adulte, pour un total de
813 greffes hépatiques, dont 82 chez l’enfant4.
Intervention de Kasai
:
A -
INFORMATION DES PARENTS :
À côté de la nécessité habituelle de fournir aux parents de l’enfant
une information complète sur la nature de l’opération, les résultats
que l’on peut en attendre et ses complications éventuelles, il faut
insister avec eux sur les particularités du principe de l’opération de
Kasai et le caractère aléatoire des résultats.
En rappelant qu’un tel
entretien ne peut être mené que par une équipe rompue au
traitement de cette affection rare qu’est l’AVB, voici quelles sont les
informations qu’il faut savoir communiquer de manière claire à la
famille, comme d’ailleurs au médecin traitant.
– La cause de la maladie est inconnue ; elle n’aurait pas un caractère
héréditaire.
– La réparation ne donne pas une anatomie normale, mais une
dérivation palliative.
– Si l’intervention en elle-même ne comporte pas de risque vital,
c’est bien son résultat qu’il est impossible de prévoir lors de
l’entretien que l’on a immédiatement après.
– La description schématique de ce qu’est l’atrésie biliaire et de l’état
du foie est indispensable pour que les parents comprennent ensuite
qu’on ne pourra avant longtemps faire une évaluation pronostique.
– C’est surtout la couleur des selles dans les jours postopératoires
qui permet cette évaluation : d’abord blanches, témoignant de
l’évacuation du contenu colique d’avant l’opération, puis
franchement vertes et ensuite jaune d’or, autant d’éléments
permettant d’affirmer la reprise de la cholérèse.
En revanche, leur
caractère mastic persistant plusieurs jours constituerait un élément
très péjoratif.
– Le risque de fièvre postopératoire préoccupante (cholangite) doit
être signalé, tout en précisant que sa survenue témoignerait du
caractère positif du résultat, puisqu’elle ne surviendrait pas sans
reprise de la cholérèse.
– Surtout, l’éventualité d’une TH, à échéance plus ou moins
lointaine, doit impérativement être évoquée.
B - PRÉPARATION À L’INTERVENTION
:
Lorsque le diagnostic a été fait dans de bonnes conditions et sans
retard, à l’âge de quelques semaines, l’enfant est encore en bon état
général et en mesure de supporter l’intervention sans préparation
particulière.
La correction du déficit vitaminique dû à la cholestase
nécessite cependant l’apport parentéral correspondant en vitamines
liposolubles.
Un jeûne hydrique de 12 heures sans évacuation
provoquée de l’intestin assure une vacuité digestive suffisante pour
l’intervention.
Il n’est pas souhaitable d’instituer une antibiothérapie
de principe afin de ne pas masquer une éventuelle cholangite
postopératoire dont il est très important de pouvoir isoler le germe
en cause.
C - ANESTHÉSIE
:
Ne comportant pas d’halothane, c’est une association de drogues à
effet général (hypnotiques, morphiniques et curarisants) et d’une
injection péridurale de bupivacaïne.
Celle-ci permet de limiter
l’emploi des morphiniques, facilitant ainsi la reprise précoce du
transit intestinal.
La conduite de la réanimation peropératoire vise particulièrement à
prévenir la chute du débit cardiaque provoquée par l’extériorisation
du foie et la traction sur la veine cave inférieure (VCI) qu’elle
provoque.
Pour les équipes entraînées, il n’apparaît pas nécessaire
de mettre en place un cathéter central pour la surveillance de la
pression veineuse centrale.
Le remplissage vasculaire est assuré par
une solution d’albumine à 10 % à raison de 10 mg/kg.
Parmi les
recommandations communes à toute chirurgie abdominale du
nourrisson, il faut retenir surtout la lutte contre l’hypothermie, grâce
au matelas chauffant et la douceur dans les manipulations,
anesthésiques et chirurgicales.
D - INTERVENTION
:
1- Installation
:
L’enfant est installé à plat dos avec un billot de 5 cm de hauteur
placé sous la base du thorax.
Le chirurgien est placé à droite avec
un seul aide en face, et secondé d’une instrumentiste.
L’équipe
chirurgicale est assise.
2- Incision
:
L’incision est transversale, horizontale, au-dessus de l’ombilic,
atteignant de chaque côté le niveau de la dixième côte.
Cette voie
d’abord permet l’extériorisation du foie pour la dissection du
reliquat fibreux de la voie biliaire, tout en n’exposant pas
particulièrement aux complications pariétales postopératoires,
malgré la section transversale des deux muscles grands droits.
