Apprentissage des gestes d'urgence à l'école Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Enseigner les gestes d’urgence à l’école en France ressemblait à une
gageure.
Les principes simples de secourisme sont inscrits dans les
programmes de l’école primaire depuis 1995.
Des pays comme la
Norvège nous ont fait bénéficier de leur expérience d’un enseignement
intégré au curriculum de l’élève.
Cet enseignement est progressif, du
cours préparatoire à la classe de troisième.
Il est dispensé par les
professeurs d’éducation physique, avec pour objectif prioritaire la prise
en charge de l’arrêt cardiorespiratoire (ACR).
Les risques de noyade, le
manque d’accessibilité immédiate du territoire ont contribué à la forte
motivation de tous les acteurs d’une véritable chaîne de secours selon Cummins.
Tous les instituteurs norvégiens suivent un cours de
3 heures. Les professeurs d’éducation physique sont formés en 20 heures.
D’autres pays, comme la Suisse, ont choisi de former les personnes au
moment de la préparation à l’examen de conduite, à l’aide
principalement d’outils multimédias.
La formation aux gestes qui sauvent est un enjeu de santé publique.
Depuis juillet 1997, des textes émanant du ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche relancent le projet et précisent les
orientations françaises.
L’objectif est d’initier des comportements qui
garantissent la qualité du premier maillon d’une chaîne médicale des
secours, dans le cadre d’un véritable esprit civique de solidarité.
Les
Samu et leurs écoles, les Cesu ont participé aux réflexions des groupes
de travail et s’engagent dans cette démarche avec les pédagogues et le
service de promotion de la santé, réalisant un partenariat :
Santé/Éducation nationale.
Apport du secourisme
:
L’efficacité du secourisme repose sur un enseignement de masse.
De la
qualité du premier maillon d’une chaîne dépend le bon déroulement des
soins.
Aux États-Unis, l’accent est mis sur la prise en charge de l’arrêt
cardiorespiratoire.
Des études faites à Seattle ont montré qu’après une
formation aussi large que possible sous l’égide de toutes les associations
et écoles habilitées à faire cet enseignement, des résultats positifs
significatifs en termes de mortalité et de morbidité étaient relevés dans
l’année suivant la formation.
La formation est certificative avec une
validité de 1 an.
La preuve indirecte du bien-fondé d’un tel
enseignement a été révélée l’année suivant la formation, en raison de la
baisse des résultats.
Cette baisse a été interprétée comme étant due à la
dilution des connaissances après une année et à la crainte des
conséquences médico-légales en cas de geste délétère.
En effet, la notion
de non-assistance à personne en danger ne prévaut pas comme en France
et l’obligation de résultats est plus omniprésente.
Un citoyen qui n’est
plus titulaire d’un diplôme en cours de validité et qui n’est plus sûr de
ses gestes ne tente pas une réanimation.
La France a été un des derniers pays à inclure le massage cardiaque,
considéré comme un geste dangereux, dans la formation de base du
secouriste.
Ce thème est actuellement intégré dans un programme
modulaire : l’attestation de formation aux premiers secours.
L’introduction de méthodes pédagogiques actives, l’évaluation des
gestes à partir de grilles d’observation et la réduction de la durée de la
formation à une douzaine d’heures paraissent en garantir l’efficacité.
Cependant, l’objectif de former des milliers de secouristes n’est pas
atteint.
Le coût en temps et en argent est incompressible.
Le nombre de
formateurs agréés après 50 heures de formation est restreint.
Il en résulte un nombre insuffisant de secouristes, en dessous d’une masse critique,
obligeant les entreprises à mobiliser des ressources internes pour former
les équipes de sécurité.
Le secourisme a été enseigné à moins de 5 % de la population.
Le
problème le plus aigu est la réactualisation des connaissances.
Une
évaluation des compétences à la suite de la formation aux gestes de
premiers secours a permis de mettre en évidence les écarts entre les
objectifs fixés et les résultats obtenus.
Le médecin s’associe rarement à l’apprentissage du secourisme pratiqué
en dehors des structures sanitaires qu’il a pu fréquenter lors de sa propre
formation.
Celles-ci lui demeurent étrangères.
Actuellement, il s’agit d’apprendre aux élèves des principes simples de
secourisme.
C’est dans cet esprit que cet enseignement s’est mis en
place, en formant les élèves à des comportements de bon sens, plus qu’à
des gestes mécaniques et puristes.
Cet apprentissage s’inscrit dans le
programme de sciences du cycle 3 (du cours élémentaire deuxième
année au cours moyen deuxième année) dans la partie éducation à la
santé, qui se construit dès la maternelle.
L’objectif est de développer
chez tous les enfants une connaissance réelle du corps humain en les
plaçant dans des situations de la vie courante.
