Artériopathies iatrogènes et toxiques

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Introduction :

Les artériopathies iatrogènes et toxiques, bien que décrites pour la plupart d’entre elles depuis de nombreuses années, voire décennies, restent volontiers méconnues ou mal connues des médecins.

Ceci est lié à la multiplicité des causes, des prises médicamenteuses, des interactions non toujours connues, et aux mécanismes parfois complexes des troubles vasomoteurs induits par ces molécules.

SÉMIOLOGIE CLINIQUE :

La symptomatologie fonctionnelle, liée à une atteinte des gros troncs artériels ou de la microcirculation, survient après une période de latence de quelques heures à quelques semaines.

Les troubles peuvent survenir après plusieurs années de consommation du médicament.

Il peut s’agir d’un médicament potentiellement toxique pour les artères mais dont la toxicité n’apparaîtra que lors de la prise d’un autre médicament modifiant son métabolisme hépatique (en particulier les molécules qui ont une action inhibitrice enzymatique hépatique).

arteriopathies-iatrogenes-toxiques

Le phénomène de Raynaud ne présente pas de particularité sémiologique par rapport à un phénomène de Raynaud idiopathique, mais il ne comporte souvent qu’une phase syncopale.

S’il persiste, notamment lorsque le diagnostic de toxicité médicamenteuse n’est pas fait, il peut apparaître des troubles trophiques distaux des membres supérieurs et/ou inférieurs.

L’acrorhigose est un trouble vasomoteur banal, se traduisant par une sensation permanente de froideur des extrémités, sans rythme particulier.

Le livedo réticulaire est parfois associé à une acrocyanose distale, et se traduit par des marbrures cutanées, en mailles violacées, indolores, s’effaçant partiellement lors de la surélévation du membre ou de la vitropression.

L’ergotisme : dans la forme majeure, le spasme artériel diffus entraîne un refroidissement des extrémités, une claudication invalidante des membres inférieurs et supérieurs, une disparition de tous les pouls distaux et parfois des pouls proximaux.

Les douleurs permanentes des extrémités de type causalgique associées à l’ischémie avaient déjà été décrites dès le Moyen Âge sous le nom de « feu de saint Antoine ».

Un spasme veineux peut s’associer au spasme artériel, avec une cyanose diffuse prédominante aux extrémités, et des veines sous-cutanées difficiles, voire impossibles, à ponctionner.

Dans sa forme mineure, l’ergotisme associe une acrorhigose permanente et une érythrose distale.

Explorations complémentaires :

Elles ne permettent qu’une appréciation morphologique des lésions, mais n’aident pas à l’enquête étiologique. Les diagnostics positif et étiologique reposent avant tout sur l’anamnèse.

L’échodoppler artériel peut objectiver un aspect spasmé des artères de gros et moyen calibres, prenant un aspect filiforme avec baisse des pressions de perfusions distales.

Cet aspect peut être mieux objectivé sur l’artériographie, mais celle-ci ne sera demandée qu’en cas de doute diagnostique.

La capillaroscopie peut montrer des capillaires grêles, une lenteur du flux distal et une dilatation des veinules.

C’est souvent a posteriori que le diagnostic d’artériopathie iatrogène ou toxique pourra être retenu, une fois les autres causes éliminées.

Les explorations fonctionnelles vasculaires et l’artériographie permettront donc d’écarter une autre artériopathie, et en particulier seront normales à distance de l’accident en cas de trouble fonctionnel (spasme).

Les explorations complémentaires sont donc surtout utiles pour le diagnostic différentiel et apprécier le retentissement.

Principales étiologies des artériopathies iatrogènes médicamenteuses :

A – DÉRIVÉS DE L’ERGOT DE SEIGLE :

L’ergotisme médicamenteux est lié à la prise de dérivés d’ergotamine, alcaloïde aminoacide, antagoniste et agoniste partiel des récepteurs adrénergiques et tryptaminergiques, ayant une puissante activité vasoconstrictrice.

Le tartrate d’ergotamine est souvent utilisé pour traiter les migraines ou les hémorragies d’origine utérine.

Ceci explique que le spasme artériel induit est le plus souvent observé chez les femmes entre 30 et 40 ans, avec trois types de tableaux cliniques en fonction du mode d’ingestion du toxique :

– intoxication chronique aboutissant à des taux sanguins toxiques ;

– ingestion aiguë de doses toxiques ;

– et réaction d’idiosyncrasie après l’ingestion d’une dose normale.