Le
ligament rond est isolé immédiatement pour la prise de la pression
portale.
3- Exploration
:
Dès l’ouverture de l’abdomen, le diagnostic est en règle évident
devant l’aspect atrophique de la vésicule.
L’état des VBEH va être
l’objet d’une exploration précise, en sachant toutefois que dans le
cas le plus fréquent (type 1), les tentatives d’opacification sont
vouées à l’échec et n’apportent donc rien aux modalités de
réparation.
Il est important de souligner que le diagnostic d’AVB
peut aujourd’hui être posé avec certitude, avant l’intervention, et
que l’époque de la laparotomie exploratrice à visée diagnostique est
révolue.
L’aspect habituel est caractéristique du fait que la vésicule est
représentée par un cordon fibreux à peine plus large que l’artère
cystique qui l’accompagne, et que, à l’emplacement de la
convergence des canaux hépatiques et du canal hépatique commun,
on ne trouve qu’un « reliquat fibreux » plus ou moins bien
individualisé.
Identifié grâce à sa position sur le flanc droit du
pédicule hépatique, il est composé de quelques travées fibreuses
longitudinales, ressemblant encore par endroits extérieurement à un
conduit ; il est inutile d’en tenter une opacification, comme d’ailleurs
par la vésicule atrophique, sous peine de voir immédiatement une
extravasation du produit de contraste.
C’est la dissection de ce
reliquat qui constitue le premier temps de la réparation.
Lorsqu’au contraire, la vésicule est intacte, ou tout au moins
présente sous forme d’une petite poche (un cas sur six environ), il
faut commencer par son opacification avant toute dissection, afin de
préciser l’intégrité de la voie accessoire avec la possibilité éventuelle
de réaliser une HPC.
La ponction est faite à l’aide d’une aiguille
épicrânienne reliée à un cathéter ; le contenu de la vésicule est
constitué de 2 à 3mL de liquide sirupeux incolore.
Au cas où son
contenu serait de couleur verte ou jaune, le diagnostic d’AVB devrait
être remis en question, sauf dans les cas où la vésicule est reliée
directement à une formation kystique sous-hépatique contenant de
la bile (type 3).
L’opacification par le cathéter, en s’aidant d’une
valve radiotransparente, afin de bien dérouler l’ensemble de la voie
biliaire, permet dans ces cas de mettre en évidence la présence d’un
canal cystique prolongé d’un cholédoque long et de calibre très fin,
laissant cependant passer très facilement le liquide opaque dans le
duodénum.
En cas de reflux dans le canal de Wirsung, la
confluence biliopancréatique apparaît en règle normale, sans canal
commun comme on peut l’observer parfois dans les dilatations
congénitales de la voie biliaire principale.
En revanche, dans ces cas d’AVB ayant respecté la voie biliaire accessoire, le produit opaque
n’atteint pas le hile du fait du caractère complet de l’obstruction à
ce niveau.
Parfois, avant toute dissection, c’est dès l’inspection de la région
hilaire que l’on voit une petite formation kystique à paroi épaisse et
verdâtre (type 4).
L’opacification par ponction peut objectiver une
communication du kyste avec des formations pseudocanalaires
intrahépatiques sous forme d’un fin chevelu divergeant du sommet
de la cavité et où il est difficile de faire la part de ce qui revient à des
canaux biliaires altérés, une extravasation parenchymateuse, et des
lymphatiques.
En règle, le bilan abdominal ne montre pas d’autres anomalies que
l’AVB.
La région splénique doit être examinée à la recherche d’une
éventuelle polysplénie ; l’intestin complètement déroulé pour
apprécier la disposition normale ou pas de ses accolements
(mésentère commun éventuel) et l’existence ou non d’un diverticule
de Meckel.
Plus rarement, on trouve la veine porte en position très
particulière, devant le duodénum, de petite taille, et associée alors
aux anomalies précédentes.
Avant l’exploration biliaire proprement dite, il faut aussi apprécier
l’état du foie : une biopsie large doit être faite en fin d’intervention.
Schématiquement, à l’inspection et à la palpation, trois aspects
peuvent être décrits selon la gravité du retentissement hépatique :
– foie lisse, encore souple et violacé ;
– encore lisse, nettement ferme, et violet verdâtre ;
– granuleux, dur, vert en surface.
