Athérosclérose oblitérante des membres inférieurs

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Introduction :

L’athérosclérose est la cause principale des artériopathies oblitérantes des membres inférieurs.

L’affection concerne environ 800 000 patients en France, dont les 2/3 sont symptomatiques.

Chaque année 90 000 nouveaux cas sont dépistés, responsables de 60 000 hospitalisations et de 10 000 amputations.

La prévalence est de 1 % avant 50 ans et de plus de 7 % après 60 ans.

Elle est trois fois plus forte chez l’homme avant 65 ans et identique dans les deux sexes au-delà de cet âge.

Anatomie pathologique :

L’athérosclérose est une lésion focale de l’intima s’opposant théoriquement à « l’artériosclérose », qui réalise une sclérose de trois couches de la paroi artérielle.

Ces deux pathologies peuvent s’associer de façon variable.

Athérosclérose oblitérante des membres inférieurs

Les lésions d’athérosclérose se constituent progressivement à partir de dépôts lipidiques microscopiques de l’intima, puis de stries lipidiques macroscopiques peu saillantes, pour constituer enfin la lésion la plus évoluée : la plaque athéromateuse.

Celle-ci est constituée d’une plaque fibrolipidique, formée d’une cavité remplie de matériel nécrotique lipidique et de cristaux de cholestérol entourée d’une coque scléreuse souvent calcifiée.

Les plaques confluent entre elles, et peuvent s’ulcérer en laissant échapper des embolies de cristaux de cholestérol.

Elles se recouvrent de caillots fibrinocruroriques, qui accentuent leur effet sténosant et favorisent l’occlusion de la lumière artérielle.

La rupture d’une plaque peut aussi favoriser l’issue de sang dans la paroi artérielle, réalisant un hématome disséquant qui accentue la sténose et peut provoquer une occlusion aiguë, en particulier sur les artères de petit calibre.

Les segments artériels les plus concernés par l’athérome sont les artères de gros et moyen calibre, notamment la bifurcation aortique, l’origine des artères iliaques interne et externe, le carrefour fémoral, la jonction fémoropoplitée et l’origine des artères de jambe.

Pathogénie :

Les cellules impliquées dans le développement de la plaque sont les cellules endothéliales, les macrophages, les cellules musculaires lisses et les lymphocytes.

Cependant, le mécanisme du développement de l’athérome reste inconnu.

La variété des hypothèses avancées : lipidique, traumatique, inflammatoire, immunologique et même virale illustre bien notre ignorance de la pathogénie précise de cette affection.

Physiopathologie :

Le développement des plaques d’athérome, associé à des degrés divers à l’artériosclérose, entraîne une réduction progressive de la lumière artérielle circulante.

Parallèlement, la circulation collatérale de suppléance se développe et maintient le débit artériel d’aval.

Le rôle des artères « nourricières » est très important à cet égard, notamment les artères hypogastriques et fémorales profondes.

La collatéralité peut être suffisante pour éviter tout symptôme ischémique.

Elle peut être insuffisante au-delà d’un certain effort, expliquant le phénomène de la claudication intermittente.

L’ischémie critique ou les troubles trophiques distaux sont liés au développement d’oblitérations à plusieurs niveaux, ainsi qu’à l’atteinte des collatérales ou la survenue de migrations emboliques.

L’occlusion aiguë d’une artère principale peut provoquer une ischémie aiguë, dont l’évolution dépend du degré de développement préalable des collatérales.

Symptomatologie :

L’artériopathie peut être totalement asymptomatique, et découverte lors d’un examen systématique.

La claudication intermittente est le symptôme révélateur le plus fréquent, témoin d’une ischémie d’effort des membres inférieurs.

Elle se caractérise par un arrêt de la marche provoqué par une douleur à type de crampe dans le mollet survenant après une certaine distance.

La douleur disparaît à l’arrêt et se reproduit pour un périmètre fixe.

L’intensité de celle-ci est variable ainsi que son siège : elle peut intéresser les lombes, les fesses, les cuisses ou les pieds.

La douleur a une certaine valeur localisatrice de l’atteinte artérielle qui est toujours plus proximale que celle-ci. Le périmètre peut varier selon la pente, la température extérieure, la digestion.

