Appareillages des dérivations digestives Cours de Chirurgie
Prise en charge technique et relationnelle des colostomisés et iléostomisés définitifs ou temporaires :
Introduction
:
Sous l’impulsion du Professeur Georges Guillemin à Lyon, la stomathérapie s’est développée en France à partir de 1976.
Actuellement, le « certificat clinique en stomathérapie », mise en
assurance qualité des soins aux malades stomisés, aux personnes
présentant des troubles de la continence urinaire et fécale, aux
malades souffrant de plaies chroniques (escarres, ulcères), forme des
infirmières compétentes dans ces domaines.
La recherche et l’amélioration des différents matériels ont permis de
mettre à la disposition des porteurs de dérivations digestives une
gamme de produits fiables et assurant une protection cutanée
adaptée aux besoins de chaque client.
La création d’une stomie définitive a pour conséquence la perte du
contrôle volontaire de l’exonération des matières, contrôle qui est la
base de la vie communautaire et sociale.
Il est facile de comprendre le désarroi d’un stomisé, contraint de
s’habituer à une nouvelle image corporelle, cherchant à dissimuler
cet « handicap » dont il se sent porteur.
La relation avec son chirurgien, attentif à donner des informations
claires, précises et adaptées, la compétence de l’équipe paramédicale,
si possible conseillée par une infirmière stomathérapeute ayant
acquis l’expérience des techniques d’appareillage et d’éducation des
stomisés, la collaboration de visiteurs d’associations de stomisés, si
elle est souhaitée, vont permettre de rapidement faire évoluer la
situation de détresse vers la prise de conscience de la possibilité de
mener une vie familiale, professionnelle et sociale normale.
Soins préopératoires
:
A - INFORMATION DU MALADE
:
Cette information, claire, précise, complète avant l’intervention, est
le meilleur atout pour une bonne adaptation, car elle est le premier
terme du contrat de confiance établi entre le chirurgien et son client
qui met sa vie entre ses mains (charte du patient hospitalisé annexée
à la circulaire ministérielle n° 95.22 du 6 mai 1995 relative aux droits
du patient hospitalisé).
Certes, il n’est pas facile pour le chirurgien dont la vocation est de
guérir le plus souvent possible, de soulager toujours, d’admettre que
son acte va entraîner une certaine mutilation, et on comprend
aisément la difficulté pour lui d’annoncer la nécessité de la
confection d’une stomie.
Pourtant, cette information est fondamentale, elle se répète au
moment de la localisation de la stomie.
L’infirmière, qu’elle soit ou non stomathérapeute, dans une action complémentaire à celle du
chirurgien, représente la présence nécessaire qui adoucit la rigueur,
et la brutalité d’un diagnostic, dit sans joie, quelle que soit la
douceur avec laquelle il a été formulé.
En décembre 1994, l’Association nationale pour le développement
de l’évaluation médicale (ANDEM), au terme de la conférence de
consensus sur le choix des thérapeutiques du cancer du rectum,
précise : « L’information préalable des malades est indispensable.
La qualité de vie doit être prise en considération dans le choix du
traitement proposé, sans remettre en cause l’efficacité carcinologique.
Le jury recommande que les répercussions psychologiques, sociales
et économiques des traitements soient mieux appréciées et que la
qualité de vie soit évaluée dans les études thérapeutiques avec la
contribution de stomathérapeutes, de psychologues cliniciens et des
associations de stomisés. »
B - LOCALISATION DE LA STOMIE
:
Elle doit être faite avant l’intervention, par le chirurgien, soit seul,
soit en collaboration avec une infirmière stomathérapeute ou
compétente.
Tout l’avenir du stomisé est déterminé par le choix du site
d’abouchement cutané externe de la stomie.
Le siège est abdominal
et doit être vérifié sur un malade en position debout, couchée et
impérativement assise.
La stomie doit être située sur une surface
plane, paraombilicale, visible par le stomisé, loin d’environ 5 cm de
tout relief osseux (crête iliaque, rebord costal), de l’ombilic, de
cicatrices abdominales ou de déformations pariétales, et surtout en
dehors de plis cutanés qui souvent ne sont repérables qu’en position
assise.
De plus, il est important qu’elle ne se situe pas à la partie
déclive de l’abdomen d’un sujet obèse qui serait dans l’impossibilité
de la voir.