Bien qu’il y ait une corrélation habituelle entre l’aspect du foie et
l’âge de l’enfant au moment de l’opération, on peut noter parfois un
aspect nettement cirrhotique dès les premières semaines de vie.
Il faut aussi mesurer la pression portale, sachant qu’elle est
augmentée dans près de deux tiers des cas dès les premiers mois,
du fait de la fibrose hépatique très précoce.
Elle atteint souvent des
chiffres de deux ou trois fois la normale.
La mesure en est aisément
effectuée en reperméabilisant le ligament rond, dès l’ouverture de
l’abdomen, pour introduire par cette voie un cathéter dans le
système porte intrahépatique.
Outre la mesure de pression, une
opacification du système porte peut éventuellement être réalisée :
elle peut objectiver déjà une diminution du diamètre du tronc porte
et même une circulation qui se ferait à contre-courant avec l’amorce
de dérivations hépatofuges.
Un tel document radiologique peut
servir comme élément de comparaison ultérieur, lorsque du fait de
l’évolution de la cirrhose, on assiste à une diminution du débit
portal au profit de la circulation artérielle, et que l’on est amené à
établir un bilan vasculaire avant une éventuelle TH.
4- Réparation
:
L’exploration du pédicule hépatique et surtout sa dissection sont
grandement facilitées par la « luxation » du foie hors de l’abdomen
, artifice qui nous a été suggéré par des chirurgiens
pédiatres italiens en visite dans le service.
Pendant longtemps, nous
avions fait la dissection sans faire cette manipulation, dans des
conditions souvent difficiles du fait de l’hypertrophie hépatique,
d’un lobe carré souvent très gênant, et de la profondeur relative du
champ opératoire.
Le foie est donc extériorisé de la cavité
abdominale, après section du ligament falciforme et des ligaments
triangulaires.
Il est maintenu dans cette position en faisant glisser
les deux berges de l’incision pariétale sous lui.
Attention ! : la
traction sur la veine cave entraînée par cette manoeuvre comporterait
un risque de désamorçage cardiaque si un remplissage vasculaire
adéquat n’était pas assuré au préalable par les anesthésistes.
L’objectif est d’accéder à l’emplacement de l’émergence des voies
biliaires du hile, afin d’ouvrir celles qui seraient encore perméables
à ce niveau.
Les examens anatomopathologiques de ce que l’on
nomme le « reliquat fibreux », c’est-à-dire la pièce de résection qui
tient lieu de VBEH, ont montré qu’au lieu de deux canaux
hépatiques droit et gauche normaux, on trouvait sur la tranche de
section au niveau du hile, soit une multitude de canalicules biliaires,
dont le diamètre n’excède pas en général 200 ou 300 µm, soit aucune
structure qui puisse évoquer un canal, ni aucun épithélium biliaire,
mais seulement du tissu fibreux avec quelques vaisseaux sanguins
et lymphatiques.
Pour ouvrir en regard dans le hile les éventuels canaux encore
fonctionnels, on procède à une dissection de proche en proche, en
commençant par décoller le cordon qui représente le reliquat de la
vésicule, pour s’aider par sa traction à la poursuite de l’isolement
du reliquat fibreux, le long du pédicule hépatique jusqu’au hile,
après l’avoir séparé au passage de l’artère hépatique droite qu’il
croise par en avant.
On peut aussi laisser le reliquat
vésiculaire en place dans sa fossette, et en ouvrant le péritoine audessous
de l’artère hépatique droite, poursuivre à partir de là la
dissection de bas en haut.
Vers le haut, là où le reliquat s’évase de
manière à peu près triangulaire, il s’agit alors de procéder à sa
section au ras du parenchyme hépatique.
Cette dernière
portion du reliquat est d’épaisseur variable, soit relativement bien
individualisée et facile à séparer du plan vasculaire postérieur
(bifurcation portale), soit, au contraire, très ténue et fragile.
La
section doit être faite franchement, sans chercher à poursuivre la
dissection dans le parenchyme hépatique pour ne pas risquer de
provoquer un saignement qui serait ensuite très gênant pour les
sutures.
Cette pièce de résection (qui n’est constituée que par un
petit filet d’à peine 1 ou 2 cm de long) doit être orientée par un fil à
une extrémité pour l’anatomopathologiste, afin qu’il y recherche et
mesure d’éventuels canalicules biliaires résiduels.
L’examen à la loupe de la tranche de section [X 2,5], côté foie, doit s’attacher aussi
à y déceler la lumière des mêmes canalicules.