Cet enseignement
scientifique gagne en efficacité s’il se développe avec la participation du
médecin en qualité de référent.
Choix d’une stratégie d’enseignement
et d’une planification :
A -
Enjeux :
1- Enjeux de santé publique
:
Les accidents de la vie courante, qui surviennent au domicile, à l’école
ou lors des loisirs, sont une cause importante de mortalité et de
morbidité.
Ils ont causé 18 000 décès en 1996. 845 000 séjours annuels
dans les services hospitaliers de soins de court séjour leur étaient
imputables en 1993.
L’enquête décennale sur la santé et les soins
médicaux de l’Institut national de la statistique et des études
économiques en 1991 estime à 8,4 millions les accidents de la vie
courante ayant nécessité au moins un recours au médecin, à un auxiliaire
médical ou au pharmacien dans l’année considérée.
La moitié de ces
accidents se produisent au domicile ou dans ses abords immédiats et
l’autre moitié durant les loisirs ou les activités scolaires.
D’après cette
enquête, si 20 %de ces accidents, soit 1,7 million, n’ont occasionné que
des achats pharmaceutiques, trois sur cinq, soit 5,2 millions, sont
suffisamment alarmants ou graves pour donner lieu à une consultation
auprès d’un médecin ou d’un auxiliaire médical et un sur huit, soit 1,5
million, entraîne une interruption d’activité.
L’enquête européenne permanente de l’European Home and Leisure
Accident
Surveillance
System (EHLASS) réalisée depuis 1986 dans les
services d’urgence de huit hôpitaux français renseigne sur les causes, les
mécanismes et les conséquences en termes d’hospitalisation des
accidents domestiques et de loisirs (hors accidents de la route) qui
conduisent à ces services.
Elle montre des risques très diversifiés selon
l’âge.
Les causes principales d’accidents sont :
– avant 1 an : chutes d’un lieu élévé ;
– de 1 à 4 ans : intoxications, brûlures, noyades, morsures ;
– de 5 à 15 ans : accidents scolaires ;
– de 16 à 25 ans : accidents de sport ;
– de 26 à 65 ans : accidents ménagers et de bricolage ;
– après 65 ans : chutes de sa hauteur.
L’apprentissage des bons comportements face aux accidents de la vie
courante est la cible à privilégier pour la formation des citoyens.
En ce qui concerne la conduite à tenir face à un ACR, Brennan et
Braslow pensent qu’elle devrait être enseignée préférentiellement aux
personnes le plus susceptibles d’être présentes lors d’un tel
événement.
Les ACR se produisent dans les trois quarts des cas au
domicile, selon les auteurs.
C’est donc les membres des familles de
patients coronariens qui devraient bénéficier au mieux d’une telle formation.
Les auteurs constatent que cette formation publique (non
professionnelle) est dispensée à des personnes plus jeunes (30,8 ans en
moyenne alors que les familles de coronariens sont âgées de 55 ans en
moyenne) et que seuls 18,5 % disent vivre auprès de personnes à haut
risque.
Ces données épidémiologiques justifient de privilégier à l’école primaire
les actions de prévention du suraccident, l’alerte et la sensibilisation à
des comportements simples comme le refroidissement précoce des
brûlures.
La prise en charge de l’ACR ne concerne que les élèves du
secondaire.
L’enjeu de santé publique est d’optimiser le premier maillon de la chaîne
de secours d’urgence.
L’organisation du système d’urgence français permet de mettre en
contact tout appelant avec un médecin grâce au centre 15.
2- Enjeu pédagogique
:
* Pour l’école
:
Développer un comportement adapté devant une situation d’urgence
permet une meilleure différenciation pédagogique.
Apprendre à aider
l’autre en situation d’urgence nécessite des savoirs, des savoir-faire et
des savoir-être.
Cette dimension citoyenne s’intègre aussi au programme
d’éducation civique.
Dès la maternelle, l’apprentissage de la sécurité
constitue un enjeu essentiel de protection de l’enfant pour lui-même et
pour les autres.
Apprendre à porter secours se développe à l’école
primaire comme un projet d’apprentissage et d’enseignement
interdisciplinaire.
Savoir donner l’alerte nécessite de savoir téléphoner
avec efficacité, ce qui implique des compétences techniques, orales,
spatiales et temporelles.
Pour l’école primaire, l’enjeu consiste à donner
à tous les enfants des savoirs de base qui ne soient pas coupés de la
réalité.
Alliant à la fois des connaissances théoriques et un apprentissage
gestuel, l’apprentissage des comportements d’urgence permet à des
élèves ordinairement éloignés des savoirs scolaires de s’impliquer dans
des actes dont ils sentent immédiatement l’enjeu vital.
À partir du geste
motivé, la compréhension théorique s’élabore plus facilement.
