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Psychiatrie
Anorexie mentale et boulimie de l’adolescence
Cours de psychiatrie
 


 

Données épidémiologiques :

L’anorexie mentale touche essentiellement les jeunes femmes (90 %), dans la tranche d’âge 15-24 ans, avec 2 pics de survenue : 12-13 ans et 18-20 ans.

Elle peut survenir avant la puberté.

Sa fréquence, qui ne semble pas en augmentation, est estimée à 1 % des adolescentes.

L’incidence annuelle, tous âges confondus, est de 7,6 pour 100 000 (femmes : 13,5 ; hommes : 1,6).

La boulimie touche surtout les jeunes femmes, le rapport est compris entre 5 et 10 femmes pour un homme. L’âge de début est plus tardif (18-21 ans).

La prévalence est de 1 % dans la population générale féminine et de 4 % chez les adolescents (filles : 7 % ; garçons : 1 %). Sa fréquence serait en augmentation dans les pays développés.

Anorexie mentale :

A - Clinique :

1- Triade symptomatique : amaigrissement, anorexie, aménorrhée

L’amaigrissement, progressif, souvent massif, peut atteindre jusqu’à 50 % du poids initial. Une chute pondérale de 10 à 25 % est exigée, selon les classifications, pour porter le diagnostic.

L’aspect physique est évocateur : corps anguleux, disparition des formes féminines, visage cadavérique.

La méconnaissance de la maigreur est constante, à des degrés variables, par trouble de la perception de l’image du corps.

Le désir éperdu de minceur et la peur de grossir conduisent à des vérifications incessantes du poids, des mensurations et de la valeur calorique des aliments.

Il existe parfois des fixations dysmorphophobiques sur des parties précises du corps.

L’anorexie, inaugurale le plus souvent, présente des caractéristiques traduisant sa nature psychologique.

Plus qu’une inappétence vraie, il s’agit d’une conduite active de restriction alimentaire, souvent justifiée au début par un régime, devenant drastique à un stade évolué.

La sensation de faim, initialement conservée voire recherchée, disparaît plus tard avec perte de tout appétit et intolérance à l’alimentation.

Cette anorexie s’accompagne d’attitudes particulières face à la nourriture : pensée constamment dirigée vers l’alimentation, nourrir les autres, collectionner les recettes, trier les aliments, les mâchonner longuement, grignoter des portions infimes.

Potomanie et mérycisme, rares, ont une signification de gravité.

À l’anorexie peuvent s’associer des vomissements provoqués et des prises de laxatifs ou diurétiques pour contrôler l’évacuation de nourriture.

L’échec du contrôle de l’anorexique peut se traduire par des accès boulimiques.

L’aménorrhée, toujours présente, confirme le diagnostic.

Elle coïncide avec le début de l’anorexie le plus souvent mais peut parfois la précéder ou lui succéder.

Elle peut être primaire (jeune fille non réglée) ou secondaire (après 3 mois de règles régulières ou 6 mois de règles irrégulières).

C’est un des derniers symptômes à disparaître. En dehors d’une grossesse, toute aménorrhée chez une adolescente doit faire suspecter une anorexie.

Elle peut être masquée par la prise de la pilule.

2- Contexte psychologique :

L’absence de troubles psychiatriques majeurs (psychotiques ou mélancoliques) et le contexte psychologique dominé par la maîtrise et la dépendance donnent toute sa valeur à la triade de base.

Le besoin de maîtrise s’exprime au niveau du corps.

La recherche acharnée de la maigreur vise le contrôle du corps menaçant dans sa dimension pulsionnelle.

Les besoins physiologiques du corps sont niés, bien sûr la faim mais aussi la fatigue (hyperactivité motrice, sport intensif, troubles du sommeil avec incapacité à se relâcher).

Le corps est maltraité sans conscience de le mettre en danger, avec au contraire une sensation de bien-être.

La sexualité est activement refoulée et désinvestie (absence de plaisir corporel et sexuel). Les transformations du corps liées à la puberté sont niées.

L’hyperinvestissement scolaire, autre expression du besoin de maîtrise, se caractérise par une appétence de connaissances, une hyperactivité psychique avec vérifications et peur de l’imaginaire.