Même après
hémostase minutieuse par coagulation bipolaire, en évitant l’excès
de coagulation pour ne pas obturer les canaux qui seraient encore
fonctionnels, il peut être encore difficile de savoir si l’écoulement
qu’on aperçoit correspond à de la bile ou à de la lymphe ;
l’expression manuelle du foie extériorisé peut accentuer cet
écoulement, aidant ainsi à localiser les orifices qu’il faut à tout prix
éviter d’inclure dans les sutures.
Une notion très importante au sujet de ce montage est la suivante : cette
opération ne doit pas être considérée de la part de son réalisateur comme
étant « satisfaisante », puisqu’il est impossible d’en prédire le résultat au
sortir de la salle d’opération.
Parfois, cependant, alors qu’il n’a pas été
décelé de canalicule fonctionnel au niveau de la tranche de section du
reliquat fibreux de la voie biliaire, et que le chirurgien peut avoir
l’impression d’avoir fait un montage inutile, il est tout à fait possible
d’assister dans les suites à une recoloration des selles, prouvant ainsi
l’efficacité de l’HPE par la reprise d’un flux biliaire au travers des
minuscules canalicules biliaires et lymphatiques qui ont été
reperméabilisés.
Lorsque c’est une formation kystique hilaire qui a été exposée par la
dissection, et que seule sa portion superficielle émerge du hile,
l’opération est plus simple, puisqu’elle se limite à l’ouverture du
kyste, après la radiographie, afin d’y faire porter la suture digestive ;
c’est alors une « kystojéjunostomie ».
En revanche, si le kyste est
entièrement sous-hépatique avec une accessibilité simple à son pôle
supérieur, il faut poursuivre la dissection de ses connexions avec le hile, et l’on se retrouve dans la situation d’avoir à pratiquer une
HPE « standard ».
La réparation proprement dite consiste à anastomoser autour de la
tranche de section du hile, soit l’extrémité d’une anse en Y (HPE),
soit le fond de la vésicule si elle est encore utilisable du fait d’une
voie accessoire perméable (HPC).
Pour l’anse intestinale, il faut
prévoir une longueur suffisante, le minimum étant de 40 cm à partir
du pied de l’anse.
Cette anse risque de devoir être utilisée de
nouveau lors d’une future TH.
L’anastomose au hile doit être faite sur le bord antémésentérique de l’anse montée, à
1 cm de l’extrémité refermée ; enfin, l’anse doit être passée au travers
du mésocôlon transverse, en veillant à ce que l’orifice créé à cet effet
soit suffisamment large pour ne pas brider le mésentère de l’anse ni
l’anse elle-même.
Pour la vésicule, il faut qu’elle soit dégagée de son
lit, en ménageant l’artère cystique, et retournée vers le hile ;
l’anastomose doit être faite sur la tranche de section du fond de la
vésicule qui aura été réséqué, si elle est de grande taille, ou sur une
simple incision de sa convexité dans le cas contraire.
Il est
nécessaire d’utiliser des loupes pour ces sutures pour mieux repérer
les zones qu’on veut inclure dans l’anastomose ; les fils doivent être
très fins (6/0) et résorbables.
En outre, il faut savoir que du fait d’un
risque relativement élevé de fuite anastomotique dans l’HPC, les
sutures doivent être aussi étanches que possible.
En revanche, il ne
faut pas chercher à drainer par cholécystostomie, du fait de la
fragilité de la vésicule et des risques de dysfonctionnement
postopératoire.
Après fixation péritonéale de l’anse montée, il faut veiller à
positionner le grêle en bon ordre, sachant qu’un risque d’occlusion
postopératoire par simple plicature fixée de l’intestin est possible.
Enfin, aucun drainage abdominal n’est souhaitable afin de limiter
les adhérences intestinales et pariétales qui rendraient l’abord de la
région plus compliqué lors d’une éventuelle transplantation.
5- Compléments techniques
:
C’est pour la prévention des cholangites que différentes modalités
de dérivation externe de l’intestin ont été imaginées par les
chirurgiens japonais.
Destinés à limiter les phénomènes de stase et
de reflux, divers procédés du montage initial en Y ont été imaginés
pour limiter la stase dans l’anse en dérivation et dans la mesure du
possible aussi le reflux.
Il s’agit des techniques suivantes :
– montage en « double Y » (Kasai II).
On sectionne l’anse montée
anastomosée au hile, pour extérioriser son segment proximal en stomie abdominale sous l’incision pariétale, le circuit étant rétabli
par une anastomose terminolatérale sur le segment distal.