Outre ces critères impératifs, il faut tenir compte des habitudes de
vie (travail, sport) et des éventuels handicaps associés (membres
supérieurs déficients, corset, fauteuil roulant).
Le repérage est, dans un premier temps, marqué au crayon
dermique.
Lorsque le site est définitivement choisi, en accord avec
le chirurgien et le futur opéré, il est confirmé par l’injection d’une
goutte de bleu de méthylène en intradermique ; ce léger « tatouage
» résiste à la préparation de la peau et disparaît en quelques
semaines s’il n’a pas servi.
Le repérage doit être fait même si la dérivation n’est pas certaine et
même si l’intervention a lieu en urgence ; au minimum, il est bon
d’asseoir le malade au bord du lit pour repérer le site en dehors de
zones inappareillables.
Soins postopératoires
:
A - DIFFÉRENTS TYPES DE STOMIES
:
On distingue trois types de colostomies : la sigmoïdostomie,
la colostomie transverse, la cæcostomie.
Elles peuvent
être temporaires ou définitives.
L’iléostomie est l’abouchement de la partie terminale de l’intestin
grêle.
La stomie peut être :
– terminale : elle présente un seul orifice ;
– latérale : le sommet de l’anse présente deux orifices ; cette anse est
maintenue extériorisée par une baguette ou un pont de peau ou un
pont de crin.
La baguette reste en place 10 à 15 jours.
B - MATÉRIEL DE RECUEIL
:
Il doit être fiable, étanche aux odeurs, peu bruyant, facile à
manipuler, non allergisant, confortable, esthétique dans sa forme et
sa couleur.
1- Poches
:
En France, quatre laboratoires (B Braun, Coloplast, Convatec,
Hollister) commercialisent les produits nécessaires à l’appareillage
des stomies.
Tous les produits sont de qualité satisfaisante, pourtant
il n’existe pas de poche « universelle » qui convienne à tous.
Selon
les conseils d’une stomathérapeute, parmi les produits des différents
laboratoires, après avoir fait des essais, le stomisé peut choisir
l’appareillage qui lui convient le mieux.
Il peut éventuellement
choisir deux appareils qu’il utilisera selon ses activités.
Tous les laboratoires proposent des matériels de formes (gauche,
droite) et de couleurs différentes (transparente, blanche, chair).
Caractéristiques :
– poches fermées, prédécoupées ou à découper, avec filtre ;
– poches vidables prédécoupées ou à découper, avec ou sans filtre ;
– poches adhésives par l’intermédiaire d’un protecteur cutané
synthétique.
Les protecteurs cutanés permettent de prévenir les complications
locales dues aux fuites ou les irritations occasionnées par les
adhésifs ; ils peuvent aussi guérir les lésions constituées.
Ils ont une
action cicatrisante propre, vérifiée par l’expérience sur les lésions péristomiales ;
– poches une pièce ou monobloc ;
– poches deux pièces ou biblocs : composées d’un support
(protecteur cutané total ou moitié protecteur cutané, moitié adhésif
microporeux) collé sur la peau sur lequel s’emboîte une poche
fermée ou vidable.
L’avantage de ce système est le maintien du
support, qui peut rester en place plusieurs jours ; seule la poche est
renouvelée selon les besoins.
Le système deux pièces doit être utilisé avec précaution en présence
de pli pouvant entraîner des fuites sous l’appareillage si la grandeur
de l’anneau n’est pas adaptée et si la découpe n’est pas ovalisée
dans le sens du pli en position assise.
Le support convexe permet de résoudre des problèmes liés à une stomie trop plane, rétractée.
Son utilisation demande une
surveillance rapprochée par un stomathérapeute, qui peut revenir à
un appareillage traditionnel dès que les problèmes sont terminés.
2- Accessoires
:
– Une ceinture peut être adaptée pour renforcer un appareillage, en
particulier chez des personnes peu actives ou au contraire très
actives, comme des enfants par exemple ; de toute façon, la ceinture
ne doit pas être portée très serrée.
– Protecteurs cutanés : ils existent en plaques, pâte en tube,
bandelettes, anneaux.
C - RÉALISATION DE L’APPAREILLAGE
D’UNE STOMIE NORMALE :
Elle comporte quatre temps :
– mesure du diamètre de la stomie : des anneaux de mesure sont
disponibles dans les boîtes, pour effectuer le calibrage.
