Arthroplastie totale de hanche par voie antérieure et son évolution mini-invasive Cours de Chirurgie
Introduction
:
Lors de la réalisation d’une arthroplastie totale de hanche, le
chirurgien a le choix entre plusieurs voies d’abord.
Nous décrivons
celle introduite par Robert Judet et dérivée de la voie de Hueter.
Elle est réalisée le plus souvent sur table othopédique.
Très anatomique car respectant l’appareil musculaire périarticulaire, elle
apparaît comme l’abord privilégié pour une implantation
prothétique selon un protocole mini-invasif.
Technique opératoire standard
:
A - TABLE ORTHOPÉDIQUE
:
Elle doit permettre de mouvoir l’articulation de la hanche selon les
plans de flexion-extension, d’abduction-adduction et selon l’axe de
rotation.
L’équipe chirurgicale comporte au minimum
l’opérateur, un aide-instrumentiste et un manipulateur de table qui
n’est pas habillé stérilement.
B - INSTALLATION DE L’OPÉRÉ
:
Le patient peut porter des chaussettes de contention ou des systèmes
dynamiques afin d’éviter la stase veineuse lors de l’intervention.
Celle-ci est menée en décubitus dorsal ; un appui périnéal s’oppose
à une légère traction axiale.
Chaque pied est fixé dans son bottillon
orthopédique puis une légère traction est appliquée sur les membres
inférieurs afin que le bassin soit équilibré et horizontal.
Le membre
supérieur homolatéral à la hanche opérée est posé sur la poitrine et
stabilisé par une bande collante ou mis sur un support.
C - INSTALLATION DU CHAMP OPÉRATOIRE
:
Elle comporte tout d’abord la mise en place d’une tablette qui fait
face au chirurgien, fixée à la table.
Cela permet à l’opérateur de
disposer des instruments face à lui.
Après le lavage du site
opératoire selon les protocoles recommandés et un double
badigeonnage iodé, sont mis en place des champs collés limitant une zone opératoire incluant l’épine iliaque antérosupérieure, la
moitié antérieure de la crête iliaque, la face antéroexterne de la
cuisse et s’arrêtant à quatre travers de doigt au-dessus de la rotule.
D - INCISION CUTANÉE
:
Elle est longitudinale, d’environ 8 à 10 cm.
Elle est latéralisée
d’un travers de doigt par rapport au bord externe de l’épine iliaque antérosupérieure, et descend oblique en bas et légèrement en dehors
vers le milieu du condyle externe (il est possible de palper
l’interstice du tenseur du fascia lata et du couturier).
E - ABORD INTERMUSCULAIRE
:
Après hémostase du tissu sous-cutané, on repère la gaine du tenseur
du fascia lata.
Cette gaine est incisée longitudinalement,
légèrement oblique en bas et en dehors.
L’opérateur est guidé vers
l’espace entre le tenseur et le couturier tout en respectant la gaine
de ce dernier afin de ne pas léser le nerf fémorocutané dont la
branche fessière est le plus souvent sectionnée sans que cela
constitue un inconvénient.
Afin de faciliter la réparation de cette
gaine, nous conseillons de mettre deux ou trois points repères sur la
berge médiale.
Dès lors, l’espace intermusculaire est abordé à la
pointe des ciseaux.
Les écarteurs sont mis en place.
Le clivage de cet
espace fait apparaître l’aponévrose superficielle du muscle droit
antérieur.
Celle-ci est incisée longitudinalement, le corps
charnu est récliné en dedans et l’on met au jour le plan
aponévrotique profond.
Après l’hémostase d’une petite
artériole issue du pédicule circonflexe antérieur, l’aponévrose
profonde est ouverte au bistouri, puis le pédicule circonflexe est
visualisé à la rugine de Lambotte, disséqué et enfin lié.
Plus
haut, on repère le tendon réfléchi droit antérieur en le
suivant d’avant en arrière à la rugine de Lambotte.
Une fois mis sur
une pince chevalet, il est sectionné au bistouri électrique.
Le
tendon réfléchi du droit antérieur et le pédicule circonflexe
constituent les extrémités de cette voie dans sa forme mini-invasive.
Le dernier plan musculaire avant l’abord capsulaire est constitué du
muscle psoas iliaque.
Le plan de clivage d’élection impose
l’ouverture de sa gaine.
Elle se fait selon une courbe allant du bord antérieur de l’os iliaque au bord inférieur du col fémoral.
Elle croise
une artériole qui devrait être coagulée.
À la rugine de Lambotte, la
face profonde du muscle psoas iliaque est clivée de la face antérieure
de la capsule articulaire ; en haut et en dehors, il existe quelques
tractus fibreux qui peuvent être sectionnés au ciseau.
