A - Antibiotiques inhibant la synthèse
de la paroi bactérienne :
1- Rappel sur la structure des enveloppes
bactériennes et la synthèse du peptidoglycane :
Les enveloppes bactériennes sont constituées de la
membrane cytoplasmique, de la paroi et, chez les bactéries
à gram négatif, d’une membrane externe.
Celle-ci représente
une barrière de perméabilité importante en particulier
pour la pénétration des antibiotiques.
Il s’agit
d’une membrane biologique (double feuillet lipidique)
dont le feuillet externe est constitué d’une structure très
imperméable, le lipopolysaccharide.
Cependant, la
pénétration des molécules de petite taille et relativement
hydrophiles est possible grâce aux porines, canaux
protéiques enchâssés dans cette membrane.
La paroi recouvre la membrane cytoplasmique, elle
confère sa forme à la bactérie et lui permet de résister
aux pressions osmotiques.
Son composant majeur est le peptidoglycane, macromolécule composée de longues
chaînes glycaniques, une structure réticulée étant obtenue
grâce à l’existence de ponts peptidiques entre les tétrapeptides.
La synthèse du peptidoglycane peut se décomposer en
3 phases : synthèse du précurseur par une chaîne enzymatique
intracytoplasmique ; traversée de la membrane
cytoplasmique à l’aide d’un transporteur lipidique ;
polymérisation à la face externe de la membrane.
Il y a
d’abord formation de liaisons osidiques au niveau des
chaînes glycaniques ou transglycosylation ; ensuite, des
réactions de transpeptidation réalisent les ponts interpeptidiques.
Ces réactions de transglycosylation et de transpeptidation
sont effectuées par des enzymes appelées protéines liant
les pénicillines (PLP).
Ce sont en effet les cibles des β-lactamines.
Elles se situent à la face externe de la
membrane cytoplasmique et n’existent pas chez les
cellules eucaryotes.
Cela explique la toxicité sélective
des β-lactamines pour les bactéries.
2- β-lactamines :
Cette famille comprend un grand nombre de molécules,
la représentante la plus ancienne étant une molécule
naturelle, la pénicilline G.
Toutes partagent une fonction
chimique indispensable à l’activité antibiotique, le cycle β-lactame.
On peut les classer en 4 grands groupes : les
pénicillines, les céphalosporines, les carbapénèmes
(dont l’imipénème, Tienam) et les monobactames (dont
l’aztréonam, Azactam).
Les β-lactamines inhibent la dernière étape de la synthèse
du peptidoglycane, la formation des ponts interpeptidiques,
par blocage des protéines liant les pénicillines.
La plupart d’entre elles ont un degré d’hydrophilie et
une taille leur permettant de franchir la membrane externe
des bactéries gram-négatives par la voie des porines.
Les pénicillines G, V (Oracilline) et M (oxacilline,
Bristopen) en sont cependant incapables, ce qui explique
leur absence d’activité sur les bacilles gram-négatifs.
Les β-lactamines présentent une analogie de structure
avec un constituant du précurseur du peptidoglycane, le
dipeptide terminal D-alanine-D-alanine, qui est
le substrat des transpeptidases.
L’antibiotique est ainsi
capable de bloquer les transpeptidases en se comportant
comme un substrat-suicide.
L’effet direct de cette
inhibition est la bactériostase ou inhibition de croissance
bactérienne.
L’activité bactéricide (mort bactérienne)
des β-lactamines n’est efficace que pour les bactéries
en phase de croissance et résulte de la mise en jeu de
phénomènes secondaires au blocage des protéines liant
les pénicillines.
3- Glycopeptides :
Il s’agit de la vancomycine (Vancocine) et de la téicoplanine
(Targocid).
Ce sont des molécules de grosse taille ce qui explique
leur absence d’action sur les bactéries gram-négatives.
Elles sont en effet trop volumineuses pour emprunter les porines de la membrane externe.
Ces antibiotiques ont
une activité bactéricide sur les bactéries sensibles, qui
est cependant lente à apparaître.