Toutes les artères peuvent être intéressées par le spasme induit par l’ergotamine (aorte, artères rénale, mésentérique ou coronaire), mais l’atteinte artérielle se traduit le plus souvent par une ischémie des membres inférieurs.

Les symptômes gastro-intestinaux sont souvent au premier plan à type de nausées ou vomissements.

Les troubles neuropsychiques avec asthénie, somnolence et confusion mentale sont plus rares.

L’ergotisme médicamenteux peut être déclenché ou favorisé par une association médicamenteuse notamment avec des antibiotiques.

Il s’agit surtout des macrolides à 14 atomes de carbone (triacétyl-oléandomycine, érythromycine) qui, par leur très forte affinité pour le cytochrome P450 hépatique, forment avec celui-ci un complexe stable qui diminue son activité enzymatique.

Seule la spiramycine, macrolide à 16 atomes de carbone, ne possède pas cet effet d’inhibition enzymatique hépatique et peut donc être associée sans risque aux dérivés de l’ergotamine.

Le délai d’apparition des signes vasculaires est très court, de quelques heures à quelques jours après la prise d’antibiotique et le tableau se limite habituellement aux atteintes des membres sans atteinte viscérale.

L’évolution est spontanément favorable en quelques jours à condition que le traitement soit arrêté rapidement.

Le traitement repose sur l’arrêt des médicaments incriminés et des perfusions de vasodilatateurs.

D’autres médicaments inhibiteurs enzymatiques hépatiques peuvent entraîner, en association avec les dérivés de l’ergot de seigle, des poussées d’ergotisme, notamment cimétidine, ranitidine, clofibrate et phénylbutazone.

La bromoergocriptine, autre dérivé de l’ergot de seigle utilisé dans le traitement des maladies de Parkinson et des adénomes hypophysaires à prolactine, a une toxicité vasculaire fréquente (30 %), mais mineure limitée à un phénomène de Raynaud.

B – BÊTABLOQUEURS :

Il faut distinguer les phénomènes de Raynaud et l’aggravation d’une claudication intermittente des membres inférieurs.

On note un phénomène de Raynaud chez 50 % des patients traités par propranolol et chez 35 % de ceux traités par aténolol contre seulement 5 % dans une population comparable d’hypertendus traités par méthyldopa.

Ce phénomène de Raynaud est généralement bénin, peut s’atténuer avec la poursuite du traitement et n’amène pas forcément à modifier la thérapeutique antihypertensive.

Les traitements bêtabloqueurs ont été initialement incriminés dans la dégradation d’une claudication intermittente des membres inférieurs, essentiellement pour des raisons pharmacodynamiques, l’effet alpha-1 stimulant vasoconstricteur n’étant plus contrebalancé par l’effet bêta-2 mimétique vasodilatateur.

Une méta-analyse récente, portant sur 11 essais contrôlés et plusieurs types de bêtabloqueurs (propranolol, aténolol, métoprolol, pindolol, acébutolol…) n’a pas retrouvé de modification du périmètre de marche significative chez des patients sous bêtabloqueurs par rapport à ceux recevant un placebo.

De nombreux patients souffrant d’une artériopathie oblitérante athéromateuse des membres inférieurs ont également une coronaropathie et/ou une hypertension artérielle qui peut nécessiter la prise de bêtabloqueurs, et ces thérapeutiques ne semblent plus devoir être contre-indiquées formellement.

Toutefois en cas d’artériopathie oblitérante à un stade plus avancé, stade III ou IV de la classification de Fontaine, l’effet délétère même modéré d’un traitement bêtabloqueur peut entraîner une aggravation aux conséquences dramatiques sur la vitalité des membres inférieurs, et dans ce contexte le bêtabloqueur doit être évité, voire arrêté.

Le syndrome des antiphospholipides qui associe des phénomènes cliniques (thromboses artérielles et/ou veineuses, fausses couches spontanées) et biologiques (présence d’anticorps anticardiolipine, d’anticoagulant circulant de type antiprothrombinase et/ou d’une fausse réaction syphilitique) peut être déclenché par la prise de médicaments « inducteurs », notamment les bêtabloqueurs.

C – CHIMIOTHÉRAPIES ANTINÉOPLASIQUES :

C’est essentiellement au cours des traitements des tumeurs malignes germinales (testicule, ovaire) qu’on été décrits des phénomènes de Raynaud.