La
dérivation n’est ainsi pas totale ;
– une fistule externe complète (Sawaguchi).
L’anse montée au hile
est isolée du reste de l’intestin et extériorisée en stomie ;
– la technique de Suruga est une stomie en « canon de fusil » sur
l’anse montée au hile ;
– une anastomose de l’anse montée au hile au duodénum a aussi
été proposée ;
– l’accolement d’amont au pied de l’anse en Y a été rapporté aussi,
dans le but de limiter le reflux.
Toutes ces techniques avec stomie impliquaient la suppression de
celle-ci, dans un délai de 1 à 2 ans, période au bout de laquelle les
risques de cholangites deviennent moins importants.
En réalité, les inconvénients entraînés par les méthodes comportant
une dérivation externe contrebalancent largement la prévention
contre la cholangite qu’elle est sensée assurer.
Après plusieurs
années, ces procédés ont fini par être abandonnés du fait de leur
inefficacité habituelle, et aussi des complications inhérentes aux
procédés eux-mêmes.
Les fuites de bile et de liquide intestinal
entraînées par la fistule digestive ont pafois été importantes au point
d’entraîner un déséquilibre hydroélectrolytique majeur, obligeant à
sa suppression presque en urgence.
Le site de la stomie digestive
constitue aussi un endroit d’élection pour des hémorragies du fait
du développement d’une circulation collatérale intense provoquée
par les anastomoses portosystémiques avec le réseau veineux de la
paroi abdominale, du fait de l’hypertension portale persistante,
malgré la reprise de la cholérèse.
Enfin, le temps d’hépatectomie
pour ceux qui devront subir une TH a été très souvent compliqué
par les adhérences très hémorragiques entraînées par ces procédés.
Actuellement, l’opération initiale de Kasai, sans dérivation externe
(dite « Kasai 1 »), est la seule qui est pratiquée dans les centres de
référence pour cette chirurgie.
Traitement des complications
:
Toutes les complications relèvent à la fois de la cirrhose biliaire, de
la fibrose hépatique et aussi de l’infection qui peut survenir à tout
moment au sein de cavités biliaires intrahépatiques.
Le foie devient
très dur, tout en s’atrophiant parfois au niveau d’un lobe ; la
circulation sanguine y est modifiée, avec la chute, et parfois
l’inversion, du flux portal et l’augmentation du flux artériel, tandis
que se développent les veines collatérales du système porte.
Ces
modifications hémodynamiques intrahépatiques ont d’ailleurs une
signification pronostique indiscutable au point qu’elles peuvent
laisser prévoir une décompensation à plus ou moins brève
échéance.
La surveillance de ces enfants doit être poursuivie tout au long de
leur croissance, et même plus tard, puisque les lésions à type de fibrose hépatique ne disparaissent jamais complètement.
En dehors
des examens visant à apprécier les fonctions hépatiques principales,
il faut périodiquement faire pratiquer une échographie abdominale
et cardiaque, une scintigraphie pulmonaire et compléter le bilan
selon l’évolution par des explorations endoscopiques ou une biopsie
hépatique.
Une série d’enfants opérés à Bicêtre ont subi il y a quelques années
et à titre systématique une exploration par cholangiographie
transhépatique.
Ces examens, pratiqués alors que les
enfants ne présentaient aucun signe de rétention biliaire, n’ont
jamais montré une disposition normale des voies biliaires intrahépatiques.
A - SUITES OPÉRATOIRES
:
Une sonde gastrique avec recueil en déclive sans aspiration est
laissée en place 2 ou 3 jours, tant que l’abdomen reste un peu
météorisé.
À côté des prescriptions ordinaires, avec compensation des pertes hydroélectrolytiques par voie intraveineuse, en attendant la reprise
du transit, il est préférable de ne pas faire d’antibiothérapie dite
« prophylactique », à partir du moment où l’on est prêt à mettre en
route le traitement au moindre doute sur une éventuelle cholangite.
La couleur des selles à la reprise du transit est la première annonce
du résultat de l’intervention : sans tenir compte des selles encore
blanches, témoignant de l’élimination du contenu colique
préopératoire, ni ensuite de leur aspect brunâtre du fait de la
présence de sang provenant des anastomoses, c’est la couleur
nettement verte aux alentours du troisième ou quatrième jour qui
témoigne de la réussite de l’intervention et du passage de la bile
dans l’intestin.