Les glycopeptides sont aussi des inhibiteurs de la transpeptidation.
Les molécules de glycopeptide forment une
poche qui permet une interaction stérique précise avec le
dipeptide terminal D-alanine-D-alanine du précurseur
du peptidoglycane selon un modèle « clé-serrure ».
Le dipeptide est masqué d’où l’inhibition.
4- Fosfomycine (Fosfocine)
:
Cet antibiotique agit lui au début de la synthèse du peptidoglycane.
Il inhibe une des enzymes intracytoplasmiques
impliquées dans la synthèse du précurseur.
B - Antibiotiques actifs sur les membranes :
Il s’agit des polymyxines ou polypeptides (polymyxine
B et polymyxine E ou colistine, Colimycine).
Ces antibiotiques de structure polypeptidique ne sont
actifs que sur les bactéries gram-négatives.
Leurs cibles
sont les membranes lipidiques, la membrane externe
d’abord, puis la membrane cytoplasmique.
La fixation
des polymyxines va désorganiser la structure de ces
membranes et les rendre perméables, ce qui aboutit à la
mort rapide de la bactérie.
C
- Antibiotiques inhibant la synthèse
ou le fonctionnement de l’ADN :
1- Rifampicine ( Rifadine)
:
L’hydrophobie et la taille de la molécule de rifampicine
expliquent son mauvais passage à travers la membrane
externe des bacilles gram-négatifs et donc sa faible
activité sur ceux-ci, excepté les Legionella et les
Brucella.
C’est en revanche un antituberculeux majeur.
L’action bactériostatique de la rifampicine s’explique
par une inhibition de l’ARN polymérase et donc de la
transcription de l’ADN en acide ribonucléique messager
(ARNm).
La rifampicine est en outre douée d’une
activité bactéricide.
2- Quinolones :
Il s’agit de molécules synthétiques que l’on peut diviser
en 2 groupes : les produits les plus anciens, comme les
acides nalidixique (Négram) et pipémidique (Pipram),
actifs uniquement sur certains bacilles gram-négatifs
(essentiellement les entérobactéries), et les fluoroquinolones
(ciprofloxacine, Ciflox; norfloxacine, Noroxine ;
ofloxacine, Oflocet ; péfloxacine, Péflacine) dont la
formule chimique inclut un atome de fluor et qui sont
douées d’une activité antibactérienne bien meilleure et
d’un spectre plus large (quasi-totalité des bactéries
gram-négatives, cocci gram-positifs de type staphylocoques,
bactéries intracellulaires).
De nouvelles fluoroquinolones
en cours de développement ont un spectre
antibactérien encore amélioré, avec activité en particulier
sur les autres bactéries gram-positives et les anaérobies.
Cependant, ces nouvelles molécules sont pour le
moment également plus toxiques que les anciennes.
Les quinolones entraînent une inhibition rapide de la
synthèse de l’ADN, suivie rapidement par la mort de la
bactérie.
Ces molécules pénètrent dans le cytoplasme
bactérien par diffusion passive et vont agir sur leur cible
spécifique : l’ADN-gyrase.
Cette dernière fait partie du
groupe des ADN topo-isomérases, enzymes qui modifient
le degré de torsion de l’ADN encore appelé surenroulement.
Or, le contrôle précis du degré de surenroulement
de l’ADN est capital, notamment lors du déroulement de
la réplication et de la transcription.
La gyrase est la seule
topo-isomérase bactérienne capable de surenrouler
négativement l’ADN.
Au plan moléculaire, l’activité de l’enzyme est ATPdépendante
et peut être décomposée en 3 étapes : formation
d’une coupure double-brin de l’ADN ; passage d’un
autre segment d’ADN à travers la coupure ; réparation
de la coupure.
Après la première phase, l’ADN et la gyrase sont liés de manière covalente.
La cible des quinolones est justement ce complexe covalent ADNenzyme
normalement transitoire mais qui est stabilisé
par l’antibiotique.
Ce complexe va inhiber la
synthèse de l’ADN et donc la croissance bactérienne en
bloquant la progression sur l’ADN de l’ADN-polymérase.