En bas, la
rugine contourne le bord inférieur du col fémoral et un écarteur de Homann coudé est mis en place.
Cet abord intermusculaire est
conservé en plaçant un écarteur autostatique dont une valve récline
le psoas iliaque et l’autre latéralise le tenseur du fascia lata.
Enfin,
un autre écarteur de Homann est mis en place au bord supérieur de
la capsule articulaire.
F - ABORD ARTICULAIRE
:
Il se fait soit en réalisant une capsulectomie antérieure, soit par une
capsulotomie ménageant un lambeau antéro-interne et un lambeau
antéroexterne, les deux ayant conservé une charnière
périacétabulaire afin de bien visualiser la ligne intertrochantérienne
antérieure et la jonction cervicotrochantérienne.
G - SECTION DU COL FÉMORAL
:
Après la capsulotomie, les deux écarteurs de Homann sont placés
entre le col et la capsule.
Le niveau de section est repéré
essentiellement par rapport à l’angle cervicotrochantérien en
fonction du schéma préopératoire.
Avant de couper le col à la scie
oscillante, la position du membre inférieur doit être vérifiée en
palpant la rotule. Une légère rotation externe est souhaitable.
La
section du col en place élimine le risque de fracture du
fémur qui était possible lors de la luxation coxofémorale sur table
orthopédique.
Une fois sectionnés à la scie oscillante et au ciseau à
frapper à la jonction cervicotrochantérienne, la tête et le col peuvent
être extirpés grâce à un tire-fond.
Le contrôle du plan de
section peut se faire grâce à un deuxième repère qui est le petit
trochanter.
Pour cela, le bord inférieur du moignon de col restant est
ruginé et le petit trochanter palpé.
Le plus souvent, il existe un petit
travers de doigt entre sa base et le plan de section.
H - PRÉPARATION DU COTYLE
:
Tout d’abord, la table orthopédique doit être réglée afin que le
membre inférieur soit légèrement ascendant et en rotation externe
afin de détendre le psoas iliaque et de pouvoir parfaitement
positionner l’écarteur autostatique, le sourcil acétabulaire devant être
visible ou palpé sur toute sa circonférence.
Si la paroi antérieure du
cotyle reste difficile à visualiser, il est possible de mettre un écarteur
de Homann coudé au pied de l’épine iliaque antéro-inférieure.
L’ensemble du croissant articulaire doit être observé, le bourrelet et
le ligament rond sont excisés, l’arrière-fond repéré et le ligament
transverse de l’acétabulum sectionné.
En effet, lors de la réalisation
d’un abord mini-invasif, les implants cotyloïdiens utilisés sont le
plus souvent sans ciment et impactés. Il est donc impératif que les
cornes ischiatique et pubienne puissent s’écarter à l’impaction du
cotyle prothétique.
Dès lors, le fraisage peut être initié si
la section du col a été suffisante ; une fraise circulaire, qui est
indispensable, est facilement insérée dans le cotyle ; son support
peut être en baïonnette afin d’éviter d’une part tout conflit
avec l’extrémité distale de l’incision, qui aurait pour effet d’abîmer
les téguments, et d’autre part un effet levier qui viendrait fraiser de
façon excessive la paroi antérieure du cotyle.
Comme à l’habitude,
le fraisage doit respecter l’os sous-chondral et si certaines zones
apparaissent peu avivées il est préférable de les faire saigner à l’aide
d’une curette agressive plutôt que d’exagérer le fraisage au risque
d’implanter un cotyle sur un support trop spongieux.
Une fois le
cotyle préparé, les cornes respectées et avivées jusqu’à la proximité
de l’arrière-fond acétabulaire, un cotyle d’essai est mis en place, tout
en sachant que par cette voie d’abord, et notamment dans les
protocoles mini-invasifs, il faut veiller à ni verticaliser ni trop
antéverser l’implant, qui doit être en tout état de cause sous le
sourcil acétabulaire afin de ne pas entraîner de conflit avec le psoas.
Le cotyle définitif est impacté et soumis à une manoeuvre
d’arrachement.
L’insert acétabulaire est placé en privilégiant
un couple de friction céramique.
En effet, la conservation de la
capsule postérieure rend la luxation postérieure impossible. Le
temps cotyloïdien terminé, une compresse vient protéger l’insert.
I - PRÉPARATION FÉMORALE
:
Tout d’abord, la table orthopédique doit être réglée.