En ce
sens, l’éducation à la santé permet une meilleure égalité scolaire et
rassemble l’intérêt de tous les parents sans distinction culturelle.
Élèves, enseignants, parents sont face à des responsabilités civiques.
* Pour le médecin
:
Le médecin du centre 15 appelé sert de guide, d’accompagnateur.
Il
permet de vaincre le stress de l’appelant et l’aide à recontextualiser ses
connaissances.
Le petit citoyen est formé pour réagir à l’école mais aussi
dans la rue et chez lui.
L’enfant a acquis une connaissance du geste mais
l’indication du geste est plus complexe.
Elle doit être adaptée au
contexte et c’est là qu’intervient le professionnel, c’est-à dire le
médecin.
Le meilleur exemple est la mise en position d’attente sur le
côté en attendant les secours.
En cas de traumatisme associé à des
troubles de la conscience, le médecin est là pour analyser le contexte de
la situation exposée, décider et conseiller de façon pertinente.
Seul le médecin connaît les conséquences de certaines erreurs gestuelles
et peut analyser la situation en qualité d’expert.
B- Objectifs d’enseignement
:
1- Pour l’élève
:
En fonction de son développement psychomoteur, l’enfant doit acquérir
les compétences pour réagir de façon adaptée devant une situation
d’urgence.
Au terme de l’enseignement à l’école primaire, il doit être
capable de reconnaître une situation d’urgence.
L’enfant identifie une
situation anormale qu’il peut décrire en alertant.
Il doit acquérir les
réflexes de protection d’un suraccident, être apte à décrire l’état des
fonctions vitales, alerter les services adaptés et agir en cas de brûlure, de
saignement visible.
En cas de traumatisme avec inconscience, il peut
demander conseil au médecin appelé, en attendant l’arrivée des secours
organisés.
À l’école primaire, il s’agit de l’apprentissage de comportements
simples faisant appel au bon sens.
À la fin de la scolarité obligatoire, l’enfant est apte à agir en cas
d’obstruction complète des voies aériennes et en cas d’arrêt
cardiorespiratoire.
L’enseignement est progressif, adapté au développement psychomoteur
de l’enfant.
2- Pour l’enseignant
:
L’enseignant doit pouvoir porter secours et guider l’élève dans son
apprentissage en intégrant cet apprentissage dans un projet
interdisciplinaire conformément au programme de la classe.
3- Pour le formateur référent
:
Pour aider les enseignants dans la mise en oeuvre d’une véritable
éducation à la santé, trois types de formateurs sont impliqués.
Les
formateurs institutionnels de l’Éducation nationale sont les conseillers
pédagogiques, les inspecteurs et les professeurs d’institut universitaire
de formation des maîtres (IUFM).
Ils essaient de guider les enseignants
dans une évolution pédagogique et didactique.
Le service de promotion
de la santé avec les médecins et les infirmières scolaires constitue une
possibilité de relais technique de proximité pour rappeler aux
enseignants la partie plus spécifiquement médicale.
Le service peut se
référer aux médecins spécialisés des Samu-Cesu.
Le partenariat permet
de conjuguer expérience professionnelle médicale, pédagogique,
connaissances scientifiques pour rendre les simulations réalistes et aider
l’enseignant à faire atteindre à l’élève les objectifs fixés.
Un module apprentissage de 3 heures permet de faire découvrir à
l’enseignant l’ensemble des comportements et gestes qu’il enseignera
aux élèves de l’école primaire.
Pédagogie du geste
:
A - Règles opératoires
:
Comprendre la finalité, le principe d’un geste contribue à mieux le
mémoriser et à garantir son adaptation dans des contextes différents.
Le
programme des enfants est conçu de façon à identifier les objectifs et
principes du geste et pas seulement ses étapes.
Avoir compris quel
résultat on veut obtenir en exécutant un geste et de quel mécanisme
intime essentiel il dépend permet de le réussir.
Cette condition est
d’autant plus nécessaire que les occasions d’application sont rares.
B - Pédagogie de découverte
:
Faire découvrir le geste, le décortiquer pour trouver sa logique, ses
règles opératoires, permettent de garantir sa compréhension et son
exécution face à des situations médicales le justifiant.
Le travail du
formateur consiste à guider l’enseignant dans cette démarche.
À la
simple démonstration avec répétition et correction d’un geste, on préfère
substituer une période de découverte du geste pour favoriser la réflexion,
sa compréhension et donc sa mémorisation.
Les mises en situation,
choisies pour modifier les contextes de réalisation, permettent de se
rapprocher de la réalité.
L’enseignant est rassuré car il découvre la
logique du geste dont on s’efforce de simplifier la réalisation.