Les quinolones sont en fait capables d’inhiber, par le
même mécanisme, une deuxième topo-isomérase,
l’ADN topo-isomérase IV, dont le rôle physiologique est
la décaténation, c’est-à-dire la séparation des 2 ADN fils
en fin de réplication.
Les quinolones possèdent donc
2 cibles intracellulaires.
L’action bactéricide des quinolones
est encore mal comprise, elle est liée à l’activation
de certaines synthèses protéiques.
3- Inhibiteurs de la synthèse des folates :
Il s’agit des sulfamides et diaminopyrimidines (triméthoprime,
Wellcoprim).
Les folates et en particulier l’acide tétrahydrofolique
sont utilisés dans de nombreuses réactions biochimiques
comme porteurs de substrats monocarbonés.
Ils sont à
ce titre indispensables notamment à la synthèse des
acides nucléiques.
Or les bactéries, à la différence des
cellules eucaryotes, ne peuvent assimiler les folates
exogènes.
Les sulfamides et le triméthoprime sont des
inhibiteurs compétitifs de la synthèse de l’acide tétrahydrofolique.
Cette inhibition a pour conséquence une
diminution des nucléotides utilisables pour la synthèse
des acides nucléiques et donc un effet bactériostatique.
En revanche, l’association des 2 antibiotiques (triméthoprime-
sulfaméthoxazole, Bactrim) est synergique et
bactéricide, la voie de synthèse de l’acide tétrahydrofolique
étant complètement bloquée.
4- Nitro-imidazoles :
Il s’agit du métronidazole (Flagyl) et de l’ornidazole
(Tibéral).
Ces produits, qui sont aussi des antiparasitaires, ont un
spectre antibactérien limité aux bactéries anaérobies et à
certaines bactéries microaérophiles (croissant dans une
atmosphère appauvrie mais non dénuée d’oxygène)
comme Helicobacter pylori et Gardnerella vaginalis.
La
condition nécessaire à leur activité est la réduction intrabactérienne
de leur groupement nitro-.
Les bactéries
aérobies sont incapables d’effectuer cette réduction,
d’où leur résistance naturelle.
Les dérivés réduits oxydent
l’ADN, au niveau de régions riches en adénine et thymine,
ce qui aboutit à des coupures de l’ADN responsables de
la mort rapide de la bactérie.
5- Nitrofuranes :
Ce sont des antibactériens urinaires (nitrofurantoïne,
Furadantine) et intestinaux (nifuroxazide, Ercéfuryl)
uniquement, car leur diffusion systémique est nulle ou
très mauvaise.
Leur structure et leur mode d’action présentent
des similarités avec ceux des nitro-imidazoles :
réduction d’un groupement nitro- (les bactéries aérobies
étant ici capables d’effectuer la réduction), induction de
lésions de l’ADN par les dérivés réduits.
D - Antibiotiques inhibant la synthèse
protéique :
1- Rappel sur la traduction ARNm-protéine :
Celle-ci s’effectue au niveau du ribosome bactérien et
est décomposée en 3 phases: initiation, élongation et
terminaison.
Au cours de la phase d’initiation, la
petite sous-unité 30S du ribosome et un complexe acide
aminé-ARN de transfert (ARNt) particulier (formylméthionine-
ARNt) se fixent au site d’initiation AUG
d’une molécule d’ARNm : il y a ainsi formation du
« complexe d’initiation ».
Ensuite, la liaison de la grande sous-unité 50S forme le ribosome 70S.
Vient alors la phase d’élongation, où les acides aminés
s’incorporent de façon séquentielle.
Cette phase est ellemême
divisée en 3 étapes : reconnaissance, transfert
peptidique et translocation.
Dans l’étape de reconnaissance,
une molécule d’acide aminé-ARNt se fixe au site
A du ribosome (site accepteur), la nature de l’acide
aminé étant déterminée par le codon présent au site A.