L’aggravation de l’ischémie se traduit par une réduction du périmètre de marche.

Les douleurs de décubitus au niveau du pied ou de la jambe surviennent lorsque le patient est allongé, et sont soulagées par la position « jambes pendantes » qui entraîne un oedème de stase aggravant l’insuffisance circulatoire.

Les troubles trophiques témoignent d’une ischémie permanente engendrant une nécrose tissulaire.

La gangrène intéresse les extrémités, elle est spontanée ou provoquée par un traumatisme, elle débute au niveau de la pulpe et s’étend plus ou moins en amont.

Les tissus prennent une couleur sombre puis noire et deviennent douloureux, sauf en cas de neuropathie associée.

De « sèche », elle peut devenir « humide » en cas de surinfection. Les ulcères ischémiques, souvent douloureux siègent sur le pied, souvent sur une zone d’appui ou sur la jambe. Leur fond est atone, leur taille variable.

La notion d’ischémie critique vient compléter cette description clinique classique, et se définit par l’existence de douleurs de décubitus ou de troubles trophiques associés à une chute des pressions systoliques au-dessous de 50 mmHg à la cheville ou de 30 mmHg au niveau des orteils.

Examen clinique :

L’examen clinique confirme le diagnostic que le simple interrogatoire à lui seul a souvent permis de porter.

L’interrogatoire recherche en outre des facteurs favorisants de l’athérome : antécédents artériels familiaux, tabagisme, troubles du métabolisme lipidique ou glucidique, hypertension, sédentarisme.

L’inspection recherche des signes d’insuffisance artérielle : une amyotrophie, des poils rares, des ongles secs et cassants, une peau sèche et fissurée, notamment au niveau du talon (rhagades) sont des signes évocateurs d’une hypovascularisation chronique.

Un pied pâle et froid, des veines plates témoignent d’un déficit artériel déjà sévère.

La palpation comparative des pouls fémoraux, poplités, pédieux et tibiaux postérieurs peut montrer leur abolition ou leur diminution d’intensité, ce qui permet de situer le niveau des oblitérations.

Elle recherche en outre l’induration ou la dilatation anévrismale d’une artère, notamment aortique ou poplitée, qui peut être associée.

L’auscultation des artères, de l’aorte aux genoux recherche un souffle témoin d’une sténose sus-jacente.

Examens complémentaires :

A – EXAMENS BIOLOGIQUES :

Les examens biologiques précisent les facteurs de risques : hyperglycémie, hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie portant surtout sur la fraction low density lipoprotein (LDL), hyperuricémie, hyperviscosité sanguine (polyglobulie, hyperplaquettose, hyperfibrinémie), hyperhomocystéinémie.

B – PRISE DES PRESSIONS :

La prise des pressions systoliques au niveau des artères de chevilles à l’aide d’un doppler de poche, complète l’examen clinique.

Leur valeur rapportée à celle de l’artère humérale définit un index de pression de 1,05 ± 0,04.

Une valeur inférieure à 0,90 est un signe d’oblitération artérielle, et une valeur inférieure à 0,55 montre la gravité de l’ischémie.

Une épreuve d’effort peut sensibiliser l’examen.

La mesure est sans valeur en cas d’artère calcifiée qui ne se laisse pas comprimer.

La pression systolique digitale peut être mesurée par pléthysmographie sur le gros orteil.

Une pression inférieure à 30 mmHg signe l’ischémie critique.

C – DOPPLER CONTINU :

Le doppler continu permet de localiser les sténoses et occlusions artérielles d’après la qualité du signal sonore et de la courbe enregistrée.

Il apprécie la qualité de la revascularisation sousjacente par les collatérales.

L’échographie couplée au doppler pulsé apprécie l’état de la paroi artérielle et de son contenu, précisant l’aspect des parois, lisses ou ulcérées, calcifiées ou non, ainsi que la présence de thrombi éventuels ou de matériel hétérogène emboligène.

Elle dépiste une ectasie associée (présente au niveau de l’aorte abdominale chez 10 à 20 % des artéritiques).

Une radiographie osseuse est utile en cas de troubles trophiques, à la recherche d’une ostéoarthrite.

Elle montre aussi les artères calcifiées.