Le principal agent cytotoxique incriminé est la bléomycine utilisée seule ou en association avec le cisplatine surtout, ou la vinblastine.

Les phénomènes de Raynaud surviennent chez 37 à 44 % des patients, sont le plus souvent bénins et résolutifs en quelques semaines à l’arrêt du traitement bien qu’il y ait eu quelques cas de nécroses digitales.

Il n’y a pas de caractère distinctif en termes d’âge, d’histologie tumorale, de dose totale de chimiothérapie, ou de fréquence de toxicité cutanée de la bléomycine.

L’artériographie objective un aspect filiforme des artères digitales et un arrêt brutal de l’opacification rendant invisible la vascularisation distale.

La toxicité vasculaire de la bléomycine repose sur plusieurs mécanismes :

– concentration de la molécule dans le tissu cutané (effet-dose apparaissant en moyenne pour des doses cumulées supérieures à 400 mg) ;

– activation des fibroblastes cutanés démontrée in vitro ;

– majoration de la toxicité par des phénomènes de photosensibilisation ; – et majoration de la toxicité par l’association à la vinblastine qui a une similitude structurale avec divers alcaloïdes de l’ergot de seigle.

Des observations de maladies veino-occlusives pulmonaires ont été rapportées après administration d’agents antinéoplasiques, notamment 5 fluoro-uracyle, doxorubicine et mitomycine, avec parfois une latence particulièrement longue.

D – INHIBITEURS CALCIQUES :

Des érythermalgies ont été rapportées avec de nombreux inhibiteurs calciques parmi lesquels le vérapamil, la nifédipine et la nicardipine.

Dans tous ces cas, la symptomatologie apparaît quelques jours à quelques semaines après l’introduction du médicament, est symétrique aux mains et aux pieds, et disparaît quelques jours après l’arrêt du traitement.

Cette symptomatologie reste toujours très modérée, sans commune mesure avec les érythermalgies primitives ou hématologiques.

E – ANOREXIGÈNES :

Dans les années 1960, une augmentation brutale et importante d’incidence des hypertensions artérielles pulmonaires « primitives » en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas, a été rattachée à l’utilisaton d’un anorexigène amphétamine-like, l’aminorex.

Cette véritable épidémie d’hypertensions artérielles pulmonaires « primitives » disparut après le retrait de cette molécule.

Entre 1981 et 1995, de nouveaux cas sporadiques d’hypertensions artérielles pulmonaires « primitives » ont été rapportés après consommation d’autres anorexigènes dérivés d’amphétamines, la fenfluramine et la dexfenfluramine.

Une étude cas-témoin multicentrique européenne récemment publiée, portant sur 95 cas d’hypertension artérielle pulmonaire « primitive » et 355 témoins appariés pour l’âge et le sexe, a confirmé le potentiel toxique de ces molécules.

L’utilisation d’anorexigènes, en particulier les dérivés de la fenfluramine, est associée à un risque d’hypertension artérielle pulmonaire « primitive » six fois plus élevé que chez les témoins, voire 23 fois plus élevé en cas de consommation supérieure à 3 mois.

Ce risque est majoré en présence de facteurs de risque associés tels que :

– une histoire familiale d’hypertension artérielle pulmonaire ;

– une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ;

– une cirrhose hépatique ;

– ou l’utilisation de cocaïne.

L’association dexfenfluramine-minocycline, chez une jeune fille de 14 ans sans pathologie associée, a induit une ischémie subaiguë d’un membre inférieur, évoquant un spasme artériel, d’évolution rapidement favorable.

F – SUMATRIPTAN :

L’avantage théorique de cet agoniste sérotoninergique serait d’exercer son action vasoconstrictrice préférentiellement sur les vaisseaux méningés richement pourvus en récepteur 5HT1D.

En fait, il a été montré chez l’animal et chez l’homme que l’action du sumatriptan sur les lits vasculaires périphériques est non négligeable puisque après une injection sous-cutanée de 6 mg, la pression artérielle systémique augmente de 20 %, la pression artérielle pulmonaire augmente de 40 % et le diamètre des artères coronaires diminue de 17 %.

Les accidents vasculaires rapportés jusqu’ici sont rares et survenus pratiquement uniquement après l’utilisation de la forme injectable : douleurs thoraciques transitoires, arythmie auriculaire ou ventriculaire, infarctus du myocarde.