La découpe
de la poche ou du support est supérieure de 3 mm au diamètre de
la stomie ;
– nettoyage de la peau : elle sera simplement lavée à l’eau du robinet.
C’est un soin d’hygiène courant, semblable à celui réalisé lors de la
toilette après avoir été à la selle.
Il n’est nul besoin de compresses, a
fortiori de compresses stériles.
Le séchage doit être parfait ;
– pose de la poche : elle est faite minutieusement en commençant par
la partie inférieure, puis en remontant et en appliquant le tout à l’aide d’une pression du plat de la main (poche une pièce).
Le
support du système deux pièces est appliqué en insistant pour faire
adhérer le centre de l’anneau avant l’emboîtage de la poche ;
– entretien : si une poche une pièce est utilisée, celle-ci est remplacée
une à deux fois par 24 heures (colostomisés).
Les stomisés
choisissent le moment de ce soin en fonction de leur mode
d’évacuation : à jeun pour les iléostomisés, après une selle émise à
heure régulière pour les colostomisés sigmoïdiens.
En cas d’utilisation d’un système deux pièces, le support peut rester
en place plusieurs jours (de 2 à 7) tant qu’il n’y a pas de fuite.
Si la
poche utilisée est fermée, elle est changée une à deux fois par
24 heures ; si la poche est vidable, elle est fermée à l’aide d’un clamp
qui permet la vidange au moment et à l’endroit souhaités, toujours
avant que la poche ne soit trop pleine et risque ainsi de faire décoller
le système.
L’achat du matériel se fait sur ordonnance détaillée établie après le
choix définitif par le chirurgien (préciser le type de stomie, le
diamètre de prédécoupe ou de l’anneau, le modèle de poche et le
laboratoire fabricant).
Les produits de stomathérapie sont
remboursés par la Sécurité sociale selon des tarifs régulièrement
révisés, les produits remboursables doivent être vendus au prix
indiqué sur les boîtes.
Les ordonnances doivent être faites pour 2 à 3 mois et le
renouvellement par un médecin doit se faire après vérification de la stomie, de sa taille, de l’état de la peau, afin d’adapter la nouvelle
prescription à la situation actuelle.
Les infirmières stomathérapeutes (entérostomathérapeutes [ET]) sont
régulièrement informées par les fabricants des améliorations
apportées et des nouveaux produits.
Elles doivent être les conseillers
en matière de choix pour les stomisés, car la taille, l’aspect de la
stomie peuvent évoluer en fonction de la modification de poids, de
l’apparition de prolapsus, d’éventration; négliger ces
évolutions peut créer des incidents : compressions, blessures,
hémorragies.
Le rôle des ET est de savoir reconnaître ces incidents, leur origine
locale ou générale : récidive de la maladie causale, association
morbide telle que la caput medusae, signe d’une hypertension
portale.
Elle doit en avertir le chirurgien ou le médecin traitant.
D - SOINS POSTOPÉRATOIRES IMMÉDIATS
:
Quel que soit le type de stomie, les selles en période postopératoire
immédiate sont molles, voire liquides.
L’appareillage est réalisé avec
une poche vidable, transparente, sans filtre, de préférence deux
pièces ou à hublot ; un joint de pâte assure l’étanchéité péristomiale.
En cas de retard à la reprise du transit, un toucher stomial est réalisé
par le chirurgien et parfois une petite irrigation (colostomie).
Si l’éperon de la stomie latérale est déficient, des selles peuvent
s’extérioriser à la fois par le bout d’amont et par les voies naturelles ;
il peut se créer des fécalomes si l’évacuation se fait mal.
Une
surveillance s’impose donc au long cours.
E - SOINS SELON LE TYPE DE STOMIE
:
1- Soins aux porteur d’une colostomie sigmoïdienne
:
Les selles sont moulées et des gaz en quantité variable sont évacués.
Le stomisé utilise généralement une poche fermée munie d’un filtre.
Une possibilité peut lui être offerte : c’est la pratique de l’irrigation
colique, qui peut compenser la perte du contrôle de l’évacuation
des selles par la stomie, en pouvant choisir le moment de
l’évacuation.
Son principe repose sur l’évacuation du gros intestin par
l’administration d’un lavement évacuateur tous les 2 ou 3 jours, à
heure fixe.