D – MESURE TRANSCUTANÉE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE :

La mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène (TCPO2) sensibilisée par une inhalation d’oxygène de quelques minutes, permet d’établir un pronostic local, péjoratif au-dessous de 40 mmHg.

Ces divers examens permettent de préciser le siège des oblitérations artérielles, et de déterminer si l’atteinte prédominante est de siège sus- ou sous-inguinal, l’incidence thérapeutique de cette donnée étant primordiale.

L’association d’une atteinte à plusieurs niveaux est possible, mais le traitement de l’oblitération proximale prédomine toujours.

E – OPACIFICATION ARTÉRIELLE :

Une opacification artérielle de l’aorte et des artères des membres inférieurs est indispensable chaque fois qu’un traitement artériel direct est envisagé.

1- Artériographie numérisée :

L’artériographie numérisée par injection artérielle de produits iodés reste l’examen de référence, contre-indiqué en cas d’allergie à l’iode ou d’insuffisance rénale.

Elle est effectuée le plus souvent par voie fémorale et, en cas d’impossibilité, par voie humérale voire radiale.

Après anesthésie locale et ponction artérielle, un guide puis un cathéter sont mis en place dans l’aorte abdominale.

L’examen doit permettre de voir l’aorte abdominale, les artères rénales et les artères digestives (clichés de l’aorte de face et de profil), les artères iliaques et fémorales communes (clichés de face, et oblique antérieur droit et gauche), ainsi que la totalité des artères sous-inguinales y compris des arcades plantaires.

La surveillance de la diurèse et de la fonction rénale 48 heures après l’examen est souhaitable chez les malades à risques : malades âgés, déshydratés, insuffisants rénaux, diabétiques.

La préparation des malades diabétiques ou à fonction rénale altérée par Mucomystt et hyperhydratation semble limiter les risques d’altération de la fonction rénale.

* Résultats :

Les calcifications vasculaires sont bien vues après soustraction numérique.

Les sténoses se traduisent par des rétrécissements et des images d’atténuation de tonalité bien appréciées par les incidences multiples, et considérées comme significatives au-delà de 75 % en surface.

Une occlusion se traduit par un segment non opacifié, la qualité des collatérales de suppléance et de leur réentrée dans le chenal principal est appréciée.

À ces lésions peuvent s’associer des images d’addition, correspondant à des lésions ulcérées ou ectasiantes plus ou moins thrombosées.

* Produits de contraste alternatifs :

En cas de contre-indication des produits de contraste iodés, on peut utiliser le CO2 ou le gadolinium.

Le CO2 est utilisable en veillant à surélever le territoire à explorer.

Cependant, la qualité de l’image obtenue est souvent médiocre, le bolus de CO2 se fragmente rapidement, et la visualisation de toutes les branches est inconstante.

À l’inverse, la méthode est très sensible pour la recherche d’une fistule artérioveineuse.

Le gadolinium est utilisable en intra-artériel.

Il est moins radioopaque que les produits de contraste iodés habituels.

L’échographie endovasculaire et l’angioscopie restent de pratique exceptionnelle.

Les méthodes non invasives tendent à se substituer à l’angiographie par cathétérisme.

2- Angio-IRM (ARM) :

L’angiographie par résonance magnétique (ARM) obtenue après injection intraveineuse de gadolinium est performante, particulièrement pour rechercher une anomalie aorto-iliaque.

Elle peut être insuffisante pour quantifier les sténoses sur les artères distales ou parfois sur les artères rénales.

Les calcifications et la thrombose pariétale ne sont pas visibles.

Elle est contre-indiquée chez les porteurs de stimulateurs cardiaques, et les prothèses de hanche ou de genou génèrent des artefacts avec des zones aveugles.

3- L’angioscanner spiralé :

Effectuée après injection intraveineuse de produits de contraste iodé, cette méthode nécessite un scanner multidétecteur récent et, au prix d’un travail de reconstruction assez long, donne de bonnes images artérielles.

Elle permet de voir les calcifications, le thrombus pariétal, la lumière circulante et ses anomalies.

Les très fortes calcifications peuvent empêcher une analyse précise de la lumière.

Les artères de moins de 2 mm et les collatérales ne sont pas bien visualisées.