Ensuite vient l’étape de transfert du peptide en formation
(activité peptidyl-transférase), du site P (site peptidyl)
vers le site A: la chaîne peptidique est allongée d’une
unité. Enfin, l’étape de translocation ramène le peptide
du site A au site P.
Ce processus d’incorporation des acides aminés se répète
jusqu’à ce qu’un codon de terminaison soit reconnu sur
l’ARNm.
Il y a alors libération du peptide, séparation du
ribosome et de l’ARNm et dissociation des 2 sous-unités.
2- Aminosides :
Ce sont des antibiotiques à large spectre, les molécules
les plus utilisées étant la gentamicine (Gentalline), la
nétilmicine (Nétromicine) et l’amikacine (Amiklin).
Le
ribosome est leur cible principale mais les aminosides
ont en fait des effets pléiotropes s’exerçant aussi au niveau des membranes externe et cytoplasmique et
du complexe d’initiation de la réplication de l’ADN.
Pour accéder au ribosome, leur principal obstacle est la
membrane cytoplasmique.
En effet, les aminosides sont
des molécules de petite taille, mais très hydrophiles.
Ils
ne peuvent traverser les lipides de la membrane par
diffusion passive mais par un processus requérant de
l’énergie.
Deux phases successives énergie-dépendantes
(EDP pour Energy Dependent Phase) sont individualisées.
La phase EDP I consiste en une accumulation lente et
aboutit à un effet bactériostatique.
Lors de la phase EDP
II, les aminosides s’accumulent rapidement et provoquent
un effet bactéricide. Les concentrations à l’intérieur
de la cellule bactérienne sont alors environ 100 fois
plus élevées que celles du milieu extérieur.
L’absence de ce transport actif chez les bactéries anaérobies
strictes et les streptocoques-entérocoques explique leur
résistance naturelle aux aminosides par imperméabilité.
Cependant, dans le cas des streptocoques-entérocoques,
l’association avec une β-lactamine restaure l’activité des
aminosides (en l’absence d’une résistance par inactivation
surajoutée, voir chapitre sur les mécanismes de résistance).
En effet, la β-lactamine, en désorganisant les enveloppes
bactériennes, permet l’entrée des aminosides dans le
cytoplasme.
La fixation des aminosides sur des sites multiples au
niveau du ribosome (sous-unité 30S surtout) engendre
des distorsions de la structure d’ensemble de celui-ci et
en conséquence inhibe toutes les étapes de la traduction.
Il y a de plus synthèse de protéines anormales en raison
de nombreuses erreurs de lecture du code génétique
induites par les aminosides.
À l’inverse des autres antibiotiques inhibiteurs des
synthèses protéiques, les aminosides ont une activité
bactéricide rapide et puissante.
Celle-ci est en grande
partie due à une perte de l’intégrité fonctionnelle de la
membrane cytoplasmique, en raison notamment de
l’incorporation membranaire de protéines anormales.
Cette altération membranaire entraîne en particulier une
augmentation majeure de l’accumulation intracytoplasmique
des aminosides (c’est la phase EDP II),
aboutissant à un blocage complet de la traduction.
Ces antibiotiques ont une action essentiellement bactériostatique,
leur spectre antibactérien est large (mais les
résistances acquises sont fréquentes) et comprend en particulier
les bactéries intracellulaires comme les Chlamydia
et les mycoplasmes.
Ils pénètrent dans la bactérie par diffusion
passive.
L’antibiotique se lie ensuite de façon
réversible à la sous-unité 30S du ribosome, à proximité
du site A.
La présence de tétracycline à ce niveau bloque
l’étape de reconnaissance de la phase d’élongation.
Il s’agit des macrolides dont l’érythromycine (Erythrocine),
des lincosamides (clindamycine, Dalacine) et des
synergistines (pristinamycine, Pyostacine) ou MLS.
Ces 3 groupes d’antibiotiques ont une structure chimique
différente mais un spectre antibactérien (bactéries grampositives,
cocci gram-négatifs, Chlamydia, mycoplasmes,
certains bacilles gram-négatifs : Legionella,
Campylobacter, Helicobacter) et un mécanisme d’action
similaires.