G – AUTRES MOLÉCULES :

De façon plus anecdotique ont été rapportées des anomalies fonctionnelles des artères ou de la microcirculation après l’utilisation de nombreuses molécules ; une acrocyanose induite par l’imipramine, prescrit pour une énurésie chez un enfant ou une dépression chez un adulte, disparaissant rapidement après l’arrêt du médicament; induction de maladies lupiques avec peu d’extension systémique et présence d’anticorps antinucléaires et antihistone, au cours desquelles les phénomènes de Raynaud sont fréquents, par de nombreuses molécules : procaïnamide, isoniazide, hydantoïnes, dihydralazine.

L’amantadine, molécule antivirale actuellement moins utilisée dans la prévention ou le traitement des infections par le virus Influenzae A et dans le traitement de la maladie de Parkinson, peut entraîner, même à dose thérapeutique, l’apparition d’un syndrome amantadinique fait d’un livedo reticularis et d’oedèmes périphériques, régressant en 2 à 4 semaines après l’arrêt du traitement. Il s’agirait d’une vasoconstriction artérielle et veineuse.

Sont rapportés les phénomènes de Raynaud après utilisation abusive de vasoconstricteurs nasaux sympathomimétiques (prednazoline, fénoxazoline) ; une vascularite digitale leucocytoclasique induite par l’association d’ interféron alpha et d’interféron gamma au cours du traitement d’une leucémie myéloïde chronique ; une vascularite leucocytoclasique au niveau des jambes s’installant 4 jours après l’introduction de didanosine chez un patient infecté par le VIH, avec épreuve de réintroduction positive et guérison complète à l’arrêt du médicament ; un tableau clinique et biologique mimant une vascularite systémique granulomateuse après prise d’alphaméthyldopa pour une hypertension artérielle essentielle, de résolution complète et spontanée en 3 semaines après arrêt du médicament.

Les acrodynies, particulièrement fréquentes en France pendant la Seconde Guerre mondiale, étaient liées à la prise de vermifuges mercuriels.

Le syndrome acrodynique associait des troubles vasomoteurs importants avec oedèmes rouges, moites et froids des extrémités, causalgies parfois intenses, altération du comportement et de l’affectivité, hallucinations avec hypotonie musculaire, hypertension artérielle et tachycardie importante.

On retrouvait dans les urines des patients la présence de mercure.

Cette pathologie a disparu avec l’abandon de ces vermifuges.

Les estroprogestatifs de synthèse peuvent être à l’origine de complications thrombotiques artérielles ou veineuses, augmentation d’incidence des thromboses veineuses profondes des membres, des embolies pulmonaires, des thromboses veineuses intracérébrales, des accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques, et des infarctus myocardiques.

Les mécanismes impliqués sont multiples : troubles du métabolisme lipidique, exagération du risque par la consommation de tabac, voire mécanismes immunologiques.

Toutefois, il n’y a pas eu d’observation d’artériopathies vraies avec les estroprogestatifs de synthèse. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I (énalapril) ou les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (losartan) peuvent induire des poussées d’angiooedème chez l’homme.

Les inhibiteurs de la phosphodiestérase, notamment la théophylline, peuvent entraîner des lésions artérielles mésentériques.

L’hypervitaminose D peut créer des lésions dégénératives de la média des artères, des calcifications des artères coronaires et la prolifération des cellules musculaires lisses.

Pour ces différentes associations entre une prise médicamenteuse et un accident artériel, il faut souligner les difficultés d’imputabilité car il existe souvent de nombreuses prises médicamenteuses concomitantes, l’épreuve de réintroduction n’est pas toujours possible et l’évolution vasculaire est parfois favorable malgré la poursuite du traitement initialement incriminé.

Artériopathies iatrogènes non médicamenteuses :

Les agressions physiques artérielles directes, dont la fréquence augmente parallèllement à la multiplication des gestes invasifs d’exploration ou de traitement (ponctions, cathétérismes, radiologie ou chirurugie endovasculaire) peuvent entraîner de nombreuses complications telles que embolisations (notamment de cristaux de cholestérol), dissections, anévrysmes et fistules artérioveineuses.

On peut également citer les spasmes artériels déclenchés par l’injection de produit de contraste iodé ou par des gestes chirurgicaux portant sur des artères proximales.

Différents produits utilisés pour colmater des brèches vasculaires contenant du polyuréthane polymérisé peuvent induire des dégradations importantes du mur vasculaire.