Les doses d’irradiation sont parfois élevées.

Évolution :

Plusieurs éventualités sont possibles.

Parfois les symptômes disparaissent spontanément, ce qui témoigne du développement d’une bonne circulation de suppléance.

La claudication intermittente peut se stabiliser et être compatible avec les besoins du patient.

À l’inverse, l’évolution peut se faire vers l’ischémie critique et les troubles trophiques.

Une ischémie aiguë peut se produire, parfois inaugurale.

Elle peut menacer rapidement la vie du membre, ou régresser rapidement vers un stade d’ischémie d’effort plus ou moins sévère.

Schématiquement, sur 100 claudicants, 25 s’aggravent, 10 nécessitent une intervention chirurgicale, deux subissent une amputation majeure, et 20 font un accident cardiovasculaire non mortel dans les 5 ans, 30 décèdent dans les 5 ans dont 15 d’un accident coronarien, cinq d’un accident cardiovasculaire d’une autre nature, et 10 d’une cause non cardiovasculaire.

Le pronostic vital est donc plus mauvais que le pronostic local au stade de claudication.

À l’inverse, au stade ischémique critique, 20 % subissent une amputation d’emblée et 25 % un an plus tard, 20 % décèdent dans l’année et 50 % décèdent à 5 ans, 50 % des amputés sont décédés à 3 ans et 75 % à 5 ans, surtout du fait de complications coronariennes.

Formes cliniques :

A – LOCALISATIONS PARTICULIÈRES :

L’occlusion de la bifurcation aortique peut se traduire par un syndrome de Leriche défini par une pâleur, une fatigabilité des deux membres inférieurs, une érection instable et une abolition des pouls fémoraux.

La sténose de la bifurcation aortique se traduit souvent par une claudication large, des pouls fémoraux présents et des pressions distales de bonne qualité, mais dont la particularité est de s’effondrer à l’effort.

La sténose peut aussi siéger à la partie moyenne de l’aorte sousrénale où elle revêt souvent un aspect bourgeonnant irrégulier et calcifié, ces sténoses concernent souvent les jeunes femmes très tabagiques.

B – ARTÉRITE DIABÉTIQUE :

Le diabète est présent chez 20 % des artéritiques.

L’artérite est 10 fois plus fréquente chez les diabétiques que dans la population générale.

Histologiquement, il s’agit d’une artérite athéromateuse associée à des degrés divers à l’artériosclérose, et l’infiltration calcaire de la média (médiacalcose) est fréquente.

L’atteinte artérielle peut intéresser n’importe quel gros tronc, mais elle prédomine sur les artères fémoropoplitées, jambières et plantaires.

Les troubles trophiques sont fréquents du fait de l’atteinte artériolaire et capillaire, ainsi que de la neuropathie associée.

La gangrène est souvent peu algique et surinfectée.

Le diabète multiplie par cinq à six le risque d’amputation par rapport aux artéritiques non diabétiques.

Des exérèses limitées sont cependant susceptibles de cicatriser si l’infection et le diabète sont bien traités.

C – ARTÉRITE EMBOLIGÈNE :

Des migrations emboliques de caillots, de fibrine ou de cholestérol, peuvent se produire à partir de plaques ulcérées de l’aorte (y compris dans son segment thoracique), des artères iliaques, voire des artères fémorales.

Ces emboles peuvent passer inaperçus, ou se manifester par des petites taches plantaires purpuriques ou un orteil bleu ou encore un livedo.

Ces migrations risquent de détruire le lit d’aval et peuvent, après plusieurs épisodes, rendre toute vascularisation impossible.

De telles manifestations, associées à des pouls encore présents à la cheville, doivent faire effectuer une artériographie de l’ensemble de l’arbre artériel.

Ce type d’artériopathie n’est pas à proprement parler une artériopathie oblitérante, mais elle peut y être associée et/ou la favoriser.

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel se pose différemment selon les symptômes.

Au stade de claudication, la claudication dite « médullaire » en rapport avec un canal lombaire étroit se manifeste par une gêne à la marche, peu douloureuse, accompagnée d’engourdissement des cuisses et des jambes.

Le diagnostic repose sur le scanner lombaire, mais l’association avec une authentique artériopathie n’est pas rare.

