Anopexie circulaire dans le traitement des hémorroïdes : technique de Longo Cours de Chirurgie
Introduction
:
Depuis Milligan et Morgan (1937), l’hémorroïdectomie pédiculaire
est le traitement chirurgical de référence de la pathologie
hémorroïdaire.
Introduite en France il y a maintenant 18 mois,
l’anopexie mécanique circulaire a été proposée dans le traitement de
la pathologie hémorroïdaire par A Longo en 1994.
Elle procède
d’un principe totalement différent en préservant l’anatomie du canal
anal, contrairement aux techniques classiques d’hémorroïdectomies
pédiculaires.
Elle a un double objectif, d’une part assurer une
ligature circulaire complète des pédicules vasculaires muqueux et sous-muqueux des hémorroïdes internes et d’autre part corriger le
prolapsus muqueux en réalisant une résection de la muqueuse
procidente immédiatement au-dessus du canal anal, en zone de
sensibilité réduite ou nulle.
Il ne s’agit plus d’hémorroïdectomie
puisque les hémorroïdes externes et internes sont préservées, mais
d’une réduction du prolapsus muqueux dans le canal anal,
véritable anopexie, associée à une diminution de l’apport sanguin
aux hémorroïdes.
Technique récente dont l’efficacité immédiate sur
la réduction du prolapsus en fait une indication de choix pour la
pathologie hémorroïdaire de stade III, elle nécessite, du fait de son
introduction récente, une évaluation plus complète, notamment pour
ses résultats à long terme et pour le coût immédiat qu’elle induit,
liée à l’utilisation d’une pince mécanique à usage unique.
Déjà, la
publication des premières études contrôlées met en évidence
pour le patient les bénéfices immédiats de cette nouvelle technique.
Matériels
:
Le type de pince utilisé est une agrafeuse circulaire à usage unique
dont le diamètre minimal doit être de 24 mm et qui utilise des agrafes de type vasculaire fermant à 1 mm pour assurer une bonne
hémostase.
Plusieurs pinces sont disponibles sur le marché, certaines
sont utilisées depuis longtemps pour la chirurgie colorectale ; une,
plus récente, est plus adaptée à ce type d’intervention.
L’utilisation
de ces pinces peut être différente en fonction de la morphologie du
patient et de l’importance de son prolapsus hémorroïdaire.
Technique opératoire
:
A - PRINCIPES GÉNÉRAUX
:
Le patient est opéré en position de la taille.
Le type d’anesthésie est variable : générale, locorégionale ou bloc
périnéal.
1- Exposition de la ligne pectinée et hauteur de la bourse
:
Après une dilatation progressive du canal anal, la ligne pectinée est
repérée, soit par éversion du canal anal, facilement en cas de gros
prolapsus, soit après mise en place d’un dilatateur.
Le niveau de
confection de la bourse est situé à au moins 5 cm au-dessus de la
ligne pectinée, toujours au-dessus des paquets hémorroïdaires
internes.
La bourse est confectionnée à l’extrémité supérieure du
canal anal, quasiment dans l’ampoule rectale, juste au-dessus
de la saillie des releveurs de l’anus.
En cas de prolapsus important,
le glissement de la muqueuse anale vers le bas et son extériorisation
modifient les repères anatomiques et la mise en place de la bourse
est fonction du matériel utilisé.
Dans tous les cas, quelle
que soit la méthode d’exposition du canal anal, le repérage de la
ligne pectinée sur toute sa circonférence est essentiel durant le temps
de confection de la bourse.
2- Confection de la bourse
:
La bourse est confectionnée quadrant par quadrant avec des prises
régulièrement espacées sans intervalle de muqueuse libre, prenant en profondeur muqueuse et sous-muqueuse uniquement.
Une prise
trop profonde prenant la paroi musculaire exposerait à la résection
de celle-ci et au risque de sténose après section et agrafage.
Réalisée
avec un fil monobrin 00, elle doit s’efforcer d’être située toujours
dans le même plan, la fin de la bourse revenant à son point de
départ.
Rester dans le même plan évite les bourses tangentielles se
rapprochant de la ligne pectinée.