La disparition de l’ictère se fait dans un délai très
variable : parfois très précoce, plus souvent de manière progressive
en quelques semaines, et même parfois après une phase
d’accentuation qui suit immédiatement l’intervention.
Lorsqu’une HPC a été faite, la reprise de la cholérèse est plus lente et les selles
ne deviennent de couleur jaune qu’au bout de 2 ou 3 semaines.
À
l’opposé, des selles qui restent blanc mastic au-delà de la première
quinzaine témoignent de l’échec probable de l’intervention.
La corticothérapie postopératoire, à des doses dites
« immunosuppressives », semble constituer un traitement adjuvant
intéressant, dans la mesure où elle diminuerait les phénomènes de
fibrose obstructive, secondaires ou non aux cholangites.
Mais les
publications récentes sur le sujet ne font état que de travaux
rétrospectifs, et l’institution de routine de ce traitement ne peut
encore être préconisée de manière formelle.
B - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS
:
1- Complications précoces
:
* Cholangite
:
Une fièvre élevée souvent accompagnée d’une nette altération de
l’état général doit immédiatement faire penser à cette complication.
Le tableau peut d’ailleurs se compléter très vite, avec collapsus et
retentissement rénal, du fait de la survenue d’une septicémie à
germes à Gram négatif.
Ces « cholangites » doivent être
immédiatement dépistées et traitées.
Le traitement repose
essentiellement sur l’antibiothérapie adaptée aux résultats des
hémocultures, ou de la mise en culture d’un fragment de
parenchyme hépatique prélevé par ponction.
Il faut savoir que ces cholangites peuvent d’ailleurs être une menace pendant encore les
2 premières années et même au-delà.
Ces cholangites après cure d’AVB sont paradoxalement beaucoup
plus fréquentes qu’après la chirurgie habituelle de réparation des
voies biliaires, alors même que les VBIH non dilatées des AVB ne
sont pas le siège d’une rétention.
Le rôle du système lymphatique
contaminé par les germes d’origine digestive n’y est probablement
pas négligeable.
Il est important de noter qu’il n’y a au contraire
aucun risque de cholangite dans les suites d’une HPC.
* Ascite
:
Une poussée d’ascite postopératoire est assez fréquente chez les
enfants opérés après 3 mois.
Elle peut se révéler par l’issue de
liquide citrin au travers de la plaie, dont elle retarde la cicatrisation
en provoquant une désunion partielle.
En règle, les diurétiques et
les spironolactones permettent de la contrôler.
De cette complication,
il faut rapprocher la possibilité du cholépéritoine qui peut
compliquer une HPC, faite avec des sutures insuffisamment
étanches, et où il faut prendre la décision de réintervenir en urgence
pour remplacer le montage par une HPE.
Dans l’hypothèse d’un
épanchement péritonéal dans les suites d’une HPC, il importe donc,
par ponction et analyse du liquide péritonéal, de faire le diagnostic
de biliopéritoine avant de réintervenir.
* Occlusion postopératoire
:
Alors que c’était une complication relativement fréquente dans les
années 1980, du fait de l’utilisation du protoxyde d’azote pour
l’anesthésie et de la distension intestinale fréquente qui s’ensuivait
et les plicatures du grêle réintégré qui en résultaient, les
changements des conditions de l’anesthésie actuelle ont fait que le
risque d’occlusion après cette chirurgie n’est pas plus élevé qu’après
n’importe quelle autre intervention abdominale de l’enfant.
* Récidive de la rétention biliaire
:
Une récidive précoce de la cholestase chez un enfant qui aurait
complètement déjauni après l’intervention peut faire discuter une
réintervention, dans l’idée qu’une fibrose cicatricielle est venue
obturer la région de l’HPE, et que la réfection de l’anastomose après
« curetage » de la plaque hilaire pourrait lever l’obstruction.
En
réalité, une telle récidive relève plus de l’extension des lésions
diffuses des VBIH et aussi de l’insuffisance de perméabilité des
canaux du hile.
Ce serait uniquement dans le cas où le résultat de
l’intervention initiale aurait été complet, et sur la foi de très rares
succès obtenus par ces reprises, que l’on pourrait être tenté de
faire une nouvelle tentative, tout en sachant que c’est une nouvelle
source d’adhérences ultérieures pouvant compliquer la
transplantation.