La claudication veineuse est rare, et survient dans un contexte de séquelles de phlébites majeures, elle s’améliore plutôt avec la marche.

Au stade des troubles trophiques, l’angiodermite nécrotique réalise de vastes plages cutanées noires, véritables infarctus cutanés superficiels très douloureux et extensifs.

Elle s’observe chez les patients âgés, souvent diabétiques et hypertendus.

L’évolution est caractéristique : après excision de la nécrose superficielle, les plans sous-jacents, bien vascularisés, bourgeonnent rapidement, et la cicatrisation est obtenue sans revascularisation.

Le diagnostic avec les autres artériopathies se pose différemment selon le contexte et l’âge.

Chez les sujets jeunes, les artériopathies distales doivent faire discuter la maladie de Buerger, associant atteintes artérielle et veineuse, et dont l’évolution est parallèle au tabagisme constant et important.

L’artère poplitée piégée due à une compression extrinsèque de l’artère poplitée par une anomalie musculaire ou tendineuse, se traduit par une sténose, un anévrisme poststénotique et des migrations emboliques qui simulent une artériopathie jambière.

Les artériopathies proximales peuvent faire discuter une coarctation de l’aorte abdominale, une dysplasie fibromusculaire, ou, chez un grand sportif, une endofibrose.

Les kystes adventiciels peuvent simuler un athérome localisé, l’échographie lève le doute.

Dans un contexte de maladie inflammatoire, peut se discuter éventuellement une maladie de Horton ou de Takayashu.

Traitements :

Le traitement a plusieurs objectifs :

– traiter les symptômes ;

– traiter les facteurs étiologiques pour éviter l’extension de la maladie et l’apparition d’ischémie dans d’autres territoires.

A – TRAITEMENT MÉDICAL :

Le traitement médical est indispensable dans tous les cas.

Il comporte plusieurs volets. Seul est envisagé ici le traitement des oblitérations chroniques, celui des oblitérations aiguës étant traité ailleurs.

1- Traitement des facteurs de risques et règles hygiénodiététiques :

L’arrêt du tabac est la première mesure à préconiser. Il peut suffire à allonger le périmètre de marche, augmenter les pressions distales, et il accroît le taux de perméabilité des gestes de revascularisation.

La prise en charge de l’arrêt du tabac doit être globale, et se fait au mieux dans le cadre de consultations spécialisées.

La correction des troubles métaboliques : celle de l’hyperlipidémie et du diabète est essentielle.

L’hypertension doit être traitée sans excès, les bêtabloquants ne sont pas contre-indiqués sauf en cas d’ischémie sévère.

L’hyperhomocystéinémie doit être corrigée par l’acide folique et la vitamine B.

La réadaptation par la marche régulière, sans forcer quand la douleur apparaît, est essentielle à raison de 2 à 3 km par jour.

Elle n’est contre-indiquée qu’en cas de trouble trophique.

Cette réadaptation est au mieux prise en charge dans des centres spécialisés.

Les mycoses des orteils, les traumatismes des pieds et des orteils, les actes de pédicurie agressifs, et l’appui prolongé des talons sont évités.

2- Médicaments antithrombotiques :

Ces traitements visent à éviter ou à limiter la thrombose, voire à la réduire.

* Traitements antiagrégants plaquettaires :

– L’aspirine n’améliore pas la claudication intermittente, elle a un rôle discuté sur la perméabilité des pontages, mais prévient significativement l’ischémie myocardique et cérébrale chez les artéritiques traités.

– La ticlopidine et le clopidogrel auraient une action bénéfique sur la claudication.

Ces antiagrégants doivent être interrompus 8 jours avant une intervention chirurgicale.

– Les antivitamines K n’ont pas d’action bénéfique sur l’artériopathie.

Elles améliorent la perméabilité des pontages sousinguinaux avec des risques hémorragiques accrus.

– L’héparinothérapie est réservée aux traitements des ischémies subaiguës ou aiguës, où son rôle est d’éviter l’extension de la thrombose.

– La fibrinolyse n’a guère d’indication dans les oblitérations chroniques.

– Les prostanoïdes, utilisés en perfusion intraveineuse, ont des effets vasodilatateur et antiagrégant puissants mais transitoires.

