Antagonistes des récepteurs H2 et inhibiteurs de la pompe à protons
Cours de pharmacologie
Propriétés pharmacologiques
des antisécrétoires :
Les ions hydrogène (H+) sont sécrétés par les cellules pariétales
du fundus gastrique, au niveau du pôle apical grâce à
une pompe H+/K+ ATPase.
Cette sécrétion est régulée par
certaines substances, elle est notamment stimulée par les
repas et par l’histamine.
Les antagonistes des récepteurs H2 à l’histamine (anti-H2)
(cimétidine, ranitidine, famotidine, nizatidine) inhibent la
sécrétion acide basale et stimulée.
La capacité d’inhibition
n’est pas identique entre les antagonistes des récepteurs
H2. Sous cimétidine, le pH gastrique médian des 24 h est
inférieur à 1,7 contre 2,4 sous ranitidine.
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (oméprazole,
lansoprazole, pantoprazole) sont des antagonistes spécifiques
de l’H+/K+ ATPase de la cellule pariétale.
Grâce à leur
action au niveau de la phase terminale de la sécrétion acide,
les inhibiteurs de la pompe à protons inhibent la sécrétion
acide quelle que soit la nature de la stimulation, alors que
les antagonistes des récepteurs H2 agissent en amont au
niveau d’un seul des récepteurs.
L’inhibition induite par les
inhibiteurs de la pompe à protons est plus forte et plus prolongée
que celle des antagonistes des récepteurs H2.
La
durée de maintien du pH gastrique O 3 après la prise est
inférieure à 12 h pour tous les antagonistes des récepteurs
H2 administrés aux posologies habituelles.
La durée de
maintien du pH gastrique O 3 après la prise d’un inhibiteurs
de la pompe à protons est de 18 à 22 h.
Ces différences
expliquent que les inhibiteurs de la pompe à protons
sont plus efficaces dans la cicatrisation de lésions
érosives.
Principales indications des anti-H2
et des IPP :
Les principales indications des anti-sécrétoires sont la
maladie ulcéreuse gastro-duodénale et le reflux gastro-oesophagien (RGO).
Autres indications
des inhibiteurs de la pompe à protons
:
1- Traitement des lésions gastro-duodénales
induites par les anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS)
:
Lorsque la poursuite des AINS est indispensable : oméprazole
20 mg/j pendant 4-8 semaines.
2- Traitement préventif
des lésions gastro-duodénales
induite par les AINS :
Chez les patients à risque (notamment âge > 65 ans, antécédents
d’ulcère gastro-duodénal) pour lesquels un traitement
anti-inflammatoire est indispensable : oméprazole
20 mg/j.
Formes parentérales
:
Les formes parentérales ne sont pas plus efficaces que les
formes orales ; elles ont les mêmes indications.
Elles ne
devraient être utilisées que lorsque la voie orale est impossible.
Elles sont aussi indiquées en cas d’ulcère gastro-duodénal
lié au stress (p. ex. : en réanimation) ou d’hémorragies
de la maladie ulcéreuse à l’exception des hémorragies
par ulcération artérielle.
Les formes disponibles sont : cimétidine
200 mg, ranitidine 50 mg, famotidine 20 mg, nizatidine
100 mg, oméprazole 40 mg.
Précautions d’emploi des anti-H2
et des IPP :
1- Grossesse :
En l’absence d’études humaines et malgré l’absence d’observation
clinique après de nombreuses années de commercialisation,
notamment des anti-H2, il est déconseillé
de prescrire des anti-H2 et des IPP au cours de la grossesse,
notamment au cours du 1er trimestre, sauf si la prescription
est impérative.
2- Allaitement :
L’allaitement est déconseillé lors de la prise d’anti-H2, ces
derniers passant dans le lait maternel et lors de la prise
d’IPP en l’absence d’étude chez l’espèce humaine.
3- Adaptation posologique :
Celle-ci est parfois nécessaire en cas d’insuffisance rénale
(anti-H2) ou d’insuffisance hépatique (anti-H2 et IPP).
Chez
le sujet âgé, il faut éviter la dose de 800 mg de cimétidine
par prise.
L’apparition d’une confusion ou d’une bradycardie
doit faire interrompre le traitement (essentiellement
observées avec la cimétidine).
Tolérance des anti-H2 et des IPP :
Les anti-H2 et les IPP sont bien tolérés.
Les effets indésirables
sont rares, ils sont un peu plus fréquents pour la cimétidine.
Ont été rapportés des troubles digestifs banals ;
céphalées et vertiges ; éruptions cutanées ; élévation réversible
des transaminases ; thrombocytopénie ou leucopénie ;
gynécomastie et galactorrhée (cimétidine) ; bradycardie
(cimétidine).
Quelques cas de confusion mentale sont survenus
chez des patients essentiellement sous cimétidine ou
oméprazole.
Il s’agissait de patients âgés et (ou) ayant une
insuffisance hépatique ou rénale.
Les anti-H2 et surtout les IPP entraînent une hypergastrinémie modérée et réversible.