* Indications. Contre-indications
:
Cette technique est exclusivement réservée aux porteurs de
colostomie gauche qui ont la totalité de leur tube digestif et donc
des selles de consistance normale, pouvant être stockées dans le
côlon pendant plusieurs jours.
L’irrigation est contre-indiquée, ou du moins risque d’être moins
efficace, chez des personnes âgées, en mauvais état général,
débilitées, gênées visuellement ou manuellement.
L’indication doit
être posée avec précaution en cas de maladie diverticulaire ou de
côlon irradié ; elle peut être déconseillée chez des sujets ayant des
antécédents d’angine de poitrine grave ; en cas de colopathie
spasmodique, elle peut être inefficace.
Les irrigations doivent être interrompues en cas de diarrhées, et ne
doivent être reprises qu’après vérification et traitement éventuel de
la cause déclenchante, et le retour d’un transit normal.
Cette dernière recommandation explique en partie la diminution
constatée depuis quelques années du nombre de stomisés adoptant
cette méthode.
En effet, une chimiothérapie ou une radiothérapie
postopératoires sont de plus en plus souvent mises en route.
Les
modifications du transit occasionnées par ces traitements font que
la technique de l’irrigation colique ne peut être enseignée
rapidement après l’intervention.
Cette situation est responsable de
la moindre motivation des stomisés à utiliser une méthode
demandant environ 1 heure alors qu’ils ont pris l’habitude de
changer leur appareillage en quelques minutes.
* Matériel
:
Il est contenu dans une trousse.
Il est remboursé par la Sécurité
sociale.
La trousse comprend :
– un réservoir gradué souple à suspendre, relié à un tuyau muni
d’un régulateur de débit ; son extrémité se raccorde à un embout
mousse (cône) qui s’applique sur la stomie et permet l’introduction
de l’eau ;
– une grande poche plastique adhésive (manchon) ouverte aux deux
extrémités ;
– deux pinces ;
– des minipoches ou des obturateurs.
* Technique
:
Il est conseillé que l’apprentissage de cette méthode soit fait par une stomathérapeute.
Lors de la première irrigation, il est important de repérer et de faire
repérer au stomisé le trajet du côlon à l’aide d’un doigt muni d’un
doigtier lubrifié, introduit dans la stomie.
La première irrigation peut être pratiquée dès le huitième jour
postopératoire, mais le plus souvent elle est réalisée en cours de
convalescence (2 à 3 semaines après l’opération).
L’irrigation se pratique dans les WC, en position debout ou assise,
mais peut également être organisée au lit, le malade étant couché
(soin en période postopératoire récente ou pour préparer à un
examen).
Un volume de 750 à 800 mL d’eau tiède du robinet est nécessaire ;
l’écoulement est contrôlé grâce au régulateur de débit ; il doit être le
plus rapide possible (moins de 5 minutes), tout en sachant qu’il faut
ralentir le débit en cas d’apparition de douleurs abdominales à type
de crampes et le reprendre dès l’arrêt des douleurs.
L’évacuation se fait en deux temps :
– la première, de 15 minutes environ, au cours de laquelle la plus
grande partie de l’eau est rejetée, entraînant avec elle une partie du
contenu intestinal qui se déverse dans les WC, obligeant le stomisé
à rester dans la même position.
Des massages abdominaux facilitent
cette évacuation ;
– la seconde, de 15 à 30 minutes, durant laquelle le manchon rincé
peut être replié sur lui-même pour former une poche ; en attendant
l’évacuation totale de l’eau et des selles, le stomisé peut pendant
cette période vaquer à ses occupations matinales (toilette, déjeuner,
ménage).
À la fin de l’évacuation, le manchon est retiré, la peau est nettoyée à
l’eau, séchée, une minipoche ou un bouchon obturateur peuvent être
placés sur la stomie.
L’apprentissage de cette méthode nécessite en général trois leçons
au cours desquelles le stomisé intègre progressivement les gestes.
La rencontre avec un stomisé pratiquant l’irrigation avec succès peut
lui être une aide.
Un suivi est utile dans les premiers temps, et en cas de besoin, le stomisé peut s’adresser à la stomathérapeute qui a assuré
l’enseignement.
À long terme, le stomisé doit signaler tout
changement dans l’évacuation qui pourrait traduire une évolution
de la maladie causale, le cancer étant l’indication la plus fréquente
de la colostomie gauche.