Ils ont une action antalgique, et semblent aider la cicatrisation dans les ischémies sévères lorsque les autres traitements sont impossibles.

* Traitements vasodilatateurs et antalgiques :

– Les vasodilatateurs ont une efficacité prouvée par des études contrôlées, dont la méthodologie a pu être discutée.

Ils sont utilisés par voie intraveineuse dans l’ischémie critique.

– L’hémodilution normovolémique peut avoir une action antalgique transitoire.

– La stimulation électrique péridurale par l’intermédiaire d’une pile implantable a une efficacité diversement appréciée et encore à valider.

– La sympathectomie lombaire peut avoir un effet bénéfique sur les douleurs de décubitus ou sur les ulcères douloureux, elle n’a pas d’effet sur la claudication intermittente ni sur la gangrène distale.

Elle peut être chirurgicale ou chimique percutanée, ses indications actuelles sont rares.

– Quant à la thérapie génique, ses résultats encourageants sur la vascularisation myocardique seront sans doute à l’avenir transposables à la vascularisation des membres inférieurs.

3- Traitement des troubles trophiques :

* Soins locaux :

Les soins doivent être adaptés à chaque stade de la cicatrisation.

Au stade de la nécrose, la détersion est nécessaire : elle comporte l’excision des tissus nécrotiques, au ciseau ou au bistouri, au lit ou en salle d’opération, selon l’étendue des lésions.

Elle doit être effectuée au minimum, après administration d’antalgiques puissants ou mieux, sous anesthésie locale (pulvérisation, crèmes ou injection), ou sous anesthésie locorégionale, rarement sous anesthésie générale.

Crèmes et pommades sont évitées, et les pansements hydrocolloïdes préférés.

Le bourgeonnement est favorisé par les corps gras, contre-indiqués en présence d’infection.

L’épidermisation peut être facilitée par des greffes cutanées en résille ou en pastilles, ces dernières pouvant être mises en place sous anesthésie locale.

* Soins généraux :

Un régime hypercalorique est essentiel à la cicatrisation, au besoin par sonde de nutrition entérale nasogastrique.

L’antibiothérapie adaptée aux prélèvements locaux, n’est indiquée qu’en présence d’une infection focale ou générale.

B – TRAITEMENTS ENDOVASCULAIRES :

L’angioplastie endoluminale par ballonnet est la méthode la plus utilisée.

Elle permet de dilater une sténose artérielle à des pressions qui peuvent atteindre 15 à 20 bars.

Afin de recoller la dissection traumatique ou de limiter le retour élastique de la sténose, on met souvent en place une endoprothèse métallique ou stent.

Ce stent est soit autoexpansif soit sur ballonnet.

Pour traiter certaines lésions emboligènes ou anévrismales associées aux sténoses, on peut utiliser des stents couverts de polytétra-fluoroéthylène expansé (PTFE) ou de polyuréthane.

Les médicaments utilisés lors des procédures endovasculaires ont pour but de limiter les risques de complications thromboemboliques immédiates, et de réduire les resténoses des angioplasties.

Ce sont surtout les héparines et les antiagrégants plaquettaires.

Des tentatives sont en expérimentation pour tenter de limiter le risque de resténose : la brachythérapie endovasculaire, l’utilisation de stents recouverts d’antimitotiques…

Les résultats des revascularisations endoluminales sont favorables pour les angioplasties iliaques avec endoprothèse, dont la perméabilité à 5 ans est de l’ordre de 85 %, comparable aux revascularisations chirurgicales.

Les angioplasties fémoropoplitées ont une perméabilité à 2 ans plus faible, allant de 20 % pour les lésions supérieures à 7 cm, à 70 % pour les lésions inférieures à 4 cm, mais l’angioplastie peut être itérative avec une perméabilité secondaire voisine de 75 %.

La resténose reste une des limitations les plus importantes des angioplasties. Elle survient surtout au cours des 6 premiers mois.

Faible à l’étage iliaque, elle est croissante vers la distalité, malgré l’utilisation d’endoprothèses.

Les complications immédiates sont devenues rares, avec la miniaturisation du matériel.

Les dissections postangioplastie sont traitées efficacement par les endoprothèses.