L’absence d’activité sur les autres bacilles
gram-négatifs s’explique par leur incapacité à franchir
la membrane externe, en raison notamment de leur
hydrophobie.
Les macrolides et les lincosamides sont doués d’une
activité antibactérienne qui est le plus souvent uniquement
bactériostatique.
Les synergistines, encore appelées
streptogramines, sont quant à elles formées de 2 composés
bactériostatiques, A et B, mais qui sont synergiques,
d’où une action bactéricide de l’association.
Ces molécules se fixent sur la sous-unité 50S, en particulier
au niveau d’une portion bien précise de l’ARN
ribosomal 23S.
La fixation se situe au voisinage du site
P et conduit à un arrêt de l’élongation par inhibition du
transfert peptique.
5- Phénicoles : chloramphénicol
et thiamphénicol (Thiophénicol)
Leur spectre antibactérien est large et leur action le plus
souvent bactériostatique.
Le mode d’action du chloramphénicol
est proche de celui des MLS : il se fixe sur la
sous-unité 50S au niveau de l’ARN ribosomal 23S, à
proximité des sites de liaison pour les antibiotiques de la
famille des MLS et inhibe l’élongation en empêchant le
transfert peptidique.
6- Acide fusidique (Fucidine)
:
Il s’agit d’un antibactérien de nature stérolique, donc
hydrophobe, cela explique sa mauvaise activité sur les
bacilles gram-négatifs.
Il est utilisé avant tout comme antistaphylococcique.
L’acide fusidique bloque l’élongation
de la traduction au niveau de la phase de translocation
du peptide.
7- Oxazolidinones :
Un représentant de cette famille, le linézolide, doit être
commercialisé prochainement.
Son spectre antibactérien
est limité aux bactéries gram-positives.
La résistance
naturelle des bactéries gram-négatives est liée à une
excrétion active de l’antibiotique.
Les oxazolidinones
inhibent la synthèse protéique à un stade très précoce :
elles empêchent la formation du complexe d’initiation
en se fixant sur la grande sous-unité 50S.
Mécanismes de résistance
aux antibiotiques :
A - Bases génétiques et biochimiques
:
Les antibiotiques ayant par définition la vocation d’éliminer
les bactéries, ils exercent forcément une pression
de sélection majeure.
Les bactéries ont donc développé
de multiples mécanismes de variabilité génétique leur
permettant de survivre.
Il peut d’abord s’agir de mutations chromosomiques
ponctuelles, qui généralement vont se traduire par une
altération de la cible d’un antibiotique et donc par une
perte d’affinité antibiotique-cible.
Certains antibiotiques
exposent plus particulièrement au risque de sélection de
mutants résistants, surtout lorsqu’ils sont utilisés en
monothérapie : quinolones, rifampicine, fosfomycine,
acide fusidique.
Un second mécanisme est l’intégration dans le chromosome
de la bactérie d’un fragment de chromosome
d’une autre espèce bactérienne (taxonomiquement
proche) et donc de gènes (ou de portions géniques)
étrangers.
Cela se traduit aussi généralement par une
altération de la cible d’un antibiotique.
La bactérie peut aussi acquérir des gènes de résistance
aux antibiotiques par l’intermédiaire d’éléments génétiques
mobiles, les plasmides et les transposons.
Les plasmides
se répliquent de façon autonome, ce qui n’est pas le cas
des transposons. Ceux-ci doivent donc s’intégrer soit
dans le chromosome bactérien, soit dans un plasmide
pour être répliqués.
Ils ont par ailleurs une faculté de
translocation facile d’un endroit du chromosome à un
autre ou bien du chromosome à un plasmide.
Les plasmides
et les transposons se propagent souvent rapidement
d’une bactérie à une autre, parfois même appartenant à
une espèce différente, ce qui explique leur rôle très
important dans la dissémination des résistances bactériennes
(on parle de résistances transférables).
Enfin, des éléments d’intégration pour les gènes de
résistance aux antibiotiques, appelés intégrons, ont été
décrits dans le chromosome bactérien de très nombreuses
espèces.