2- Complications secondaires
:
* Hypertension portale
:
Après l’opération de Kasai, environ un tiers des enfants qui ont
passé le cap de la première année, malgré quelques épisodes
éventuels de cholangite, sont considérés comme « guéris », du fait
de la disparition des signes cliniques et de la plupart des stigmates
biologiques de cholestase.
Pourtant, même dans ces cas, la fibrose
hépatique, toujours présente, peut rester très dense, confinant à un
état de cirrhose plus ou moins marqué, et contribuer ainsi à
entretenir une gêne à la circulation portale intrahépatique.
Il y a
donc un risque de voir survenir un jour, chez ces enfants, et parfois
précocement dès la deuxième année, une hémorragie digestive par
hypertension portale ; ils ont d’ailleurs presque tous une
splénomégalie et des signes parfois sévères d’hypersplénisme.
Il est
important de noter que les hémorragies de ces enfants peuvent être
dramatiques, et pas faciles à contrôler.
D’importantes varices cardiotubérositaires en sont en général responsables, mais il peut
s’agir aussi de saignements provenant de l’anastomose
biliodigestive, au sommet de l’anse montée, où se développe
souvent une importante circulation collatérale.
La prévention du risque hémorragique peut être envisagée de
plusieurs manières selon le degré de cette hypertension portale ;
c’est essentiellement par une surveillance endoscopique que l’on en
pose les indications.
Le traitement aux bêtabloquants est justifié si les varices sont de
grade I ou II, sans signes rouges, et peu menaçantes, surtout si elles
n’ont pas encore saigné.
La sclérothérapie est le traitement qu’il faut
préconiser dans le cas de varices plus grosses, ou qui ont déjà saigné.
Leur ligature élastique peut aussi être envisagée.
L’hypersplénisme isolé semble exposé à moins de risques, et ne justifie pas en luimême
un traitement spécifique
Mais des problèmes peuvent
survenir dans le cas d’un saignement important, de varices non
accessibles à leur cure directe (varices cardiotubérositaires).
Le shunt portosystémique intrahépatique transjugulaire (TIPSS) a été
plusieurs fois tenté dans les cas d’hypertension portale secondaire à
une AVB ; l’efficacité de cette technique reste limitée sur ce terrain
du fait de la petite taille des vaisseaux et de la prothèse.
La
dérivation portosystémique est une solution qui a longtemps été
préconisée et que nous avons souvent utilisée pour cette indication :
21 enfants dans la série d’AVB suivis par l’équipe de Bicêtre ont
subi ce mode de traitement, la plupart par anastomose
mésentéricocave avec un greffon jugulaire interne interposé.
En
réalité, elle présente aussi des inconvénients : intervention
abdominale supplémentaire pouvant compliquer les conditions
d’une éventuelle hépatectomie ultérieure, conditions souvent
difficiles et très hémorragiques lors de l’abord des vaisseaux pour la
confection du shunt ; réduction de la taille de la veine porte par
inversion du flux, ce qui a déjà spontanément tendance à se produire
sans shunt dans l’AVB ; risque aussi chez un enfant, aux fonctions
hépatocellulaires déficientes, de voir se développer des signes
d’encéphalopathie portocave.
Finalement, pour ceux dont les
saignements se répètent de manière inquiétante, et où le contrôle
par sclérothérapie est inefficace ou impossible, il peut devenir
nécessaire de les inscrire en liste d’attente pour une transplantation,
alors même que leurs fonctions hépatiques sont encore correctes.
* « Bilomes » intrahépatiques
:
L’évacuation imparfaite de la bile et son accumulation
intrahépatique peut se faire dans des cavités néoformées, souvent
nombreuses et parfois volumineuses, facilement visibles à
l’échographie, et accessibles à la ponction.
Source d’infections
répétées, la présence de ces anomalies constitue aussi un signe
d’aggravation, alors même que l’enfant avait pu déjaunir
complètement après l’HPE.
Le drainage externe sous échographie
de ces cavités permet un meilleur contrôle de l’infection, et c’est
aussi un élément de préparation à la greffe qui devient
indispensable.
* « Shunts » intrapulmonaires
:
La survenue de cette complication, marquée par une cyanose et une
insuffisance respiratoire progressive et très invalidante, est à craindre
plus particulièrement dans les cas d’AVB associée à une polysplénie
(sans que la raison soit connue pour la fréquence du risque dans ces
conditions).
Un élément important pour apprécier le risque de cette
complication est la mesure de la pression partielle en oxygène sous
100 % d’oxygène.