Dans un
premier temps, il faut déverrouiller toute traction afin de ne pas
étirer le nerf crural, appliquer prudemment au bottillon une rotation
externe supérieure à 90°, et enfin descendre le bras de cette table
vers le sol et sous le membre inférieur controlatéral.
Dès
lors, le plan de section du col fémoral est horizontalisé.
La jonction cervicotrochantérienne est parfaitement libérée au bistouri électrique
et à la pince gouge.
Un écarteur de Homann coudé est mis en place
à la face postérieure du col du fémur, ce qui permet de le latéraliser.
Le premier temps de la préparation fémorale comporte la cathétérisation du canal médullaire par un instrument que nous
conseillons anatomique, donc latéralisé au manche, extrêmement
arciforme et dans notre expérience nous n’avons jamais fait
de fausse-route avec une extériorisation de l’instrument sous le petit
trochanter.
Le contrôle de cette perméabilisation du canal médullaire
se fait grâce à un aspirateur souple qui permet de palper les
corticales tout en conservant un bruit de succion.
À ce stade, les
râpes adaptées à l’implant choisi, qui ne doit pas comporter
d’aileron trochantérien, sont descendues de proche en proche.
Là
encore, nous suggérons l’utilisation de manche très arciforme, voire
décalé afin d’éviter tout conflit avec le tenseur du fascia lata.
Chaque râpe doit être descendue au maximum afin d’affleurer
le plan de section fémorale.
Dans les interventions mini-invasives,
afin d’éviter toute contrainte de la râpe par son manche, nous
suggérons de descendre les derniers millimètres de la râpe au
pointeau à la façon de l’impaction de la prothèse définitive.
Cette préparation est considérée comme terminée lorsque la dernière
râpe introduite atteint le niveau prévu sur le schéma préopératoire,
le repère essentiel étant la palpation du petit trochanter.
La prothèse
a une antéversion physiologique et, là encore, l’absence de risque de
luxation postérieure ne doit pas inciter l’opérateur à modifier la
version physiologique du fémur. Une fois la tige mise en place
, une tête fémorale est choisie.
Sa hauteur est fonction de la
position des implants par rapport au schéma préopératoire, tout en
sachant qu’avec une certaine expérience de cette voie d’abord les
essais en fin d’intervention ne sont pas indispensables.
J - RÉDUCTION
:
Elle s’effectue en ramenant le membre inférieur dans le plan
légèrement ascendant en appliquant sur ce dernier une traction
axiale relativement puissante, et ce d’autant qu’il s’agit
d’une technique mini-invasive.
En dernier lieu, une rotation interne
douce est associée à la manoeuvre habituelle de poussoir par
l’opérateur sur la tête prothétique.
Une fois la néoarticulation
réduite, l’ensemble des tractions doit être relâché, la rotule placée
au zénith et la version du système prothétique analysée.
Il est à noter
que depuis le développement des couples de friction céramiquecéramique
le choix de tige fémorale au col de petit diamètre est
préférable afin d’éviter tout conflit avec l’insert acétabulaire.
K - FERMETURE
:
Elle est précédée d’une hémostase soigneuse.
Notamment, il est
assez fréquent d’observer de petits saignements se situant à la face
antérieure de la capsule postérieure.
Après lavage abondant, un
drain de Redon est mis en place.
Si quelques fibres antérieures du
tenseur du fascia lata ont été altérées lors de la préparation fémorale,
les tissus contus doivent être excisés sans aucune conséquence
fonctionnelle.
Cette fermeture s’effectue en trois plans comportant
une suture de l’aponévrose, un plan sous-cutané et un plan cutané.
Les soins postopératoires comportent la poursuite d’une héparinothérapie et d’une antibiothérapie prophylactique, une surélévation du pied du lit le genou en légère flexion, rotule au
zénith.
La rééducation comporte un premier lever le lendemain de
l’intervention et il est souhaitable d’utiliser très rapidement des
cannes anglaises qui n’ont pour but que d’équilibrer les premiers
pas du patient afin de conserver une bonne stimulation de
l’ensemble des fessiers qui n’ont pas été touchés par la voie d’abord.
Conclusion
:
Cette technique d’arthroplastie de hanche est intrinsèquement peu
invasive, ce qui diminue la fréquence des complications potentielles
locales.
Au plan plus général, le taux de thromboses veineuses est
minoré du fait de la non-interruption du flux sanguin lors de
l’intervention.
Enfin, les transfusions deviennent exceptionnelles.
L’association de l’innocuité de cette voie d’abord à l’implantation de
prothèses sans ciment à couple de friction alumine-alumine
ou métal-métal, dont les concepts ont subi avec succès l’épreuve du
temps, permet d’offrir au patient d’excellentes perspectives à très long
terme.