Ces éléments se comportent comme des « points
chauds » de recombinaison permettant l’intégration et
l’expression regroupées de plusieurs gènes de résistance
aux antibiotiques.
Ces intégrons jouent également un
rôle important dans la dissémination des résistances.
Au niveau biochimique, on peut distinguer 4 grands
mécanismes de résistance : l’inactivation enzymatique,
l’imperméabilité par altérations des membranes bactériennes,
la promotion d’un efflux de l’antibiotique hors
de la bactérie et enfin l’altération de la cible de l’antibiotique
conduisant à un défaut d’affinité.
La même
bactérie peut cumuler différents mécanismes de résistance
à un antibiotique donné, cela conduisant généralement à
un haut niveau de résistance.
B - Inactivation enzymatique :
1- β-lactamases :
Ces enzymes agissent en ouvrant le cycle β-lactame
et sont les principales responsables de la résistance aux
β-lactamines dans le monde bactérien en général.
Cependant, des inhibiteurs de β-lactamases, comme
l’acide clavulanique, le tazobactam ou le sulbactam, ont
été découverts et sont utilisés généralement en association
avec une β-lactamine: amoxicilline-acide clavulanique
(Augmentin) ; pipéracilline-tazobactam (Tazocilline).
D’une façon générale, les β-lactamases différent par
leur spectre d’activité et leur sensibilité aux inhibiteurs.
Plusieurs espèces de bacilles gram-négatif sont naturellement
résistantes à certaines β-lactamines en raison de
la production intrinsèque d’une β-lactamase chromosomique
caractéristique de l’espèce.
Mais les β-lactamases sont surtout très largement impliquées
dans la résistance acquise aux β-lactamines, principalement
des bactéries gram-négatives, mais aussi de
certaines bactéries gram-positives comme par exemple
Staphylococcus aureus.
Plus de 90 % des souches
cliniques de cette espèce hébergent un plasmide codant
une pénicillinase.
Ces souches pénicillinase + restent
cependant sensibles aux pénicillines M (oxacilline,
Bristopen) et aux associations pénicilline-inhibiteur.
2- Enzymes modificatrices des aminosides
:
Elles sont capables d’effectuer l’une de ces 3 réactions
chimiques : acétylation, nucléotidylation ou phosphorylation.
Quelques espèces bactériennes produisent naturellement
une telle enzyme modificatrice.
Cependant, la
plupart des enzymes décrites sont d’origine plasmidique
ou transposable et sont donc responsables d’une résistance
acquise aux aminosides.
L’inactivation enzymatique est
le mécanisme le plus fréquent de résistance acquise aux
aminosides.
Ces enzymes modificatrices diffèrent entre
elles, comme dans le cas des β-lactamases, par leur
spectre d’activité, donc par les phénotypes de résistance
qu’elles entraînent.
Chez les bactéries gram-positives,
ce sont la gentamicine (Gentalline) et la nétilmicine
(Nétromicine) qui sont le moins fréquemment touchées
par la résistance, alors que ce sont l’amikacine
(Amiklin) et l’isépamicine (Isépalline) qui sont les
moins touchées chez les bactéries gram-négatives.
C - Altérations des membranes bactériennes
:
Chez les bactéries gram-négatives, des mutations
chromosomiques peuvent conduire à la perte ou à
l’altération de certaines porines de la membrane externe,
avec pour conséquence habituellement une résistance
croisée à plusieurs familles d’antibiotiques (certaines
β-lactamines, chloramphénicol, tétracyclines, quinolones,
triméthoprime).
Cela se voit notamment chez
certains genres d’entérobactéries hospitalières comme
les Klebsiella, les Enterobacter et les Serratia ainsi que
chez Pseudomonas æruginosa ou bacille pyocyanique.
De plus, dans cette dernière espèce, la résistance à l’imipénème
(Tienam), qui touche environ 15 % des souches
en France, s’explique par un déficit en une porine, la
porine D2, qui a un rôle spécifique dans la pénétration
de l’imipénème.