Les apprentissages sont préférés à la créativité car l’intellectualisme vise la mise à l’écart de toute émotion.

La dépendance s’exprime surtout au niveau relationnel, sous le sceau du paradoxe entre une revendication affective déniée (peur des séparations, autonomie apparente) et un sentiment d’être sous l’emprise de l’autre.

Le début des troubles apparaît d’ailleurs souvent réactionnel à un événement signant une séparation (voyage, changement scolaire, remarque de l’entourage sur le corps pubère, perte affective, deuil).

Seuls le repli (isolement social rapide) et l’emprise manipulatrice (sur les parents) assurent le succès d’un illusoire contrôle de la sphère affective.

Si les inquiétudes initiales des parents sont souvent apaisées par le discours paralogique de l’adolescente qui contrôle autant son corps que l’entourage, rapidement la vie familiale se dégrade, centrée sur l’anorexie, contribuant à l’autorenforcement de la conduite.

3- Signes somatiques :

Ils peuvent être dermatologiques (cheveux secs tombant, ongles striés et cassants, hypertrichose, lanugo) ou cardiovasculaires (pâleur, acrocyanose, hypotension, bradycardie, oedèmes de carence).

Ils peuvent se traduire par une constipation ou des fractures liées à l’ostéoporose.

4- Données paracliniques :

Les paramètres sanguins ne se modifient que si la chute pondérale excède 30 %, ou en présence de purges, potomanie ou prises de médicaments : anémie hypochrome, leucopénie avec hyperlymphocytose, hypokaliémie, hyponatrémie, hypoprotidémie, hyperamylasémie s’il y a vomissements, insuffisance rénale fonctionnelle, bilirubine et transaminases augmentées, calcémie et phosphorémie diminuées, hypoglycémie, acétonurie, hypercholestérolémie tardive.

Les troubles hormonaux sont secondaires à la dénutrition, fonctionnels et réversibles :

– T3 basse, T4 normale, TSH (thyroid stimulating hormone) normal, réponse normale mais retardée à TRH (thyrotrophin releasing hormone) ;

– fonction gonadotrope de type prébubertaire : hypooestrogénie, baisse de FSH (follicle stimulating hormone) et LH (luteinizing hormone) ;

– cortisolémie augmentée, disparition du rythme circadien du cortisol ;

– taux basal de GH (growth hormone) souvent augmenté.

L’absorptiométrie osseuse montre une diminution de la densité minérale osseuse par ostéoporose liée à la diminution de la formation osseuse et à l’augmentation de la résorption, elles-mêmes secondaires à l’hypercortilosémie et à l’hypogonadisme.

5- Signes de gravité :

Il faut tenir compte de plusieurs signes :

– amaigrissement supérieur à 30 % du poids ;

– bradycardie inférieure à 40 par minute, troubles du rythme cardiaque liés à l’hypokaliémie, hypotension artérielle (pression artérielle systolique < 9, pression artérielle diastolique < 5) ;

– aphagie devenue quasi totale avec chute pondérale rapide ;

– signes de fatigabilité avec épuisement aux activités physiques ou scolaires ;

– ralentissement du débit verbal ou idéique, troubles de la conscience ;

– hypothermie ;

– tout signe évocateur d’une complication : douleurs rétrosternales ou abdominales chez une personne vomissant, céphalées chez une personne potomane ;

– troubles biologiques graves ;

– facteurs de décompensation somatique : altitude > 1 500 m, effort intense, diarrhée, infection intercurrente.

B - Formes cliniques :

1- Anorexie-boulimie :

Environ 50 % des anorexies présentent des crises boulimiques et des vomissements, ce qui assoit les liens entre anorexie et boulimie.

L’anorexie évolue souvent vers la boulimie, comme si la conduite restrictive représentait une lutte constante contre la faim et l’impulsion boulimique.

2- Forme du garçon :

Rare (10 %) mais en augmentation, sa clinique et son évolution sont similaires en dehors de l’aménorrhée remplacée par la perte de la libido et de l’érection.