Lors des traitements prolongés durant plusieurs années, il
existe une augmentation relative des cellules entérochromaffines
sans signification pathologique à ce jour.
Interactions médicamenteuses :
1-
Parmi les anti-H2 :
Seule la cimétidine (à la dose de 800 mg/j) en raison de
son inhibition des cytochromes P450 hépatiques risque d’entraîner
une augmentation des taux plasmatiques de certains
médicaments et des signes de surdosage.
Les principaux
médicaments sont : phénytoïne, antivitamines K (acénocoumarol,
phénindione, warfarine), carbamazépine, diazépam,
certains b-bloquants, nifédipine, théophylline,
ciclosporine.
2- Pour les IPP :
À ce jour, la seule interaction médicamenteuse qui pourrait
avoir une conséquence clinique est observée avec le lansoprazole qui, par induction des systèmes enzymatiques,
peut diminuer l’action de la théophylline.
3- Prise simultanée
de topiques gastro-intestinaux :
Elle risque de diminuer l’absorption de certains antisécrétoires
(cimétidine, ranitidine, nizatidine, lansoprazole).
Il
convient de laisser un intervalle de 2 h entre la prise de
l’antisécrétoire et celle du topique.
Prescription des anti-ulcéreux
dans l’ulcère duodénal et gastrique :
1- Bases physiopathologiques du traitement :
Helicobacter pylori (Hp) joue un rôle essentiel dans la
pathogénie de l’ulcère duodénal (Hp est présent dans plus
de 90 % des cas) et de l’ulcère gastrique à un moindre degré
(Hp présent dans plus de 70 % des cas).
La réduction de la sécrétion acide gastrique reste un facteur déterminant pour
obtenir la disparition des symptômes et la cicatrisation de
l’ulcère.
Une gastrotoxicité médicamenteuse (aspirine,
AINS) peut aussi être en cause.
Il existe une corrélation entre le pourcentage d’inhibition
de la sécrétion d’acide gastrique sur 24 h et le taux de cicatrisation
des ulcères gastro-duodénaux à 4 semaines.
Le
maintien du pH O 3 pendant 18-20 h par jour entraîne une
cicatrisation à 4 semaines voisine de 100 %.
2- Nécessité d’un diagnostic morphologique
:
On ne peut porter le diagnostic d’ulcère duodénal ou gastrique
en poussée que sur un examen morphologique.
L’endoscopie
est l’examen de choix.
Cet examen permet de
faire des biopsies antrales pour rechercher Helicobacter
pylori.
En cas d’ulcère gastrique, des biopsies multiples
sur les berges de l’ulcère sont pratiquées afin d’éliminer
un cancer.
3- Traitement de la poussée ulcéreuse
:
Les IPP ont une efficacité supérieure aux anti-H2 sur le
pourcentage de cicatrisation des ulcères.
Les
différents IPP ont une efficacité similaire sur le taux de
cicatrisation et sur les symptômes.
De même, il n’y a pas
de différence d’efficacité entre les différents anti-H2 en dehors de la cimétidine qui donne des pourcentages légèrement
inférieurs.
La durée du traitement pour obtenir une cicatrisation de
l’ulcère gastrique est plus longue que pour l’ulcère duodénal.
La durée usuelle est de 4 semaines en cas d’ulcère
duodénal pour les IPP et les anti-H2 ; en cas d’ulcère gastrique, elle est de 4
à 6 semaines, voire 8 semaines pour certains anti-H2.
La disparition des symptômes
est aussi plus précoce sous IPP que sous anti-H2.
En cas
d’ulcère gastrique, la vérification de la cicatrisation complète par une endoscopie avec biopsies pour rechercher un
cancer est nécessaire.
4- Éradication d’Helicobacter pylori :
Helicobacter pylori est le facteur principal de rechute de
la maladie ulcéreuse gastro-duodénale.
Son éradication fait
chuter le pourcentage de récidive ulcéreuse à 1 an de 80%
à moins de 5 %.
La présence d’Helicobacter pylori doit
être systématiquement recherchée en cas d’ulcère duodénal
ou gastrique.
Certains auteurs préconisent une éradication
systématique d’Helicobacter pylori en cas d’ulcère
duodénal sans recherche du germe du fait de sa présence
quasi constante (> 90 %).
Le principe de l’éradication repose sur l’association d’un
antisécrétoire (à double dose) et de 2 antibiotiques.
Après
cette trithérapie, il convient de poursuivre le traitement antisécrétoire
seul à simple dose afin d’obtenir la cicatrisation
de l’ulcère.
La durée globale du traitement est de 4 semaines en cas d’ulcère
duodénal et de 4 à 6 semaines en cas d’ulcère gastrique.
Ce schéma thérapeutique, s’il
est bien respecté par le patient, notamment quant à la prise
des antibiotiques, permet l’éradication d’Hp dans plus de
90 % des cas.
5- Traitement d’entretien
:
Après un traitement anti-ulcéreux d’attaque, en l’absence
d’éradication d’Helicobacter pylori, la récidive ulcéreuse
s’observe dans 80 % des cas à 1 an.