3- Mise en place de la pince et serrage de la bourse
:
La pince est introduite en position d’ouverture maximale dans l’axe
du canal anal, la tête de la pince est poussée jusqu’au relief du
sacrum.
Avant le serrage de la bourse, la traction du fil permet de
tendre le diaphragme muqueux et de s’assurer que la tête de la pince
est bien au-dessus de celui-ci.
Le serrage du fil de la bourse peut
alors s’effectuer, le doigt qui descend sur le noeud contrôle la mise
en tension de la muqueuse, formant un diaphragme autour de l’axe
de la pince.
4- Serrage de la pince et agrafage
:
Le serrage de la pince doit se faire sans traction, en évitant d’attirer
celle-ci vers l’extérieur.
Le serrage doit être progressif en s’assurant
de ne pas pincer les hémorroïdes externes et la ligne pectinée.
Celle-ci franchie, il se continue jusqu’à son terme, permettant un
repositionnement des paquets hémorroïdaires dans le canal anal,
réalisant ainsi une véritable anopexie.
Il doit être enfin
maximal pour assurer une bonne hémostase de la ligne d’agrafes.
La section et l’agrafage peuvent alors être réalisés par la pince
circulaire.
Certains conseillent, pour assurer l’hémostase, de
maintenir la pression sur la pince après agrafage durant 30 secondes.
Puis la pince est desserrée de trois tours et retirée.
La vérification de
la collerette de muqueuse réséquée porte sur son caractère complet
circulaire, sa régularité et sa largeur d’au moins 2 cm.
Une analyse
anatomopathologique peut utilement vérifier le caractère glandulaire
de la muqueuse réséquée et l’absence de fibres musculaires
provenant de la paroi rectale.
5- Contrôle de la ligne de sutures
:
Après une nouvelle exposition du canal anal, on vérifie que la ligne
de suture est à au moins 2 cm de la ligne pectinée ainsi que son
hémostase.
En cas de saignement artériolaire, l’hémostase
peut être effectuée par un point à l’aiguille sertie.
B - VARIANTES TECHNIQUES
:
1- Utilisation du kit PPH 01
:
L’introduction sur le marché d’une pince déjà largement diffusée et
adaptée à ce type d’intervention modifie certains points de la
technique. Elle est conçue pour protéger l’appareil sphinctérien et
facilite la résection du prolapsus en attirant celui-ci dans le corps de
la pince.
Cependant, en modifiant les repères habituels de la
chirurgie proctologique, sa mauvaise utilisation peut conduire plus
facilement aux risques de sutures sur la ligne pectinée ou de sténose
après résection-suture de l’ensemble de la paroi rectale.
L’exposition opératoire est modifiée par l’introduction du dilatateur.
Celle-ci nécessite une dilatation longue et progressive du sphincter.
Longo réalise un véritable massage périnéal de plusieurs minutes
avant son introduction.
Cependant, dans certains cas,
essentiellement chez les hommes au bassin étroit avec des
tubérosités ischiatiques rapprochées, l’introduction est incomplète et
peut donner un sentiment de fausse sécurité car le dilatateur
repousse vers le haut la partie basse du canal anal et la ligne
pectinée, avec un risque de réaliser la bourse à quelques centimètres
à peine de la ligne pectinée.
Toute introduction difficile du dilatateur
risque non seulement de modifier les repères anatomiques, mais
peut également être à l’origine de microtraumatisme du sphincter
ou de douleur postopératoire par une dilatation trop brutale de
l’anus.
Il faut alors préférer une exposition plus traditionnelle de
type proctologique en éversant le canal anal par traction externe des
paquets hémorroïdaires externes.
L’anuscope permet facilement la confection de la bourse ; muni
d’ailettes externes, il suit la progression du faufilage quadrant par
quadrant ; sa hauteur, de 6 cm jusqu’à sa partie incurvée, permet de
bien positionner la bourse.
Après la confection de la bourse, la pince introduite en position
d’ouverture maximale, un premier noeud est réalisé sur l’axe de la
tige, celui-ci est relativement lâche afin de permettre au prolapsus
muqueux de glisser dans le corps de la pince au moment de la
traction du fil à l’extérieur.