3- Forme prépubère :

S’accompagnant d’un retard de croissance et d’une perte de poids rapide, elle est marquée par une proportion élevée de garçons, des antécédents de troubles des conduites alimentaires dans l’enfance, de fréquents épisodes dépressifs, un pronostic plus grave.

4- Formes tardives :

Survenant après l’adolescence, souvent lors du mariage ou de la naissance du premier enfant, elles s’associent souvent à des éléments dépressifs.

Précédées de périodes anorexiques méconnues à l’adolescence, elles tendent à devenir chroniques, avec l’apparition de phobies et d’un vécu paranoïde.

C - Diagnostic positif :

Le diagnostic ne repose que sur l’anamnèse et l’examen clinique.

Les critères diagnostiques retenus par le DSM IV (diagnostic and statistical manual) sont les suivants :

– refus de maintenir le poids au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal (< 85 % du poids attendu) pour l’âge et la taille ;

– peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale ;

– altération de la perception du poids ou de l’apparence corporelle, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, déni de la gravité de la maigreur ;

– aménorrhée chez les femmes pubères (absence d’au moins 3 cycles menstruels consécutifs ou règles ne survenant qu’après l’administration d’hormones).

D - Diagnostic différentiel :

• Affections somatiques : on peut discuter certaines maladies endocriniennes (panhypopituitarisme et maladie d’Addison), les tumeurs du système nerveux central (SNC), la maladie de Crohn, la tuberculose, un cancer devant une anorexie avec amaigrissement, mais la présence de l’aménorrhée et les caractéristiques du comportement alimentaire permettent le diagnostic.

• Affections psychiatriques : délire d’empoisonnement avec restriction alimentaire d’une psychose ou de la mélancolie délirante, phobies alimentaires.

E - Évolution et pronostic :

La gravité potentielle de l’anorexie mentale doit toujours être prise au sérieux.

On reconnaît un tiers d’évolutions favorables, un tiers d’intermédiaires et un tiers de défavorables.

Si le poids et les conduites alimentaires se normalisent dans 80 % des cas et les règles réapparaissent dans 70 % à 10 ans, l’état psychologique n’est jugé satisfaisant que dans 50 % des cas et la mort survient entre 5 et 10 % (par dénutrition, suicide, trouble biologique).

La guérison est un processus lent, rarement inférieur à 4 ans (délai charnière bien souvent), hormis pour des formes mineures réactionnelles.

Le retour des règles semble de bon pronostic.

Les rechutes sont fréquentes (environ 50 % des cas), pas forcément de mauvais pronostic, notamment au début.

Le déni des troubles constitue un facteur de mauvais pronostic, surtout après 4 ans.

Le risque de chronicité est sérieux, avec cachexie, mise en danger vital et restriction de la vie affective et sociale.

Divers troubles psychiatriques peuvent survenir au cours ou dans les suites d’une anorexie mentale [dépression dans 70 %, phobies invalidantes et troubles obsessionnels compulsifs (TOC) dans 65 %].

Boulimie :

A - Clinique :

La boulimie correspond à une consommation exagérée d’aliments, avec perte du contrôle des prises, rapidement, sans rapport avec la sensation de faim.

La forme compulsive normopondérale ou souvent à poids bas, évoluant par accès avec vomissements, est caractéristique.

Il existe des formes avec surpoids.

1- Accès boulimique :

De début brutal avec faim impérieuse, il se déroule d’un seul tenant.

L’ingurgitation massive et rapide d’aliments tout venant ou choisis pour leurs caractères caloriques ou bourratifs se fait sans discontinuité, en cachette et en dehors des repas, souvent en fin de journée et après préparation de l’accès (achat de nourriture), en réponse à un sentiment de solitude que la crise aggrave.

L’accès est suivi de vomissements provoqués qui deviennent automatiques avec le temps, puis d’un état de torpeur, voire de dépersonnalisation, avec douleurs abdominales et sentiment de culpabilité.

Malgré la conscience du trouble, ce malaise sera annulé et la conduite répétée.

La fréquence des accès varie de 1 ou 2 par semaine à 15 accès quotidiens (état de mal boulimique), par périodes avec intervalles libres.

Ce scénario type connaît de nombreuses variantes.