Chez le bacille pyocyanique toujours,
la résistance croisée à l’ensemble des aminosides par
imperméabilité se rencontre de façon non exceptionnelle.
D - Efflux actif :
La résistance par efflux actif est largement présente chez
les bacilles gram-négatifs : entérobactéries et surtout
bacille pyocyanique.
Elle se caractérise par une résistance
souvent croisée pour de nombreux antibiotiques (certaines β-lactamines, fluoroquinolones, tétracyclines, chloramphénicol, triméthoprime), comme c’est le cas pour la
résistance par altération de porine.
En fait, les 2 mécanismes
(efflux actif et altération de porines) sont le plus
souvent associés, cela conduisant à un déficit important
d’accumulation de l’antibiotique.
L’efflux actif existe aussi chez les bactéries gram positives :
la résistance aux fluoroquinolones de S. aureus et du
pneumocoque peut être due à un tel mécanisme, de
même pour la résistance aux macrolides chez les
staphylocoques, le pneumocoque et le streptocoque A.
E - Altération de la cible de l’antibiotique :
1- β-lactamines :
La résistance aux β-lactamines par altération des protéines
liant les pénicillines est surtout vue chez les bactéries
gram-positives.
Les modifications des protéines liant les
pénicillines peuvent être de nature qualitative ou quantitative.
En cas de modification qualitative, il y a incorporation
dans le chromosome de matériel génétique étranger.
Les 2 meilleurs exemples sont les résistances observées
chez S. aureus et chez le pneumocoque.
Chez S. aureus, la résistance aux pénicillines du groupe
M (oxacilline, Bristopen), qui représentent environ un
tiers des souches isolées à l’hôpital, s’explique par l’acquisition
d’une nouvelle protéine liant les pénicillines,
la PLP2a.
Cette protéine, capable à elle seule de catalyser
la synthèse du peptidoglycane, est codée par le gène
mecA qui est d’origine exogène et provient très probablement
d’une espèce de staphylocoque à coagulase
négative.
La PLP2a présente très peu d’affinité pour
l’ensemble des β-lactamines, d’où une résistance croisée.
Chez le pneumocoque de sensibilité diminuée aux β-lactamines, dont la fréquence est en augmentation
constante et représente actuellement environ un tiers des
souches en France, il y a synthèse d’une ou de plusieurs
protéines liant les pénicillines mosaïques (présentant
une affinité diminuée pour les β-lactamines) par recombinaison
des gènes de protéines liant les pénicillines avec
des gènes homologues d’autres espèces de streptocoques.
Les modifications quantitatives des protéines liant les
pénicillines se rencontrent par exemple chez les entérocoques.
Ces bactéries n’ont, intrinsèquement, qu’une
sensibilité modérée aux β-lactamines car certaines de
leurs protéines liant les pénicillines sont d’affinité réduite
pour les β-lactamines.
De plus, certaines souches sont
capables d’hyperproduire ces protéines pour devenir
cette fois franchement résistantes.
2- Glycopeptides :
Ces molécules sont très importantes dans le traitement
des infections dues aux bactéries gram-positives, car
elles restent habituellement actives sur les souches
multirésistantes notamment de S. aureus résistant à la
méticilline (SARM) et d’entérocoques.
Ce n’est qu’après 30 ans d’utilisation qu’une résistance
acquise à ces produits est apparue, en 1987, chez les
entérocoques.
Cette résistance des entérocoques est
devenue relativement fréquente et donc préoccupante dans certains pays, comme les États-Unis.
Ce n’est pas
le cas en France mais des situations épidémiques sont
cependant possibles.
Les entérocoques résistants ont
acquis un opéron de gènes très sophistiqué leur permettant
de modifier la structure du précurseur du peptidoglycane.
L’extrémité D-alanine-D-alanine, cible des glycopeptides,
est remplacée par un motif sans affinité pour ceux-ci, le
plus souvent D-alanine-D-lactate.