Si aucun régime n’est demandé au patient à colostomie gauche, il
doit bien sûr éviter les aliments connus de lui comme provoquant
de la diarrhée.
Il est conseillé de porter une poche traditionnelle lors
de modifications importantes des habitudes alimentaires (banquets,
voyage).
Il faut aussi tout faire pour éviter la constipation.
Pour cela, il est
recommandé de boire régulièrement, environ 1,5 L en dehors des
repas.
Les voyages peuvent être organisés, la prudence est de garder avec
soi le matériel de rechange.
En cas d’irrigation, il est prudent de
vérifier la qualité de l’eau et si besoin la faire bouillir ou utiliser de
l’eau minérale non gazeuse.
Le contrôle de l’exonération colique, supprimant le port de la poche
collectrice, transforme la vie des colostomisés qui adoptent cette
technique, tant sur le point de vue physique que psychologique,
favorisant ainsi leur réinsertion plus rapide dans la vie active.
Trois problèmes sont possibles :
– l’eau n’entre pas : le matériel est défectueux (bouché) ; le cône est
mal orienté ; complication locale (éventration, prolapsus) ;
complication interne (récidive de la maladie, occlusion) ;
– l’eau ne ressort pas : le malade est déshydraté et l’eau a été
absorbée ; l’eau a été injectée trop lentement et n’a pas déclenché le
réflexe d’évacuation ;
– il existe des rejets entre les irrigations : différencier un rejet d’eau et
une diarrhée.
Le rejet d’eau survient 12 à 20 heures après le soin ; il
est dû à une injection trop abondante de liquide.
2- Soins au porteur d’une colostomie transverse
:
Les selles sont le plus souvent molles, quelquefois moulées.
L’appareillage est effectué selon la qualité des selles : poches vidables ou fermées mais toujours avec un protecteur cutané.
La
présence de gaz est variable, pouvant nécessiter l’utilisation d’une
poche avec filtre.
L’irrigation colique n’est jamais pratiquée dans cette situation.
3- Soins aux porteurs d’une iléostomie
:
L’appareillage est composé d’une poche vidable (avec ou sans filtre),
et les protecteurs cutanés sont systématiquement utilisés.
En effet,
les selles sont liquides, très corrosives pour la peau péristomiale.
La
pâte permet de réaliser un joint d’étanchéité renouvelé chaque jour.
La poche mise en place est donc changée chaque jour.
Le système
deux pièces reste en place plusieurs jours, mais le support est
nettoyé après retrait de la poche, et un joint de pâte est refait chaque
jour.
Le soin est réalisé à jeun pour éviter les écoulement gênants.
La vidange de la poche est effectuée quatre à cinq fois par 24 heures
(2 à 4 heures après les repas généralement).
Aucun régime alimentaire strict n’est imposé, hormis les aliments
laxatifs ou entraînant des troubles spécifiques à chaque personne.
L’hydratation doit être suffisante pour compenser les pertes qui
s’élèvent à environ 1 L/j.
Les brûlures péristomiales (très douloureuses) par les effluents sont
des complications à traiter en urgence afin d’éviter l’extension
empêchant la tenue de l’appareillage.
F - PROBLÈMES CUTANÉS
:
Malgré toutes les précautions prises par le chirurgien pour la
localisation de la stomie et malgré l’amélioration de la qualité du
matériel, des problèmes cutanés peuvent survenir chez les stomisés.
Ils ont différentes causes :
– un changement de poids peut favoriser l’apparition de plis si
redoutés.
La découpe doit être adaptée à la taille de la stomie et au
sens du pli (découpe ovale à plusieurs millimètres de la stomie).
En
cas de risque d’irritation, l’emploi de protecteur cutané en languette
et pâte est nécessaire;
– des soins d’hygiène faits avec des produits agressifs (rinçage
insuffisant du savon, utilisation d’alcool, d’éther) ;
– modification de la nature des selles (diarrhée) ;
– réaction cutanée à l’utilisation d’un nouveau matériel, etc.
L’irritation peut se traduire par :
– une simple rougeur sans lésion;
– une brûlure du deuxième degré : la peau est rouge, suintante, très
douloureuse;
– la lésion se présente avec une excoriation de la peau,
épaississement local et remaniement.