2- Aspects psychologiques :

La préoccupation obsédante du poids et des formes, sans distorsion massive de la perception du corps, n’entraîne pas chez la personne boulimique le renoncement et la maîtrise de l’anorexique.

Les accès s’accompagnent de pratiques alimentaires chaotiques, il n’y a plus de repas mais une alternance de conduites automatisées associant restriction, purge et gavage.

Dans 35 % des cas, s’installent des périodes anorexiques.

La peur de grossir est contrôlée par les vomissements provoqués, des mâchonnements interminables, la prise de médicaments (laxatifs, diurétiques, anorexigènes) et l’hyperactivité sportive.

Si l’accès apparaît l’élément central, il n’est en fait que l’expression d’une désorganisation globale des repères alimentaires et relationnels.

L’isolement affectif est habituel.

Les relations restreintes sont marquées par une revendication d’indépendance mais vécues dans la dépendance.

La boulimie peut s’associer à d’autres troubles impulsifs (boulimie d’achats et sexuelle, abus d’alcool et de toxiques, kleptomanie, tentatives de suicide à répétition) et à des éléments dépressifs.

3- Signes somatiques :

Ils se traduisent par :

– des troubles du cycle menstruel (30 %), même en cas de poids normal (aménorrhée, dysménorrhées et ménométrorragies) ;

– une hypertrophie des parotides et des sous-maxillaires ;

– des lésions bucco-dentaires, graves et peu réversibles (gingivites, stomatites, caries) ;

– des marques du dos de la main liées aux manoeuvres « doigts dans la bouche » ;

– des oesophagites, gastrites, reflux gastro-oesophagien et syndrome de Mallory-Weiss ; de façon exceptionnelle des dilatations gastriques aiguës et ruptures gastro-intestinales ;

– des troubles métaboliques d’intensité variable, surtout alcalose hypochlorémique, hypokaliémie, déshydratation extracellulaire, à l’origine de lipothymies, asthénie, crampes et troubles du rythme cardiaque (hypokaliémie) ;

– de rares pneumopathies d’inhalation ;

– des conséquences des automédications : aggravation des troubles métaboliques, symptomatologie digestive et osseuse de la maladie des laxatifs.

B - Diagnostic positif :

Les principaux critères diagnostiques de boulimie retenus par le DSM IV sont les suivants :

– survenue récurrente de crises de boulimie (absorption en un temps limité de larges quantités de nourriture avec sentiment de perte du contrôle du comportement alimentaire pendant la crise) ;

– comportements compensatoires visant à prévenir la prise de poids (vomissements provoqués, laxatifs, diurétiques, jeûne, exercice physique excessif) ;

– crises de boulimie et comportements compensatoires survenant au moins 2 fois par semaine pendant 3 mois ;

– estime de soi excessivement influencée par l’apparence corporelle et le poids ;

– trouble ne survenant pas exclusivement pendant les périodes d’anorexie mentale.

C - Diagnostic différentiel :

On discute, sans difficulté, les fringales, le grignotage et l’hyperphagie sans accès boulimique de certains sujets, notamment obèses, et les anomalies des conduites alimentaires rencontrées en psychiatrie (schizophrénies, prise de neuroleptiques) et en neurologie (séquelles de traumatismes crâniens, oligophrénies, démences, tumeurs cérébrales, épilepsie temporale).

D - Évolution et pronostic :

Peu d’informations sont disponibles en raison de l’individualisation récente de ce syndrome (Russel, 1979).

Cependant, une tendance se dégage : évolution très chaotique avec alternance de périodes pathologiques et de rémissions, chronicité dans environ un tiers des cas, retentissement socio-affectif important.

Les facteurs prédictifs positifs sont l’intensité moindre du caractère compulsif et de la perturbation de l’image du corps, la persistance d’un environnement étayant.

Les décompensations dépressives et les antécédents d’alcoolisme, de tentatives de suicide sont péjoratifs.

Facteurs étiopathogéniques :

Les facteurs psychopathologiques prévalent mais ne sont pas exclusifs.

A - Psychopathologie individuelle :

1- Approche psychanalytique :

Deux grandes conceptions psychodynamiques se complètent.