La radiothérapie peut entraîner une fibrose périartérielle et de nombreuses lésions pariétales aboutissant à un vieillissement artériel prématuré : ischémie pariétale par occlusion des vasa vasorum, altérations enzymatiques pariétales facilitant l’infiltration par les lipoprotéines plasmatiques, diminution de la production de prostacycline.

Ces lésions créent le plus souvent des sténoses pures (en 5 à 10 ans) ou associées à des lésions athéromateuses (en 10 à 25 ans) dans les territoires artériels intéressés par les champs d’irradiation.

Il n’y a pas proportionnalité entre l’importance de l’irradiation et le risque de survenue de l’artériopathie.

Des ruptures artérielles sont beaucoup plus rares, survenant dans les semaines qui suivent l’irradiation mais dans un contexte particulier : chirurgie traumatisante, infection locale grave, tumeur évolutive.

Tous les territoires artériels peuvent être touchés, mais certaines caractéristiques permettent de rattacher l’artériopathie à la radiothérapie : caractère focal de la lésion, localisation en regard du champ d’irradiation, lésions cutanées radiques sus-jacentes, et, à un degré moindre, absence de facteurs athérogènes ou d’atteinte artérielle dans un autre territoire.

Le traitement préventif repose sur l’utilisation de champs restreints d’irradiation, les doses limitées de radiations, et la lutte contre les facteurs de risque athérogènes, en particulier le tabagisme, les dyslipidémies et l’hypertension artérielle.

Le traitement curatif est affaire de cas particulier en sachant que la peau et les plans sous-cutanés sont souvent lésés par l’irradiation, et que le caractère fibreux de l’artère elle-même pose des difficultés techniques.

Le traitement chirurgical, pontage ou endartériectomie, est souvent délicat, et plusieurs observations récentes suggèrent un bonne efficacité de l’angioplastie transluminale.

L’administration d’oxygène aux enfants prématurés peut entraîner des lésions irréversibles de vasoconstriction et de thrombose artérielle rétinienne avec risque de cécité irréversible.

Des pressions élevées en oxygène en pression positive (PEEP) sur de courtes périodes peuvent induire chez l’adulte des lésions endothéliales artérielles pulmonaires.

Artériopathies toxiques professionnelles :

A – AMINES ALIPHATIQUES :

Les amines aliphatiques telles que l’allylamine (3-amino-propène) sont utilisées dans la synthèse de produits pharmaceutiques, en particulier certains antifongiques, à usage humain ou vétérinaire.

La toxicité décrite après inhalation chronique d’allylamine est centrée par une atteinte vasculaire, liée à l’accumulation d’allylamine dans la paroi des artères musculaires et des artères élastiques, avec hypertrophie des artères mésentériques, pancréatiques, testiculaires ou pulmonaire.

B – MÉTAUX LOURDS :

De très nombreux métaux lourds, contenus dans les aliments ou les boissons (sélénium, chromium, cuivre, zinc, cadmium, plomb, mercure), ou dans des produits inhalés (vanadium, plomb), peuvent avoir une toxicité vasculaire.

La plupart de ces effets toxiques vasculaires passent par le blocage des canaux calciques, et une action sur les protéines intracellulaires telles que la calmoduline.

L’exposition prolongée au cadmium, tant chez l’animal que chez l’homme, favorise le développement de l’athérosclérose et d’une hypertension artérielle.

L’intoxication au plomb, en particulier chez les enfants, entraîne par effet vasoconstricteur direct une élévation de la pression artérielle.

L’utilisation de mercure inorganique induit une vasoconstriction des artérioles glomérulaires afférentes.

L’intoxication aiguë par l’arsenic entraîne une vasodilatation.

Les taux élevés d’arsenic retrouvés dans la terre et l’eau de Taïwan seraient responsables d’une forme sévère d’athérosclérose appelée Blackfoot disease, artériopathie distale endémique associant des lésions d’athérosclérose oblitérante et de thromboangéite.

L’arsenic peut également entraîner une hypertension portale non liée à une cirrhose hépatique.

C – DÉRIVÉS NITRÉS AROMATIQUES :

Le dinitrotoluène est utilisé comme précurseur dans la synthèse de mousse de polyuréthane, d’enduits, d’élastomère ou d’explosifs.