Les soins visent à guérir et à éviter leur réapparition : nettoyage
doux à l’eau seule, séchage soigneux par tamponnement, application
de protecteur cutané en plaque et en pâte, et mise en place d’un
appareillage deux pièces, vidable.
En cas de rougeur, à l’ablation de montage après 2 ou 3 jours, la
lésion sera guérie.
Aux deuxième et troisième stades, la guérison peut être un peu plus
longue, et surtout, il peut être nécessaire de refaire l’appareillage
une ou deux fois dans les premières heures car les protecteurs
cutanés se décollent lorsqu’ils sont gorgés du liquide de suintement
émis par la lésion.
Les lésions de peau sont très douloureuses, très traumatisantes pour
le stomisé, entraînant des fuites donc réduisant son activité par le
manque de fiabilité qu’elles entraînent au niveau de l’appareillage.
Elles peuvent être traitées et, en tous cas, doivent l’être rapidement.
Il n’y a pas de moment précis pour changer une poche, mais celle-ci
doit être renouvelée à chaque fois qu’elle est pleine et surtout dès
qu’il y a une fuite.
Le port d’un appareillage de recueil ne peut être supprimé.
Il faut
donc que celui-ci soit effectué de manière correcte ; un montage
(pâte, protecteur, poche) peut demander impérativement la présence
d’une infirmière stomathérapeute.
Approche psychologique
de la personne stomisée :
La création d’une dérivation digestive entraîne des répercussions
psychologiques variables selon que la stomie est définitive ou
temporaire.
En cas de stomie définitive, un travail de deuil débute dès l’annonce
de la nécessité de la chirurgie ; il est lié aux pertes que va subir le
malade : perte de la santé, de sa fonction d’élimination ; modification
de son image corporelle (cicatrice et stomie) ; parfois perturbations
d’autres fonctions physiques telles que la nutrition « normale », la
sexualité, l’élimination urinaire ; retentissements sur la vie familiale
et sociale.
Un accompagnement est nécessaire par les soignants : médecins et
chirurgiens, infirmières et stomathérapeutes, éventuellement
spécialistes (psychologues, sexologues).
Cet accompagnement
commence dès l’annonce de l’intervention et se poursuit aussi
longtemps que nécessaire, particulièrement si le malade présente des
difficultés dans la gestion de ses soins ou des complications
secondaires ; d’où l’intérêt des consultations de stomathérapie qui
permettent au malade de trouver une aide technique, relationnelle
et éducative selon ses besoins.
En cas de stomie temporaire, le malade se place volontiers « entre
parenthèses » pour les quelques semaines pendant lesquelles il doit
vivre avec une poche ; il ne réalise pas à proprement parler de
travail de deuil, puisqu’il est censé retrouver une situation normale
sous peu ; seul l’état de santé peut faire l’objet d’un deuil, si la
maladie est grave.
Pour réaliser l’éducation du nouvel opéré, les soignants doivent
tenir compte de l’état psychologique du malade, afin d’adapter au
mieux leur action.
Éducation de la personne stomisée
:
Cette éducation commence lors de la consultation préopératoire,
point d’encrage du dialogue et de la confiance qui s’élaborent entre
le chirurgien et son patient, éventuellement l’infirmière
stomathérapeute.
Une enquête portant sur les colostomisés,
pratiquant ou non l’irrigation, a montré l’importance de
l’information donnée dès la période préopératoire à propos de
l’irrigation.
En effet, les personnes les plus motivées et assidues pour
la pratique de cette technique se sont révélées être celles auxquelles
le chirurgien avait donné l’information avant l’intervention.
La confection d’une stomie ne doit pas constituer une infirmité pour
le malade qui en est porteur, et il doit, le plus rapidement possible,
être mis en situation de réaliser lui-même son appareillage, sauf si
un handicap associé nécessite la présence d’une tierce personne.
La
vie quotidienne (douche, habillement, sorties…) n’est pas
compromise par la présence d’une stomie.
C’est donc pendant le temps de l’hospitalisation postopératoire
qu’est débutée l’éducation du nouveau stomisé : renouvellement de
l’appareillage, apprentissage de la technique de l’irrigation.
Il est important de constater que chaque personne évolue à un
rythme qui lui est propre et différent d’une autre personne.
Il faut
tenir compte de cette différence ; tous les stomisés ne sont pas prêts
au même moment pour commencer l’apprentissage.