La 1re hypothèse est centrée sur le conflit pulsionnel au sein du sujet : l’évitement de la sexualité génitale s’accompagne d’un déplacement des représentations génitales sur la sphère orale, les conduites alimentaires se trouvant érotisées et conflictualisées (manger est l’objet d’un puissant désir contrarié).

Les relations antérieures au stade génital sont réactivées.

Les fixations anales expliquent les rites alimentaires, les pensées obsédantes et les vérifications, le surinvestissement de la maîtrise, de l’intellectualisation et de l’activité musculaire.

Sont rattachées à l’oralité l’inhibition de l’incorporation, les relations en tout ou rien et l’insatiabilité.

Les vomissements renvoient à la fois à des aspects oraux et anaux.

La seconde hypothèse est centrée sur les failles narcissiques de la personnalité et la fragilité identitaire.

La compréhension est axée non plus sur le conflit pulsionnel intrapsychique mais sur les conduites adoptées en réponse au traumatisme pubertaire.

La puberté nécessite une adaptation profonde du sujet qui doit accepter son corps transformé, se détacher des figures parentales et choisir de nouveaux objets d’amour.

Ce travail psychique amène théraamène l’adolescent à un mouvement paradoxal : à la fois une attirance nécessaire pour les nouveaux objets désirés, et une régression dite narcissique sur les objets internalisés pendant l’enfance, qui constituent la base de la personnalité et une sécurité pour l’adolescent en train de changer d’objets d’investissement.

Quand les objets internalisés ne sont pas sécurisants, l’adolescent ne peut effectuer de façon heureuse ce travail psychique : la régression ne rencontre aucune butée solide, l’adolescent se cramponne alors aux objets sécurisants externes (les parents) et aux sensations procurées par des néoobjets (nourriture, toxiques) les remplaçant et mettant en jeu le corps.

La dépendance devient un cercle vicieux : le comportement se mécanise et se renforce, l’activité fantasmatique disparaît.

Les troubles des conduites alimentaires sont ainsi rattachés aux troubles dits addictifs, conduites autodestructrices symptomatiques d’une problématique de dépendance mettant en jeu des agirs corporels qui se répètent en lieu et place de la mentalisation du processus de séparation propre à l’adolescence.

2- Approche cognitivo-comportementale :

Cette conception se base sur la contre-régulation alimentaire (suite à un repas riche s’ensuit un repas riche dans la boulimie, et inversement pour l’anorexie) qui reposerait sur des facteurs cognitifs et expliquerait les cycles répétitifs de séquences cognitives pathogènes de restriction ou d’accès boulimiques.

B - Psychopathologie familiale :

Les facteurs psychopathologiques individuels agissent en interaction avec les facteurs familiaux qui ont un rôle essentiel dans la genèse des troubles.

1- Approche psychanalytique :

Elle insiste sur l’organisation de la personnalité en fonction de celle des parents pendant la petite enfance.

Les mères, dominantes dans le couple, présenteraient souvent des manifestations dépressives lors de l’enfance de la future anorexique, d’où un étayage affectif précoce insuffisant et le rôle consolateur de l’enfant qui est décrit comme calme, ne s’opposant jamais, se conformant aux désirs parentaux.

Elles refouleraient la sphère affective, privilégiant les performances sociales de l’enfant.

L’enfant et sa mère vivent dans une dépendance mutuelle installée dès l’enfance.

Les pères sont décrits comme effacés, encore plus en difficulté que les mères.

Fréquemment déprimés dans les mois précédant la survenue des troubles, ils présentent des problèmes d’identité car dominent chez eux les identifications féminines d’où leur caractère maternant et séducteur, ainsi que leur grande difficulté à occuper la place de tiers structurant dans le conflit oedipien réactivé à l’adolescence (position dite contre-oedipienne).

Le fonctionnement familial est marqué par un repli face au monde extérieur et l’évitement des conflits internes. L’impulsivité caractérise les familles de boulimiques.

2- Approche systémique :

Elle ne cherche pas à relier les troubles à l’histoire familiale mais vise à élucider les modalités actuelles de communication et d’organisation de la famille.

Le malade désigné traduit une modalité particulière d’interaction familiale.