En effet, un deuxième noeud est réalisé à
l’extérieur de la pince, réunissant les deux brins du fil de la bourse
passés dans les deux échancrures du corps de la pince.
C’est la
traction donnée au fil ainsi noué qui conditionne le glissement du
prolapsus dans le corps de la pince qui est, progressivement et dans
le même temps, serrée sur l’enclume.
Cette étape conditionne
l’importance du prolapsus réséqué, une traction trop importante
risquant d’entraîner et donc d’agrafer de la paroi rectale.
En raison
de ce risque et en cas de prolapsus modéré, seul le premier noeud
serré sur l’axe de la pince doit être fait sans utiliser le mécanisme de
traction.
Par ailleurs, le mécanisme de traction peut être à l’origine d’une
résection circulaire asymétrique ; en cas de traction importante, il
est donc parfois utile de confectionner une deuxième bourse
symétrique au même niveau ou deux hémibourses pour répartir les
forces de traction.
2- Utilisation des autres pinces circulaires
:
L’introduction de la pince s’effectue sur un canal éversé par
l’exposition proctologique.
La bourse est serrée sur l’axe de la tige.
La pince est serrée progressivement jusqu’à la ligne pectinée. Puis,
la traction des paquets externes doit être relâchée et la pince poussée
dans l’axe du canal anal tout en continuant le serrage.
Cette
manoeuvre permet de réduire ainsi le prolapsus et de réintégrer les
hémorroïdes dans le canal anal.
En cas de gros prolapsus, afin de réséquer plus de muqueuse, il est
parfois nécessaire de confectionner une deuxième bourse à 2 ou 3 cm
de la première, sans se rapprocher de la ligne pectinée.
Cette
manoeuvre peut être facilitée, la première bourse étant nouée, en
tirant la pince vers l’extérieur, faisant ainsi glisser en dehors le
prolapsus et permettant de mieux contrôler le niveau de la deuxième
bourse.
3- Gestes associés
:
La technique de l’anopexie circulaire ne permet pas de résoudre la
pathologie hémorroïdaire externe telle que les thromboses ou la
présence de marisques proéminentes.
Dans ces cas, l’association
d’un geste d’excision limité sur les paquets externes à la résection
du prolapsus muqueux à la pince mécanique est possible.
Elle
permet ainsi de limiter le traumatisme chirurgical au versant cutané
de l’anus sans risque de sténose ou de troubles sensitifs.
Ces gestes
associés peuvent être faits préférentiellement dans le même temps
opératoire ou secondairement sous anesthésie locale en cas de
marisques résiduelles gênant le patient.
Avantages et inconvénients
de la technique
:
Les avantages de la technique sont liés au respect de toute la partie
sensible du canal anal, zone cutanée, épithélium transitionnel,
coussinets hémorroïdaires de Thomson, et à l’absence de plaie
opératoire.
Le risque d’hypocontinence, de mauvaise discrimination
des matières et des gaz est théoriquement limité.
De plus, les suites
postopératoires plus simples, avec une diminution notable de la
douleur en l’absence de plaie, des exonérations, sources d’angoisse
pour le patient, plus simples, l’absence de suintements toujours
gênants représentent le principal intérêt de la technique.
Cela se
traduit par un meilleur confort du patient, une hospitalisation
réduite, l’absence de soins postopératoires, une reprise d’activité
plus rapide.
L’inconvénient le plus important est sans doute l’absence
d’évaluation à long terme de la technique, le recul encore insuffisant
ne permet pas de prédire si la correction du prolapsus sera durable
après plusieurs années.
Si la morbidité de la technique est comparable à celle de la chirurgie
hémorroïdaire classique, elle se caractérise par des complications ou
des événements indésirables spécifiques :
– le risque de sténose au niveau de la ligne de suture, le plus
souvent dilatable, vraisemblablement lié à une prise trop profonde
de la paroi musculaire ;
– les saignements postopératoires de la ligne de suture nécessitant
un contrôle scrupuleux de l’hémostase de la ligne d’agrafes en fin
d’intervention ;
– des douleurs prolongées en postopératoire pouvant durer
quelques jours, se manifestant sous la forme de ténesme ou
d’épreintes, vraisemblablement liées à la dilatation anale ou à la
résection muqueuse trop près de la ligne pectinée.