Le caractère facilement
transférable, par le biais de plasmides, de cette résistance
(d’entérocoque à entérocoque de même espèce ou non et
même à d’autres genres bactériens) explique son important
potentiel de dissémination.
Jusqu’à ces dernières années, la résistance à la vancomycine
n’existait pas chez S. aureus et était franchement
exceptionnelle chez les staphylocoques à coagulase
négative.
La résistance isolée à la téicoplanine était
connue (de mécanisme inexpliqué) mais rare chez les
staphylocoques à coagulase négative.
Depuis 1997, un phénomène nouveau et très inquiétant
pour l’avenir est apparu, l’émergence de souches de
staphylocoques et surtout de S. aureus résistant à la méticilline présentant une sensibilité diminuée aux glycopeptides
(souches dites GISA, pour glycopeptide intermediate
Staphylococcus aureus).
La fréquence de ce phénomène,
son potentiel de dissémination et son influence sur
l’efficacité du traitement restent à évaluer précisément.
Le
mécanisme impliqué est complètement différent de celui
développé par les entérocoques.
Il s’agit apparemment
d’un piégeage des glycopeptides au niveau des parties les
plus externes du peptidoglycane, les empêchant ainsi
d’atteindre leur cible, le peptidoglycane en formation en
regard de la membrane cytoplasmique.
3- Quinolones :
Le principal mécanisme de résistance à ces antibiotiques
consiste en la survenue d’une ou de plusieurs mutations
chromosomiques dans les gènes qui codent les enzymescibles,
l’ADN-gyrase (gènes gyrA et gyrB) et l’ADN topoisomérase
IV (gènes parC et parE).
Ces mutations se traduisent
par une substitution d’acide aminé au niveau de
régions critiques de l’enzyme pour la fixation de l’antibiotique
et conduisent à une perte d’affinité.
Plusieurs
mutations peuvent s’additionner dans une même souche
(mutations dans les gènes de topo-isomérases, mais aussi
mutations conduisant soit à une altération de perméabilité
ou à un efflux actif), cela allant généralement de pair avec
une élévation du niveau de résistance.
Les bases génétiques de la résistance aux quinolones
consistent donc en la survenue de mutations chromosomiques.
Cependant, un cas isolé de résistance plasmidique
et transférable aux quinolones a été récemment
décrit chez une souche d’entérobactérie (Klebsiella).
L’altération de la cible est le mécanisme de résistance aux
macrolides, lincosamides, streptogramines le plus fréquent,
il est largement répandu dans les différents genres
bactériens naturellement sensibles.
Les bactéries résistantes
ont acquis un gène, porté par un plasmide ou un transposon, codant pour une méthylase.
Celle-ci va
« diméthyler » une adénine de la région de l’ARN ribosomal
23S faisant partie du site actif des macrolides, des lincosamides
et du facteur B des synergistines.
Les souches
productrices de méthylase présentent donc généralement
un phénotype de résistance croisée pour ces 3 classes
d’antibiotiques, que l’on appelle phénotype MLSB. La
résistance n’est cependant pas croisée quand 2 conditions
sont réunies : la méthylase n’est pas produite de façon
constitutive (c’est-à-dire en permanence), mais de façon
inductible (c’est-à-dire normalement réprimée et induite
par la mise en présence avec l’antibiotique) ; seuls certains
antibiotiques de la famille des MLS sont inducteurs.
Le
meilleur exemple est la résistance inductible aux MLS de
S. aureus, où seuls les macrolides à 14 (érythromycine,
Erythrocine ; roxithromycine, Rulid ; clarithromycine,
Zeclar) et 15 atomes de carbone (azithromycine,
Zithromax) sont touchés (car seuls inducteurs de la
production de méthylase).
En revanche, les macrolides à
16 atomes (spiramycine, Rovamycine; josamycine,
Josacine), les lincosamides et le facteur B des synergistines
restent actifs sur ces souches.
Les synergistines conservent généralement leur activité
sur les souches résistantes au facteur B par production de
méthylase, car le facteur A n’est pas touché par la résistance
et la synergie entre les 2 facteurs est habituellement
conservée.