Ainsi, pour éviter un conflit de couple insurmontable, les parents transforment leur difficulté en problème d’un de leurs enfants.

Le dysfonctionnement familial est marqué par un enchevêtrement des liens et une absence d’autonomie de chaque membre, des comportements de surprotection et une intolérance à tout conflit.

La communication est souvent paradoxale et objet de ruptures.

C - Facteurs biologiques :

Plusieurs systèmes de neuromédiateurs sont impliqués dans les troubles des conduites alimentaires.

La voie sérotoninergique régule l’alimentation au niveau hypothalamique, avec un rôle sur le pondérostat, la régulation de la satiété, la baisse des prises caloriques et glucidiques.

L’hypothèse hyposérotoninergique est avancée pour la boulimie.

La voie dite du plaisir concerne les troubles des conduites alimentaires, surtout l’anorexie, par l’intermédiaire d’une stimulation dopaminergique mésolimbique du circuit de récompense qui fait intervenir les opioïdes endogènes.

D - Facteurs socioculturels :

Ils renforcent les facteurs psychopathologiques.

Notre société valorise actuellement la maîtrise du corps (idéal de minceur) et le côté « battant », donc les performances scolaires et sportives au détriment des échanges affectifs.

Les troubles des conduites alimentaires sont plus fréquents dans les classes moyennes et supérieures et dans les activités sportives insistant sur la minceur (danse, marathon, gymnastique).

Modalités thérapeutiques :

A - Objectifs et principes du traitement :

Le traitement vise la rupture du cercle vicieux de dépendance, la disparition de la conduite symptomatique et un remaniement de la personnalité et des rapports familiaux permettant la prise d’autonomie psychique et concrète du patient.

Le soin ne se conçoit que dans la durée (plusieurs années), aux doubles niveaux somatique et psychologique.

Il n’existe pas de solution thérapeutique univoque et immédiate.

L’adhésion aux soins par la patiente et sa famille est parfois longue en raison du déni des troubles.

Aux mesures prises en urgence, on préfère la recherche d’une alliance thérapeutique et l’élaboration du cadre de soin le plus adapté.

C’est souvent le médecin de première ligne (généraliste, interniste) qui met en place un premier cadre thérapeutique.

Ce cadre comporte des consultations médicales régulières (surveillance nutritionnelle et des fonctions vitales, évaluation de la situation familiale, soutien à une démarche psychothérapique et aux parents), des conseils nutritionnels (par le médecin ou une diététicienne, dans un esprit non rationalisant), un soutien psychothérapique individuel (ou familial initial en cas d’un déni massif chez la patiente de ses troubles) qui permet progressivement une prise de conscience des difficultés émotionnelles, surtout quand l’état somatique s’aggrave et l’isolement socio-familial s’accroît.

Ce cadre initial assurant précocement une prise en charge bifocale (médicale et psychologique) permet le soin de nombreuses anorexiques ou boulimiques en ambulatoire strict.

Parfois, malgré ce cadre ou parce que la situation est dépassée, le recours à une équipe psychiatrique s’avère nécessaire.

Un principe fondamental du soin hospitalier est la diversité des intervenants et des approches.

Les prises en charge bi- ou plurifocales sont en effet indiquées pour ne pas recréer un lien de dépendance exclusif dangereux pour le patient.

Les approches diversifiées permettent des investissements variés qui prennent en compte à la fois le corps et le psychisme.

Ces mesures comprennent des approches somatiques, psychothérapiques, cognitivocomportementales et sociales (lieu de vie en relais du domicile parental).

Faisant intervenir plusieurs soignants, elles nécessitent une personne référante qui assure leur cohérence et passe le contrat thérapeutique avec la patiente et sa famille.

Après évaluation de l’état somatique et psychosocial, des objectifs thérapeutiques larges sont déterminés et consignés dans le contrat.

Ce contrat repose sur des engagements mutuels : au patient de suivre les objectifs et conditions fixés, aux soignants d’être garants de la continuité de l’espace de soin.

Le contrat fixe le cadre de soins (mesures adoptées, séparation d’avec la famille si c’est un temps plein), des objectifs somatiques (niveau de reprise de poids en cas d’anorexie) mais aussi psychologiques (réflexion sur le sens du symptôme et la place dans la famille).