Commentaires
:
Le principe de l’intervention est lié à la double notion pathogénique
de la maladie hémorroïdaire : le facteur vasculaire par l’importance
du flux sanguin dans le développement des hémorroïdes, le facteur mécanique avec pour conséquence l’élongation des ligaments de Parks et de Treitz à l’origine des prolapsus muqueux.
En supprimant
l’apport sanguin sous-muqueux des hémorroïdes et en réséquant
l’excédant muqueux, l’intervention de Longo répond à ces deux
objectifs.
Pratiquée depuis 5 ans par son promoteur, les résultats immédiats
de cette nouvelle technique semblent être confirmés.
De morbidité
acceptable, elle procure un bénéfice évident pour le patient pour la
simplicité des suites opératoires, la réduction des douleurs, le gain
en journée d’hospitalisation et la reprise rapide d’une activité
professionnelle ou sociale.
Les résultats à court terme sur les
symptômes et la correction anatomique sont comparables à la
chirurgie classique.
La série de Longo, 300 cas (165 avec un recul
supérieur à 2 ans), rapporte de très bons résultats avec une
morbidité quasi nulle et une absence de récidive et de sténose.
L’expérience de l’auteur permet de penser que outre le bénéfice
immédiat que procure cette nouvelle méthode chirurgicale, les
résultats à long terme peuvent être comparables aux résultats de la
chirurgie classique.
Par ailleurs, le risque potentiel de troubles
sensitifs de la muqueuse du canal anal et le risque de lésions
sphinctériennes à l’origine de troubles de la continence seraient
supprimés.
L’efficacité de la technique et les bénéfices immédiats apportés aux
patients ont été confirmés par plusieurs études non contrôlées en
Europe, dont une étude multicentrique française en 1998.
Depuis,
plusieurs études contrôlées ont démarré, dont un essai prospectif
d’évaluation fonctionnelle par la Société nationale française de Coloproctologie, comparant les résultats de l’anopexie mécanique à
l’hémorroïdectomie pédiculaire.
Récemment, les premiers résultats
de deux études contrôlées britanniques ont été publiés ; ils
confirment les bénéfices apportés aux patients : diminution
significative de la douleur postopératoire, réduction de la durée
d’hospitalisation et retour significativement plus rapide du patient à
une activité normale.
La qualité du résultat dépendant du geste technique, il nous paraît
bon de rappeler ces points essentiels :
– la hauteur de la bourse doit se situer à au moins 5 cm de la ligne
pectinée, toujours au-dessus des paquets hémorroïdaires internes
qui ne sont pas réséqués ;
– une fois la pince serrée, s’assurer du bon repositionnement des
paquets hémorroïdaires dans le canal anal ; une deuxième bourse
est parfois nécessaire en cas de gros prolapsus et d’une réduction
incomplète ;
– une prise trop profonde ou une traction trop prononcée dans le
corps de la pince expose à la section-suture de l’ensemble de la paroi
rectale et au risque de sténose ;
– un contrôle scrupuleux en fin d’intervention du niveau de la ligne
d’agrafes, au moins 2 cm au-dessus de la ligne pectinée, et de son
hémostase qui nécessite parfois d’être complétée.
Enfin, la qualité du résultat dépend certainement du choix des
indications.
S’il est parfois difficile de s’entendre sur l’interprétation
des stades pathologiques de la maladie hémorroïdaire, il nous paraît
plus simple de définir le profil du patient idéal pour cette nouvelle
technique.
Il s’agit le plus souvent d’un patient se plaignant d’une
gêne à l’anus, marquée par un prolapsus hémorroïdaire
s’extériorisant spontanément ou à la poussée, présentant des
douleurs et des suintements parfois aggravés par des épisodes de
saignement au moment de la selle.
Les complications aiguës
(thromboses externes, gros oedèmes) nous semblent encore relever
d’une hémorroïdectomie pédiculaire.
Les premiers résultats des études contrôlées mettant en évidence une
amélioration très significative pour les patients des suites
opératoires, incitent dès à présent à proposer l’anopexie mécanique
chez des patients sélectionnés comme une alternative positive à
l’hémorroïdectomie pédiculaire.