En effet, l’annonce de la nécessité d’une intervention chirurgicale,
l’angoisse devant le diagnostic formulé, évoqué ou perçu, qui peut
comporter l’annonce d’une maladie chronique (rectocolite ulcérohémorragique, maladie de Crohn) ou d’un cancer, le dégoût à
l’idée de la présence sur son corps de matières dans une poche de
recueil, constituent pour le malade autant de chocs successifs devant
lesquels il a besoin de temps pour faire face à l’épreuve.
Ce temps d’apprentissage est très variable, mais le but est que la
personne stomisée devienne autonome le plus rapidement possible.
Les durées de séjour de plus en plus réduites ne permettent pas
toujours d’atteindre ce but avant la sortie.
C’est pourquoi il est
indispensable que la continuité des soins soit organisée, en maison
de convalescence, au domicile, en consultation externe par une
infirmière stomathérapeute.
Les laboratoires éditent des brochures qui peuvent servir de base et
sont très utiles pour les nouveaux stomisés : il ne faut pas hésiter à
leur distribuer.
Stomathérapeutes
:
Tous les chirurgiens et les médecins confrontés à la nécessité de créer
une stomie pour guérir un client, tous les soignants aux prises avec
les problèmes techniques et psychologiques rencontrés par les
stomisés ont ressenti l’importance de la demande d’aide de ces
personnes et essaient avec toutes les ressources de leur art, de leur
sensibilité, de leur délicatesse, de les encourager et de les aider à
reprendre une vie normale.
Aux États-Unis, le Professeur Rupert Turnbull, de la Cleveland
Clinic (Ohio), et une de ses malades iléostomisée, Norma Gill, ont
créé un enseignement destiné aux infirmières enterostomal therapists
formées à prendre en charge la réadaptation des malades stomisés.
Cet enseignement existe en France, sous l’impulsion du Professeur
Georges Guillemin, depuis 1978, dans le cadre de la formation
continue, et a permis à environ 500 stomathérapeutes répartis dans
toute la France d’améliorer leurs compétences de base dans ce
domaine de soin, à la fois sur le plan théorique, technique au niveau
des appareillages et sur le plan relationnel au niveau de
l’accompagnement dont ces malades ont besoin.
Chirurgiens, médecins, diététiciens, assistants sociaux, pharmaciens,
professionnels de la relation d’aide, psychologues, participent à cet
enseignement qui dure 43 jours et dispensé actuellement dans quatre
centres : Lyon, Paris, Nîmes et Bordeaux.
Les infirmières stomathérapeutes sont regroupées en une association
nationale, l’Association française des entérostomathérapeutes
(AFET) qui organise chaque année quatre journées de formation
pour ses membres.
Elles appartiennent et participent aux travaux du World Council of
Enterostomal Therapists (WCET) dont le comité d’éducation reconnaît les
programmes dispensés dans les quatre écoles françaises.
Associations de stomisés
:
La Fédération des stomisés de France (FSF) est une association à but
non lucratif régie par la loi de 1901, destinée aux iléostomisés, aux
colostomisés et aux urostomisés.
Buts de la fédération :
– aider les stomisés qui le désirent à résoudre leurs problèmes de
réinsertion ;
– encourager la formation médicale et paramédicale
(stomathérapie) ;
– favoriser l’information sur les appareillages et sur certaines
pratiques médicales en vue d’assurer un meilleur confort aux stomisés tout en allégeant les charges de la collectivité ;
– promouvoir la recherche afin de perfectionner les techniques
chirurgicales et les appareillages ;
– informer l’opinion publique par tout moyen, à propos des
problèmes médicaux et sociaux des stomisés ;
– encourager
la réalisation de centres de réinsertion.
Conclusion
:
En conclusion, nous ne saurions trop souligner l’importance des soins
adaptés, personnalisés et compétents que nécessitent les malades stomisés afin de faciliter leur retour à une vie aussi normale et aussi
satisfaisante que possible.
La mise en assurance qualité des soins aux personnes stomisées
représente un atout à l’heure des demandes d’accréditation des
établissements de soins.
Elle permet également, en assurant une gestion
efficace des soins et des matériels, de diminuer les coûts, en particulier
en évitant les gaspillages de matériels et des complications locales aux
traitements longs et coûteux.
Une équipe pluridisciplinaire, avec une infirmière ET, représente donc
un avantage certain.