Il s’agit en tout cas d’une indication indiscutable pour une TH, en
sachant qu’une régression complète des symptômes peut être
observée après la greffe.
* Échec complet de la réparation
:
Des anomalies congénitales hépatiques, l’AVB est celle qui constitue
l’indication la plus fréquente de TH, et chez l’enfant, elle en
représente près des deux tiers.
Si, dans la plupart des cas, la greffe
est réalisée pendant l’enfance (et le plus souvent avant 2 ans), il y a
un nombre relativement important de patients opérés de leur AVB
et qui atteignent l’adolescence ou l’âge adulte avec leur foie
« natif » ; l’opération de Kasai a permis leur survie, dans des
conditions qui peuvent être très variables, parfois très bonnes au
début, ou seulement imparfaites.
Chez eux, l’indication de la
transplantation se précise dans un délai très variable du fait d’une
insuffisance hépatique aggravée, ou d’une hypertension portale
sévère, ou des deux à la fois.
Les conditions au cours desquelles il devient nécessaire de
considérer que l’intervention n’est pas ou n’est plus un succès sont
variables :
– précoces, comme peuvent le laisser entrevoir l’absence totale de
recoloration des selles et la persistance de selles mastic au-delà des
premières semaines postopératoires ;
– secondaires, de manière progressive ou au décours d’un ou
plusieurs épisodes de cholangite, alors que la cholestase s’était
totalement ou en partie amendée dans les suites de l’intervention.
En outre, dans ces cas d’échec d’emblée ou secondaire, il est possible
aussi d’assister à une décompensation hépatique rapide, en
relation avec des phénomènes de nécrose parenchymateuse plus ou
moins étendue ;
– tardives, alors que l’évolution a pu être dans l’ensemble favorable
pendant plusieurs années, bien qu’émaillée de quelques épisodes de cholangite.
Commentaires sur les résultats
globaux :
Dans une étude nationale française, il est apparu que la survie à 5 et
10 ans avec le foie « natif » était respectivement de 32 % et de
27 %.
La survie globale de tous les enfants greffés ou non était de
68 % à 10 ans.
Les facteurs pronostiques péjoratifs les plus
importants étaient :
– le type anatomique de l’AVB (le pronostic étant le moins bon pour
le type 1) ;
– l’existence d’un syndrome de polysplénie ;
– l’âge tardif auquel l’enfant avait été opéré ;
– l’expérience limitée du centre de traitement en matière de prise
en charge de ces enfants.
Ainsi, une amélioration globale du pronostic pourrait être espérée
dans la mesure où on peut agir sur certains de ces éléments.
En vérité, avec un recul qui dépasse dans plusieurs cas les 30 ans
pour les premiers succès obtenus au Japon, en Europe et aux États-Unis, il ne faut pas croire pour autant à la guérison définitive.
Les
bilans effectués chez ces adultes montrent presque toujours
l’existence de lésions de cirrhose biliaire.
Mais il faut aussi
reconnaître qu’un certain nombre de ces patients ont pu mener
jusque-là une vie sociale, professionnelle et personnelle
pratiquement normale ; dans notre série de patientes opérées par
l’équipe de Bicêtre, trois d’entre elles ont donné naissance à des
enfants, tous sains, et dans des conditions le plus souvent
normales.
Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’à très long terme, une
dégradation lente des fonctions hépatiques peut encore s’observer,
au point qu’une TH peut devenir indispensable au cours de la
troisième ou quatrième décennie de la vie du sujet.
De nombreuses publications récentes ont porté sur l’état des
survivants à long terme.
Ainsi, une importante série japonaise,
qui comporte les premiers patients opérés par Kasai, fait état de 30
sujets vivant plus de 20 ans après l’opération, avec 22 d’entre eux
qui ont une vie qualifiée de normale.
Huit patients sont cependant
affectés par des complications diverses, et dont les auteurs pensent
qu’elles les conduiront vers une TH pour deux d’entre eux.
Pour conclure, il apparaît que l’indication de l’opération de Kasai
doit être posée de manière urgente, dès le diagnostic d’AVB
envisagé, et aussi qu’il faut toujours prévoir l’opération dans le cas
d’un diagnostic tardif en appréciant alors les risques d’échec et
d’aggravation éventuelle de l’état de l’enfant selon les données du
bilan au moment du diagnostic.
Dans tous les cas, il faut, dès l’annonce du diagnostic d’AVB,
informer la famille que la greffe hépatique risque probablement un
jour de devoir être envisagée.