Les travailleurs exposés quotidiennement présentent, en fonction de la durée et de l’intensité de l’exposition, une athérosclérose accélérée en rapport avec des dysplasies des cellules musculaires lisses aortiques, et conduisant à une surmortalité d’origine cardiovasculaire.

D – HYDROCARBURES POLYCYCLIQUES :

Le benzo (a) pyrène peut induire une athérosclérose sans modification du métabolisme lipidique, par altération des cellules musculaires lisses de l’aorte et des gros troncs artériels due à plusieurs mécanismes :

– inactivation de la protéine-kinase C ;

– liaison covalente à l’acide désoxyribonucléique (ADN) ;

– liaison à des récepteurs cytosoliques ;

– modification vers un phénotype proliférateur et migrant les cellules musculaires lisses artérielles.

E – MONOXYDE DE CARBONE :

Principalement contenu dans les gaz d’échappement des véhicules automobiles, la fumée de tabac et le mazout, il entraîne des lésions endothéliales et des cellules musculaires lisses, à l’origine d’un effet athérogène et thrombogène.

La formation de carboxyhémoglobine exagère les effets fonctionnels en réduisant le transport d’oxygène vers les tissus.

F – DISULFURE DE CARBONE :

Présent dans le goudron et le pétrole brut et utilisé pour la fabrication des désinfectants, sa toxicité vasculaire passerait par la production de thiocarbamate, ayant une puissante activité antithyroïdienne, avec augmentation du risque de maladie coronarienne de 2 à 3.

G – NICOTINE :

Agent alcaloïde mimant l’action de l’acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques et réduisant la production de prostacycline aortique, la nicotine augmente le risque d’infarctus myocardique, d’infarctus cérébral, de gangrène distale et d’anévrysme artériel.

H – ACIDE HYDRAZINOBENZOÏQUE :

Ce dérivé hydrazine d’un champignon peut entraîner l’apparition de tumeur des cellules musculaires lisses de l’aorte et des grosses artères ayant les caractéristiques morphologiques et immunocytochimiques des léiomyomes et des léiomyosarcomes vasculaires.

Artériopathies toxiques non professionnelles :

A – COCAÏNE :

Aussi bien la cocaïne base extraite à partir des feuilles de coca, que le « crack », forme chimique particulièrement pure de la cocaïne, peuvent avoir via des effets sympathomimétiques indirects, une toxicité vasculaire aux niveaux cardiaque et cérébral.

Sur le plan cardiaque, il s’agit de douleurs angineuses ou d’infarctus myocardiques, survenant chez des hommes jeunes, fumeurs, consommant régulièrement de la cocaïne et ayant peu d’autres facteurs de risque vasculaires.

Les symptômes surviennent pendant les 24 heures suivant la prise de cocaïne et parfois au moment du sevrage.

Les marqueurs biologiques cardiaques sont peu fiables, notamment les CPK MB car la cocaïne favorise l’activité motrice, l’hyperthermie et les rhabdomyolyses.

La troponine cardiaque I semble un marqueur plus spécifique pour estimer l’atteinte myocardique.

Différents mécanismes interviennent : vasoconstriction des artères coronaires, formation in situ de thrombus, agrégation plaquettaire, athérosclérose accélérée.

Sur le plan neurologique, il peut s’agir de crises d’épilepsie, d’accidents vasculaires cérébraux hémorragiques ou ischémiques, avec parfois un aspect d’artérite cérébrale angiographique.

La vasoconstriction liée à la cocaïne a également été associée à des avortements spontanés ou à des accouchements prématurés.

B – AMPHÉTAMINES :

La prise orale, intraveineuse ou même nasale d’amphétamines (métamphétamine, phénylpropanolamine) peut provoquer des hémorragies ou des infarctus cérébraux liés à des lésions d’angéite cérébrale.

Ces molécules sont utilisées par les toxicomanes, mais sont aussi contenues dans certains anorexigènes ou des décongestionnants nasaux.

Conclusion :

Devant une artériopathie, l’existence d’un facteur iatrogène ou toxique doit systématiquement être évoquée, même si le tableau initial est sévère (ischémie aiguë).

Le diagnostic repose avant tout sur l’anamnèse, en se méfiant des prises médicamenteuses ou toxiques multiples.

Le bilan morphologique permet d’éliminer une autre cause d’artériopathie.

Le traitement comporte avant tout l’arrêt des médicaments incriminés ou le retrait du toxique, et des perfusions de vasodilatateurs.

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