Le contrat est fixé pour une période donnée et reconsidéré en fonction de l’évolution.

Le contrat occupe une fonction de tiers entre les soignants et le patient, il détermine un cadre de réassurance pour l’adolescent submergé par ces difficultés, surtout il constitue une butée qui permet une remise en route de la mentalisation.

Les patients se rebellent ainsi fréquemment contre les mesures et objectifs fixés et vivent enfin des conflits structurants qu’ils n’ont jamais pu expérimenter.

Ce cadre de soin plurifocal est mis en place soit au cours d’une hospitalisation temps plein (laquelle n’est pas systématique), soit en hôpital de jour (plusieurs journées par semaine) ou en ambulatoire (prises en charge ponctuelles dans la semaine).

B - Recours à l’équipe hospitalière : hospitalisation ou traitement ambulatoire

L’hospitalisation temps plein est indiquée en cas de risque somatique vital, surtout en cas d’anorexies.

Elle a lieu en milieu médical, voire en réanimation, mais aussi au sein d’unités psychiatriques spécialisées.

La réalimentation peut être une urgence (nutrition entérale temporaire parfois nécessaire).

Un suivi psychologique est engagé même à ce stade pour éviter la seule reprise artificielle du poids.

Le temps plein sera ailleurs contractuel en réponse au retentissement physique grave d’une anorexie ou à la déstructuration massive d’une boulimie (accès fréquents, désarroi familial, dépression sévère).

Outre la dimension de sevrage (du jeûne, des accès), elle permet une restauration corporelle et narcissique.

La séparation familiale qu’elle implique vise à travailler le processus d’individuation.

Les modalités de séparation changent actuellement : séparation moins longue et partielle, prédilection pour la thérapie familiale.

Les situations moins graves d’anorexie et la majorité des boulimies relèvent de mesures institutionnelles séquentielles (hôpital de jour et traitement ambulatoire hospitalier, parfois intensif).

En plein développement actuellement, elles prennent souvent le relais de l’hospitalisation temps plein ou parfois la préparent (en cas de déni massif).

C - Mesures thérapeutiques diversifiées :

Les mesures alimentaires comprennent une renutrition par palier, avec fractionnement et accompagnement des repas puis diversification progressive des aliments en cas d’anorexie, un recadrage des quantités et des rythmes pour les boulimiques.

L’abord cognitivo-comportemental associe le travail sur les croyances alimentaires irrationnelles, les informations nutritionnelles (surtout pour la boulimie) et des stratégies de contrôle du poids et de l’alimentation (à l’aide de cahiers alimentaires).

Les troubles de l’image du corps sont abordés grâce au miroir et à la vidéo.

Les techniques de déconditionnement et d’exposition (aux aliments exclus) peuvent être utilisées.

La psychothérapie peut être de soutien, le plus souvent d’inspiration psychanalytique.

Elle est utilement préparée par des approches corporelles et de groupe (activités créatrices, psychodrame), moins dangereuses que la relation duelle.

Les thérapies corporelles utilisent la relaxation, les massages ou bains.

Les activités de groupe permettent aux patients de retrouver du plaisir à leur insu et d’expérimenter, sans menace personnelle, une relance émotionnelle en s’appuyant sur le groupe.

Le travail thérapeutique avec la famille est important pour renforcer l’alliance et soutenir le processus de séparation-individuation.

Il utilise les thérapies analytiques ou systémiques, ou des groupes de parents.

La place des psychotropes est limitée car sans efficacité directe sur les troubles des conduites alimentaires.

On les utilise en appoint : anxiolytiques et neuroleptiques sédatifs à dose filée en cas de débordement anxieux dans l’anorexie mais mal tolérés en raison du faible poids, antidépresseurs sérotoninergiques (type paroxétine, Deroxat) en cas de boulimie avec dépression sévère mais nombreux effets secondaires (digestifs).

Le suivi somatique doit être régulier.

Les traitements hormonaux sont fonction du bilan ostéodensimétrique (supplémentation en calcium de 1 g/j associée à la vitamine D, oestrogènes substitutifs).

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