Le
médecin favorise l’acquisition des compétences car il vérifie le réalisme
d’un scénario d’apprentissage et peut démultiplier avec pertinence ces
scénarios.
Ces simulations permettent de varier les contextes
d’application, elles garantissent l’application des comportements
découverts dans un plus grand nombre de situations et contribuent à
diminuer l ’« effet panique » lorsque les circonstances ne sont pas celles
de l’apprentissage.
La sobriété des termes contribue à dédramatiser
l’action.
Par exemple, la position latérale de sécurité devient : mettre la
personne sur le côté.
L’accent est mis sur le but à atteindre en effectuant
le geste.
Le médecin scolaire, le médecin traitant, le médecin régulateur sont
intégrés dans cet apprentissage car ils sont les interlocuteurs privilégiés
des enseignants, des parents et des élèves.
Évaluation
:
A - Indicateurs de santé publique
:
Les bénéfices sanitaires de cette formation ne seront pleinement effectifs
pour la société qu’à l’issue d’une scolarité, dans une génération.
Ces
bénéfices seront alors confondus avec les modifications de la société
survenues simultanément : progrès réalisés dans la prise en charge
médicale, vieillissement de la population, autres modes de vie et de
recours aux soins…
Ainsi, les indicateurs de résultat du programme ne
pourront s’exprimer qu’en termes de performance individuelle :
évaluation des aptitudes de chacun face à une détresse et non en termes
de gain sanitaire collectif tels que : fréquence des suraccidents, taux de
mortalité…
L’évaluation des performances individuelles et le suivi de
leur évolution après la fin de la période de scolarité constituent donc un
outil indirect d’évaluation du bénéfice collectif du programme.
B - Indicateurs de performance de l’élève
:
Les élèves font les preuves de leurs performances tant sur le plan des
savoirs qu’en ce qui concerne les gestes lors de situations d’évaluation
ponctuelles.
Ces évaluations initiales, intermédiaires ou finales
s’effectuent en groupe par des questions à choix multiple (QCM) ou
individuellement par la résolution de cas concrets d’urgence mis en
situation.
Pour que ces performances deviennent de réelles compétences, il est
nécessaire que l’enseignement soit conduit régulièrement tous les ans
de la petite section au CM2, au moins une fois par cycle (tous les 3 ans)
sous forme d’un projet interdisciplinaire à moyen terme (plusieurs
semaines), chaque année, avec un module spécifique d’apprentissage
(1 semaine).
Il faut surtout des réactivations ponctuelles fréquentes et
diversifiées pour pouvoir répondre à une situation toujours unique et
parfois exceptionnelle.
Le projet d’école doit sceller le contrat
d’apprentissage.
C - Indicateurs d’intégration sociale
:
Mettre en pratique une question nouvelle entraîne toujours des
difficultés pédagogiques et didactiques pour l’enseignant.
L’éducation
à la santé est souvent perçue comme un domaine transversal, certes
prioritaire, mais rarement évalué, parce que non inscrit dans les
disciplines dites fondamentales.
Il est donc essentiel que l’enseignant
puisse considérer cet apprentissage vital comme fondamental en
évaluant les compétences disciplinaires.
Toutefois,
il faut veiller à ce que le savoir scolaire n’impulse pas des
connaissances coupées de la vie réelle.
En ce sens,
le médecin peut guider l’enseignant en montrant que, dans sa
pratique médicale quotidienne, son savoir, qui peut paraître
savant, le conduit à opérer des choix plus simples que ceux
trouvés dans les manuels scolaires.
Apprendre à
secourir une personne inconsciente qui respire n’implique pas
l’étude de quatre chapitres séparés sur les appareils
respiratoire, circulatoire, digestif, cérébral.
La
compréhension du geste qui sauve met en relation ces quatre
fonctions en se limitant aux savoirs essentiels et en gardant
l’unité du corps humain tel qu’il existe.
La
connaissance réelle s’instaure au-delà de l’enseignement
cloisonné.
En ce sens,
la collaboration entre formateurs pédagogues et formateurs
médecins est impérative pour qu’existe une réelle éducation à la
santé à l’école en tant que connaissance fondamentale. Riche de
son expérience, le médecin est intégré au processus d’éducation
à la santé.
Il devient
le conseiller des enfants, des parents et des enseignants et
remplit son rôle permanent d’information.
L’enfant, futur citoyen, peut acquérir tout au long du cursus
scolaire obligatoire les compétences pour réagir de façon
appropriée devant une situation d’urgence.
L’enseignant est le
guide de cet apprentissage.
Le médecin en est le conseiller.
L’efficacité d’une chaîne de secours dépend de la qualité des deux
premiers maillons : alerte et gestes d’attente.
La collaboration
avec l’Éducation nationale doit permettre d’atteindre ces objectifs
d’éducation à la santé et de santé publique.