Les embolies distales sont souvent accessibles à une thromboaspiration dans le même temps. Les complications générales sont rares.

Le risque infectieux lié aux endoprothèses impose une prévention identique à celle de la pose des prothèses chirurgicales.

C – REVASCULARISATION CHIRURGICALE :

La chirurgie comprend essentiellement les endartériectomies et les pontages.

1- Endartériectomies :

L’endartériectomie consiste à supprimer les lésions athéromateuses par clivage de la paroi, laissant en place l’adventice et quelques fibres de la média. Elle peut se faire à ciel ouvert par une seule incision couvrant toute la lésion (fermée directement ou sur un patch), ou par plusieurs incisions séparées, ou encore par retournement.

Dans ce dernier cas, l’artère est totalement sectionnée et éversée sur elle-même, puis remise en place après vérification de la paroi traitée.

L’endartériectomie, techniquement exigeante, a été délaissée dans l’ensemble au profit des dilatations endoluminales pour les lésions courtes, et au profit des pontages pour les lésions diffuses, bien que les résultats tardifs des deux méthodes soient comparables dans les lésions aorto-iliaques.

La quasi-absence de risque septique et le moindre coût sont à mettre à l’actif de l’endartériectomie.

2- Pontages :

Les pontages sont des conduits implantés en zone saine de part et d’autre de la zone oblitérée.

Dans les lésions aorto-iliaques, sont utilisées essentiellement des prothèses synthétiques (dacron ou PTFE) dont les calibres sont adaptés aux pontages entre l’aorte et les artères iliaques ou les artères fémorales au triangle de Scarpa.

Le taux de perméabilité tardive de ces pontages est de 85 à 90 % à 10 ans.

Dans les lésions sous-inguinales, le meilleur matériau est la veine saphène inversée ou in situ (après destruction du jeu valvulaire), assurant pour les pontages fémoropoplités une perméabilité de 65 % à 75 % à 5 ans, qu’ils s’implantent au-dessus ou au-dessous de l’articulation du genou.

À l’inverse, les prothèses ont une grande différence de perméabilité secondaire et tardive selon qu’elles passent ou non l’interligne du genou, respectivement 30 à 40 % contre 50 % à 60 %, à 5 ans.

L’implantation distale des pontages veineux peut se situer sur une artère distale au niveau de la jambe voire du pied dans les sauvetages de membres.

Les pontages peuvent être placés dans le lit de l’artère native en position dite « anatomique », ou à distance, en position « extra-anatomique », soit pour éviter une zone septique ou radique, soit pour éviter l’ouverture abdominale sur les terrains à risque.

Ainsi, une lésion aorto-iliaque peut être traitée par un pontage souscutané axillofémoral ou bifémoral, une lésion iliaque unilatérale par pontage croisé fémorofémoral, avec un très bon taux de perméabilité tardive dans les deux cas.

De nouvelles méthodes moins invasives par minilaparotomie vidéoassistée ou par laparoscopie intégrale sont maintenant possibles dans des cas bien sélectionnés.

3- Techniques mixtes chirurgicales et endovasculaires :

Les méthodes chirurgicales classiques et les méthodes endovasculaires ne s’opposent pas, et peuvent être associées avec profit.

L’association d’une endartériectomie de la bifurcation fémorale et d’une dilatation endoluminale iliaque, peut être une alternative peu agressive à un pontage aortofémoral en présence de lésions iliofémorales.

De même, un pontage aortobifémoral peut être associé à une dilatation endoluminale de l’artère fémorale superficielle, ou à l’inverse un pontage fémoropoplité peut être effectué en complément d’une dilatation endoluminale iliaque.

4- Pontage et transfert libre de lambeaux musculaires :

Un pontage distal peut être associé à un transfert de lambeaux cutanés ou musculaires, avec anastomose microchirurgicale en cas de troubles trophiques graves du pied.

5- Amputations :

La gangrène distale impose une amputation.

Environ 60 000 amputations sont effectuées en France chaque année, mais leur gravité varie considérablement selon le niveau de l’exérèse.

Tout doit être tenté pour garder l’appui au niveau du pied et à tout le moins l’articulation du genou.