Le traitement
d’entretien quotidien par anti-H2 à demi-dose ou par IPP à
la dose standard ou à demi-dose réduit le taux de récidives.
Les traitements d’entretien ne sont efficaces
que pendant leur administration.
Un traitement d’entretien
est indiqué en l’absence d’éradication d’Helicobacter pylori (échec de l’éradication ou absence du germe).
Les
facteurs de risque qui peuvent motiver un traitement d’entretien
sont : O 2-3 récidives par an, prise d’AINS, antécédents
de complications ulcéreuses, tabagisme important,
risque opératoire élevé, âge jeune, longue durée d’évolution
de la maladie ulcéreuse.
L’éradication d’Hp fait chuter
les indications du traitement d’entretien.
Prescription des anti-H2 et des IPP
dans le reflux gastro-oesophagien :
A - Bases physiopathologiques du traitement :
Le reflux gastro-oesophagien (RGO) est la conséquence de
la remontée du contenu acide de l’estomac dans l’oesophage.
Son évolution chronique est le plus souvent bénigne,
elle est parfois compliquée de lésions érosives.
Les mesures
hygiéno-diététiques sont toujours utiles.
La durée de l’élévation du pH O 4 est le facteur primordial
pour cicatriser des lésions d’oesophagite.
Les IPP aux
posologies habituelles maintiennent le pH O 4 pendant 15
à 21 h, la ranitidine et la famotidine pendant 8 h, la cimétidine
pendant 3 à 7 h.
Globalement sous anti-H2, la cicatrisation de l’oesophagite
est obtenue dans 25 à 85 % des cas, en fonction de la
sévérité de celle-ci et de la durée du traitement (4 à
12 semaines).
La cimétidine est moins efficace que les
autres anti-H2. Les IPP ont une efficacité supérieure à celle
des anti-H2 sur la rapidité de l’amélioration des symptômes
et sur la cicatrisation de l’oesophagite avec un pourcentage
de cicatrisation à 8 semaines de 75 à 95 %.
Cette supériorité
est particulièrement nette pour les oesophagites sévères.
B - Traitement initial :
1- En pratique
:
Chez un patient jeune, ayant une symptomatologie typique,
modérée, non compliquée et en l’absence de données endoscopiques,
il est recommandé d’instituer un traitement
symptomatique d’épreuve de quelques semaines basé sur
les mesures hygiéno-diététiques et posturales, et en associant
de façon variable des anti-acides ou alginates, un prokinétique
tel que le cisapride, un anti-H2, voire un IPP à
demi-dose.
En cas d’échec de ce traitement symptomatique ou de récidives
fréquentes et dans les autres cas (sympatomatologie
intense, dysphagie, apparition de symptômes chez un sujet
âgé, symptômes atypiques) une endoscopie est nécessaire.
2- Après une endoscopie :
• Patients symptomatiques sans oesophagite : chez les
patients qui résistent au traitement par anti-acide, alginate
ou prokinétique, il est licite de prescrire des anti-ulcéreux,
tels que la cimétidine 200 mg ou le lansoprazole à
demi-dose (15 mg/j) qui sont actuellement les seuls à
avoir l’indication « traitement symptomatique du RGO ».
Chez des patients très symptomatiques, on peut
être amené à prescrire d’autres anti-H2 ou IPP.
• En cas d’oesophagite modérée grades I et II, les antiacides
ou alginates, les prokinétiques, les anti-H2 et les IPP sont efficaces.
On peut proposer une progression dans le choix thérapeutique ou
prescrire d’emblée des anti-H2.
• En cas d’oesophagite sévère grades III ou IV : c’est l’indication
des IPP.
C - Traitement d’entretien
:
À l’arrêt du traitement, une récidive symptomatique et (ou)
endoscopique survient chez plus de 50 % des patients dans
les 6 à 12 mois, quel que soit le traitement initial.
Le traitement d’entretien des oesophagites sévères de grades III et IV est l’indication des IPP : lansoprazole 15 mg/j et
si nécessaire 30 mg/j ou oméprazole 20 mg/j.
Ainsi, avec
un traitement d’entretien par lansoprazole à demi-dose,
plus de 70 % des patients sont asymptomatiques et sans
lésion érosive à 1 an.
Les modalités du traitement préventif des récidives symptomatique
et (ou) endoscopique modérées restent à établir.
Les anti-H2 à demi-dose sont peu efficaces.
Les IPP à demidose
sont probablement plus efficaces, actuellement seul
le lansoprazole 15 mg est disponible.
Le traitement d’entretien par IPP est suspensif.
Les récidives
symptomatiques et anatomiques sont observées à l’arrêt
du traitement.
Chez les patients récidivant sur un mode
très symptomatique et (ou) avec des lésions d’oesophagite sévère nécessitant un traitement d’entretien, il est conseillé
de discuter l’alternative d’un traitement chirurgical antireflux.
Dyspepsie, gastrite chronique
et Helicobacter pylori :
Il n’existe actuellement pas de preuve scientifique suffisante
pour proposer une éradication d’Hp chez un malade
dyspeptique ou dans une gastrite chronique histologique.