Les revascularisations, parfois très distales, ont pour but de garder l’appui du pied en limitant l’exérèse à un orteil ou à l’avant-pied (amputation transmétatarsienne).

Lorsqu’une amputation du pied s’impose, le but de la revascularisation est de conserver le genou, qui permet un meilleur appareillage, mieux toléré au plan cardiaque, qu’une amputation de cuisse.

D – INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :

1- Artérite asymptomatique :

Les lésions asymptomatiques témoignent de bonnes suppléances qui doivent être respectées, ce qui contre-indique tout geste artériel direct.

Cependant, comme dans tous les autres cas, le traitement des facteurs de risques est essentiel pour limiter la progression de la maladie athéromateuse.

2- Artérite symptomatique :

Les indications thérapeutiques dépendent de plusieurs données : la nature des symptômes, le terrain, les besoins socioprofessionnels, la nature des lésions artérielles : leur siège, leur étendue, l’état du lit artériel « d’aval ».

* Claudication intermittente :

Plus de 75 % des claudicants n’observent aucune aggravation de leurs symptômes et ne nécessitent pas de geste invasif.

Cependant, la claudication qui entraîne une gêne socioprofessionnelle ou une limitation des activités doit être traitée si les lésions sont facilement accessibles, par un geste efficace et durable tel que la dilatation d’une sténose iliaque serrée.

Dans les lésions sous-inguinales, les indications sont plus restreintes pour deux raisons.

D’une part, le traitement « médical » est le plus souvent efficace, d’autre part, les revascularisations ont un effet moins sûr et moins durable que dans les lésions proximales.

Il faut se rappeler que l’augmentation du nombre de dilatations endoluminales observées les dernières années n’a pas fait décroître le nombre d’amputations, et que leur coût est important.

Une minorité de patients claudicants s’aggrave et doit impérativement être angiographiée, dans l’intention d’un geste artériel direct.

* Ischémie critique :

En cas d’ischémie critique, une angiographie est nécessaire, comportant la totalité de l’arbre artériel depuis l’aorte jusqu’aux pieds inclus.

Une revascularisation est effectuée chaque fois que possible.

Les dilatations ou recanalisations endoluminales sont toujours privilégiées quand elles s’adressent aux lésions segmentaires.

Les indications des traitements à double étage, iliaque et fémoral superficiel par exemple doivent être restreintes, le traitement de la lésion la plus proximale étant souvent suffisant. Lorsqu’un geste chirurgical s’impose du fait de l’étendue des lésions, les techniques de revascularisation sont choisies en fonction du risque opératoire.

Ainsi, les pontages axillofémoraux permettent de traiter des lésions aorto-iliaques chez de grands insuffisants respiratoires.

L’éventail des techniques d’anesthésie et des moyens de revascularisation réduit les contre-indications d’ordre général.

Les revascularisations carotidiennes ou coronariennes peuvent être cependant indiquées avant le geste périphérique.

L’état du « lit d’aval », c’est-à-dire des artères situées au-dessous des zones oblitérées, conditionne en grande partie le taux de perméabilité des revascularisations.

Plus la menace de perte du membre est grande, et plus les tentatives de revascularisation distale ou sur lit d’aval « limite » sont envisageables.

L’oblitération secondaire d’un geste de revascularisation ne se traduit pas toujours par un échec, la circulation collatérale ayant pu se développer pour passer le cap critique.

Conclusion :

L’athérosclérose des membres inférieurs peut menacer la vitalité d’un membre, mais c’est surtout une des localisations d’un processus grave par ses autres cibles, coronarienne et cérébrale.

Le principal objectif réside à l’heure actuelle dans la prévention de l’affection qui est étroitement liée au tabagisme et aux troubles du métabolisme lipidique et glucidique.

Les traitements endovasculaires et chirurgicaux permettent de limiter le nombre d’amputations invalidantes, mais il est possible que des méthodes d’avenir comme la thérapie génique permettent d’élargir l’arsenal thérapeutique.

Cependant, quels que soient les traitements, l’artérite n’est jamais guérie, le traitement médical est nécessaire ainsi qu’un suivi régulier des patients, pour s’assurer de la qualité du contrôle de facteurs de risques, vérifier la perméabilité des zones revascularisées éventuelles et dépister d’autres localisations de l’athérome.

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